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Full text of "Archives de zoologie expérimentale et générale"

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ARCHIVES 


LOOLOGIE EXPERIMENTALE 


ET GÉNÉRALE 


ARCHIVES 


DE 


LOOLOGIE EXPERIMENTALE 


ET GÉNÉRALE 


HISTOIRE NATURELLE — MORPHOLOGIE — HISTOLOGIE 
ÉVOLUTION DES ANIMAUX 


PUBLIÉES SOUS:LA DIRECTION DE 


HENRI pe LAGAZE-DUTHIERS 


MEMBRE DE L'INSTITUT DE FRANCE 
PROFESSEUR A LA SORBONNE 


FONDATEUR ET DIRECTEUR DES LABORATOIRES DE ROSCOFF ET DE BANYULS-SUR-MER 
ET 


G. PRÜUVOT 


PROFESSEUR A L'UNIVERSITÉ DE GRENOBLE 
DÉLÉGUÉ SOUS-DIRECTEUR DES LABORATOIRES DE ZOOLOGIE PRATIQUE ET APPLIQUÉE 


DE LA SORBONNE 
TROISIÈME SÉRIE 


TOME SEPTIÈME 


1899 


PARIS 


LIBRAIRIE C. REIN WALD 
SCHLEICHER FRÈRES, ÉDITEURS 


15, RUE DES SAINTS-PÈRES, 15 


Tous droits réservés. 


ARCHIVES 


DE 


ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE 


PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE 


H. pe LACAZE-DUTHIERS ET G. PRUVOT 
Membre de l’Institut. Professeur à l'Université de Grenoble. 
3e SÉRIE, T. VIL. NOTES ET REVUE. No 1. 
[ 


LES PRÉTENDUS ORGANES PHAGOCYTAIRES 
DÉCRITS PAR KOULVETCH CHEZ LA BLATTE 


Par L. CUÉNOT, 
Professeur à l’Université de Nancy, 


Dans un travail paru en 1898 ‘, Koulvetch décrit chez la Blatte 
(Periplaneta orientalis L.) des organes lymphoïdes groupés par paires 
sur les côtés du cœur, au niveau des orifices cardiaques ; à la suite 
d'injections cœlomiques de carmin et de bactéries, ces organes se 
remplissent des substances injectées et sont ainsi mis en évidence : 
ce seraient donc des organes phagocytaires, comme ceux que Kowa- 
levsky et moi avons décrits chez les Grillons, Acridiens et Forficules,. 

Je regrette que Koulvetch n'ait pas connu mes mémoires anté- 
rieurs sur le même sujet, parus en 1895 et 1897 ?; il aurait pu y 
voir que la Blatte, de même que les Locustides et les Mantides, ne 
possède pas du tout d'organes phagocytaires. Lorsqu'on injecte du 
carmin dans le cælome, cette substance est capturée par les phago- 


1 KouLvercx, Sur la structure de la portion thoracique du système sanguin et des 
organes lymphoides chez Periplaneta orientalis (en russe) [ Travaux du laboratoire de 
zoologie de l’Université de Varsovie, 1898, p. 181]. 

2 CuÉNoT, Études physiologiques sur les Orthopières (Archives de biologie, t. XIV, 
1895, p.295). — Les globules sanguins et les organes lymphoïdes des Invertébrés (Archives 
d'anatomie microscopique, t. I, 1897, p. 153). 


ARCH, DE ZOOL, EXP. ET GEN. — 3 SÉRIEs = T, Vils 1899. À 


Il NOTES ET REVUE. 


cytes libres (jeunes amibocytes au stade II), errant dans le liquide 
sanguin; Ces phagocytes remplis de carmin s’agglomèrent souvent 
en nodules plus ou moins volumineux qui, par suite de leur poids, 
cessent d’être entraînés par le courant circulatoire et s'arrêtent en 
particulier dans les points où la circulation est ralentie par l’étroi- 
tesse des passages. On comprend très bien que ces plasmodes se ren- 
contrent en abondance aux environs du cœur et notamment au ni- 
veau des étroits orifices de cet organe, simulant ainsi des organes 
phagocytaires fixes. Si Koulvetch avait fait des coupes transversales 
de Blattes non injectées, il aurait pu se convaincre qu'il n’y a pas 
d’amas cellulaires fixes dans les régions où il trouve, après injection, 
des pseudo-organes phagocytaires ; d’ailleurs, la structure concen- 
trique qu'il a nettement représentée (fig. 3) dans ces nodules montre 
bien que ceux-ci sont formés par des phagocytes accolés les uns aux 
autres. 

Koulvetch n’est d’ailleurs pas le seul auteur qui aït fait une 
pareille erreur d'interprétation ; beaucoup des prétendus organes 
phagocytaires qui ont été signalés dans ces derniers temps sont tout 
simplement des embolies de phagocyies, chargés de granules solides, 
groupés en amas et arrêtés pour une raison mécanique: je Citerai,au 
hasard, les ramifications de l'artère hépatique chez l’Écrevisse (Saint- 
Hilaire), plusieurs des organes signalés par Cantacuzène chez divers 
Polychètes (sûrement ceux d’Arenicola marina L.), le rein gauche ou 
sac papillaire des frochus, la cavité du typhlosolis des Lumbri- 
cides, etc. Pour éviter une pareille erreur, il faut déceler les organes 
phagocytaires avec des injections d'encre de Chine, dont les grains 
excessivement fins forment moins d’embolies que le carmin, poudre 
lourde et grossière, et il est indispensable de toujours vérifier, sur 
des individus non injectés, s’il y a bien des amas cellulaires fixes aux 
points où l’on soupçonne des organes phagocytaires. 


Il 


CONTRIBUTION A LA MORPHOLOGIE GÉNÉRALE DES ANNÉLIDES ; 
LES APPENDICES SÉTIGÈRES CÉPHALIQUES DES TOMOPTÉRIDES, 
Par A. MaALAQUIN. 


La région antérieure du corps des Annélides, que l’on appelle 
tête, lobe ou segment céphalique, prostomium, ete., est l’objet d’inter- 


NOTES ET REVUE. IE 


prétations différentes : 4° cette région est morphologiquement dif- 
férente des métamères (anneaux, zoonites, segments, etc.), qui 
composent la région suivante (soma, métastomium, eic., Kleinem- 
berg, Meyer, Racovitza, etc.) ; 2 il n’y a aucune différence essen- 
tielle entre la région céphalique et la région somatique, et l’on 
retrouve dans la première la structure d’un métamère (ou de plu- 
sieurs, selon les auteurs) très modifié (Pruvot, Viguier, Hatschek, etc.). 
Il est donc important de rechercher les rapports el les différences de 
ces deux régions, tant au point de vue de la morphologie des Anné- 
lides qu’à celui des affinités que peut présenter ce groupe. 

Pour soutenir l'homologie de la région céphalique et des segments 
somatiques, j'ai invoqué, dans un mémoire antérieur ‘, une série de 
preuves, dont une des plus importantes est la suivante : le segment 
céphalique (des Annélides) peut porter des appendices ayant la forme 
de rames sétigères. Ce cas s’appliquait aux Z'omopteris. Ces Annélides 
pélagiques présentent deux longs appendices sétigères antérieurs 
(les seuls sétigères de l’adulte), dont l’innervation paraissait provenir 
du cerveau et que l’on croyait, pour cette raison, de nature cépha- 
lique. Mais d’après des recherches d'E. Meyer ?, les deux nerfs cé- 
phaliques que l’on croyait destinés aux appendices sétigères se 
rendraient aux organes sensoriels de la nuque, tandis que leur 
innervation proviendrait du deuxième ganglion de la chaîne ven- 
trale. Cette unique preuve de l'existence d’appendices sétigères, 
chez les Annélides, disparaissait. 

Dans ces deux interprétations, il n’est pas tenu compte d’une paire 
d’appendices plus antérieurs, également sétigères, signalés déjà an- 
ciennement par Claparède et Carpenter et revus depuis par d’autres 
auteurs. Ces appendices n'existent que chez les formes jeunes, et ils 
disparaissent avant l’âge adulte. L'étude des Z’omopteris jeunes m'a 
montré que ces appendices sétigères transitoires étaient les vrais 
appendices céphaliques. 

Pour déterminer la valeur morphologique des deux paires d’ap- 
pendices sétigères de la région antérieure des Tomopteris, il est 
essentiel de les étudier sur les individus où ils sont simultanément 
présents et d’en préciser : 4° les connexions : 2° l’innervation. 

I. Connexions. — Les Tomopteris jeunes, comptant moins de dix 


1 À. MaALAQUIN, Recherches sur les Syllidiens, 1893. 
2 E. Meyer, Ueber die Morphologische Bedeutung der borstentragenden « Fuhler- 
cirren » von T'omopteris (Biolog. Centralb., Bd. X, p. 506-507, 1890), 


IV NOTES ET REVUE. 


segments, permettent d'étudier les relations de la région antérieure 
du corps et de ses appendices, mieux que chez les adultes. Chez ces 
derniers, en effet, les grands appendices sétigères ont pris une telle 
‘extension, que leurs parties basilaires, considérablement élargies, 
s'étendent et se soudent en avant et dorsalement, recouvrant la ré- 
gion céphalique et modifiant les relations des parties qui la compo- 
sent. Chez les jeunes individus, au contraire, ces appendices séti- 
sères ont des dimensions plus réduites, leur partie basilaire reste 
latérale, et la région céphalique,-avec les yeux et les organes des 
sens nuchaux, en est nettement séparée. Celle-ci a l'aspect d’une 
masse quadrangulaire à peu près complètement remplie par le cer- 
veau, dont les neurones superficiels se mélangent et se confondent 
avec les éléments épidermiques ; elle précède les appendices dont il 
a été question, et elle porte en avant une partie en forme d’enclume 
ou de queue de Cétacé dont elle est séparée par un étranglement. 
Sur les côtés dorsaux et latéraux existent deux épaississements épi- 
théliaux ciliés s'étendant sur toute la longueur du cerveau; ce sont 
les organes sensoriels nuchaux. Tout à fait en avant de la masse céré- 
brale s’insèrent, latéro-ventralement, deux petits appendices munis 
d’une seule soie, et qui, par leur situation et leurs relations histolo- 
giques, émanent de l’épithélium céphalique. Mais, au lieu de se dé- 
velopper comme leurs congénères postérieurs, ces appendices cépha- 
liques s’atrophient : leurs soies tombent d’abord, puis les éléments 
épidermiques qui les forment exclusivement disparaissent à leur 
tour et l’on n’en retrouve plus trace chez l’adulte. 

En résumé, l’étude des jeunes Tomopteris démontre la présence 
d’une paire d'appendices sétigères céphaliques, dont l’existence est 
transitoire, et d’une paire d’appendices semblables post-céphaliques 
qui persistent chez l’adulte. 

IT. /nnervation. — Aucun nerf ne pénètre dans les appendices 
grêles antérieurs situés sur le cerveau. Mais ces organes, comme je 
viens de le dire, ne sont eux-mêmes qu’un prolongement, qu’une 
émanation de l’épiderme céphalique et en relation immédiate avec 
les neurones cérébraux superficiels. 

L'innervation des appendices sétigères postérieurs de la deuxième 
paire (lesseuls sétigères que possède l'adulte) a donné lieu auxinterpré- 
tations différentes indiquées plus haut. Chez les J'omopteris qui ne pos- 
sèdent encore que huit à dix segments, deux nerfs, s’insérant vers le 
milieu des connectifs œsophagiens, pénètrent dans la partie basilaire 


NOTES ET REVUE. v 


ventrale des appendices sétigères postérieurs, cheminent dans l’épi- 
thélium et se perdent dans le voisinage du bulbe sétigère. De plus, 
deux nerfs partent un peu en arrière du point de réunion des con- 
nectifs æsophagiens, et pénètrent dans la partie basilaire postérieure 
des mêmes appendices. Chez l’adulte, les nerfs issus des connectifs 
œsophagiens se développent beaucoup ; leur point d'insertion re- 
monte le long des connectifs œsophagiens, de sorte qu'ils paraissent 
émerger des angles postérieurs du cerveau. En réalité, il est tou- 
jours possible de préciser leur origine vraie sur les connectifs, et l’on 
peut suivre le trajet de ces nerfs, jusqu à l'épanouissement de leurs 
fibres, dans les muscles moteurs du bulbe sétigère. Quant à la se- 
conde paire de nerfs, elle reste grêle, et c'est probablement à celle-ci 
que Meyer fait allusion. 

Les relations nerveuses démontrent donc, de même que les con- 
nexions morphologiques, que la première paire d’appendices séti- 
gères transitoires est céphalique ; et que la seconde paire, définitive 
et persistante, est post-céphalique; son innervation par les connec- 
tifs en fait une dépendance du premier segment qui suit la tête, 
c'est-à-dire du segment dit {éntaculaire. | 

Les observations précédentes, appliquées à la morphologie géné- 
rale des Annélides chætopodes, permettent de tirer les conclusions 
suivantes, qui sont de deux ordres : 

41° Ontogénétiquement, la présence d'organes sétigères céphaliques, 
rudimentaires et transitoires, chez les Tomoptérides, indique que la 
région céphalique des Annélides a possédé primitivement des appen- 
dices de nature sétigère ; 

2° Morphologiquement, la région céphalique chez les Annélides 
est, au moins au point de vue de la présence d’organes sétigères, 
comparable aux métamères de la région somatique. 


[IL 
SUR LES GLANDES SALIVAIRES DES MUSCIDES ET DES PIOPHILIDES, 


Par Louis VALLÉE. 


Les glandes salivaires des Calliphora vomitoria, cærulea, de l'Eu- 
rygaster agiis, de la Musca domestica, sont au nombre de deux. Par 
suite de leur réunion dans la tête, elles ont un canal excréteur com- 


VI NOTES ET REVUE. 


mun. Nous prendrons pour type la Calliphora vomitoria et étudierons 
successivement ces glandes chez la larve et chez l'adulte. 

Chez la larve, y compris le canal excréteur commun, leur longueur 
ne dépasse pas la moitié de celle de l’animal. Elles courent parallè- 
lement au tube digestif, tout en étant situées dans un plan horizontal 
inférieur à celui du conduit intestinal. Le débouché commun se 
trouve à la base des mandibules, en avant de la pièce chitineuse sur 
laquelle ces dernières s’insèrent. Le canal excréteur a une constitu- 
tion trachéenne bien nette ; il passe sous la pièce basilaire des man- 
dibules, longe ventralement l’œsophage et se divise en deux conduits 
en avant de la masse nerveuse céphalique. Le cerveau est relié au 
ganglion sous-æsophagien par des connectifs très épais : c’est en de- 
hors de ces derniers que passent les branches du conduit excréteur. 
Les branches grossissent peu à peu, prennent une constitution cel- 
lulaire glanduleuse de plus en plus marquée et viennent s’unir aux 
glandes proprement dites en arrière de la masse nerveuse céphalique. 
Les glandes courent le long du tube digestif jusqu'au niveau du 
sixième anneau larvaire. Là, elles se rapprochent, s’incurvent sous 
le tube digestif et se terminent dans une même masse graisseuse. La 
surface des glandes est irrégulière; les cellules sécrétrices y produi- 
sent des renflements. Ces cellules sont larges, ont un noyau très 
apparent avec nucléoles bien visibles. Elles appartiennent, d’après la 
classification de M. Ranvier, aux glandes mérocrines. Elles sont moins 
nombreuses aux extrémités distales qu'aux extrémités proximales des 
glandes. 

Chez l’adulte, les glandes proprement dites sont deux longs cylin- 
dres s'étendant de la partie postérieure du cerveau au niveau du 
milieu du rectum. Elles se réunissent sous le cerveau pour venir 
déboucher au point d'union du pharynx et de la trompe. 

Pendant la métamorphose, le corps de la nymphe subit un rac- 
courcissement. En effet, en ouvrant la coque d’une chrysalide, on 
n'aperçoit l'extrémité antérieure de la tête que vers le milieu du 
troisième anneau larvaire : l’armature buccale larvaire se retrouve 
tout entière en place ; enfin, la tête très grosse de l’imago ne pour- 
rait tenir dans les premiers anneaux de la larve, plus petits que les 
autres. Par suite de ce raccourcissement, le tube excréteur des 
glandes se courbe vers le bas pour gagner la trompe ; sa courbure 
est moins accentuée que celle du tube digestif, obligé de remonter 
plus haut pour arriver au collier œsophagien. Comme chez la larve, 


NOTES ET REVUE. vil 
le conduit excréteur de l’imago a une constitution trachéenne, bien 
marquée par son filament spiralé. 

Les glandes salivaires, écartées de l’æsophage par la courbure in- 
diquée ci-dessus et par l’épaississement des connectifs péri-œsopha- 
siens, se rapprochent de lui pour traverser le cou. Dans le thorax, 
elles s’enroulent sur elles-mêmes formant chacune une petite pelote, 
placées l’une à droite, l’autre à gauche du tube digestif. Puis, elles 
ont une apparence flexueuse jusqu’à l'entrée de l'abdomen. Là, elles 
se placent côte à côte sous le tube digestif, traversent une petite 
masse graisseuse et pénètrent dans l’abdomen. S’écartant du tube 
digestif et des viscères abdominaux, elles remontent vers la paroi 
supérieure du corps, s’éloignent l’une de l’autre et viennent finale- 
ment se terminer, dans des masses graisseuses séparées au niveau 
du milieu du rectum. Les cellules glandulaires ont la même appa- 
rence que chez la larve; elles sont moins larges, mais présentent un 
noyau bien net. Les conduits excréteurs ont partout un calibre 
moindre que les glandes, et ces dernières ont-un diamètre moindre 
chez l’adulte que chez la larve. 

Les Piophilides ont deux sortes de larves : les unes nues, les autres 
portant un grand nombre de poils, dont quelques-uns très longs et 
ramifiés. Les larves nues, suivant leur grosseur, donnent comme 
imagos : Piophila casei, P. nigrimana, P. nigricornis, etc.; les poilues 
donnent : Piophila atrata, ete. Les glandes salivaires ont un aspect 
différent dans l’un et l’autre groupe larvaire. Chez les nues, ce sont 
deux cylindres terminés chacun par un cône et portant un étrangle- 
ment vers le milieu. Les deux glandes des larves poilues, après leur 
anastomose avec le canal excréteur, se recourbent vers la tête pour 
redescendre ensuite vers l'extrémité postérieure. Dans les deux 
groupes, les glandes ont un canal excréteur commun, débouchant, 
dans la cavité buccale, en avant de la pièce basilaire des mandibules. 
Ce canal excréteur est irachéen dans toute sa longueur chez les 
larves nues, dans une partie seulement chez les poilues, le reste du 
tube devenant de plus en plus glandulaire au fur et à mesure qu'il 
s'approche des glandes. La bifurcation se fait en avant du cerveau, 
et les branches ainsi formées enserrent les connectifs péri-æsopha- 
giens. Les glandes des larves poilues ont leurs cellules sécrétrices 
uniformément réparties sur toute leur longueur. Les glandes des 
larves nues ont plus de cellules sécrétrices dans la partie précédant 
l’étranglement que dans celle qui suit ; l’étranglement lui-même en 


VAI NOTES ET REVUE. 


présente : elles y sont moins épaisses. Les glandes salivaires se ter- 
minent vers le milieu du corps de l'animal ; elles sont adjacentes au 
tube digestif, à un niveau un peu inférieur, passent sous la masse 
nerveuse céphalique, et leur conduit excréteur commun est souss 
jacent au tube digestif. 

Les adultes ont des glandes salivaires beaucoup plus longues, mais 
de diamètre moindre. Leur débouché commun se fait à l’union du 
pharynx avec la trompe. Une courbure semblable à celle de la Calki- 
phora vomitorta et occasionnée par les mêmes causes se produit dans 
la tête. La bifurcation se produit sous le ganglion sous-æsophagien; 
les branches remontent, s’accolent au tube digestif pour traverser 
le cou. Dans le thorax, les glandes ne forment pas de pelotes ; elles 
sont légèrement flexueuses. Dans l'abdomen, elles s’éloignent du 
tube digestif et se terminent, dans des masses graisseuses,au niveau 
de la partie médiane du rectum. Les cellules glandulaires sont moins 
larges que chez les larves, mais elles sont uniformément réparties. 
Le canal commun est trachéen. Le débouché des glandes salivaires 
des imagos muscides et piophilides est muni d’un clapet, valve mem- 
braneuse fermant l'ouverture. 


4 


IV 
LA COULEUR DANS LA NATURE, 


Par Miss M. NEWRBIGIN. 


(Colour in Nature, a Study in biology, London, Murray, in-8°, 344 pages, 1898.) 


Dans un important ouvrage, ne contenant pas moins de quinze chapitres, 
miss M. Newbigin réunit d’une façon intéressante tous les documents connus 
jusqu’aujourd'hui, relatifs à la coloration des êtres vivants, à l'étude physico- 
chimique des pigments, à leur rôle physiologique, et enfin les différentes théories 
proposées pour expliquer l'apparition et le rôle biologique des couleurs. 

L'auteur fait d’abord la distinction entre les couleurs séructurales ou optiques 
et les couleurs pigmentaires proprement dites. Les premières, comme leur nom 
l'indique, proviennent d'effets optiques dus à une structure particulière du tissu 
(réflexion totale, interférence, etc.), tandis que les couleurs pigmentaires sont 
produites par un dépôt de grains figurés, appelés pigments. 

Les couleurs structurales peuvent aussi résulter d’une association entre une 
structure spéciale et un dépôt de pigments ; d’où deux grands groupes dans la 
classification des couleurs structurales : : 

1. Couleurs structurales indépendantes de tout pigment. — («) Couleurs dues 


NOTES ET REVUE. IX 


à la réflexion totale de la lumière, produite par l’intercalation de bulles d’air ou 
d'un autre gaz dans un tissu. Exemple: le blanc des fleurs du lis, des plumes 
blanches, du poil des animaux polaires, etc. 

_(B) Couleurs produites par des phénomènes d’interférence, dus à la striation 
d’une cuticule (Ver de terre), à la présence de soies très fines (Aphrodite). 

2. Couleurs structurales dépendant de la présence d’un pigment. — (4) Couleurs 
objectives, qui ne changent pas de teinte quand l'angle de la lumière incidente 
varie. Exemples : couleur verte de plumes d’Oiseaux, due à l'association d'un pig- 
ment jaune et d’une modification structurale ; couleur bleue de plumes d’Oiseaux 
(et probablement d'ailes d’Insectes) due à la présence d’un pigment sombre vu à 
travers une couche absorbante (?). 

(8) Couleurs subjectives, qui changent avec l’angle d'incidence de la lumière. 
Exemple: couleurs métalliques des Oiseaux et des Insectes, dues à la présence 
d’un pigment brun foncé ou noir, dans un tissu spécial. 

L’explication physique des couleurs du second groupe est encore inconnue. 

L'origine des couleurs structurales est très obscure. On peut remarquer ce- 
pendant qu’elles ont un développement considérable, principalement chez les 
Oiseaux et les Papillons ; or, ces deux groupes si éloignés sont caractérisés par 
la richesse de leurs formations cuticulaires ; il est à penser que les couleurs struc- 
turales sont un résultat de l’extrême différenciation de la cuticule, et ont alors 
pour origine la même cause qui produit cette différenciation. 

Les couleurs pigmentaires sont les véritables couleurs biologiques. Elles sont 
produites par des pigments, composés chimiques tantôt simples, tantôt d’une 
grande complexité, qui, déposés à l’intérieur des tissus, peuvent parfois être 
extraits au moyen de réactifs appropriés. On n’a pas encore pu faire de classifi- 
cation logique des pigments, à cause des nombreuses difficultés que présente 
l’étude de leurs propriétés et de leur composition chimique; ensuite parce que 
leurs fonctions physiologiques sont trop peu connues. 

On peut remarquer cependant que la plupart des pigments des plantes et des 
animaux sont produits par les organismes où ils se trouvent, tandis que d’autres, 
assez rares, sont introduits dans l’animal par la nutrition, sans subir aucune 
transformation, et se déposent tels quels dans ses tissus, D'où il résulte immé- 
diatement deux groupes principaux de pigments : pigments naturels et pigments 
introduits. 

I. PIGMENTS NATURELS: 

19 Pigments d'importance physiologique directe, jouant par exemple un rôle 
dans la respiration ou la fixation d'énergie. Types : hémoglobine, chlorophylle. 

20 Pigments dérivés de l’hémoglobine et de la chlorophylle, produits par la 
décomposition de ceux-ci. Exemples : mélanine, pigment sombre qui colore la 
peau et les poils des Mammifères ; les couleurs variées des œufs d’Oiseaux sont 
dues aussi à des pigments dérivés du sang. 

3° Pigments de déchet. Hopkins et Urech ont montré que les couleurs de cer- 
tains Papillons (Piérides) sont dues à des produits de déchet de l'organisme (acide 
lépidotique, acide urique). La quanine qui colore les écailles, le péritoine, la 
vessie natatoire des Poissons, rentre aussi dans cette catégorie. 

49 Produits de réserve, ou pigments associés avec des réserves. Exemple : les 


X NOTES ET REVUE. 


lipochromes, de couleur jaune, orange, rouge, répandus chez les plantes et les 
animaux, et associés habituellement avec de la graisse (téguments et œufs de 
divers Crustacés, Insectes, Echinodermes, Vertébrés). 

IT, PIGMENTS INTRODUITS DANS L'ANIMAL PAR LA NUTRITION : 

On en trouve, d’après Poulton, dans les Chenilles de certains Piérides, dont 
la coloration verte est due à des substances plus ou moins voisines de la chloro- 
phylle, provenant des feuilles dont elles se nourrissent. Quant aux autres exem- 
ples donnés par Newbigin (coloration verte des os de Belone et de Protopterus, ma- 
rennine des Huîtres vertes), il est tout ce qu’il y a de plus douteux qu’il s'agisse 
là de pigments introduits, mais on en pourrait citer d’autres qui rentrent sûre- 
ment dans cette catégorie, par exemple les pigments homochromiques des Cy- 
cloporus, commensaux des Botrylles (Francotte, Arch. zool. expér., 1898). 

[Cette classification est vraiment peu satisfaisante, car elle mélange le crité- 
rium physiologique au criterium chimique. Où prendront place les pigments 
biliaires des Invertébrés, la marennine des Huîtres vertes, la vivianite des os 
verts de Belone, le noir des Céphalopodes et tant d’autres? Comme un même 
pigment peut très bien avoir deux rôles différents suivant l’être chez lequel on le 
considère (chlorophylle chez une plante et chez un animal herbivore qui se colore 
en vert), il est évident que la seule classification à tenter doit reposer sur une base 
chimique ; plus tard elle se précisera, mais c’est celle-là qu’il faut essayer dès 
maintenant]. 

Des cinq groupes de pigments établis par Newbigin, quatre seulement sont 
représentés dans les plantes : le premier par la chlorophylle ; le troisième par 
l’'anthocyane (fleurs et fruits) qui dérive apparemment des tannins ; le quatrième 
par la carotine, lipochrome le plus commun chez les plantes ; enfin le cinquième 
est représenté, d’après Zopf, chez un Champignon (Pilobolus). Un parasite de ce 
Champignon emprunte à celui-ci non seulement les matières alimentaires, mais 
un pigment qui leur est associé, de sorte que le parasite et l'hôte ont la même 
coloration. 

Chez les animaux, on trouve des représentants de tous les groupes. Dans les 
Invertébrés, la variété des couleurs et des pigments est bien plus considérable 
que dans les Vertébrés. Chez ceux-ci, en effet, on ne trouve, à peu de chose près, 
que deux sortes de pigments : lipochromes et mélanine, les lipochromes domi- 
nant chez les Poissons, les Batraciens, les Lézards et les Oiseaux, la mélanine 
surtout répandue chez les Serpents et les Mammifères. 

Le dimorphisme sexuel dans la coloration est très fréquent parmi les Insectes 
etles Vertébrés. Il se manifeste par un vif éclat des couleurs du mâle, la femelle 
ayant des teintes bien plus ternes. C’est surtout chez les Papillons et les Oiseaux 
qu’on le rencontre le plus souvent. 

Les couleurs structurales sont aussi très développées chez les animaux, tant 
parmi les Invertébrés que parmi les Vertébrés. 

Origine des pigments. — Ce que l’on sait de plus sûr touchant l’origine des 
pigments, c’est qu’elle est éminemment variable, On connaît les conditions et le 
lieu de formation de la chlorophylle et de l’hémoglobine ; la marennine provient 
du sol sur lequel reposent les Huïîtres vertes (Carazzi) ; les pigments des coquilles 
de Mollusques dérivent de sécrétions palléales dont on peut préciser la place ; 


NOTES ET REVUE. XI 


dans quelques cas, les grains colorés proviennent originairement de cellules 
excrétrices authentiques, colorables par les injections physiologiques, qui déver- 
sent leurs produits dans le cœlome, où ils sont capturés par les phagocytes et 
partiellement transportés dans la peau, contribuant ainsi à sa coloration ; c’est 
le cas des pigments noirâtres des Capitellides (Eisig), des Hirudinées (Graf), du 
Tubifex (Cuénot), enfin les acides urique et lépidotique, qui colorent en blanc et 
jaune les ailes des Piérides, proviennent très probablement de l’histolyse des 
tissus au moment de la nymphose ; au lieu d’être totalement expulsés au dehors, 
ces produits passent dans les écailles des aïles et y restent à demeure (Hopkins). 
Mais on manque encore de renseignements précis sur l’origine des pigments 
noirs (mélanine) et surtout de la catégorie si nombreuse des lipochromes. 

[On dit souvent, d’une façon trop superficielle, que les pigments doivent être 
considérés comme des produits d’excrétion, emmagasinés dans les téguments, 
sans réfléchir que le seul criterium d’un produit d’excrétion, c’est qu’il ne joue 
absolument plus aucun rôle dans l'organisme, qu’il ne fait que gêner et encom- 
brer, s’il n’est pas expulsé au dehors. Or, on n’est pas encore en état d'affirmer 
que les couleurs n’ont pas de rôle ; il n’est pas prouvé que la peau noire du nègre, 
les régions argentées par la guanine chez les Poissons, voire même le blanc des 
ailes de Piérides, n’ont aucune valeur physiologique comme moyen de recon- 
naissance, moyen de défense, couleur sexuelle attractive, etc. ; ce n’est que 
lorsqu’on aura démontré que tels et tels pigments sont bien des résidus 2nutilisés 
du chimisme général, qu’on pourra dire que ce sont des produits d’excrétion, 
analogues à ceux qu’éliminent les organes excréteurs normaux qui s'accumulent 
dans la peau faute d’un émonctoire adequat. À priori, il serait bien étonnant 
que les lipochromes, si largement répandus dans le règne animal, que les ma- 
tières colorantes des fleurs et des fruits, soient des corps inutiles, sans aucun rôle 
biologique. | 

Théories sur l’origine des couleurs. — Les théories sur ce sujet peuvent se 
répartir en deux groupes : les unes, supposant que les couleurs ont des rôles 
utiles, attribuent leur développement à l’action de la sélection naturelle (Darwin, 
Wallace, Poulton) ; les autres nient l'influence de celle-ci et attribuent plus ou 
moins clairement la naissance des pigments à l'influence de facteurs externes 
sur l'organisme (Cunningham, Eimer, Simroth). ( 

41° Il est bien connu que les couleurs de beaucoup d'animaux ressemblent à 
celles de leur milieu habituel (homochromie) : si l’on admet que ce phénomène 
puisse être de quelque utilité pour les rendre moins apparents aux yeux de leurs 
ennemis, on peut concevoir que ces espèces homochromes ont pu se constituer 
par sélection graduelle des individus qui, partant d’une forme non homochrome 
ont acquis, par variation, des couleurs se rapprochänt de plus en plus de celle de 
leur substratum. On peut faire un raisonnement analogue pour les couleurs pré- 
monitrices, le mimétisme, les couleurs de reconnaissance, voire même les cou- 
leurs sexuelles (sélection sexuelle). Pour tous les auteurs darwiniens, la couleur 
est un résultat nécessaire du fonctionnement des tissus, c’est-à-dire n’a au début 
aucune signification, mais par suite de la sélection continue des individus colorés 
de la façon la plus utile, elle finit par acquérir une valeur prémonitrice, dé- 
fensive, attractive, etc. 


x11 NOTES ET REVUE. 


Wallace accepte cette solution du problème, sauf en ce qui concerne les colo- 
rations sexuelles ; il ne croit pas que les femelles, en choisissant constamment 
les plus beaux mâles, aient eu une influence constructive sur le développement 
des caractères sexuels secondaires de la coloration ; pour lui, les couleurs plus 
brillantes des mâles sont en rapport avec leur chimisme plus compliqué, et n’ont 
point de rôle particulier, vue qui est maintenant celle de la majorité des biolo- 
gistes. 

Mais il faut aller plus loin que Wallace ; 1l n’est pas prouvé du tout que le mi- 
métisme et les couleurs prémonitrices aient une valeur défensive ; il ne serait 
pas superflu de démontrer expérimentalement que l’homochromie est un moyen 
de défense, et que les couleurs dites de reconnaissance servent bien comme telles. 
Que reste-t-il alors de l'utilité supposée des couleurs? On voit combien il est 
douteux que la sélection naturelle ait pu intervenir activement pour les déve- 
lopper et déterminer leur arrangement. 

20 Mais s’il est facile — et probablement juste — de nier l’action de la sé- 
lection naturelle, il n’est pas commode de trouver un autre facteur à lui substi- 
tuer ; presque tous les auteurs en viennent à accepter l’hérédité des caractères 
acquis, cette autre hypothèse fort peu probable. Pour Eimer, les couleurs résul- 
tent de l’action de stmuli externes sur l’organisme ; elles se développent suivant 
un certain nombre de directions de développement, les étapes se succédant dans 
un ordre plus ou moins régulier. Simroth pense aussi que la couleur résulte de 
l’action de la lumière sur le cytoplasme, mais il croit qu’il existe une relation 
entre la longueur d'onde des rayons qui frappent l'organisme et la complication 
du pigment fabriqué (??), que les pigments dérivent les uns des autres, ceux 
appartenant à la portion la moins réfrangible du spectre apparaissant phylogé- 
nétiquement les premiers (?). Enfin Cunningham, pour les pigments des Pleuro- 
nectes en particulier, attribue leur production à l’action de la lumière; le fait 
est que si l’on éclaire par-dessous la face inférieure, incolore, d’un Poisson plat, 
celle-ci se pigmente, de même qu’un Protée exposé à la lumière diffuse. Cela 
est incontestable dans les cas précités, mais ce fait ne nous révèle rien sur l’ori- 
gine des pigments qui n’ont pas de rapport avec la lumière (mélanine, lipochro- 
mes), non plus que sur leur rôle possible. 

En résumé, il ne reste à peu près rien des interprétations théoriques sur la 
signification des couleurs; leur rôle, si elles en ont un, est le plus souvent ignoré. 
Nos idées sur leur origine ontogénique, leur évolution durant la vie d’un orga- 
nisme, sont très incomplètes; et nous ne savons pas grand’chose sur la compo- 
sition chimique des pigments. Nous ne saurions mieux terminer cette analyse 
que par cette réflexion de miss Newbigin, que l'acquisition de faits expérimen- 
taux nouveaux est indispensable pour permettre d’asseoir une théorie des cou- 
leurs. 

[Nous signalerons quelques oublis, peut-être excusables, vu la masse de docu- 
ments à consulter : les recherches de Heim sur le transport des lipochromes chez 
les Echinodermes, Crustacés et Insectes, ont montré que ces substances émi- 
grent des téguments dans le vitellus des œufs, au moment de la ponte; les tra- 
vaux de Kunckel sur les changements de coloration du Criquet pèlerin (1892), 
de R. Blanchard sur la carotine des Diaptomus (1890), de Courchet sur les chro- 


NOTES ET REVUE. xnl 


moleucites (1888), d'Arnaud sur la carotine (1886), de Merejkowsky sur la tétro- 

nérythrine (1881), la thèse de Carnot sur le mécanisme de la pigmentation (1896), 

mon travail sur le rôle photochimique des couleurs des Carabes et des œufs de 

Rana (1897), et quelques autres, ne sont pas cités dans le livre de miss Newbigin. | 
R. FLORENTIN. 


V 
COMPTE RENDU BIBLIOGRAPHIQUE. 


P. Er Fr. SARASIN. — Les Mollusques d'eau douce de Célèbes, 1 vol. in-%° 
de 104 pages et 13 planches. 


L'éditeur Kreïidel, de Wiesbaden, publie un livre intitulé : Materialien zur Naiur - 
geschichte des Insel Celebes. Le premier volume: Die Susswasser-Mollusken von Celebes, 
des docteurs Paul et Fritz Sarasin, nous a été envoyé. 

C’est un ouvrage in-40 très soigné, accompagné de treize planches fort bien exé- 
cutées en phototypie sans doute ou en héliogravure,et qui donnent une très bonne 
idée des caractères des coquilles. 

Les descriptions et les références littéraires sont, comme l’ouvrage tout entier, 
fort au courant de la science. 

On y relève deux genres nouveaux : le genre Miratesta dont l'espèce M, Celebensis 
présente trois variétés, et le genre Protancylus qui a fourni deux espèces, le P. adhæ- 
rens et le P. pileolus. 

Dans l’un et l’autre de ces genres, MM. Sarasin ont retrouvé l’organe décrit 
d’abord chez les Lymnées et les Planorbes, puis chez les Ancyles, et que les Allemands 
comme les auteurs nomment Lacaze’sche organe, c’est l’osphradium pour les mala- 
cologistes. 


W. Tenicuerr. — L’Activité de l’homme, 1 vol. in-8° de 262 pages. E. Cornély, 
éditeur, Paris, 1898 (Prix, broché : 5 fr.). 


C’est une suite au livre l’Activilé des animaux, du même auteur (Masson, éditeur, 
Paris, 1890), dans lequel Ténicheff s'était efforcé de déterminer les conditions essen- 
tielles nécessaires à la vie des animaux et la manière dont ils les remplissent, soit en 
tant qu’individus isolés, soit dans leurs rapports les uns avec les autres. Le problème 
est infiniment plus complexe en ce qui concerne l’activité de l’homme sous toutes ses 
formes, et l’auteur n’a pasla prétention d’avoir épuisé le sujet. Il s’est attaché surtout à 
expliquer comment les actes et la conduite de l’homme dans des circonstances don- 
nées dépendent directement des besoins de sa vie, de ses relations avec le monde 
extérieur et de sa situation sociale. À cet effet, il a établi une classification des 
connaissances nécessaires pour apprécier sainement la vie de telle ou telle peuplade, 
de telle ou telle classe d’une nation, et, comme exemple, il termine son livre par 
une application de ces considérations générales à l’existence, si différente de la nôtre, 
des tribus d’Esquimaux. 


E. Green. — The Coccidæ of Ceylon, gr. in-8°. 1re partie, p. 1-x1,1-103, 33 pl., 
4896 ; 2partie, p.xu1-xr,105-168, 30 pl. Dulau and Ce, édit., Londres,1899. 
Cet ouvrage est une monographie générale des Coccidés qui habitent l'île de 


Ceylan. L'auteur se propose de décrire complètement toutes les espèces avec leurs 
mœurs et de permettre ainsi aux agriculteurs de lutter efficacement contre leurs 


XIV NOTES ET REVUE. 


ravages. Tandis que l’auteur le plus récent, Kirby, en 1891, n’en mentionne pour 
toute l’île que sept espèces, Green en a signalé déjà soixante-douze dans un catalogue 
provisoire, et ce nombre sera presque doublé dans l'ouvrage en voie de publication. 
Les deux premières parties, les seules parues encore, sont consacrées aux genres 
Conchaspis, Aspidiotus, Aonidia, Mytilaspis, Diaspis, Fiorinia, Chionaspis et Parla- 
loria, comprenant soixante espèces. Les nombreuses planches coloriées avec soin 
qui accompagnent l'ouvrage montrent entre autres chaque espèce en grandeur et en 
physionomie naturelle sur le végétal auquel elle s’attaque, de sorte que les recher- 
ches sont d'emblée circonserites et la détermination rigoureuse est grandement faci- 
litée par l’ordre uniforme dans lequel tous les caractères sont passés en revue. 

À la seconde livraison est annexé un chapitre important sur les mesures préven- 
tives et curatives à employer contre les dégâts commis par ces Insectes ; l’auteur y 
a réuni, avec les résultats de son expérience personnelle, toutes les méthodes qui 
ont été préconisées par les entomologistes dans Les différentes parties du monde, et 
spécialement en Amérique, où l’entomologie est depuis longtemps entrée dans la 
voie des applications pratiques. Il recommande surtout comme insecticide d’une 
efficacité certaine et d’une innocuité reconnue pour les plantes en traitement, quand 
on agit avec la prudence et les précautions nécessaires, l’acide cyanhydrique gazeux 
produit par l’action de l’acide sulfurique sur le cyanure de potassium en présence 
de l’eau. Quoique écrite surtout au point de vue de la lutte contre les Coccidés, 
cette partie de l'ouvrage sera consultée avec fruit et fournira dans bien des cas des 
explications utiles contre les autres espèces d’Insectes nuisibles répandues partout. 


Vi 


INDEX DES TRAVAUX DE ZOOLOGIE 
PUBLIÉS DANS LES PRINCIPAUX RECUEILS PÉRIODIQUES EN 1899. 


Arcbh. f. mikroskopische Anatomie und Entwicklungsgeschichte, 
t. LIIT, Hft. 4. 


Ruzicka (VL.). — Untersuchungen über die feinere Structur der Nervenzellen 
und ihrer Fortsätze, p. 485-510, pl. XXII. 

HERxHEIMER (K.). — Ueber die Structur des Protoplasmas der menschlichen Epi- 
dermiszelle, p. 510-546, pl. XXIV. 

SOBOTTA (J.).—Noch einmal zur Frage der Bildung des Corpus luteum, p. 546-558. 

EscaweiLER (R.). — Zur vergleichenden Anatomie der Muskeln und der topogra- 
phie des Miitelohres verschiedener Saügethiere, p. 558-622, pl. XXV- 
XX VIII, 4 figures dans le texte. | 

Ascozt (M.). — Ueber die Bluthildung bei der Pricke, p. 623-634, pl. XXIX. 

TERTERJANZ (M.). — Die obere Trigeminus Wurzel, p. 632-659, pl. XXX. 


Arch. f. mikr. Anat., t. LIV, Hft. 1. 


STICRER (A.). — Zur Histologie der Milchdrüse, p. 1-23, pl. 1-IL. 

ENGEL (C. S.), — Die Blutkorperchen des Schweins in der ersten Hälfte des em- 
brvonalen Lebens, p. 24-59, pl. III. 

HEIDENHAIN (M.). — Ueber eine eigenthümliche Art protoplasmatischer Knospung 
an Épithelzellen und ihre Beziehung zum Microcentrum, p. 39-67, pl. IV. 

RawiTz (B.). — Ueber den Bau der Cetaceenhaut, p. 68-84, DIPAVE 

Fucus-WoLrriN6(Sophie).— Nachträgliche Bemerkungen zu meiner Abhandlung : 
« Ueber den feineren Bau der Drüsen des Kehlkopfes, etc. », p. 84-87. 


NOTES ET REVUE. XV 


FRIEDMANN (Fr.). — Ueber die Pigmentbildung in den Schmetterlingsflügeln, 
p. 88-95, pl. VI. 

Hoyer (H.). — Üeber das Verhalten der Kerne bei der Conjugation des Infusors 
Colpidium colpoda, St., p. 95-134, pl. VIE, 2 figures dans le texte. 


Arch. f. mikr. Anat.,t. LIV, Hft. 2 


MÔNcreBerG (G.) u. BeTKE (Al.). — Die Degeneration der markhaltigen Nerven- 
fasern der Wirbelthiere unter hauptsächlicher Berücksichtigung der Ver- 
haltens der Primitiv-fibrillen, p. 135-183, pl. VIIE-IX. 

HEIDENHAIN (M.).— Ueber die Struktur der Darmepithelzellen, p.184-224, pl. X-XI. 

ABRAHAM. — Die Durchscheidurg des Nervus mandibularis, p. 224-253, pl. XII, 
8 figures dans le texte. 

KuPFFER (0 -V.). — Ueber die sogenannten Sternzellen der Säugethicrleber, 
p. 254-288, pl. XIII-XV, 

HERxHEIMER (K.). — Nachtrag und Berucksichtigung meiner Arbeit « über die 
Structur des Protoplasmas der menschlichen Epidermiszelle », p. 289-290, 
2 figures dans le texte. 


Mittheilungen aus der zoologischen Station zu Neapel, 
t. XIII, Hft. 4, 


JAMESON (H.-L.). — Thalassema papillosum (D. Chiaje), a forgotten Echiuroid 
Gephyrean, p. 433-439, pl. XIII. 

METALNIKOFF(S.-J.). — Das Blut und die Excretions- organe von Sipunculus nudus, 
p. 440-447. 

Lo Bianco (S.).— Notizie biologiche riguardanti specialmente il periodo di ma- 
turità sessuale degli Animali del golfo di Napoli, p. 448-573. 


Arbeïiten aus den zoologischen Instituten der Universitât 
Wien u. d. zool. Stat. Triest, t. XI, Hft. 2. 


SCHNEIDER (K.-C.). — Mittheilungen über Siphonophoren. IV. Nesselknôpfe, 
52 pages, 4 planches. 

WERrNER (Fr.). — Phylogenetische Studien über die Homologien und Veränder- 
ungen der Kopfschilder bei den Schlangen, 46 pages, “à planches. 

PRZIBRAM (H. )}. — Die Regeneration bei den Crustaceen, 32 pages, 4 planches. 


Jenaische Zeitschrift für Naturwissenschaft, 
t. XXXIIE, N. F. XXVI, Hft. | 


May (W.).— Beitrage zur Systematik und Chorologie der Alcyonaceen, p. 1-180, 
pl. I-V. 


Jen. Zeitsch. f. Naturw., t. XXXIII, N. F. XXVI, Hft, 2. 


Fritz (Fr.). — Ueber die Struktur des Chiasma nervorum opticorum bei Éson= 
bien, p. 491-262, pl. VI-XI. 

SCHULTZE il =S.). — Die Regeneration des Ganglions von Ciona intestinalis L., 
und über das Verhaltniss der Regeneration und knospung zur Keimblat- 
terlehre, p. 263-344, pl. XII- XIE. 


Morphologisches Jahrbuch, t. XXVII, Hit. 1, 


RosenBerG (E.). — Ueber eine primitive form der Wirbelsäule des Menschen, 
p. 14-118, pl. I-V,3 figures dans le texte. 

MauRER (F.). — “Die Schilddri üse, Thymus und andere Schlundspaltenderivate bei 
der Eidechse, p. 119- 172, pl. VI-VIIL, 4 figures dans le texte. 


VI NOTES ET REVUE. 


Morphol. Jahrb., t. XXVIT, Hit, 2. 


CorniNG (H.-R.). — Ueber einige Entwicklungsvorgange am Kopfe der Anuren, 
p. 173-241, pl. IX-X. 

LunpBorG (H.).— Studien über die Betheiligung des Ektoderms an der Bildung 
des Mesenchyms bei den niederen Vertebraten, p. 242-262, pl. XI-XII, 
6 figures dans le texte. 

HocasTerTER (F.). — Ueber partielle und totale Scheidewandbildung zwischen 
Pleurahôhle und Peritonealhôhle bei einigen Sauriern, p. 263-298, 
pl. XII, 4 figures dans le texte. 

Apozpai (H.). — Ueber die Wirbelsaüle und den Brustkorb zweier Hunde, p. 299- 
308, 1 figure dans le texte. 

Lusoscx (W.). — Ein 7. coraco-antibrachialis beim Menschen, Beitrag zur Mor- 
phologie des M. biceps brachii, p. 309-316, 1 figure dans le texte. 

Borx (L.). — Die Homologie der Brust- und Bauchmuskeln, p. 317-321. 

SOLGER (B.). — Mauthner’sche Fasern bei Chimæra, p. 322-324, 1 figure dans 
le texte. 


Morphol. Jahrb.,t. XXVII, Hft. 3. 


Horrmanx (C.-K.). — Beiträge zur Entwicklungsgeschichte der Selachii, p. 325- 
414, pl. XIV-XVIIE, 5 figures dans le texte. 

Braus {H.). — Beitrage zur Entwicklung der Muskulatur und des peripheren 
Nervensystems der Selachier. [ Th. Die metotischen Urwirbel und spino- 
occipitalen Nerven, p. 415-496, pl. XIX-XXI, 6 figures dans le texte. 

SEMON (R.).— Bemerkungen uber die Mammarorgane der Monotremen, p.497-498. 


Archiv für Naturgeschichte, t. LXV, I Bd, Hft. 1. 


Encens (H.). — Zur Kenntniss der Anatomie und Biologie von Oxyuris curvula, 
Rud., p. 1-27, pl. I-IL. 

MarTENS (Ë. von). — Conchologische Miscellen IL, p. 28-48, pl. III-VI. 

Weise (J). — Coccinelliden aus Deutsch-Ostafrika, p. 49-70. 

Dax (Fr.). — Die Stellung der Puliciden im System, p. 71-86. 

Taiece (J.). — Ueber Crambe crambe Schm., p. 87-94, pl. VIL. 


Paru le 31 août 1899. 
Les directeurs 
H. pe Lacaze-Durmiers et G. PRuvor. 


Les gérants : SCHLEICRER FRÈRES. 


ARCHIVES 


DE 


ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE 


PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE 


H. pEe LACAZE-DUTHIERS ET G. PRUVOT 
Membre de l’Institut. Professeur à l’Université de Grenoble. 
3e SÉRIE. T. VI. NOTES ET REVUE. No 2. 
VII 


CRITIQUE DE LA THÉORIE VÉSICULAIRE DE LA SÉCRETION !, 


Par P. VicNon, 
Préparateur à la Faculté des sciences de Paris. 


CARAGTÈRES GÉNÉRAUX DE CETTE THÉORIE. — Il s’agit ici du mode 
de sécrétion des cellules glandulaires mérocrines, telles que les cel- 
lules rénales des Vertébrés, par exemple, ou les cellules intestinales, 
cellules dont une partie seulement se transforme en produit élaboré 
-et qui sont organisées pour sécréter un grand nombre de fois sans 
se détruire. Je ne m'occupe pas des cellules caliciformes. Le pro- 
blème, à la solution duquel je désire apporter quelques éléments 
nouveaux, consiste à déterminer les modifications réelles que subit 
la cellule, tant lorsqu'elle élabore le suc à sécréter que lorsqu'elle 
l’exerète dans le canal de l’organe. 1 

S'il faut en croire un très grand nombre de savants, ce problème 
est tout résolu, depuis les mémoires considérables et fréquents con- 
sacrés à cette étude. Parmi ces mémoires, j'ai eu récemment l’occa- 
sion d'analyser ceux qui ont trait à la sécrétion rénale?. Même pour 

1 Travail effectué dans le laboratoire de M. le professeur Delage à la Sorbonne 
et complété à Roscoff, dans celui de M. le professeur de Lacaze-Duthiers. 

2 Les Canalicules urinaires chez les Verlébrés (Année biologique, t. III, p. 277-304, 


18 fig.). Je renvoie à cette revue pour celles des indications bibliographiques qui ne 
seront pas rapportées ici. 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3€ SÉRIE. — T. VII. 1899. B 


XVIII NOTES ET REVUE. 


montrer de suite combien les solutions apportées paraissaient géné- 
rales, j'ai indiqué leurs analogies étroites avec celles que nous donne 
Van Gehuchten (90-93), dans plusieurs travaux consacrés à la sécré- 
tion intestinale, chez des types très divers. Nous pourrions Joindre à 
cette série, parmi beaucoup d’autres, le mémoire de Zimmermann 
K, W. (98)!, dont l’auteur figure la sécrétion mérocrine de diverses 
slandes (glandes lacrymales, utérus mâle...) d'une façon très con- 
forme à celle de Van Gehuchten. Mais il est inutile, pour la parfaite 
compréhension de cette note, d'étendre beaucoup l'historique ; car, 
depuis quelques années déjà, les auteurs semblent juger que la ques- 
tion est vidée, et se bornent, pour la plupart, à confirmer les vues de : 
leurs devanciers. Comparez notamment Cuénot, L. (95)°, Pantel 
(98). Chez ce dernier cependant, nous signalerons tout à l'heure 
une notable atténuation de la théorie. C’est donc sur un problème 
en apparence résolu que je reviens. 

On nous dit que la cellule mérocrine, dans le cours de sa vie fonc- 
tionnelle, traverse plusieurs stades : les uns de repos, d’autres de 
préparation, pendant lesquels elle se gonfle en accumulant dans son 
sein la sécrétion qui mürit, les derniers enfin pendant lesquels elle 
expulse son produit, généralement avec une violence telle qu’elle 
est elle-même plus ou moins détériorée. Si son noyau est expulsé 
dans cette suprême manifestation de son activité, elle n’a plus qu’à 
mourir. Sinon, « et quand elle en a le temps », elle reconstitue les 
parties lésées, qui, paraît-il, n'étaient pas très adaptées à la fonction 
de la cellule. La sécrétion mérocrine devient, de la sorte, quelque 
chose de passablement brutal, et, en tout cas, de très évident à la 
plus rapide inspection. Un de ces auteurs, Van Gehuchten, à de 
même décrit des cellules absorbantes prises en flagrant délit d’ab- 
sorption, et cette nouvelle description me paraît aussi artificielle 
que la première, comme je l’expliquerai dans une prochaine note. 

Je ne connais que deux mémoires dont les auteurs s'inscrivent en 
faux contre cette théorie, celui d'Hortolès (84) (seulement dans une 
page incidente) et celui de Sauer (95), qui est consacré presque en 
entier à sa réfutation, mais reste limité au rein des Vertébrés. Je dois 


1 Zimmermann K. W., Beiträge zurKenntniss einiger Drüsen und Epithelien (Arch. 
mikr. Anat., t. LIT, p. 552-698, 3 pl.). 


? Cuénot, L., Etudes physiologiques sur les Orthoptères (Archives biologiques, t. XIV, 
p. 293-333, 2 pl.). 


3 Pantel, la Larve de Thrixion (Cellule, t. XV, p. 7-250, 6 pl.). 


NOTES ET REVUE. XIX 


citer ici Hermann (95), qui, dans sa Revue des Archives de Merkel et 
Bonnet, approuve Sauer sans restriction !. 

J'ai analysé ces deux mémoires dans l’Année biologique ; mais ils 
ne suffisent pas à trancher le litige. Hortoles, en effet, ne connaissait 
que les fixations de Cornil (39), relatives au rein des Vertébrés 
(fig. 1, A), et l’on verra que la chose est beaucoup plus complexe. 
Sauer, lui, a fait excellemment la critique des agents fixateurs ; mais 
il n’atteint pas les observations de Van Gehuchten sur les tissus frais, 
observations qui sont précisément le nœud de la question. 

CARACTÈRES PARTICULIERS DES DIVERSES DESCRIPTIONS. — En groupant 
tous ces mémoires, on peut constituer ce que j'appelle la éhéorie 
vésiculaire, pour abréger. Mais on s'aperçoit vite qu'elle se subdivise 
en plusieurs sous-théories (fig. 1, À, B, GC, D) dont les auteurs ne 
sont nullement d'accord. Ils se divisent, en effet, en deux catégories : 
dans la première, ceux qui ont décrit, pour lestade de repos, un aspect 
que la cellule ne revêt jamais, pour la simple raison que sa constitu- 
ton est différente (fig. 1, A, B, C). Dans la seconde, ceux qui ne se 
trompent que pour les stades appelés par eux stades d'activité 
(fig. 1, D). En face de ces différentes descriptions, je présente en E 
la cellule normale complète, pourvue de sa bordure en brosse ou 
plateau strié, qui peut manquer, ciliée ou non. Suivant les organes, 
je vois cette cellule, soit toujours pareille à elle-même, du moins à | 
ce qu'on peut observer, soit, dans ses phases d'activité, bourrée 
d'inclusions alignées, qui peuvent tout aussi bien être d'absorption 
que de sécrétion. En d’autres termes, pour moi, après Hortolès et 
Sauer, la cellule active ne diffère par rien d’évident de la cellule au 
repos. Je pense que la sécrétion mérocrine se fait, le plus souvent, 
par osmose tranquille, tout comme l'absorption. Là, comme dans 
beaucoup de questions, il faudrait, pour être entièrement fixé, péné- 
trer dans le chimisme intime:.de la cellule. Peut-être alors, dans les 
organes peu différenciés, constaterions-nous ainsi un double cou- 
rant d'entrée et de sortie. 

Voici quelques types de sécrétion vésiculaire : 

1° Cornil (29) pense nous représenter, dans la figure 4, À, un épi- 

1 R. Heïdenhain (74) critiquait déjà les aspects décrits par Muron (71). Mais” 
à cette date, il connaissait la fine structure de la cellule rénale, moins encore 
qu'Hortolès en 1881. C’est sous son inspiration que fut fait le travail de Sauer. 
Quant à M. Heidenhain (99) (Ueber eine eigenthümliche Art protoplasmatischer 


Knospungan Epithelzellen..…., Arch. Mikr. Anat., LV, 59-67, une pl.}, sans exprimer 
d'avis formel, il ne montre aucun enthousiasme pour la théorie vésiculaire, 


XX NOTES ET REVUE. 


thélium de rein de Vertébré en parfaite santé. Ce n’est qu’un exemple 
de fixation tout à fait infidèle, dû sans doute à l'emploi trop prolongé 
de l’acide osmique pur. Hortolés a vu sous le microscope les épi- 
théliums traités de la sorte se vacuoliser et se dissoudre. 

20 Marchal (92) nous donne la figure B, pour les canalicules du 
rein des Crustacés. Ce qui, pour constituer la paroi cellulaire, est 
vraiment une bordure en brosse? (D,, E), est présenté comme une 
couche de vésicules de sécrétion étroitement pressées, qui, cha- 
cune, sortiraient par la base d’un des prismes allongés, en lesquels 
l’auteur croit pouvoir diviser la cellule. Si la sécrétion devient plus 
active, on a tout naturellement l’aspect B,. Pour Trambusti (98) 
(rein des Vertébrés), il n’y a pas non plus de bordure en brosse, sauf, 


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Fig. 1. 


| A, B, C, D, divers aspects de cellules glandulaires mérocrines, d’après les auteurs. 


E, cellules épithéliales de l’intestin moyen dans la larve de Chironomus plumosus, 
d’après mes observations sur les tissus intacts. 


à la base des vésicules, un ourlet strié, dans lequel nous devons, je 
pense, reconnaître la partie intra-cytoplasmique de la brosse. En 
outre, par une distinction bien artificielle, les grandes vésicules de 
B, sont données comme dues aux réactifs. Certainement, si les mi- 
nuscules gouttelettes représentées en B, étaient physiologiques, ilen 
serait de même, lors d’une sécrétion plus active, des grosses vésicules 
de la figure B,. Personnellement, j'ai étudié au microscope, sur le 
frais, le rein du C'arcinus mænas, et j'ai reconnu, comme brosse tout 
à fait normale, les soi-disant vésicules. Mais quand Marchal à fait 


1 C’est une erreur cytologique qui s’est glissée dans son beau travail sur les Crus- 
tacés décapodes (Archives de zoologie expérimentale et générale (2), t. X, p. 57-266, 
9 pl., voir sa page 298). 
| 2 La dénomination que j'emploie ici pour désigner le plateau strié a été proposée, 
je crois, par Tornier (86) pour les cellules du rein des Vertébrés. Elle paraît très 
justifiée, en général. Dans une prochaine note, je ferai connaître mes observations 
sur cette formation qui ont porté sur la larve de Chironome. 


NOTES ET REVUE. XXI 


son travail, la brosse était encore peu connue et, par suite, difficile 
à définir comme telle, partout où elle existe. 

3° Disse (92) nous représente en C le rein des Vertébrés. Il faut 
remarquer que le stade C,, par accolement des parois opposées du 
canalicule, également tuméfiées, nous donnerait sur les coupes quel- 
que chose de tout à fait analogue aux dessins de Cornil. Seulement 
les fixations sont meilleures, d’où le stade C,, décrit comme stade 
de repos. (Van der Stricht [94] se place très près de Disse.) Il suffit 
de constater sur un épithélium vivant, soit rénal, soit intestinal, que 
le noyau ne monte pas dans des vavuoles. Quant à la paroi cellulaire, 
elle ne peut se déplisser sous la pression intérieure, car la brosse 
ne résulte pas plus de l’alignement de digitations cuticulaires que de 
celui de vésicules. 

X De nombreux auteurs connaissent bien la brosse, mais croient 
que, sous la pression intérieure, les poils s’écartent pour laisser passer 
d’abord de très petites vésicules !, puis des grosses qui refoulent la 
paroi, la disloquent et laissent le protoplasma à moitié arraché. On 
comprend alors le nom de boules sarcodiques qu’on n'hésite pas à 
donner à ces productions. Une sécrétion pareille serait pour sûr albu- 
minurique, comme celle que Nicolas (914) attribue au rein embryon- 
naire normal, en pensant tout naturellement à la néphrite aiguë, ou 
à tout autre inflammation *. 

Pour expliquer les aspects reproduits comme normaux par Ni- 
colas (91), Altmann (94 ou autres mémoires) et Van Gehuchten 
(90-93), Sauer critique leurs fixations. Je ne le suivrai pas ici dans 
cette voie, en ayant suffisamment rendu compte ailleurs. J'ai été, 
du reste, moins heureux que lui : même en m’adressant à des reins 
filiformes de jeunes Syngnathes ou de larves de Salamandre, je n'ai 
pas encore eu de coupes qui ne me montrassent au moins quelques 
boules sarcodiques. Pour les larves de Chironome (fig. 2), certaines 
régions s’obtiennent, il est vrai, correctement fixées, et ce n’est pas 
sans intérêt, puisqu'il s’agit des trois régions du ventricule chyli- 
fique, dont la seconde et la troisième sont, avec de mauvais agents, 
de vraies mines de vésicules. Mais, sur coupes, le proventricule me 
donne toujours les aspects de Van Gehuchten. 


1 Ce sont les seules qu'admette Pantel (98), et c’est pourquoi j’ai dit que pour lui 
la théorie était considérablement atténuée. 

2 Voir Cornil (79) et sa figure de rein néphritique que j’ai reproduite dans l'Année 
biologique. 


XXII 


Ïï M 


LR 


Ÿ Fig. 2. 


Schéma du tube digestif de Ja larv® de 
Chironomus plumosus X 20. 


T.A., I.M., 1.P., intestin antérieur, moyen et pos- 
térieur; Gl.s., glandes salivaires; Pr.V., pro- 
ventricule avec les cellules mères de la mem- 
brane péritrophique; C.A.pér., et le laminoir 
La; V.Chy.,ventricule chylifique avec ses trois 
sections ; 7.M., tubes de Malpighi ; Æ/.pér., 
membrane péritrophique bourrée d'aliments. 


E4 


NOTES ET REVUE. 


LES OBSERVATIONS SUR LES TIS- 
sus FRAIS. — Ce sont celles qui 
doivent apporter la véritable so- 
lution ; mais à condition qu’on 
soit certain d'étudier un tissu 
bien intact. Si j'explore à l’im- 
mersion, sans avoir besoin de le 
dilacérer, un rein de jeune 
Syngnathe, je vois des épithé- 
liums assez clairs, ce qui est si 
rare pour le rein. Je peux suivre 
plusieurs canalicules et les trou- 
ver libres de vésicules. Bientôt 
celles-ci apparaissent et devien- 
nent nombreuses, par le fait de 
la compression et de la mort du 
tissu. C’est l'observation d’Hor- 
tolès. S'il est possible d’objecter 
que les canalicules observés se 
trouvaient au repos, comment 
expliquerait-on, pour les alté- 
rations survenues par la suite, 
qu’elles fussent si pareilles à ce 
qu'on a décrit comme normal ? 
J’accorderai en tout cas que, 
dans un rein comprimé, il se 
trouvera presque toujours des 
régions avec vésicules, et cela 
infailliblement s’il a fallu le di- 
lacérer. Plus typique peut-être 
sera l'observation d’un intestin 
cilié de Mollusque (Aplysie, Do- 
ris, etc.). J'obtiens facilement 
des sections intactes, mais bien- 
tôt les vésicules se pressent 
entre les cils qui ne battent plus 
que par groupes gênés, de plus 
en plus englués et accolés par 
leurs pointes. Ce sont toujours 


NOTES ET REVUE. XXIT1 


les dessins de Van Gehuchten, mais appliqués à des cellules ciliées, 
de sorte que le caractère traumatique de ces phénomènes est plus évi- 
dent encore. La plupart de ces vésicules restent adhérentes à la paroi 
jusqu'à la fin de l’observation, ce qui ne correspond guère à l’idée 
qu’on peut se faire d’une sécrétion. 

Voici, je crois, maintenant, une expérience qui ne peut laisser 
aucun doute ‘. De jeunes larves de Chironomes(de 6-8 millimètres)sont 
tout à fait transparentes. Au compresseur modérément appliqué, 
l'intestin peut s’étudier en entier à l'immersion. Les caractères cyto- 
logiques de ce proventricule, si rebelle à la fixation, sont spéciale- 
ment évidents ;, les cellules mères de la membrane péritrophique 
sont très nettes avec leur bordure en brosse (fig. 2, C, M, Per.). On 
ne voit pas, dans tout le tube digestif, la moindre vésicule de sécré- 
tion, et cependant le sac alimentaire est rempli. Disséquons une de 
ces larves que nous avons ainsi explorées et plaçons l'intestin sous 
un couvre-objet. Le faible poids de celui-ci suffit à comprimer les 
génératrices supérieure et inférieure du cylindre intestinal entre les 
deux lames de verre et le sac alimentaire. La valvule cardiaque, 
rigide, est une cause spéciale de compression pour les tissus du pro- 
ventricule. Au contraire, les parties latérales ne subissent aucune 
action mécanique. Eh bien, aussitôt, les zones comprimées parais- 
sent sécréter activement, et les zones non comprimées restent au 
repos, C'est-à-dire, en réalité, intactes. Même les cellules mères de la 
membrane péritrophique, dont la fonction est de sécréter une chi- 
tine semi-liquide, soit en nappe, soit en filaments, expulsent de 
grandes vésicules. (J’ai vu d’ailleurs, sur des coupes, de pareilles 
cellules avec une ou deux boules et, de plus, un filament de chitine 
issu de la cellule.) Les cæcums proventriculaires se remplissent de 
boules brillantes qui restent non dissoutes dans leur suc hyalin, et 
qui seraient fort empêchées de sortir par l’étroit /aminoir annulaire 
(fig. 2, La.). Dans la section 1 du ventricule chylifique, pas de vési- 
cules ; ce qui ferait dire à Van Gehuchten que cette région est absor- 
bante. En réalité, nous n’en savons rien, quoiqu’elle absorbe, et en 
apparence elle seule, le bleu de méthylène. Il n’y aurait d’ailleurs rien 
d'impossible à ce qu’une cellule absorbante fût moins altérable 


1 Dans la note que M. le professeur de Lacaze-Duthiers a bien voulu présenter 
en mon nom à l'Institut, le 26 juin, sur l’histologie du tube digestif de Chironomus 
plumosus (C. R. Ac. sc., Paris, CXXVII1, 1899, 1596-1598), j'ai donné en quelques 
mots les conclusions de mon travail sur ce point. 


XXILV NOTES ET REVUE. 


qu’une cellule glandulaire. Mais il serait bien étonnant que la longue 
section 2 du ventricule n’absorbât pas, ce qui ne l'empêche pas de 
former de grosses vésicules, toujours sessiles. Dans la section 3, de 
nombreuses, petites. Souvent aussi, des altérations dans les tubes de 
Malpighi, et, immanquablement, dans les grosses cellules qui précè- 
dent leur embouchure. Dans ce point surtout, la traction exercée 
sur l'intestin pour l’arracher du corps a dû léser les tissus. Cepen- 
dant, si nous voulons avoir une idée de la sécrétion normale des 
tubes de Malpighi, il semble que nous puissions nous en rapporter 
à l’osmose tranquille d'un liquide coloré, tel que le rouge neutre. 
Quant aux grosses cellules de ampoule rectale, elles sont protégées 
par leur cuticule chitineuse et, si elles sont parfois vacuolisées chez 
des larves malades, avec des altérations particulières de leurs trabé- 
cules cytoplasmiques, c’est là tout autre chose qu’une sécrétion. 

Renouvelons maintenant la même série d'observations sur une 
larve maintenue à jeun, les résultats seront identiques. J'ai pu con- 
stater également l’absence de vésicules sur les cellules d’un animal 
bien vivant, chez quelques larves de Corethra et aussi chez des Oligo- 
chètes voisines des /Vais. Ajoutons que toute adjonction d’un liquide 
étranger au plasma de la larve de C'hironome, tel que phosphate de 
soude, chlorure de sodium, solution de sucre, dans les proportions 
regardées comme indifjérentes, altère les cellules au même titre que 
la compression *. : 

Si, maintenant, nous voulons nous expliquer les résultats de Van 
Gehuchten, sectionnons l'intestin en un point quelconque, comme il 
faudrait bien le faire pour l’étudier, s’il n’était pas transparent. La 
pression de l’instrument produira infailliblement des vésicules au 
voisinage de la section. La Ptychoptera ayant des tissus opaques, Van 
Gehuchten n’a pu explorer que des sections et a cru, à tort, les avoir 
obtenues parfaitement intactes. 

Je m'explique donc, par une connaissance imparfaite de ce qui est . 
vraiment l'intégrité d'un tissu, les faits sur lesquels a été fondée cette 
théorie vésiculaire, dont les torts principaux sont de méconnaître, 
lorsqu'elles existent, la délicatesse des différenciations pariétales de 
la cellule épithéliale, de supposer ensuite des restaurations de cette 


1 L'adjonction de la lymphe de Chironome à celle d’une autre larve de Diptère in- 
déterminée, que je trouvais trop pauvre en liquide pour l’observation, a produit sur 


les épithéliums de cette larve un effet de destruction foudroyant, avec émission 
d'innombrables vésicules. 


NOTES ET REVUE. XXV 


paroi que l'examen du tissu frais ne laisse même pas soupçonner, 
de faire évacuer par une cellule mérocrine une partie de son pro- 
toplasma et parfois son noyau, et enfin de faire proclamer « sécré- 
tantes » ou « absorbantes » des cellules dont le vrai rôle n’en reste 
pas moins inconnu. 

Il serait certainement prématuré de généraliser les conclusions de 
la présente note ; mais si des phénomènes de ce genre devaient être 
dans certains organes, décrits néanmoins comme normaux, nous 
nous Croirions en droit de demander que ce ne fût, ni uniquement 
sur des fixations toujours douteuses, ni sur l'observation d’un tissu 
dilacéré et comprimé. Les circonstances du phénomène pourraient 
alors renseigner l’histologiste. On réussirait à colorer spécifiquement 
le produit de la sécrétion, tant dans le sein du cytoplasme que dans 
le conduit de la glande, ou l’on assisterait à des régénérations épi- 
théliales, une telle sécrétion devant être plus ou moins considérée 


comme olocrine !. 
P. VIGNON. 


VIII 


LA FONCTION EXCREÉTRICE DU FOIE DES GASTROPODES PULMONÉS 
CRITIQUE D UN TRAVAIL DE BIEDERMANN ET MORITZ 


Par L. CuUEÉNOT, 


Professeur à l’Université de Nancy. 


Biedermann et Moritz viennent de faire paraître ?, sur les fonctions 
du foie des Æelix, un mémoire dont les résultats sont très différents 
de ceux que J'ai publiés en 1899*; je tiens à maintenir le bien fondé 
de mes observations, qui ont été acceptées dans différents traités 
classiques. 

On sait que le foie des Gastropodes Pulmonés terrestres renferme 
quatre sortes de cellules très différentes d'aspect et de rôle, dont la 


1 Je pense ici, par exemple, aux observations d'Henry (97) sur la sécrétion de 
l’épididyme des Reptiles (Bibl. Anat., V, 184-188). 

2 BrepeRMANN et Moritz, Beiträge zur vergleichenden Physiologie der Verdauung. 
111: Ueber die Function des sogenanniten « Leber » der Mollusken (Arch. f. die ges. Phys., 
Bd215% 1899; p.141) 

3 CUÉNOT, Études physiologiques sur les Gastéropodes pulmonés (Archives de biologie, 
t. XII, 1899, p. 683). 


XX VI NOTES ET REVUE. 


terminologie est quelque peu embrouillée : 1° de grandes cellules 
à granules de phosphate de chaux (Xalkzellen); 2° des cellules rem- 
plies de petits granules jaunes et incolores (Zeberzellen de Barfurth 
.et Yung, Âôrnerzellen de Frenzel, Resorptionszellen de Biedermann et 
Moritz); 3° des cellules renfermant un nombre variable de grandes 
vacuoles à liquide jaune, dans lesquelles se trouvent des sphères 
brunes (Fermentzellen de Barfurth et Yung, Xeulenzellen de Frenzel, 
Secretzellen de Biedermann et Moritz); 4° de petites cellules renfer- 
mant une concrétion arrondie, incolore ou jaune pâle, que j’aisigna- 
lées pour la première fois (cellules cyanophiles). J'ai montré, par la 
méthode des injections physiologiques, que contrairement aux idées 
de Barfurth, Yung et Frenzel, les cellules vacuolaires de la troisième 
catégorie et les cellules cyanophiles de la quatrième sont incontesta- 
blement des cellules excrétrices, qui absorbent en quantité les cou- 
leurs injectées dans le cœlome, exactement comme les cellules à 
concrétions uriques de la néphridie; ces produits d’excrétion sont 
rejetés périodiquement au dehors avec les excréments. Il est donc 
très probable que ce sont les cellules de la deuxième catégorie qui 
sécrètent les ferments digestifs, et je leur ai attribué le nom de cel- 
lules hépatiques à ferments. 

Biedermann et Moritz, qui ne connaissent pas du reste mon travail 
bien antérieur au leur, non plus que d’autres mémoires assez impor- 
tants, émettent des vues absolument différentes : ce seraient les cel- 
lules vacuolaires qui sécréteraient les ferments digestifs (ancienne 
opinion de Barfurth et Yung), tandis que mes cellules à ferments 
seraient chargées de l’absorption des produits dialysables de la di- 
gestion. 

Il n’est pas difficile de montrer expérimentalement que cette 
manière de voir n’est pas soutenable ; si l’on injecte dans le cæœlome 
une solution aqueuse de fuchsine acide et de dahlia, au bout de quel- 
ques heures, ces couleurs sont éliminées à la fois par le rein et le 
foie : les vacuoles et sphères brunes des cellules vacuolaires devien- 
nent d’un rouge vif, les concrétions des cellules cyanophiles d’un bleu 
violet intense, tandis que les cellules hépatiques et calciques gardent 
leur aspect normal. Pour qui connaît la valeur de la méthode des 
injections physiologiques, cela suffirait pour démontrer la fonction 
excrétrice des cellules vacuolaires et cyanophiles. 

Mais on peut préciser encore la démonstration : l’Aelix injecté 
reprend sa vie normale, se remet à manger, et au bout d'une ou 


NOTES ET REVUE, XXVII 


deux semaines (exactement dix-sept jours pour un Âelix pomatia L. 
injecté d’indigocarmin et de dahlia, sur lequel je viens de refaire 
l'expérience), on trouve dans les excréments un cordon volumineux 
formé entièrement de nodules cyanophiles et de sphères brunes, co- 
lorés par les substances qui avaient été jadis injectées dans le cœlome:; 
le liquide renfermé dans l’estomac a, au contraire, sa coloration nor- 
male et l’on n’y trouve aucune partie solide. Puisque le contenu des 
cellules vacuolaires et cyanophiles du foie est rejeté ainsi périodique- 
ment au dehors et ne passe pas dans le liquide stomacal, on est bien 
obligé de lui reconnaître la valeur de produit d’excrétion; il n’y a 
pas d’autre interprétation possible. 

Je rappellerai d’ailleurs que le foie de beaucoup de Gastropodes 
ne renferme que des cellules à ferments : c’est le cas de la plupart 
des Prosobranches (Murex, Buccinum, Paludina), tandis qu'il ÿ a à la 
fois des cellules à ferments et des cellules excrétrices chez les Gastro- 
podes Pulmonés, chez les Opisthobranches (Aplysia, Doris, Eolis) 
[Cuénot et Hecht]|', et chez quelques Prosobranches, Calyptra chi- 
nensis L.? et Cyclostoma elegans Müll., chez cette dernière espèce, 
Garnault® a bien décrit les cellules vacuolaires du foie, et les a aussi 
considérées comme excrétrices, ayant retrouvé leur contenu dans 
le rectum. 

Absorption intestinale. — J'ai montré dans ce même travail de 
1892, en précisant une idée un peu vague de Barfurth, que l’absorp- 
tion des produits dialysables de la digestion avait lieu entièrement à 
travers le foie; en effet, si on mélange à la nourriture des matières 
colorantes, on constate après quelques jours que la couleur est ab- 
sorbée par les cellules du foie, qui exercent un choix précis : le tour- 
nesol bleu et le carminate d’ammoniaque s'accumulent en petits 
grains dans le cytoplasme des cellules à ferments, le dahlia dans les 
cellules cyanophiles, l’indigocarmin et le bleu de méthylène dans 
les cellules vacuolaires. Je viens encore de vérifier le fait, en nour- 
rissant des Aelix nemoralisL. et pomatia L., avec de la salade mélangée 
à du saccharate de fer ; au bout de quelques jours, le foie est fixé à 
l’alcool à 90° et débité en coupes, que l’on traite par les réactifs du 


1 HecuT, Contribution à l'étude des Nudibranches (Mémoires de la Société zoologique 
de France, t. VIII, 1895, p. 539). 

2 CuENOT, l'Excrétion chez les Mollusques (Archives de biologie, t. X VI,1899, p. 49). 

3 GARNAULT, Recherches anatomiques et histologiques sur le Cyclostoma elegans 
(thèse de Paris, 1887). 


XX VIII NOTES ET REVUE. 


bleu de Prusse (ferrocyanure de potassium et acide chlorhydrique 
très étendus) : les granules des cellules à ferments et des cellules cal- 
ciques sont nettement teintés en bleu, ce qui indique l'absorption du 

sel de fer par ces deux sortes de cellules; l’intestin ne montre pas 
trace de coloration. 

Biedermann et Moritz, en montrant que le carmin mélangé à la 
nourriture est absorbé par les cellules à ferments (leurs Æesorptions- 
zellen), ne font que confirmer ce que j’ai annoncé en 1892; le seul 
fait réellement neuf à leur actif est d'avoir constaté l’absorption de 
la graisse (dont je ne m'étais pas occupé) par les cellules à ferments 
et peut-être les cellules calciques. Le nom de Aesorptionszellen ne 
peut être maintenu, car toutes les cellules du foie sont sans doute 
capables de se laisser traverser par les produits dialysables de la 
digestion, mais avec une certaine élection, comme le montrent les 
expériences citées plus haut. 

= Fonction d'arrêt du foie. — Comme beaucoup d’organes absorbants, 
le foie des Pulmonés possède une fonction d'arrêt ; ses cellules absor- 
bent bien les matières colorantes mélangées à la nourriture, mais il 
n’en passe pas une trace dans le cœlome; la paroi basale des cellules 
oppose donc une barrière infranchissable au passage des produits inu- 
tiles ou nuisibles, qui sont cependant entrés dans le cytoplasme, à 
travers la paroi libre. Dastre ‘a montré récemment que la chlorophylle 
des aliments végétaux se comporte exactement comme les matières 
colorantes que j’ai employées dans mes expériences : la chlorophylle 
est bien absorbée, mais elle reste fixée dansle foie, où on la retrouve 
même après le long jeûne de l’hibernation ; on sait du reste que pen- 
dant cette péricde, le processus d'élimination est tout à fait arrêté, 
et que les cellules excrétrices du foie et du rein gardent telles quelles 
les matières colorantes qu'elles ont absorbées au début del’hiberna- 
tion (Cuénot, voir page 699). 


1 DastTre, la Chlorophylle du foie chez les Mollusques (Journal de physiologie el de 
pathologie générale, t. I, 1899, p. 111). 


NOTES ET REVUE. XXIX 


IX 


UN NOUVEAU FERMENT SOLUBLE : L’'OVULASE , 
PAT BEMPTERT 


Préparation de l'ovulase. — L’ovulase a été obtenue en agitant les 
spermatozoïdes d'Échinodermes frais et en bonne santé (Strongylo- 
centrotus lividus et Echinus esculentus), pendant un quart d'heure dans 
un flacon de verre : 

lo Soit dans l’eau de mer (A); 

2 Soit dans l’eau distillée (B). 

Le liquide a été filtré; le filtre, en papier, a laissé passer des sper- 
matozoïdes, mais ceux-Ci étaient sans queue, immobiles, c’est-à-dire 
morts, autant qu’on a pu le constater au microscope. 

L'æpériences. — Ce liquide, l’ovulase, a été employé, immédiatement, 
quatre et même dix heures après sa préparation. La température du 
laboratoire était 19 degrés. 

I. — L’ovulase a été mise en contact, sur des lamelles creuses de 
verre, avec des ovules*? frais et bien lavés à l’eau de mer, et la seg- 
mentation, produite lentement, a été observée jusqu’au stade morula, 
même avec l’ovulase vieille de dix heures. 

Au microscope on a constaté : 1° aucune pénétration de spermato- 
zoïdes ; 2 la disparition de la vésicule germinative ; 3° la segmenta- 
tion jusqu'au stade morula ; 4° quelques ovules, non segmentés, 
avaient la vésicule et le vitellus légèrement granuleux, mais ni stries 
en rayons ni membrane vitelline à double contour comme celles que 
l’on remarque chez les ovules non fécondés ; 5° l’ovulase (B) a agi 
plus lentement que l’ovulase (A) et a donné quelques segmentations 
seulement. 

Il. — Les ovules placés et observés dans les mêmes conditions : 

1° Dans l’eau de mer pure, n’ont rien donné; 

2° Dans l’eau distillée, sont devenus clairs, puis ont éclaté. 

Conclusion. — L’ovulase, retirée des spermatozoïdes par simple 
agitation, est un ferment soluble qui a la propriété de déterminer la 
segmentation des ovules. 


* Ces recherches ont été faites au laboratoire maritime de Roscoff, août 1897. 
? Ovule me semble mieux approprié que le terme œuf qui implique l’idée de fécon- 
dation. Des ovules ont été pris dans les ovaires en pleine maturité. 


XXX NOTES ET REVUE. 


Objections. — 1° Tous les spermatozoïdes, sauf dans l’eau distillée, 
n’ont pas été tués par l'agitation prolongée. L'ovulase devra s’obte- 
nir par centrifugation et par filtration à travers un filtre en porce- 
laine; 2° quelques ovules venaient d’être fécondés dans le bocal, 
. malgré les précautions prises ? 

Mais, si la conclusion précédente se confirme, elle sera féconde en 
conséquences biologiques et philosophiques. 


X 


COMPTE RENDU BIBLIOGRAPHIQUE. 


Orro JAECKEL. — Stammesgeschichte der Pelmatozoen. 1 Bd. Thecoidea und 
Cystoideu. Un vol. in-4° de 442 pages avec 18 planches et 88 figures dans 
le texte. J. Spreinger, éditeur, Berlin, 1899. (Prix : 40 marks.) 

C’est le premier volume d’un ouvrage dédié à la mémoire de Johannes Muller, 
le fondateur der Echinodermen-Forschung, et qui sera considérable si l’on en juge 
par la première partie. 

Après une très courte introduction, l’auteur entre immédiatement dans son sujet 
par la description des Thecoidea qui n'occupent qu’une quarantaine de pages. Il 
décrit successivement la forme générale du corps, le squelette, les ambulacres, les 
plaques somatiques, les plaques sous-ambulacraires, l’appareil hydrophore, les 
appareils digestif, musculaire, nerveux, génital, les conditions d'existence et la 
distribution géographique, l’ontogénie, la phylogénie et enfin la systématique dans 
laquelle il admet deux familles, les Thecocystidæ et les Agelocrinidæ. 

Les Cystoidea occupent la plus grande partie du volume, 400 pages environ. C’est 
pour leur étude le même plan et la même méthode, de l'introduction à la descrip- 
tion des espèces, que pour les Thecoidea qui précèdent. Ce groupe important est 
partagé en deux ordres, les Dichoporitæ et les Diploporilæ. Chacun de ces ordres 
renferme un trop grand nombre de familles pour qu’on puisse les citer. L'auteur 
donne les caractères de quatorze familles et décrit un nombre considérable de 
genres et d'espèces. 

L'ouvrage du Dr O. Jaeckel se termine par une revue des travaux publiés sur ce 
sujet et une table alphabétique des genres et des espèces, qui en font un guide fort 
utile dans les recherches zoologico-paléontologiques. 

L’exécution en est fort soignée et mérite d'attirer l’attention des spécialistes. Les 
planches sont fort belles, et les figures dans le texte, généralement au trait, suffi- 
sent pour donner des indications précises sur les formes el les relations des pièces 
solides qu’elles représentent. Quelques-unes de ces figures, par exemple les figures 
37, 39, 40, 45, 50, présentent un fini d'exécution et une valeur vraiment artistiques. 


D' HAGENMULLER. — Bibliotheca sporozoologica. Un vol. in-4° de 232 pages, 


Annales du Musée d'histoire naturelle de Marseille. Série II, T. I, supplé- 
ment. 


La bibliographie complète, générale et spéciale, des travaux concernant les Spo- 
rozoaires que vient de publier le D' Hagenmüller représente un effort considérable. 


NOTES ET REVUE. XXXI 


On ne saurait trop louer la patience et le dévouement d'Hagenmäüller et les bonnes 
intentions du savant professeur de Marseille A.-F. Marion, pour avoir facilité 
l’accès de cette partie de la zoologie, l’un par ses patientes recherches, l’autre par 
l'impression dans ses Annales d’un travail qu’on pourrait dire aussi aride, sil ne 
présentait autant d'avantages aux naturalistes nombreux qui s’occupent de ces êtres 
infiniment petits. 

Deux cent trente-deux pages d’un grand in-40 à 16 lignes composées seulement 
du nom de l’auteur, du titre du travail et de l'indication du lieu de la publica- 
tion ! Quel travail ingrat de recherches bibliographiques ! Mais aussi quel précieux 
recueil où puiseront des renseignements pour leurs études les chercheurs des Spo- 
rozoaires ? Quelle abnégation de la part d’un savant qui a été à la peine pour 
rechercher les matériaux propres à ces publications, mais aussi quel service rendu 
aux naturalistes ! 

On ne saurait mieux faire que de reproduire ici les premières lignes du traité, 
car c'en est un, de M. Hagenmäüller : 

« À peine entrevus au commencement du siècle, les Sporozoaires ont pris depuis 
quelques années une place considérable dans la littérature scientifique. Mais les 
particularités biologiques de ces êtres, les difficultés inhérentes à leur observation, 
la dissémination de leur parasitisme à travers tout le règne animal, ont imprimé 
aux études dont ils ont été l’objet un caractère tout fragmentaire. Malgré l’in- 
térêt considérable qui s'attache aux Sporozoaires au point de vue de la cytologie 
et de la physiologie en général, nous n’avons guère encore sur eux que des mono- 
graphies, moins encore, des parcelles de monographies. Les rares essais s’adressant 
à un groupe un peu étendu de ces parasites deviennent rapidement insuffisants par 
l'apport continuel de documents nouveaux. Ces documents vont se multipliant sans 
cesse, mais aucun lien ne les rattache, ils sont épars dans une foule de périodiques, 
de revues, de bulletins, de toutes langues, de tous pays. Pour la moindre étude 
concernant un Sporozoaire quelconque, pour une simple spécification, il faut actuel- 
lement affronter le fastidieux préliminaire de véritables fouilles bibliographiques. » 

Après quelques mots sur l’insuffisance des indications qu’on trouve dansla science, 
M. Hagenmüller dit modestement : « Je puis donc espérer que la présente biblio- 
graphie ne sera pas inutile aux chercheurs et qu’elle facilitera dans une certaine 
mesure l'étude des Sporozoaires. » Nous le croyons aisément. 

L'ouvrage est divisé en deux parties : 


PREMIÈRE PARTIE. — Bibliographie générale, comprenant les noms d'auteurs 
— classés par lettres alphabétiques — et l'indication de tous les travaux parus 
avant 1899. 


DEUXIÈME PARTIE. — Bibliographie spéciale, présentant les mêmes faits groupés 
dans un ordre plus commode pour les recherches. 

Elle renferme dix chapitres correspondant à des groupes d’ouvrages spéciaux, dont 
voici la série dans l’ordre indiqué par la table de l’ouvrage : 

1° Ouvrages généraux de zoologie, botanique, histologie, cytologie, méde- 
cine, etc., etc. 

20 Opera incertæ sedis ; 

30 Grégarines ; 

49 Coccidies ; 

50 AmϾbosporidies; 

6° Myxosporidies ; 

7° Sarcosporidies ; 

8° Exosporidies ; : 

90 Sporozoaires du sang des Vertébrés ; 

100 Sporozoaires considérés comme agents’ pathogènes des tumeurs et de quel- 
ques affections spéciales. 

En félicitant et l’auteur et le directeur des Annales du Musée de Marseille pour 


XXXII NOTES ET REVUE. 


cette excellente publication qui évitera bien des pertes de temps à plus d’un cher- 
cheur, nous rappelons cette phrase de l’introduction citée plus haut : « Les essais 
s'adressant à un groupe un peu étendu de ces parasites deviennent rapidement 
insuffisants par l'apport continuel de documents nouveaux. » 

Elle nous conduit à espérer que MM. Hagenmüller et Marion n’en resteront 
. pas à cette première publication et que tous les ans un compte rendu des travaux 
nouveaux sur les Sporozoaires tiendra les savants au courant des études nouvelles 
faites sur ce groupe. 


XI 


INDEX DES TRAVAUX DE ZOOLOGIE 
PUBLIÉS DANS LES PRINCIPAUX RECUEILS PÉRIODIQUES EN 1899. 


Zeitschrift für wissenschaftliche Zoologie, t. LXV, Hft. 3. 


LAUTERBORN (R.).— Protozoen-Studien. IV Theil. Flagellaten aus dem Gebiete 
des Oberrheins, p. 369-391, pl. XVII-XVIIT. 

Hezzy (K.-K.).— Histologie der Verdauungswege von Dasypus villosus, p. 392- 
403, pl. XIX. 

Zscuorke (F.). — Neue Studien an Cestoden aplacentaler Säugethiere, p. 404- 
445, pl. XX-XXI. 

Hesse (R.). — Untersuchungen über die Organe der Lichtempfindung bie nie- 
deren Thieren. V. Die Augen der polychäten Anneliden, p. 446-516, 
pl. XXII-XXVEI. 

NôLpeke (B.). — Die Herkunft des Endocardepithels bei Sa/mo salar, p. 517- 
528, pl. XXVIL. 


Zeitsch. f. wiss. Zool., t. LXV, Hft. 4. 


GUNTHER (A.). — Untersuchungen über die im Magen unserer Hauswiederkäuer 
vorkommerden Wimperinfusorien, p. 529-572, pl. XXVIII-XXIX, 2 figures 
dans le texte. 

Môczer (F. v.). — Ueber das Urogenitalsystem einiger Schildkrôten, p. 573- 
598, pl. XXX-XXXII. 

Emer (Th.) und Fickerr (C.). — Die Artbildung und Verwandtschaft bei den 
Foraminiferen. Entwurf einer natürlichen Eintheilung derselben, p.599- 
708, 45 figures dans le texte. 


MEISENHEIMER (J.). — Zur Morphologie der Urniere der Pulmonaten, p. 709- 
724, pl. XXXIIL, 4 figures dans le texte. 
ForsseLz (G.). — Beitrige zur Kenntniss der Anatomie der Lorenzinische 


Ampullen bei Acanthias vulgaris, p. 725-744, pl. XXXIV. 


Paru le 20 décembre 1899. 


Les directeurs : 
H. DE LACAZE-DUTHIERS et G. PRUvOT. 


Les gérants : SCHLEICHER FRÈRES. 


ARCHIVES 


DE 


ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE 


PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE 


H. pe LACAZE-DUTHIERS ET G. PRUVOT 
Membre de l’Institut. Professeur à l'Université de Grenoble. 
3e SÉRIE, T. VII. NOTES ET REVUE. No 3. 
XII 


DÉNOMBREMENT DES NIDS DE LA FOURMI FAUVE (F. RUFA, L.), 


Par Emile Yuns, 
Professeur à l’Université de Genève. 


Combien y a-t-il de Fourmis dans une fourmilière ? Cette question 
m'ayant été fortuitement posée il y a quelques années à propos de la 
Fourmi fauve qui construit dans les bois de grands nids en forme de 
dômes, et n'ayant su alors lui trouver aucune réponse dans la litté- 
rature relative aux Fourmis, je me décidai à compter les habitants 
de quelques nids de cette espèce. Après quelques tentatives infruc- 
tueuses pour les capturer, je me suis arrêté au procédé suivant : 

J'utilise l'aptitude bien connue qu'ont les Fourmis de se jeter sur 
les objets qu’on leur présente. A l'heure propice, c’est-à-dire quand 
le soleil réchauffe le nid et que les ouvrières viennent en foule «four- 
miller » à sa surface, j’applique contre celle-ci une pelle en bois 
de 4 décimètre carré environ. La pelle ne tarde pas à être couverte 
de Fourmis que je balaye rapidement au moyen d’une brosse fine 
afin de les faire tomber dans une large cuvette contenant de l'esprit 
de vin. Je répète la même opération durant une heure ou deux, jusqu'à 
ce que le nid soit appauyri au point de ne plus livrer qu’un petit 
nombre d'individus à chaque coup de pelle. La récolte ainsi obtenue 
ne comprend qu'une fraction de la population du nid, car le reste 
— et par les beaux jours d'été, c’est le grand nombre — bat la cam- 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. — 3€ SÉRIE. — T, VII. 1899. C 


XXXIV NOTES ET REVUE. 


pagne environnante à la recherche de nourriture et de matériaux de 
construction. C’est pourquoi le lendemain et les jours suivants, je 
retourne au nid prendre, par le même artifice, les Fourmis qui y 
sont revenues, et je continue de la sorte jusqu'à ce que les chemins 
‘aboutissant au nid soient devenus déserts et que le nid lui-même soit 
à peu près dépeuplé; alors, je détruis ce dernier et je fouille aussi 
bien que possible ses galeries souterraines afin de saisir les dernières 
ouvrières qui y ont transporté les larves. Parfois une semaine suffit 
pour tout prendre; mais parfois aussiil faut prolonger le travail pen- 
dant plus d’un mois. Cela dépend du temps qu'il fait, les jours som- 
bres et froids sont improductifs, les Fourmis ne se laissant prendre 
alors que très difficilement. 

Dans certains cas, quand les chemins sont nettement tracés et que 
les arbres sur lesquels se tiennent les pucerons fréquentés par les 
Fourmis sont facilement accessibles, on active les opérations en 
y allant récolter des individus après s’être naturellement assuré qu'ils 
appartiennent bien à la même fourmilière. 

Les récoltes achevées, on les jette sur un filtre, on les sèche au 
soleil, puis on compte les Fourmis une à une. 

Voici les résultats obtenus, comme il vient d’être dit, sur cinq nids 
solitaires * recensés pendant les mois d’août et de septembre 1897 
et 1899 : 


Diamètre 

de la base. Hauteur. Total. 
À. Nid situé près de Val d'Illiez......... 1m,60 0m,70 33 018 
B. — ChaAMPÉNYS EE ee 1 98 0 55 67 470 
C. — Montricher 608 4 60 0 60 19933 
D. — N'ontricher eee TOME OP NO NC D 92 694 
E. — laCoudrer eee" 0 95 0 45 47 828 


Ces chiffres sont assurément des minima, car, si soigneusement 
qu'on procède, il s'échappe un certain nombre d'individus, mais j’es- 
time que, dans les cinq cas ci-dessus, ce nombre n’a pu être bien 
élevé, et qu’en majorant de 10000 par exemple chacun de nos chif- 
fres, on se trouverait à coup sûr au-dessus du total réel. Tels qu'ils 
sont, ils donnent une idée très proche de la vérité. Ils montrent : 
1° qu’il n’y a pas de proportionnalité entre les dimensions d'un nid 


* On sait que les fourmilières de Formica rufa se distribuent fréquemment dans 
plusieurs nids formant une colonie; il est donc indispensable, avant de procéder au 
recensement, d'observer si le nid choisi est isolé, sans quoi on s'exposerait à tra- 
vailler plusieurs mois sans parvenir à l’épuiser, repeuplé qu'il pourrait être, au fur 
et à mesure, par les habitants des autres nids de la colonie. 


NOTES ET REVUE. XXXV 


et le nombre de ses habitants; 2 que les cités de Fourmis fauves les 
plus peuplées ne dépassent pas de beaucoup 100000 individus, et que 
la plupart n’en contiennent qu’un nombre inférieur, et, d’ailleurs, 
très variable d’un nid à l’autre. 

M. Auguste Forel ! évaluant par voie indirecte la population d’une 
fourmilière de dimension moyenne de Formica pratensis (simple race, 
selon lui, de la Ÿ. rufa), est arrivé à un total de 414000, mais il estime 
que les grandes fourmilières de cette variété peuventatteindre jusqu'à 
400 000 ou 500 000 habitants. Sir John Lubbock?, sans citer d’opser- 
vations personnelles, surenchérit encore ; il croit que ce nombre 
considérable est « dépassé dans beaucoup de cas». Mon opinion est, 
au contraire, que ce nombre, tout au moins pour la Fourmi fauve, est 
sûrement exagéré. 


XIII 


NOTES BIOLOGIQUES SUR LES GRILLONS, 


Par L. Lécer et O. DuBosco:. 


Il. CRISTALLOÏDES INYRANUCLÉAIRES. 


Les cristalloïdes intranucléaires, bien connus des botanistes, n’ont 
été rencontrés chez les animaux que dans un très petit nombre de 
cas. Kolliker en a vu dans la vésicule germinative des Poissons, et 
Van Bambeke dans celle de Pholcus. Lenhossek les décrit dans les 
cellules des ganglions sympathiques du Hérisson, où, depuis, ils ont 
été étudiés par Prenant. Les cristalloïdes des cellules intestinales de 
Tenebrio molitor sont les plus célèbres. Signalés dès 1882 par Frenzel, 
ils ont été revus par Rengel, puis, tout récemment, par Biedermann 
Citons encore ceux de l'intestin des larves de Lamellicornes (Min- 
gazzini), Ceux des cellules salivaires de Vepa (Carnoy), et ceux des 
cellules pigmentaires des Oursins (List), et nous aurons peut-être 
énuméré tous les cas connus des zoologistes. 

Nous avons trouvé des cristalloïdes intranucléaires d’une façon 


1 AuG. FOoREL, les Fourmis de la Suisse, p. 366. 

2 Joux LuBBock, Fourmis, Abeilles et Guépes, t. I, p. 100. 

3 Une première note sur les Tubes de Malpighi des Grillons a paru dans les Comptes 
rendus de la Société de biologie, n° 22, 1899, 


XXXVI NOTES ET REVUE. 


constante dans tout l'intestin moyen de Gryllus et de Gryllomorpha. 
Disons d'abord ce que nous appelons intestin moyen chez les Grillons, 
car on est loin de s'entendre, et les travaux récents d’embryologie ne 
. sont pas faits pour éclaircir la question. 

Frenzel n'admettait comme mésointestin que les cæcums. Bordas, 
au contraire, prolonge l'intestin moyen jusqu’à l'embouchure des 
tubes de Malpighi, opinion manifestement 
insoutenable, puisque sa deuxième portion 
de l'intestin moyen a souvent une structure 
identique à celle de l'intestin postérieur. 
L'opinion de Cuénot manque de précision. 
« Chez les Grillons, dit-il, l'intestin moyen 
est très court et s'arrête bien avant le point 
de débouché des tubes de Malpighi. » 

Nous entendons par intestin moyen (C et 
Im, fig. 1) les cæcums et la première portion 
de l'intestin moyen de Bordas, et nous fai- 
sons commencer l'intestin postérieur /p avec 
l'apparition des productions chitineuses qui 
continuent sans interruption jusqu à l’anus. 
D'ailleurs, à la simple dissection on recon- 
naît que l'intestin postérieur tel que nous 


Fig. 1. l’entendons est très bien délimité par un 
Tube digestif de Grylus Changement d’axe. De ce fait, il s’abouche, 
CGHEURRE LS en faisant un angle, avec l'intestin moyen, 


Prgésier; C, cecum; 2», in d’où la formation d’une sorte de petit cæcum 
estin moyen: Jp, intestin ! 
postérieur; 47, tubes de Mal- impair au point de séparation. 
pighi. 4 à 
Dans toutes les cellules épithéliales adul- 
tes de l'intestin moyen ainsi défini se trouvent, chez Gryllomorpha 
et chez Gryllus, des cristalloïdes intranucléaires. 

Chez Gryllomorpha dalmatina Ocsk., le noyau des cellules épithé- 
liales de l'intestin (A, fig. 2) possède, en plus du réseau chromatique, 
un nucléole vrai, oxyphile, qu’on pourrait prendre pour un karyo- 
some basophile. En effet, le réseau chromatique est intimement ap- 
pliqué à la surface du nucléole sur lequel on reconnaît toujours des 
petits grains basophiles plus ou moins saillants en coupe optique. 
Cette disposition doit être assez commune, et l’un de nous l’a déjà 
signalée pour les nucléoles de la glande venimeuse de la Scolopendre. 

En dehors du nucléole, et libre dans le suc nucléaire, est un cris- 


NOTES ET REVUE. XX XVII 


talloïde dont la forme, la taille et la position, varient quelque peu. 
Le plus souvent il se projette en carré régulier dont le côté est égal 
au diamètre du nucléole. Plus rarement, c'est un rectangle dont le 
grand côté est encore égal au diamètre nucléolaire, l’autre côté pou- 
vant être beaucoup plus petit. Dans certains cas, on trouve deux cris- 
talloïdes au lieu d’an seul. Par- 17 
fois c’est un grand et un petit; Ts y & 1E EE  . ] 
le plus souvent, ce sont deux | 
petits cristalloïdes carrés situés 
l’un à côté de l’autre, comme 
s’ils provenaient de la division | 
| 


d’un cristalloïde unique rectan- | 
gulaire. | | | 
Nous n'avons jamais vu le 
cristalloïde ailleurs que dans le 
noyau ; mais, dans le noyau, sa 
position n’est pas fixe. Tantôt 
il est plus ou moins éloigné du 
nucléole, tantôt il y est accolé, 
et alors il peut paraître contenu 
dans le nucléole lui-même, 
quand, en réalité, 1l est au-des- 
sus ou au-dessous. La position 
varie d'autant mieux que, sur 
des pièces fraîches, nous avons 
vu le cristalloïde se déplacer à Fig. 2 


l'intérieur du noyau. A. Cellules de l'intestin moyen de Gryllo- 
morpha dalmatina Ocsk. 


B. Cellules de Gryilus domesticus L. 


Ces eristalloïdes sont bien dé- 
finis par leur résistance aux 
acides, leur solubilité dans la pepsine et leur affinité pour les matières 
colorantes. Dans les préparations au Flemming safranine, on peut 
pousser la décoloration jusqu’à n’avoir plus que le cristalloïde coloré 
en rouge, le nucléole ayant perdu la couleur. Après le sublimé, le 
cristalloïide prend très nettement les couleurs acides et en parti- 
culier l’orange. 

Comme nous l’avons dit, les cristalloïdes se rencontrent dans toutes 
les cellules épithéliales adultes de l'intestin moyen. Nous ne savons 
comment ils s’y forment, mais nous avons noté leur absence dans les 
cellules des nids germinatifs. 


XXXVIII NOTES ET REVUE, 


Ce que nous venons de dire de Gryllomorpha dalmatina Ocsk. s’ap- 
plique à Gryllus domesticus L., avec cette différence que, chez Gryllus 
(2, fig. 2), les cristalloïdes sont plus petits et se présentent généra- 

lement en coupe optique sous la forme d’un losange très allongé. Si 
l’on suit un cristalloïde dans ses mouvements on le voit parfois carré. 
C’est donc un octaèdre. É 


IIT. GREGARINA DAVINI n. Sp. 


Nous avons rencontré constamment dans l'intestin moyen de nos 
Gryllomorpha dalmatina Ocsk., provenant du parc Borély, de Mar- 
seille, une Grégarine qui, par sa forme et le caractère de ses kystes, 
rentre dans le genre Gregarina Duf. (Clepsidrina Hamm.). 

Cette Grégarine, qui est voisine de Gregarina macrocephala Schn., 
du Vemobius sylvestris Fabr., présente cependant certaines particula- 
rités morphologiques justifiant pour elle la création d’une espèce. 
Nous l’appelons Gregarina Davini, la dédiant à M. Davin, du Jardin 
botanique de Marseille, grâce à l’obligeance duquel nous avons eu, 
pour nos recherches, non seulement des Gryllomorpha, mais encore 
différents types d’Insectes et Myriapodes assez rares. 

Gregarina Davini présente la forme générale des Clepsidrines. Son 
épimérite est sphérique, tandis que celui de Gregarina macrocephala 
est en massue cylindrique allongée. Un col assez long, formé par la 
partie antérieure étirée du protomérite, relie ce segment à l’épi- 
mérite. 

L’épicyte a des lanières saillantes qui déterminent des phénomènes 
d’irisation visibles à la loupe. L’ectoplasme montre des myonèmes 
transversaux avec anastomoses obliques. 

Le noyau, parfaitement sphérique, a toute sa chromatine rassem- 
blée en un gros karyosome irrégulier et vacuolaire, les autres granu- 
lationus étant toujours acidophiles chez la Grégarine adulte. Par 
contre, dans tout le cytoplasme du deutomérite sont épars de nom- 
breux grains chromatiques très petits. Ces grains basophiles existent 
aussi dans le protomérite et dans le deutomérite, mais seulement 
condensés vers leur base. 

Les parasites restent longtemps fixés à l’épithélium de l'intestin 
moyen d'une façon très particulière que nous étudieronstout à l'heure. 
Is sont déjà gros lorsqu'ils passent à la phase de sporadin, et on les 
rencontre, soit dans l'intestin moyen, soit dans les cæcums où se 


NOTES ET REVUE, XXXIX 


voient des associations de deux individus, prélude de l’enkystement. 
A cette phase, les Grégarines, d’abord de forme ovoïde allongée, 
presque cylindriques, sont devenues fortement ventrues et remplies 
de grains entocytiques. 

Les kystes peuvent être recueillis facilement dans les fèces. Ils sont 
sphériques, d’un blanc laïteux, avec une zone périphérique mucila- 
gineuse. Ils mürissent très 
bien en chambre humide 
et montrent, au bout de 
quelques jours,une dizaine 
de longs sporoductes au 
moyen desquels les sporo- 

_cystes sont évacués au de- 
hors sous forme de chape- 
lets qui se dissocient im- 
_médiatement en amas irré- 
guliers. 

Les sporocystes ont la \ 


CP} 


à 

forme typique en barillet \\ . | 
des Clepsidrines (spores do- | \ È | 
hformes). Leur longueur | : 
est de 8 p. Aus 

Ces Grégarines nous ont | \E 
paru surtout intéressantes \ ” 
par leur mode de fixation _. 
à l’épithélium intestinal. Fig. 3. 


On ne les rencontre qu’en Céphalin de Gregarina Davini, fixé à l’épithélium 
des points particuliers de intestinal de Gryllomorpha. 
l’épithélium, décelés sur 
les coupes par une coloration intense. Elles sont orientées perpen- 
diculairement à la surface intestinale, de sorte que les sections trans- 
versales les montrent selon leur axe de symétrie. L'épithélium qui 
les entoure les protège au point que leur extrémité postérieure fait 
à peine saillie dans la cavité intestinale pour les individus de taille 
moyenne. Les dépressions épithéliales où les Grégarines sont exclu- 
sivement logées correspondent, pour nous, à des cryptes de régéné- 
ration. L'épimérite, trop gros pour être renfermé dans une seule 
cellule, est implanté dans un centre germinatif qui, sous son in- 
fluence, s'est transformé en un kyste épithélial. 


‘ k, kyste épithélial; cg, crypte régénératrice. 


XL NOTES ET REVUE. 


Un centre germinalif normal (cg, fig. 3) est le fond d’un repli de 
l'intestin, et dans cette invagination, tandis que Îles cellules super- 
ficielles sont bien délimitées par une paroi distincte, les cellules du 
fond ont un protoplasma syncytial à noyaux épars montrant sou- 
vent des mitoses. Les bouquets de cellules adultes correspondant aux 
sommets des plissements de l’épithélium, alternent avec les dépres- 
sions des centres germinatifs. 

Au point où un centre germinatif s’est transformé pour entourer 
la tête de la Grégarine, il y a séparation très nette entre les cellules 
épithéliales non modifiées et celles qui ont contribué à former le kyste 
(k, fig. 3). Celui-ci est limité par une membrane continue qui nous 
paraît avoir une triple origine. Le fond ne serait autre chose que la 
basale. Les parties latérales représenteraient les membranes inter-. 
cellulaires modifiées par la discontinuité qui s’est produite entre les 
cellules épithéliales voisines et les cellules du kyste. Enfin, la surface 
libre qui enserre le col de la Grégarine est un plateau assez sem- 
blable au plateau des cellules épithéliales adultes, mais d'apparence 
homogène au lieu de se résoudre en bâtonnets accolés. 

Toutle protoplasma du kyste est syncytial. Les noyaux, excessive- 
ment nombreux au point que, quelle que soit la minceur de la coupe, 
on en trouve plusieurs superposés, sont toujours ordonnés selon la 
surface libre du kyste et contigus à elle, de sorte qu'ils forment 
comme une calotte autour de l’épimérite de la Grégarine. Cet amas 
de noyaux explique la coloration intense des kystes dans les prépa- 
rations. 

Les noyaux du kyste sont assez semblables aux noyaux de l’épi- 
thélium ordinaire, bien qu'un peu plus petits comme ceux des eryptes 
régénératrices. Généralement ovoïdes, 1ls ont leur grand axe perpen- 
diculaire à la surface libre, ce qui exprime bien leur caractère épi- 
thélial. Tout le protoplasma du kyste est différencié en fibrilles qui 
ont la même orientation. 

Souvent, le kyste, au lieu d’être globuleux, a une forme ovoïde et 
pédonculée, par étirement vers la lumière intestinale. 


NOTES ET REVUE. XL 


XIV 


INDEX DES TRAVAUX DE ZOOLOGIE 
PUBLIÉS DANS LES PRINCIPAUX RECUEILS PÉRIODIQUES EN 1899. 


Zeitschrift für wissenschaftliche Zoologie, t. LXVI, Hft. 1. 


ScauBerG (A.). — Beiträge zur Histologie der männlichen Geschlechtorgane 
von Æirudo und Aulastomum, nebst einigen Bemerkungen zur Epithel- 
frage bei den Plattwurmern, p. 1-15, pl. ïr 

Prart (H.-S.). — The Anatomy of the female genital tract of the Pupipara as 
observed in Melophagus ovinus, p. 16-42, pl. I-UI, 4 figure dans le 
texte. 

Minner (H.). — Beiträge zur Entwicklungsgeschichte der Wirbelsaüle bei Rep- 
tilien, p. 43-68, pl. IV-VIT. 


Môzrer (W. |. __ Anatomische Beiträge zur Frage von der Sekretion und Re- 
sorption in der Darmschleimhaut, p. 69- 135, pl. VIII-IX. 
JoHanNN (L.). — Ueber eigenthümliche epitheliale Gebilde (Leuchtorgane) bei 


Spinax niger, p. li6e 160, pl. X-XI, 1 figure dans le texte. 


Quarterly Journal of microscopical Science, 
t.XLT, Part. 4, N. S:, n° 164. 


Towes (Ch.-S.).— On differences in the histological structure of teeth occurring 
within a single family the Gadidæ, p. 459-470, pl. XXXVI. 

Evans (R.). — A description of two new species of Spongilla from Lake Tan- 
ganvika, p. 471-488, pl. XXXVII-XXX VIII. 

Brown (A.-W.). — On T'etracotyle Petromyzontis, a parasite of the brain of 
Ammocætes, p. 489-498, pl. XXXIX. 

Bourne (G.-C.). — Studies on the structure and formation of the calcareous 
skeleton on the Anthozoa, p. 499-548, pl. XL-XLIIT. 

BALDWIN-SPENCER. — The structure and development of the hairs of Mono- 
tremes and Marsupials. Part. 1. Monotremes, p. 549-588, pl. XLIV-XLVI, 
6 figures dans le texte. 

Wizcey (A.). — Trophoblast and Serosa. A contribution to the morphology of 
the embryonic membranes of Insects, p. 589-610, 6 figures dans le texte. 


Quart. Journ. micr. Sc.,t. XLII, Part. 1, N.S. , n° 165. 


Denpy (A.). — Outlines of the development of the Tuatara, Sphenodon (Hatte- 
ria) punctatus, p. 1-88, pl. I-X. 

JENKINSON (W.). — Abstract and Review of the memoir by G. HiEroNyuus on 
Chladomyxa labyrinthuloïdes Archer, p. 89-110, 6 figures dans le texte. 


Quart. Journ. micr. Sc., t. XLII, Part. 2, N. S., n° 166. 


DEnpy (A.). — On the development of the parietal eye and adjacent organs in 
Sphenodon (Hatteria), p. 111-154, pl. XI-XIIT. 

Moore (J.-S.-S.). — The Mollusks of the great african Lakes. III. Tanganyikia 
rufofilosa, and the genus Spekia. IV. Nassopsis and Bythoceras, p. 155- 
202, pl. XIV-XXI. 

Wizcey (A.). — Remarks on some recent works on the Profochorda, with a con- 
densed account of some fresh observations on the Enteropneusta, p. 223- 
244, 3 figures dans le texte. 


XLII NOTES ET REVUE. 


Archiv für Entwickelungsmechanik der Organismen, 
| t. VII, Hft. 4. 


Ranp (H.-W.). — Regeneration and regulation in Æydra viridis, p. 1-34, 
pl. I-IV. 


Arch. f. Entwick. d. Organ., t. VIIT, Hft. 2. 


RaumgLer (L.). — Die Furchung des Ctenophoreneies nach Ziegler und deren 
Mechanik. p. 187-238, 28 figures dans le texte. 

BazzowiTz (E.). — Ueber Hvpomerie und Hypermerie bei Aurelia aurita Lam., 
p. 239-252, pl. V. 


Zoologische Jahrbücher, Abth. für Systematik, 
Geographie und Biologie der Thiere, t. XII, Hft. 2. 


MicuAELsEN (W.). — Beiträge zur Kenntniss der Oligochäten, p. 105-145, 2 fi- 
gures dans le texte. 

RiGGENBACH (E.). — Scyphocephalus bisulcatus, n. g., n. sp., ein neuer Repti- 
liencestode, p. 145-154, pl. VE. 

— Cyathocephalus catinatus, n. sp., p. 154-164, pl. VHIL. 

GôLp: (E.-A.). — ÆEpeiroides bahiensis Kevs., eine Dämmerungs-Kreuzspinne 
Brasiliens, p. 161-170, pl. X, 1 figure dans le texte. 

— Ueber die Entwickelung von Siphonops annulatus, p. 170-174, pl. IX. 

Horrmann (K.). — Beiträge zur Kenntniss der Entwickelung von Drstomum 
leptostomum Ols.,p. 174-205, pl. XI-XIT. 

KisiNoOUvE (K.). — Edible Medusæ, p. 205-2114, pl. XIII, 1 figure dans le texte. 

MichAELsEN { W.). — Oligochæten von den Inseln des Pacific, nebst Erôrterungen 
zur Systematik der Megascoleciden, p. 211-246. 


Zoologische Jahrbücher, Abth. für Anatomie und Ontogenie , 
der Thiere, t. XII, Hft. 3. 


CarLsson (A.). — Ueber Zahnentwicklung der diprotodonten Beutelthiere, 
p. 407-424, pl. XVII. 

Co (W.-R.). — The maturation and fertilization of the egg of Cerebratulus, 
p. 425-476, pl. XIX-XXI. 

BRAUER (A). — Beitrâäge zur Kenntniss der Entwicklung und Anatomie der 
Gymnophionen. Il. Die Entwicklung der aüssern Form, p. 417-508, 
pl. XXII-XXV. 

HENTSCHEL (E.). — Beiträge zur Kenntniss der Spinnemaugen, p. 509-534, 
pl. XXVI-XXVIL. 


Revue suisse de zoologie, t. VI, Fasc. 1. 


JUGE (M.). — Recherches sur les nerfs cérébraux et la musculature céphalique 
du Silurus glanis, p.1-171, pl. I-III. 

KœnLer (R.). — Sur les Echinocardium de la Méditerranée et principalement 
sur les Ech. flavescens et Ech. mediterraneum, p. 172-187, pl. IV. 

Vozz (W.). — Statisticher Beitrag zur Kenntniss des Vorkommens von Nema- 
toden in Vôgeln, p. 189-198. 


Revue suisse de zoologie, t. VI, fase. 2. 


ROTHENBUHLER (H.). — Ein Beitrag zur Kenntniss der Myriapodenfauna der 
Schweiz, p. 199-271, pl. V-VII. 

Car (J.). — Ueber Schweizerische Collembola, p. 272-362, pl. VINI-IX. 

GRŒTER (A.). — Les Harpactides du val Piora, p. 363-367, pl. X. 

BRETSCHER (K.). — Beïtrag zur Kenntniss der Oligochäten-Fauna der Schweiz, 
p. 369-426, 7 figures dans le texte. 

ANDRÉ (E.). — Anomalie de l’appareil génital mâle chez la Sangsue, p. 427- 
428, 1 figure dans le texte. 


NOTES ET REVUE. XLIIL 


Zeitschrift für wissenschaftliche Zoologie, t. LXVI, Hft. 2. 


Ossr(P.). — Untersuchungen über das Verhalten der Nucleolen bei der Eibildung 
einiger Mollusken und Arachnoïden, p. 161-213, pl. XII-XIIT, 5 figures 
dans le textes 

SCHAFFER (J.). — Zur Kenntniss der glatten Muskelzellen, inbesondere ihrer 
Verbindung, p. 214-268, pl. XIV-XV. 

HEIDER (A.-R. von). — Ueber zwei Zoantheen, p. 269-288, pl. XVI-XVIT. 

ZANDER (E.). — Beiträge zur Morphologie des Stachelapparates der Hymenop- 
teren, p. 289-333, pl. X VIIT-XIX. 


Zeitsch. f. wiss. Zool., t. LXVI, Hft. 3. 


Horrmann (R.-W.). — Beiträge zur Entwicklungsgeschichte der Oligochäten, 
p. 336-357, pl. XX-XXI, 5 figures dans le texte. 

Doc1eL (A.-S.). — Zur Frage über den Bau der Herbst'schen Kôrperchen und 
die Methylenblaufixirung nach Bethe, p. 358-377, pl. XXII-XXIIT. 
SUKATSCHOFF (B.). — Ueber den feineren Bau einiger Cuticulæ und der Spon- 

gienfasern, p. 377-406, pl. XXIV-XXVI, 1 figure dans le texte. 

Goerte (A.). — Ueber die Entwicklung des Knôchernen Ruückenschildes {Cara- 
pax) der Schildkrôten, p. 407-434, pl. XXVII-XXIX, 3 figures dans le 
texte. 

BErGH (R.-S.) — Nochmals über die Entwicklung der Segmentalorgane, p. 435- 
449, pl. XXX. 

SCHWARTZE (E.). — Zur Kenntniss der Darmentwicklung bei Lepidopteren, 
p. 450-496, pl XXXI-XXXIV. 


Zeitsch. f. wiss. Zool., t. LXVI, Hft. 4. 


SCHNEIDER (G.). — Ueber Phagocytose und Excretion dei den Anneliden, p. 497- 
520, pl. XXXV. 

BACHMETIEW (P.). — Ueber die Temperatur der Insekten nach Beobachtungen 
in Bulgarien, p. 521-605, 5 figures dans le texte. 

SCHULTZ (E.). — Aus dem Gebiete der Regeneration, p. 605-624, pl. XXXVI- 

. XXXVII. 

KOPOTNEFF (A. von). — Zur Embryologie von Salpa maxima-africana, p. 625- 
636, pl. XXX VIII-XL. 

EE (B.). — Ueber die kleinén Rindenzellen des Kleinhirns, p. 637-652, 14 fi- 
gures dans le texte. 


Zeitsch. f. wiss. Zool., t. LXVII, Hft. 1. 


RaBL. (C.). — Ueber den Bau und die Entwicklung der Linse (III. Theil : die 
Linse der Säugethiere, Ruckblick and Schluss), p. 14-138, pl. I-IV, 46 fi- 
gures dans le texte. 

Meccxers (F.). — Ueber rudimentäre Hirnanhangs-Gebilde beim Gecko (Epi-, 
Para-und Hvpophyse), p. 439-166, pl. V-VI. 


Quart. Journ. micr. Sc., t. XLII, Part. 3, N. S., n° 167. 


ASHWORTH (J.-H.). — The Structure of Xenia Hicksoni, n.sp., vith some obser- 
vations on Âeteroxenia Elisabethæ KôIL., p. 245-304, pl. XXIII-XXVIT. 

Bupcerr (J.-S.). — Notes on the Batrachians of the Paraguayan Chaco, with 
observations upon their breeding habits and development, especially with 
regard to Phyllomedusa hypochondrialis Cope. Also a description of a 
new genus, p. 303-334, pl. XXVIII-XXXIL. 

Mac-Bripe (E-W.). — The development of Echinoids. Part [. The larvæ of 
Echinus miliaris and Echinus esculentus, p. 335-340, pl. XXXIII. 


XLIV NOTES ET REVUE. 


MurBacu (L.). — Hydroids from Wood’s Holl, Mass. : Æypolytus peregrinus, a 
new unattached marine Hydroid ; Corynitis Agassisii and its Medusa, 
p. 341-360, pl. XXXIV. 

SrpLey (A.-E.), — Note on Arhynchus hemignathi, p. 361. 


Quart. Journ. micr. Sc.,t. XLII, Part. 4, N. S., n° 168. 


Evans (B.-A. Ricnarp). —' The structure and metamorphosis of the larva of 
Spongilla lacustris, p. 363-476, pl. XXXV-XLI. 
Goopricx (B.-A. Euwin S.). — On the communication between the cœlom and 


the vascular system in the Leech, Æirudo medicinalis, p. 411-496, 
pl. XLII-XLIV. 

BENHaM (W. BLaxLan). — Palanoglossus ofagoensis, n. sp., p. 497-504, 
pl. XLV. 

Mac Brine (E.-W.). — The movements of Copepoda, p. 505-507. 


Archiv für mikroskopische Anat. und Entwicklungsg.,t. LIV, Hft. 3. 


Korrr (K. von). — Zur Histogenese der Spermien von Æelix pomatia, p. 291- 
295, pl. XVI. 

MEYER (S.). — Ueber centrale Neuritenendigungen, p. 296-310, pl. XVII. 

SCHUMACHER (S. von). — Ueber Phagocytose und die Abfuhrwege der Leucocy- 
ten in den Lymphdrusen, p. 311-328, pl. XVIIE. 

Meves (Fr.). — Ueber Struktur und Histogenese des Samenfäden des Meersch- 
weinchens, p. 329-402, pl. XIX-XXI, 16 figures dans le texte. 


Arch. f. mikr. Anat.,t. LIV, Hft. 4. 


KssuniN (P.). — Zur Frage über die Nervenendigungen in den Tast-oder Sinus- 
haaren, p. 403-420, pl. XXII-XXIIT. 

RA8BL (H.). — Mehrkernige Eizellen und mehreïige Follikel, p. 421-439, pl. XXIV, 
1 figure dans le texte. 

Por (H.). — Veränderungen der Nebenniere bei Transplantation, p. 440-480, 

1. XXV. 

ue (B.). — Ueber die Blutkôrperchen einiger Fische, p. 481-513, 
pl. XXVI. 

LuBoscx (W.). — Vergleichend-anatomische Untersuchungen über die Ursprung 
und die Phylogenese des N. accessorius Willisii, p. 514-601, pl. XXVII. 


TanoLer (J.) und Dômeny (P.). — Zur Histologie des äusseren Genitales, 
p. 514-613, pl. XXVIIT. 
HELLY (K.-K.). — Die Schliessmuskulatur an den Mündungen der Gallen-und 


der Pankreassgänge, p. 614-621, pl. XXIX. 
Arch. f. mikr. Anat., t. LV, Hft. 1. 


GRONSTEIN (N.). — Zur Innervation der Harnblase, p. 1-10, pl. I. 
MULLER (E.). — Studien über Neuroglia, p. 11-62, pl. II-V, 1 figure dans le 


texte. 
NIESsING (G.). — Zellenstudien, p. 63-110, pl. VI. 
Levi (G.). — Ueber die spontane und unter dem Einflusse eines Entzündung 


erregenden Agens im Amphibieneie stattfindenden Veränderungen, 
PAM ES pl MI 

ENDERLEIN (G.). — Beitrag zurKenntniss des Baues des quergestreiften Muskeln 
bei den [nsekten, p. 144-150, pl. VIIT. 


Arch. f. mikr. Anat., t. LV, Hft. 2. 


SCHUMACHER (S. VON). — Das elastische Gewebe der Milz, p. 451-170, pl. IX-X. 
SCHULTZE (0.). — Ueber das erste Auftreten der bilateralen Symmetrie im Ver- 
laut der Entwicklung, p. 171-201, pl. XI-XII, 2 figures dans le texte. 


NOTES ET REVUE. XLV 


ScHULTZE (0.). — Ueber die Nothwendigkeit der freien Entwicklung des Em- 
bryo, p. 202-230, pl. XIII, 6 figures dans le texte. 
UHN (A.). — Zur Kenntniss des Nervenverlaufs in der Rückenhaut von Rana 
fusca, p. 231-244, pl. XIV, 8 figures dans le texte. 
BADE (P.). — Die Entwicklung des mensehlichen Skelets bis zur Geburt, p. 245- 
290, pl. XV-XVII, 20 figures dans le texte. 


Arbeïiten aus den Zoologischen Instituten der Universität Wien 
und der Zool. Stat. Triest, t. XI, Hft. 3. 


PROwAZER (S.). — Protozoenstudien, 74 pages, 4 planches, 4 figures dans le 
texie. 

Beux (St.). — Zur Kenntniss des Baues der Niere und der Morphologie von 
Teredo L., 20 pages, 3 planches, 3 figures dans le texte. 

Tozor (C.). — Ueber den feineren Bau der Cuticula von Ascaris megalocephala 
Cloq., 38 pages, 1 planche, 2 figures dans le texte. 


Morphologisches Jahrbuch, XXVII, Hft. 4. 


Braus (H.). — Beiträge zur Entwicklung der Muskulatur und des peripheren 
Nervensystems der Selachier. [I Theil. Die paarigen Gliedmassen, p. 501- 
629, pl. XXII-XXV, 6 figures dans le texte. 

Borx (L.). — Die Segmentaldifferenzirung des menschlichen Rumpfes und 
seiner Extremitäten. Beiträge zur Anatomie und Morphogenese des 
menschlichen Kôrpers. INT, p. 630-711, 51 figures dans le texte. 

Bayer /F.). — Bemerkungen zur Entwicklung der ÉEidechsenzunge, p. 712-716, 
5 figures dans le texte, 


Morphol. Jahrb., t. XXVIII, Hft. 1. 


GÔPPERT (E.). — Der Kehlkopf der Amphibien und Reptilien. [If Theil, 
Reptilien, p. i-27, pl. I-I. 

CorNiNG (H.-K.). — Ueber die Entwicklung der Kopf-und Extremitätenmus- 
kulatur bei Reptilien, p. 28-104, pl. ITI-VE. 

Box (L.). — Die Segmentaldifferenzirang des menschlichen Rumpfes und seiuer 
Extremitäten. IV, p. 105-146, 4 figures dans le texte. 

Pauzut (S.). — Ueber die Pneumaticität des Schädels bei den Säugethieren. I, 
p. 147-178, pl. VII, 16 figures dans le texte. 


Archiv für Naturgeschichte, t. LXV, 1 Bd., Hft. 2. 


VERHOEFF (C.). — Beiträge zur Kenntniss paläarktischer. Mvyriopoden. VIII 
Aufsatz : Zur vergleichenden Morphologie, Phylogenie, Gruppen-und 
Artsystematik der Chordeumiden, p. 95-154, pl. VIII-XIE, 4 dessins dans 
lehiexte 

Linsrow (Dr von). — Zur Kenntniss der Genera Aistrichis und Tropidocerca, 
p. 155-164, pl. XIII-XIV. 

Puaiztpri(R.-A.). — Kritische Bemerkungen über einige Vôgel Chiles, p. 165- 
174. ; 

NEHRING (A.). — Ueber Myodes lemmus crassidens, var. nov. foss. aus Portugal, 
p. 175-182, 3 figures dans le texte. 


Archiv f. Naturgesch., t. LXV, 1 Bd., Hft. 3. 


Vorogrr (C.). Beiträge zur Kenntniss paläarktischer Myriopoden. IX Aufsatz : 
Zur Systematik, Phylogenie und vergleichenden Morphologie der Juliden 
und uber einige andere Diplopoden, p. 183-219, pl. XV-XVIIT. 

Vornogrr (C.). — Ueber einige andere Diplopoden (Polyzoniiden, Glomeriden, 
Polydesmiden und Lysiopetaliden), p. 220-230, pl. XIX. 


XLVI NOTES ET REVUE. 


Vozz (W.). — Beitrag zur Kenntniss der Schlangendistomeen, p. 231-240, 
pl. XX. 

WEISE fl ). — Cassidinen und Hispinen aus Deutsch-Ostafrika, p. 241-267. 

Weise (J.). — Einige neue Cassidinen-Gattungen und Arten, p. 268-273. 


Archiv für Entwickelungsmechanik der Organismen, t. VIII, Hft. 3. 


Logg (J.). — Ueber die angebliche gegenseitige Beeinflussung der Furchungs- 
zellen und die Entstehung der Blastula, p. 363-372, 4 figures dans le 
texte. 

WugELEer (W.-M.). — Anemotropism and other tropisms in Insects, p. 373- 
381. 

RôRiG (A.). — Welche Beziehungen bestehen zwischen den Reproduktionsorga- 
nen der Cerviden und der Geweihbildung derselben ? p. 382-4417. 
Morcan (Th.). — The action of salt-solutions on the unfertilized and fertilized 
eggs os Arbacia, and of other animals, p. 448-539, pl. VII-X, 21 figures 

dans le texte. 


Arch. f. Entwick., t. VIII, Hft. 4. 


Eicenmanx (C.-H.). — The eyes of the blind Vertebrates of North America. I. 
The eves of Amblyopsidæ, p. 545-617, pl. XI-XV, 10 figures dans le 
texte. 

List (Th.). Ueber den Einfluss des Lichtes auf die Ablagerung von Pigment, 
p- 618-632, pl. XVI. 

RôriG (A.). — Ueber die Wirkung der Kastration von Cervus (Cariacus) mexi- 
canus auf die Schädelbildung, p. 633-641, 4 figures dans le texte. 
ALEXANDER (G.). — Zur Anatomie der janusartigen Doppelmissbildungen mit 
besonderer Berücksichtigung der Synotie, p. 642-688, pl. XVII-XX, 7 fi- 

gures dans le texte. 

Log (J.). — Warum ist die Regeneration kernloser Protoplasmastücke unmô- 
glich oder erschwert ? p. 689-692. 


Arch. f. Entwick.. t. IX, Hft. 1. 


BARFURTH (D.). — Die Experimentelle Herstellung der Cauda bifida bei Amphi- 
bienlarven, p. 1-26, pl. I-IIT (figures 1-30). 

BARFURTE (D.). — Eine larve von Petromyzon Planeri mit drei Schwauzspitzen, 
p. 27-31, pl. INT (figures 31-33). 

RaumgLer (L.). — Physikalische Analyse von Lebenserscheinungen der Zelle. 
IL. Mechanik der Abrückung von Zelleinlagerungen aus Verdichtungs- 
centren der Zelle, p. 32-62, 12 figures dans le texte. 

RaumgLer (L.). — Physikalische Analyse von Lebenserscheinungen der Zelle. 
HI. Mechanik der Pigmentzusammenhäufungenin den Embryonalzellen 
der Amphibieneier, p. 63-102, pl. IV, 15 figures dans le texte. 

Driescx (H.). — Studien über das Regulationsvermügen der Organismen. I. 
Quantitative Regulationen bei der Reparation der T'ubularia. III. Notizen 
über die Auflüsung und Wiederbildung des Skelets von Echiniden larven, 
p. 103-139, 2 figures dans le texte. 

HERLITZKA (A.) — Sul trapiantamento dei testicoli, p. 140-156. 

Bürscar (0.). — Einige Bemerkungen über die Asterenbildung im Plasma, 
p. 157-159. 


Arch. f. Entwick., t. IX, Hft. 2. 


RanD (H.-W.). — The regulation of Graft Abnormalities in Æydra, p. 161-2184, 
pl. V-VII. 

Hergst (Curt.). — Ueber die Regeneration von antennenähnlichen Organen an 
Stelle von Augen. III. Weitere Versuche mit total exstirpirten Augen,. IV. 


NOTES ET REVUE. XLVIL 


Versuche mit theilweise abgeschnittenen Augen, p. 215-292, pl. VIII-X. 
1 figure dans le texte. 

Crampron (H.-E.). — An experimental study upon Lepidoptera, p. 293-318, 
pl. XI-XIIL, 13 figures dans le texte. 


Zoologische Jahrhbücher, 
Abtheilung für Systematik, Geographie und Biologie der Thiere, 


t. XII, Hft. 3. 
Pacacky (J.). — Die Verbreitung der Eidechsen, p. 247-285. 
ATTEMs (C. Graf). — Neues über paläarktische Myriopoden, p. 286-336, sil XIV- 
XVI. 
SPENGEL (J.-W.). — Ueber einige Aberrationen von Papihio Machaon, p. 337- 


384, pl. XVII-XIX, 5 figures dans le texte. 


Zool. Jahrb., Abth. f. System. t. XII, Hft. 4. 


Boas (J.-E.-V.). — Einige Bemerkungen über die Metamorphose der Insekten, 
p. 385-402, pl. XX, 3 figures dans le texte. 

HOLMGREN (N.). — Beiträge zur Kenntniss der weiblichen Geschlechtsorgane 
der Cicadarien, p. 403-410, pl. XXI. 

SIMON (E.). — Er sebnisse einer Reise nach dem Pacific (SCHAUINSLAND, 1896-97). 
Arachnoideen, p. 411-438. 

Emery (C.). — Jbid. — Formiciden, p. 439-440. 

WeLrNer (W.). — Jbid. — Cirrhipedien, p. 441-447. 

PLExN (M.). — Jbid. — Polycladen, p L8- 452, 2 figures dans le texte. 

HARTMEYER (R.). — Die Monascidien der Bremer Expedition nach Ostspitzhbergen 
im Jahre 1889, p. 453-520, pl. XXII-XXIIE, 11 figures dans le texte. 


Zoologische Jahrbücher, 
Abtheilung für Anatomie und Ontogenie der Thiere, t. XII, Hft. 4. 


JAMESON (H. Lysrer). — Contribution to the anatomy and histologv of Thalas- 
sema neptuni Gærtn., p. 333-566, pl. XXVIII-XXX, ! figure dans le texte. 

H£aTxH (H.). — The development of Ischnochiton, p. 567- 656, pl. XXXI-XXXV, 
5 figures dans le texte. 

BozLau (H.). — Glandula thyreoidea und Glandula Thymus der Amphibien, 
p. 657-710, 11 figures dans le texte. 

Rinx (Fr.). — Die Furchen auf der äussern Fläche des Carnivorenhirns, p. 711- 
744, pl. XXXVI-XXXVIL. 


Zool. Jahrb., Abth. f. Anat.,t. XIII, Hft. 1. 


WugeLer (W. MorTon). — The development of the urogenital organs of the 
Lamprey, p. 1-88, pl. I-VIT. 

STEMPELL (W.). — Zur Anatomie von Solemya togata Poli, p. 89-170, 
pl. VIII-X. 

PETRUNKEWITSCH (A.). — Die Verdauungsorgane von Periplaneta orientalis und 
ne ve Histologische und physiologische Studien, p. 171-190, 
P 

NickeRsON (M. Lewis). — Intracellular canals in the skin of Phascolosoma, 


p. 191-196, pl. XI. 


Revue suisse de zoologie, t. VI, fase. 3. 


SURBECK (G.). — Die Molluskenfauna des Vierwaldstättersees, p. 429-556, 
pl. XI-XIL. 
Roux (J.). — Observations sur quelques infusoires ciliés des environs de Genève, 


p. 557-636, pl. XIII-XIV. 


XLVIL NOTES ET REVUE. 


Rev. suisse zool., t. VII, fasc. 1. 


PENARD (E.). — Les Rhizopodes de faune profonde dans le lac Léman, p. 1-142, 
pl. I-IX. 

Krämer (A.). — Die Haustierfunde von Vindonissa, p. 143-272, pl. X, 19 figures 
dans le texte. . 


Rev. suisse zool., t. VII, fasc. 2. 


MietTHe(C.). — Asellus cavaticus Sch., ein Beitrag zur Hôhlenfauna der Schweiz, 
p. 273-319, pl. XI-XIIL. 

PeraccA (M.-G.). — Reptiles et Batraciens de l'archipel malais, p. 321-330, 
pl. XIV. . 

SILVESTRI {F.). — Diplopodes de l'archipel malais, p. 331-334, pl. XV. 

FRITZE (A.). — Orthoptères de l'archipel malais, p. 335-340, pl. XVI. 

FunRMANN (0.). — Deux singuliers Tænias d'oiseaux, p. 341-351, pl. XVI. 


Paru le 10 février 1900. 
Les directeurs : 
H. DE LACAZE-DuTuiERs et G. PRuvor. 


Les gérants : SCHLEICHER FRÈRES. 


ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE 


93€ SÉRIE. TOME VII. 


TABLE SPÉCIALE DES NOTES ET REVUE. 


ARTICLES ORIGINAUX. 


CuËNoT (L.). — Les prétendus organes phagocytaires décrits par KouLVETCH chez 
la Blatte, p. 1-11. 


CuéNorT (L.). — La fonction excrétrice du foie des Gastéropodes pulmonés, p. xxv- 
XXVIIL. 

LéGer (L.) et Duposco (0.). -— Notes biologiques sur les Grillons, p. xxxv-xL. 

MALAQUIN (A.). — Contribution à la morphologie générale des Annélides. Les ap- 

pendices sétigères céphaliques des Tomoptérides, p. 11-v. 

Prért (J.-B.). — Un nouveau ferment soluble, l'Ovulase, p. xxix-xxx. 

VALLÉ (L.). — Sur les glandes salivaires des Muscides et des Piophilides, p. v- 
VIII. 

ViGNon (P.). — Critique de la théorie vésiculaire de la sécrétion, p. XVII-xxv. 

YunG (E.). — Dénombrement des nids de la Fourmi fauve {F. Rufa F.), p. xxxui- 
XXXV. 


ANALYSES CRITIQUES ET COMPTES RENDUS. 


FLORENTIN (R.). — La couleur dans la nature (d’après miss M. NewB1GiN, Colour 
in nalure), p. ViI-xXIn. 

Compte rendu bibliographique, p. XIII-XIV, XXX-XXXII. 

Index des travaux de zoologie parus dans les principaux périodiques, p. X:v-XVI, 
XXXII, XLI-XLVIIL 


ARCHIVES 


DE 


LOOLOGIE EXPÉRIMENTALE 


ET GÉNÉRALE 


RECHERCHES 
SUR LA FORMATION DE L'OEUF CHEZ LES HYDRAIRES 


L'OVOGENÈSE 


MYRIOTHELA ET TUBULARITA 


PAR 


ALPHONSE LABBÉ 


Docteur ès sciences, 
Conservateur des collections de zoologie et d’anatomie à la Sorbonne. 


La question de l’ovogenèse chez les Hydraires, bien qu'ayant été 
l’objet de nombreux travaux, offre encore beaucoup de points 
obscurs, et ne laisse pas que d’avoir un certain intérêt par les faits 


curieux et exceptionnels qu’elle présente. 
Je me suis borné à l’étude des genres Myriothela et Tubularia * et 
limité à la formation de l'œuf, sans me préoccuper des questions, 
1 Je dois remercier mes maîtres, MM. de Lacaze-Duthiers et Y. Delage, de l’hos- 


pitalité qu’ils ont bien voulu me donner dans leurs laboratoires de Roscoff et de la 
Sorbonne, hospitalité grâce à laquelle j'ai pu terminer ce petit travail, 


ARCH> DE ZOOL,. EXP, ET GENe — 3 SÉRIE, — T, VII. 4899. 1 


9 ALPHONSE LABBÉ. 


du reste maintenant bien connues, de l’origine des produits sexuels 
et de la formation du gonophore. 

En dépit des recherches récentes de Düflein (96) etde Grônberg (9%), 
ce petit point de l’histoire des Hydraires est fort mal élucidé. 

Un rapide résumé des opinions émises par les divers auteurs mon- 
trera combien règne encore de confusion sur cette question. 

Chez Myriothela phrygia, nous ne trouvons que des observations 
de Allmann et de Korotneff. Allmann, dans ses divers travaux, mais 
surtout dans sa belle monographie de la Myriothèle (25), a fort bien 
vu les cellules ovulaires se fusionner, tandis que leurs noyaux se 
divisent, et former autour du spadice cinq ou six œufs primordiaux. 
Ces œufs se fusionnent à leur tour après avoir absorbé les autres cel- 
lules qui jouent le rôle de cellules vitellines, et forment un œuf 
unique. 

Korotneff (88) a aussi bien vu ce fait que l’œuf est un plasmodium 
parsemé de noyaux dont un seul persiste ; les autres forment les 
globules vitellins (Pseudozellen de Kleinenberg). 

Chez Z'ubularia, les travaux sont beaucoup plus nombreux. Nous 
avons encore à relater les anciens travaux de Allmann (24). Ciami- 
clan (79) voit les cellules du gonophore former par fusionnement 
quatre ou cinq œufs centraux qui plus tard se réunissent pour former 
un œuf unique. Mais une partie de ces cellules sert à donner plus 
tard une nouvelle génération d'œufs, tandis que quelques-unes jouent 
le rôle de wtellus et sont absorbées par l'œuf. 

Hamann (82, S3) a aussi insisté sur la séparation des cellules du 
gonophore (Urkeimzelle, Ureier) en cellules ovulaires qui formeront 
l’œuf, et en cellules vitellines. | 

Ces divers travaux, joints à ceux de Metschnikoff (34) sur les Mé- 
duses, ont permis à Balfour (83, vol. I, p. 17) d'admettre la théorie 
purement phagocytaire ; toutes les cellules qui ne deviennent pas des 
œufs sont mangées par l'œuf comme par un amibe. Nussbaum (8%) vé- 
rifie du reste le même fait chez l'Hydre (après Kleinenberg |[%0)) : 


une des cellules ovulaires se transforme en œuf et absorbe lesautres, 


L'OVOGENÈSE DANS MYRIOTHELA ET TUBULARIA. 3 
Hartlaub (8%), chez Obelia et Cladonema, Tichomiroff (87) émettent 
une opinion analogue. 

Brauer (94), en reprenant ces divers travaux, arrive aux mêmes ré- 
sultats. Chez l’'Hydre, une seule cellule forme l'œuf, les autres for- 
ment les cellules vitellines qui sont dissoutes et absorbées par l’œuf 
en croissance. Chez Zubularia mesenbryanthemum (94), il y a dès le 
début une différenciation en cellules ovulaires el vitellines, et cette 
différenciation se produit déjà dans l’endoderme du bourgeon ; elle 
porterait d'abord sur les noyaux. L’œuf amœæboïde, à noyau excen- 
trique, absorbe le matériel nutritif représenté par les cellules vitel- 
lines. 

Jusqu'ici nous voyons la plupart des auteurs admettre que l’œuf 
est ou bien une cellule unique qui s’est accrue plus que les autres, 
et absorbe toutes les autres, ou bien que l'œuf est formé par la 
fusion progressive de toutes les cellules du gonophore. Les uns sou- 
Uennent la théorie phagocytaire, les autres la théorie plasmodiale. 

Dôflein (9%) apporte des nouveaux faits à la théorie plasmodiale. 
Chez Tubularia larynx, l'œuf est au début une cellule unique nette- 
ment différente des autres, qui s’adjoint par fusion les cellules voi- 
sines. Tous les noyaux, sauf un seul, subissent une métamorphose 
régressive, et sont digérés dans des vacuoles. Le plasma des cellules 
germinales devient sans différenciation le plasma de l’œuf. L'origine 
de l’œuf est done un plasmodium. 

Au contraire, Gronberg (98) dans un travail plus récent, a étudié 
Tubularia coronata et combat sur quelques points les idées de Dôflein. 
Il ya bien au début plusieurs, peut-être même une seule cellule 
ovulaire, mais cette cellule ne s'accroît pas en se fusionnant avec 
les cellules voisines : elle s’accroît d'elle-même, par vacuolisation 
de son protoplasma. L’œuf n’est donc pas un plasmodium, et il ya 
dès l’origine une différenciation en cellules ovulaires et cellules nour- 
ricières. 

On voit d’après ce bref exposé quelles sont les théories en jeu. 


L'œuf est-il au début une cellule unique ou un groupe de cellules, 


4 ALPHONSE LABBEÉ. 


formant un plasmodium ? Y a-t-il différenciation en cellules ovulai- 
res et nourricières ? Les cellules nourricières sont-elles absorbées par 
phagocytose ? Que deviennent les noyaux qui dégénèrent et forment 
les Pseudozellen, et quel est leur rôle ? Quelle est la signification de 
ces divers processus ? 

Nous allons essayer de répondre à ces questions. 

Nos études ont porté sur Wyriothela phrygia, Allm., et sur Zubu- 
laria (T. mesembryanthemum ; T. indivisa ; T. coronata). 

Les méthodes sont peu compliquées. Je me suis servi de matériaux 
fixés au sublimé acétique et surtout au liquide de Flemming. Les 
coupes ont été colorées soit à l’hématoxyline au fer de Heidenhain, 
soit à la safranine-lichtgrün (méthode de Benda modifiée), soit au 


violet de gentiane (méthode de Bizzorero). 


FORMATION DE L'OEUF DANS LE GONOPHORE. 


Je n’entre pas dans l’histoire des premiers phénomènes de la for- 
. mation des cellules germinales. On peut consulter à ce sujet les 
anciens travaux de Allmann, Ciamician, Weismann, Hamann, Ko- 
rotneff, etc. Ces processus sont bien connus maïntenant, et il serait 
sans intérêt de les exposer ici. Nous supposerons le gonophore, déjà 
développé, et renfermant un grand nombre de cellules, de taille et 
de forme égales, différant peu par leurs caractères cytologiques des 
éléments ectodermiques et endodermiques, et qui remplissent toute 
la cavité du gonophore. Ces cellules, j'insisterai sur ce point, ne 
forment pas un tissu, mais sont libres dans la cavité du gonophore. 
Nous leur donnerons le nom d'oocytes. 

Nous verrons que le mode de formation de l’œuf chez Myriothela 
et T'ubularia, pour être peu différent de ce qui est décrit par les au- 
teurs antérieurs, est cependant assez compliqué. S'il y a autant de 
descriptions que d’auteurs, c’est qu’en réalité il y a pour ainsi dire 
une infinité de modes de formation de l’œuf dans une même espèce, 
et pour savoir la vérité, il faut combiner les diverses descriptions 
données par les auteurs. 


L'OVOGENÈSE DANS MYRIOTHELA ET TUBULARIA. 5 


Dans une note préliminaire (93) nous avons indiqué trois modes de 
formation de l'œuf: 1° par plasmodium ; 2 par aires plasmodiales ; 
3° par plasmolyse. 

Le premier de ces modes avait été entrevu par quelques auteurs, 
le second est décrit par tous, le troisième n’était pas encore connu. 

Il ne faudrait pas envisager d’une façon trop rigoureuse un clas- 
sement de phénomènes qui, comme nous le verrons plus loin, se 
rattachent par d’insensibles transitions les uns aux autres. Aussi ne 
donnons-nous que comme un cadre d'exposition ces trois modes 
de formation de l'œuf. 

Nous allons les étudier successivement. Disons auparavant que 
les phénomènes se passent d’une facon très comparable chez Tubu- 
laria et Myriothela. La seule différence est celle-ci : chez Myriothela, 
il se forme un œuf unique, qui remplit par conséquent toute la 
cavité du gonophore. Dans T'ubularia, il se forme plusieurs généra- 
tions (deux ou trois) d'œufs: de telle sorte que, sur une coupe de 
gonophore, on peut rencontrer jusqu'à trois œufs (pl. I, fig. 14) 
à divers stades d'évolution. 

1° FORMATION DE L' ŒUF PAR PLASMODIUM. — À, Chez Myriothela. — 
Ce mode de formation semble avoir été vu par Allmann, qui a indiqué 
d'une façon assez précise la fusion des oocytes par leurs prolonge- 
ments amœæboïdes, chez Myriothela phrygia (a, pl. LVIT, fig.8 et 13). 
En revanche, Korotneff ne semble pas avoir vu ce processus, mais 
seulement le deuxième mode de formation de l'œuf. Ce mode semble 
se produire à un stade précoce de la formation du gonophore. 

Nous avons vu que les oocytes, au début, avaient une structure 
peu différente de celle des cellules somatiques dont ils dérivent : ce 
sont des cellules arrondies ou ovalaires à cytoplasme granuleux, et 
possédant un novau identique à celui des cellules ectodermiques ; ce 
noyau est sphérique, peu colorable, et renferme un granule central 
de chromatine que nous retrouverons souvent dans celte étude et 
que nous nommerons karyosome. Les oocytes augmentent de nombre 


au fur et à mesure que le gonophore s'accroît, mais ne restent point 


6 ALPHONSE LABBÉ. 


associés en tissu. Ils sont indépendants et libres dans la cavité du go- 
nophore. Ils s’accroissent peu du reste et augmentent peu de volume, 
mais présentent des mouvements amœæboïdes très actifs. Ces mou- 
vements amæboïdes (pl. I, fig. 6) ne sauraient nous surprendre. On 
sait en effet, depuis les travaux déjà anciens d’A. de Varennes‘ {SS) 
et surtout de Weismann (80), que les cellules qui produiront les 
oocytes naissent souvent loin du gonophore qui doit les abriter, et 
cheminent le long de la membrane mésogléenne, par des mouve- 
ments amæboïdes, pour se rendre dans ce gonophore. Il n’y a donc 
rien d'étonnant à ce que les oocytes aient conservé ce caractère 
d'activité qu’avaient les cellules dont ils sont issus. 

Le premier phénomène que l’on observe est la fusion de tous ces 
oocytes amœæboïdes. Les pseudopodes des oocytes se fusionneni, 
s’anastomosent (pl. I, fig. 6 et 7), et le gonophore est alors rempli 
par une masse de cytoplasme unique creusé de vacuoles, qui sont les 
intervalles primitifs existant entre les oocytes et renfermant autant 
de noyaux qu’il y avait d'oocytes. 


C’est là la définition du plasmodium ?. Nous ne nous occuperons 


1 Les recherches de A. de Varennes et celles de Weiïsmann, publiées la même 
année, ont été faites indépendamment l’une de l’autre. Une note préliminaire de 
A. de Varennes, fixant l’origine des produits sexuels chez plusieurs espèces d'Hy- 
draires, a même été publiée avant le travail de Weismann sur le même sujet. Incon- 
testablement, A. de Varennes doit partager avec Weismann l'honneur de cette 
découverte, bien que les travaux de ces deux savants ne puissent être comparés 
pour l'importance des résultats. 

2 Dans la plupart des auteurs, Dôflein, Grônberg, entre autres, qui se sont oc- 
cupés de cette question, on lit : syncylium et non plasmodium. Si l’on prend le nom 
le plus ancien, plasmodium, créé pour les Myxomycètes, on voit qu'il peut être dé- 
fini une masse protoplasmique polynucléée provenant du fusionnement de cellules 
originairement distinctes. Il faut donc réserver le mot syncytium pour désigner une 
masse protoplasmique polynucléée, dans laquelle les noyaux proviennent non de 
cellules autrefois distinctes, mais d'un noyau primitif unique. Dans le plasmodium, 
qui est une formation secondaire, il y a plusieurs noyaux, parce que les cloisons 
cellulaires qui séparaient ces noyaux se sont résorbées. Dans le syncytium, qui est 
une formation primilive, les noyaux proviennent d’un noyau unique, il n’y a jamais 
eu de cloisons cellulaires, mais il. pourra s’en former plus tard : l’'embryologie des 


Arthropodes abonde en formations syncytiales (Cf. LaBBé, Cytologie expérimentale, 
De 154) 


L'OVOGENÈSE DANS MYRIOTHELA ET TUBULARIA. 7 


plus de la masse cytoplasmique vacuolaire qui remplit alors toute la 
cavité du gonophore : ce sera le cytoplasme de l'œuf. 

Mais nous devons nous occuper des noyaux. Avant même que les 
oocytes se fusionnent, nous voyons certains des noyaux augmenter 
de volume et changer de caractère ; non seulement ils sont plus vo- 
lumineux, mais il apparaît à leur intérieur des grains de chroma- 
tine disposés à la périphérie, en même temps que le karyosome de- 
vient plus grand et plus irrégulier, quoique toujours central. A ce 
stade, les noyaux peuvent se diviser par amitose (nous reviendrons 
plus loin sur ce procédé de division). Ces noyaux arrivent à devenir 
double ou triple de volume des autres. Pendant ce temps, tous les 
autres noyaux entrent en dégénérescence, d’abord à la périphérie du 
gonophore, puis bientôt dans toute l'étendue du gonophore. A ce 
stade, il n’y a donc plus, au milieu du cytoplasme aréolaire qui rem- 
plit le gonophore, qu’une vingtaine de noyaux; tous les autres sont 
entrés en karyolyse. Plus tard, quand le gonophore est mür, on ne 
voit plus persister qu'un seul noyau, très gros, la vésicule germina- 
tive de l’œuf; tandis que les noyaux dégénérés persistent en géné- 
ral, surtout au centre, comme des granules réfringents (Pseudozellen 
des auteurs ; voir p. 14). 

B. Chez Tubularia. — Jei les choses se passent de la même façon, 
quoique un peu différemment. Lés oocytes se fusionnent, mais plu- 
tôt par accolement, et j'ai rarement vu de mouvements amæboïdes 
actifs comme chez Myriothela. La seule différence réelle est celle 
que j'indiquais au début, à savoir qu'une partie des oocytes du go- 
nophore seulement forme l'œuf, les autres oocytes contribuant à 
former d’autres œufs. 

Si nous résumons ce mode de formation de l’œuf, nous voyons 
qu'il se résume ainsi : 

Fusion plasmodiale des oocytes, qui additionnent leurs cytoplasmes ; 
disparition progressive de tous les noyaux, qui dégénèrent et for- 
ment des granulations probablement vitellines ; persistance d’un seul 


de ces noyaux, qui devient le noyau de l’œuf, 


8 ALPHONSE LABBÉ. 


20 FORMATION DE L'ŒUF PAR AIRES PLASMODIALES. — Le plus fréquent, 
sans contredit, des trois modes de formation * de l'œuf est celui que 
j'appelle par aires plasmodiales. 

Le phénomène originel est, comme précédemment, la fusion des 
oocytes; mais cette fusion ne se fait que progressivement, au lieu 
de se faire d’un seul coup comme dans le premier mode. De plus, les 
aires de fusionnement, c’est-à-dire ce que j'appelle les aires plasmo- 
diales, s’accroissent beaucoup par elles-mêmes et acquièrent des 
caractères particuliers. Puis, plus tard, toutes les aires plasmodiales 
se fusionnent entre elles et avec ceux des oocytes qui restent encore 
dans le gonophore. L'œuf est constitué de cette façon. Les processus 
sont du reste encore les mêmes chez Myriothela et Tubularia, avec 
les restrictions que nous avons établies au début. 

Reprenons la série de ces phénomènes. 

Au début, l'oocyte ne se distingue guère des cellules somatiques 
dont il est issu. Le noyau est identique, petit, sphérique, avec un 
simple granule chromatique central (karyosome) et peu de chroma- 
tine. L'oocyte s'accroît beaucoup. Chez Myriothela et Tubularia, 1] 
garde du reste les mêmes caractères ; cependant, chez Myriothela, il 
devient beaucoup plus grand que chez Z'ubularia. Le noyau aussi 
grandit et se charge de chromatine, tandis que le karyosome, sphé- 
rique, volumineux, devient de taille de plus en plus considérable. 

À ce moment, dans les oocytes peut se produire une division ami- 
totique ; le noyau se divise par amitose, le karyosome s'allonge et 
se divise aussi. L’oocyte ne se divise pas, de telle sorte que l’on voit 
souvent des oocytes à deux noyaux. Comme l’amitose peut se pré- 
senter plusieurs fois de suite, on peut trouver des oocytes à trois et 
quatre noyaux. Nous reviendrons plus loin sur ces phénomènes ami- 
totiques. 

Ces divisions se laissent facilement distinguer de la fusion plas- 
modiale, qui intervient à ce stade. | 


1 C’est le seul qui soit connu des auteurs antérieurs, mais de nombreuses ques- 
tions y restaient cependant à élucider. 


L'OVOGENÈSE DANS MYRIOTHELA ET TUBULARIA. 4 


En une place quelconque du gonophore, le plus souvent au voisi- 
nage du spadice, deux, trois, quatre, dix oocytes se fusionnent et 
forment une masse plasmodiale. Dans le gonophore, il se forme 
ainsi trois ou quatre aires plasmodiales. Puis ces aires plasmodiales 
grandissent et deviennent jusqu’à cinquante ou cent fois plus grandes 
que le plasmodium primitif. Le protoplasma se vacuolise et, tandis 
qu'un ou deux noyaux grandissent beaucoup, les autres se résorbent, 
soit par dissolution dans le cytoplasma, soit par karyolyse. Une aire 
plasmodiale a ainsi l’aspect d’une sorte d’« œuf primitif», comme 
disaient Allmann, Korotneff et les anciens auteurs. Le protoplasma 
est richement vacuolaire. A l'intérieur, on voit la plupart des noyaux 
dégénérés ou en voie de régression : ils formeront les «Pseudozellen » 
des auteurs anciens. Ordinairement, l'aire plasmodiale a des contours 
très irréguliers, pseudopodiques. Les figures 10 et 14 de la planche! 
montrent nettement ces caractères. Le noyau qui persiste à aussi 
des caractères spéciaux. Il est sphérique, généralement ovalaire avec 
un beau karyosome également sphérique, et un réticulum chroma- 
tique très fin, il prend donc de plus en plus les caractères d’une 
vésicule germinative. 

Dans le gonophore, outre les aires plasmodiales, il y a encore de 
nombreux oocytes errantsentre les aires plasmodiales ou sur les bords 
du gonophore (pl. IL, fig. 9 et 12). Peu à peu ils sont englobés par 
les aires plasmodiales, de telle sorte qu’il ne reste plus guère que 
ceux qui sont situés sur les bords. Ceux-ci sont absorbés en dernier 
lieu, soit directement par les aires plasmodiales, soit lorsque ces 
aires plasmodiales se sont fusionnées. 

Comment se fait l’englobement de ces oocytes par les aires plas- 
modiales ? 

On ne peut dire que ce soit un phénomène phagocytaire. L’aire 
plasmodiale est une masse protoplasmique très active, émettant 
de nombreux filaments pseudopodiques et cherchant à attirer les 
oocytes errants. Ceux-ci, au contraire, paraissent peu actifs; ils 


n'émettent point de pseudopodes, et souvent, déjà, ont un noyau en 


10 ALPHONSE LABBÉ. 


voie de dégénérescence, ce qui doit paralyser leur activité. On peut voir 
(pl. I, fig. 10 et 11) comment se fait l'absorption des oocytes. Ceux- 
ci, attirés par des prolongements pseudopodiques de l'aire plasmo- 
diale, se soudent au protoplasma de l’aire plasmodiale, et sont ainsi 
accaparés. On voit qu'il y a encore simple addition des cytoplasmes 
comme dans le premier mode, et on ne peut pas invoquer une vraie 
phagocytose. Le noyau de l’oocyte absorbé disparaît par karyolyse 
ou persiste à l’état dégénéré comme Pseudozelle. Lorsque l’oocyte à 
été absorbé, on peut voir son cytoplasme, auparavant granuleux et 
chromatoïde, s’accroître, se vacuoliser et prendre les caractères de 
celui de l’aire plasmodiale. 

On peut déduire de tout ce qui précède, que, contrairement à l’opi- 
nion de la plupart des auteurs, il n’y à pas lieu d’établir de distinc- 
tions en cellules ovulaires et vitellines. Il n’y a, dans le gonophore, 
que des cellules ovulaires, que des oocytes. 

Si l’on examine des aires plasmodiales, on peut constater, suivant 
le moment, deux états différents. 

Tantôt, le cytoplasme ne présente aucune trace ou peu de trace de 
noyaux dégénérés, le protoplasme est aréolaire, mais peu vacuo- 
laire, ses contours nets sans pseudopodes ; c’est une phase d’accrors- 
sement propre (pl. T, fig. 9), une phase de repos fonctionnel. 

Tantôt le cytoplasme de l’aire plasmodiale est fortement vacuo- 
lisé, ses contours sont irréguliers, comme déchiquetés, offrant des 
pseudopodes actifs. À l’intérieur sont de nombreux débris de toute 
sorte provenant des noyaux des oocytes digérés. Par places, de nom- 
breux granules chromatiques donnent parfois au cytoplasme même 
une coloration intensive. Les prolongements pseudopodiques s’in- 
sinuent partout entre les oocytes, cherchant à se fusionner avec 
eux. C'est une phase d'accroissement par fusion (pl. 1, fig. 10 et 11), 
d'activité. 

Ces deux périodes sont sans doute successives, des phases d’accrois- 
sement par fusion venant succéder à des phases d’accroissement 
propre. 


L'OVOGENÈSE DANS MYRIOTHELA ET TUBULARIA. 11 


Lorsque le fusionnement plasmodial à été très actif, il y a un grand 
nombre de noyaux qui dégénèrent dans un espace restreint (pl. Ii, 
fig. 17 et 18). 

En résumé, les aires plasmodiales s’accroissent, soit par leur nutri- 
tion propre, soit par fusion avec le reste des oocytes, et forment 
autour du spadice quatre ou cinq aires séparées. Celles-ci se fusion- 
nent à leur tour (pl.Il, fig. 13), et l’on peut voir autour du spadice une 
sorte d’amibe gigantesque continuant à absorber les autres oocytes ; 
absorption présentant toujours les mêmes caractères de fusion et non 
de phagocytose ; si bien qu’on ne peut dire qu’il s'agisse ici de cel- 
lules vitellines absorbées, digérées par un œuf, Lorsque la fusion est 
complète, l'œuf est mûr. 

On voit que ce deuxième mode de formation de l’œuf présente assez 
de ressemblance avec le premier. Il y à une fusion plasmodiale par 
degrés, accompagnée de croissance, au lieu d’une fusion plasmodiale 
directe. Dans le premier mode, c’est l’œuf qui s'accroît, lorsque la 
fusion est terminée ; dans le second, ce sont les aires plasmodiales qui 
s’accroissent avant de se fusionner pour former l'œuf. 

Il est possible que ces processus soient liés à la croissance du go- 
nophore. La formation par le premier mode a toujours lieu à un stade 
précoce où les oocytes remplissent toute la cavité du gonophore et 
se fusionnent facilement. Le deuxième mode semble se produire dans 
les gonophores où les oocytes sont peu nombreux, et, par suite, où 
les aires de fusionnement doivent grandir beaucoup par accroisse- 
ment propre afin de pouvoir remplir toute la cavité. Le deuxième 
mode paraît le plus normal; le premier mode paraît, au contraire, 
lié à un retard de développement dans la croissance propre du gono- 
phore. 

3° FORMATION DE L'ŒUF PAR PLASMOLYSE. — Ce dernier processus, 
peut-être entrevu par Allmann, ne me paraît pas avoir été observé 
par les auteurs. Il consiste en ceci, que la plupart des cellules forma- 
trices de l'œuf, sauf un certain nombre qui sont situées surtout autour 


du spadice, aux extrémités et sur le pourtour du gonophore, subis- 


12 ALPHONSE LABBÉ. 


sent une plasmolyse accompagnée de karyolyse.Il peut même arriver 

que toutes les cellules formatrices de l’œuf subissent cette plas- 
molyse. 

__ Commençons par dire que ce phénomène n’a rien de pathologique 

et se produit dans des gonophores absolument normaux. Nous trou- 

vons ici encore la même différence entre les gonophores de Z'ubularia 

et de Myriothela que dans les cas précédents. 

a. Plasmolyse partielle. — Les figures 19, 20, de la planche II, 
montrent la marche de cette plasmolyse. Ici les oocytes sont encore 
amæboïdes, et peut-être même plus fortement actifs que dans 
les autres cas. Mais on les voit bientôt s’hypertrophier et subir les - 
dégénérescences les plus diverses. Tantôt le cytoplasme est vacuo- 
lisé, tantôt, au contraire, il se remplit de granules réfringents 
ou de granulations chromophiles. Le noyau s’hypertrophie aussi 
beaucoup et subit une karyolyse voisine de celles dont nous par- 
lerons plus loin à propos des Pseudozellen ; tantôt il disparaît par 
simple dissolution dans le plasma ; parfois il se fragmente en mor- 
ceaux irréguliers ou réguliers. L’oocyte lui-même peut bourgeonner 
des boules sarcodiques qu’on peut retrouver à côté des oocyties 
nucléés. Il y aurait toute une étude à faire sur la marche de cette 
dégénérescence, qui serait, certes, intéressante au point de vue géné- 
ral : on ne saurait s'empêcher de remarquer dans la figure 20, pl. I, 
combien il y a d’analogies, et probablement d'homologies, entre les 
corps plus ou moins bizarres inclus dans ces cellules et provenant 
de leur dégénérescence. et nombre de formations très probablement 
pathologiques, comme les pseudo-coccidies des épithéliomes, sar- 
comes, du molluscum contagiosum', etc. Je n’insiste pas davantage 
sur les caractères des cellules en dégénérescence, et je fais seulement 
remarquer que, à ce moment, dans toute la cavité du gonophore 
chez Myriothela, et dans une partie seulement chez T'ubularia, tous 
les oocytes sont en dégénérescence et forment un amas de cellules 


1 Voir les figures de Fabre-Domergue, les Cancers épithéliaux, Paris, p. 1-443, 
pl. I-VI. 


L'OVOGENÈSE DANS MYRIOTHELA ET TUBULARIA. 13 


de toutes tailles, de toutes formes, parsemées de débris plasmatiques 
ou chromatiques extrêmement variés. Cependant certaines cellules 
ne prennent pas part à celte dégénérescence : ce sont les cellules 
périphériques, surtout placées au fond du gonophore ou au voisinage 
du spadice. 

Dans la figure 20 (pl. Il), représentant une coupe longitudinale 
de gonophore de Tubulaire, nous voyons en 0, une couche d’oocytes 
non modifiés. De même dans la figure 19 (pl. 11), nous voyons la 
partie large du gonophore remplie de cellules en plasmolyse, tandis 
que, tout autour, en o,, se trouvent des cellules non modifiées, qui, 
du reste, dans la partie supérieure, sont encore à l’état jeune et 
constituent le matériel formatif d’un œuf moins avancé en âge. 

Que nous prenions les Tubulaires ou les Myriothèles, nous voyons 
donc l’œuf se déterminer comme une couche de cellules amæboïdes 
renfermant de nombreuses cellules en voie de dégénérescence. Les 
cellules périphériques s'unissent toutes entre elles, se fusionnent, et 
même aussi, parfois, avec des cellules en dégénérescence : c’est là le 
plasma formatif de l'œuf. Tous leurs noyaux dégénèrent, sauf un seul 
Du moins, je suis porté à le penser, car sur des coupes suivies, je 
n'ai pu retrouver la vésicule germinative. À l'intérieur de ce plasma 
formalif, on voit de nombreuses balles protoplasmiques, quelquefois 
remplies d’un pigment jaune ou brun, véritables balles vitellines for- 
mées par les cellules dégénérées. La figure 21 (pl. II) montre une 
coupe d'œuf de Myriothèle presque mûr. On remarquera les grosses 
sphères noires (er) qui ne sont que des noyaux énormément hyper- 
irophiés et qui se colorent très intensivement. Jamais le noyau ne se 
trouve dans la partie centrale. 

b. Plasmolyse totale, — Je pense, d’après certaines observations, : 
que, dans quelques cas peut se produire une plasmolyse totale de 
tous les oocytes. Le résultat est, du reste, le même, car il y a tou- 
jours addition des cytoplasmes même en plasmolyse, qui se recons- 
tituent sans doute après pour donner le cytoplasma formatif de 
l'œuf. 


14 ALPHONSE LABBÉ. 


Que la plasmolyse soit partielle ou totale, il n’en est pas moins 
intéressant de voir l’œuf se constituer de cette façon. Les exemples 
d'histolyse en embryogénie sont nombreux et s'observent souvent, 
lorsque, au cours d’une métamorphose larvaire, des modifications 
brusques et très fortes doivent se produire. Dans ces divers cas (In- 
sectes, Bryozoaires), des cellules qui prennent un rôle phagocytaire 
dévorent les éléments anciens, et les éléments nouveaux dérivent 
d'une partie des tissus non en histolyse. lei le cas est analogue. Les 
cellules en plasmolyse constituent le matériel nutritif de l’œuf et 
sont réduites à l’état de balles vitellines ; c’est un matériel mort qui 
ne peut plus concourir à rien former. Le matériel vivant, formatif, 
ce sont les cellules périphériques dont l’une donnera la vésicule ger- 
minative. Ce mode de formation de l’œuf, quoique assez étrange et 
exceptionnel, peut donc encore s'expliquer et rentrer dans une règle 
générale. Il est à penser que ce qui s'applique à la plasmolyse par- 
tielle s'applique également à la plasmolyse totale. Vraisemblable- 
ment, les cellules périphériques ne paraissent en plasmolyse qu’en ce 
que leurs noyaux dégénèrent avant que les plasmas ne se fusionnent, 
tandis que, dans la plasmolyse partielle, cette karyolyse des noyaux 
ne se produit qu'après le fusionnement des oocytes périphériques en 
plasmodium. 


LA QUESTION DES « PSEUDOZELLEN ». 


Kleinenberg (#2) le premier, chez l'Hydre, et ensuite tous les au- 
teurs, chez les autres Hydraires, ont signalé la présence dans l'œuf 
mûr de granulations spéciales ayant l'aspect de cellules, et que les 
auteurs allemands ont nommées Pseudozellen. | 

Sans entrer dans le détail des discussions, disons tout de suite 
que deux opinions sont en présence pour expliquer la nature et la 
provenance de ces Pseudozellen : l’opinion ancienne, qui a été no- 
tamment soutenue par Kleinenberg (42), Nussbaum (8%), Tichomi- 
rOÏT (8%), etc., est que c’étaient des cellules de réserve directement 


L'OVOGENÈSE DANS MYRIOTHELA ET TUBULARIA. 15 


formées par l’œuf, des produits plasmatiques plus ou moins sem- 
blables aux corps vitellins. Cette opinion n’a pas prévalu, et il est 
certain que ces Pseudozellen ne sont que les noyaux des oocytes di- 
gérés par l’œuf ou fusionnés avec lui. Ciamician (29), chez Jubularia, 
a montré que les nombreux corpuscules brillants que l’on trouve 
dans l’œuf sont identiques aux Pseudozellen de Kleinenberg, chez 
l'Hydre ; cet auteur a observé que ces corps nucléiformes se repro- 
duisent par fragmentation irrégulière, et servent à la nutrition de 
l'œuf. Korotneff (88) observe les mêmes faits chez Myriothela, et 
montre qu'ils dérivent des noyaux des cellules vitellines. Brauer(94) 
émet la même opinion (/ydra, Tubularia). Les travaux plus récents 
de Düflein (96) et de Grônberg (9%) sur les 7’ubularia sont arrivés 
aux mêmes résultats, c’est-à-dire que les Pseudozellen ne sont que 
les noyaux dégénérés des oocytes. Il est certain que, chez tous les 
Hydraires, les Pseudozellen sont des productions identiques et pro- 
viennent de la dégénérescence des noyaux des oocytes. La question 
des Pseudozellen est donc liée à celle de la dégénérescence des 
noyaux des oocytes. 

De quelle façon se fait cette dégénérescence? Comment se for- 
ment ces Pseudozellen ? 

Les auteurs qui se sont occupés de cette question ont vu des 
choses très différentes, et qui apparemment appartiennent à une 
même série de phénomènes que, dans une note préliminaire, nous 
avons désignée sous le nom général de karyolyse. 

Nous les diviserons en plusieurs catégories : 

1° PHÉNOMÈNES AMITOTIQUES. — (Ceux-ci se produisent dans les 
oocytes avant leur fusion ou leur absorption. A ce stade, les oocytes 
peuvent se diviser par amitose. Nous étudierons cette amitose dans 
un chapitre spécial. 

2° DissOLUTION DU NOYAU. — Déjà dans les noyaux des oocytes 
libres et, plus tard aussi, lorsque les oocytes se sont fusionnés, le 
noyau peut disparaître par simple dissolution dans le plasma. Dans 


quelques cas, on peut voir la chromatine se fragmenter en très fines 


46 ALPHONSE LABBE. 


granulations à l’intérieur de la membrane nucléaire, et passer, au 
travers de cette membrane, dans le cytoplasme, Dans d’autres cas 
(pl. I, fig. 4), la membrane nucléaire se rompt et les granulations 
de chromatine se dissolvent dans le cytoplasma. Pendant quelque 
temps, une aire claire les entoure encore et représente subjective- 
ment la place du noyau. Puis tout cela disparaît, et l’on trouve alors 
dans le cytoplasme de simples granules épars ou rassemblés. Par- 
fois, grâce à cette dissolution, qui est souvent une véritable imbi- 
bilion du cytoplasme par la chromatine, on voit certaines places du 
plasma de l’œuf colorées intensivement par les réactifs nucléaires. 

3° PHÉNOMÈNES KARYOLYTIQUES. — Ces phénomènes karyolytiques, 
qui donnent naissance aux Pseudozellen, sont de diverses natures. 
Nous n’essayerons pas d’en donner une classification, mais seule- 
ment d'indiquer les cas les plus fréquents. Dans tous ces cas, les 
transformations qui se produisent dans le noyau sont précédées de 
l'hypertrophie du noyau. Ce noyau devient énorme, et peut souvent 
atteindre le diamètre d'un oocytie entier. Les figures 17 et 18 de la 
planche II montrent des cas semblables. 

a. — Un cas irès fréquent, c’est la transformation progressive de 
toute la chromatine du noyau en une masse sphérique, fortement 
réfringente, et d'aspect absolument uniforme. C'est une sorte de 
condensation hyaline de la chromatine. Ces sphérules réfringentes 
sont très visibles dans l'œuf mûr. Aux agents nucléaires, ils présen- 
tent une coloralion intensive ; on peut en voir reproduits dans plu- 
sieurs de nos figures * (pl. II, fig. 47, 49, 20 et 21). 

d. — Un autre phénomène est la fragmentation de la chromatine 
en deux ou plusieurs sphérules, qui présentent aussi un aspect ré- 
fringent et une coloration intense. Cette fragmentation, toujours 
plus ou moins irrégulière, peut se produire à l’intérieur de la mem- 
brane nucléaire ou après dissolution de cette membrane. On peuten 
voir divers exemples planche Il, fig. 47, 48 et 20. Les fragments chro- 


1 C’est, je crois, ce qu'on appelle la pycnose des noyaux. 


L'OVOGENÈSE DANS MYRIOTHELA ET TUBULARIA. 17 


matiques ainsi produits sont ou sphériques ou ovoïdes, ou bien 
d'aspect cristalloïde, et de forme irrégulière *. 

ce. — Un troisième cas, qui a surtout été vu par Dôüflein (96), pa- 
raît se rapporter à ce que Flemming ? a appelé chromatolyse partielle 
ou totale. Il consiste en l’accumulation, à la périphérie du noyau, 
sous forme de disque ou d’anneau irrégulier, de toute la chroma- 
tine ; tandis qu’au centre de la vacuole ainsi formée, les albumines du 
suc nucléaire forment des couches successives (Centralkôrper et Cen- 
tralkürperchen, de M. Heidenhain*). 

Dans les doubles colorations (par exemple, par la méthode de 
Benda), on voit un cercle rouge intense formé par la condensation 
de la chromatine à la périphérie du noyau, tandis qu’au centre se trou- 
vent deux ou trois corpsconcentriques colorés en bleu ou en vert foncé, 
et qui représentent les substances albuminoïdes du suc nucléaire 
(Æernsafteiweis). 

Ces formations sont bien connues depuis les travaux de Lukjanow‘, 
de M. Heidenhain et de plusieurs autres auteurs, sur les dégénéres- 
cences nucléaires tant dans les épithéliums digestifs que dans les 
épithéliums séminifères”. Notons cependant que la chromatine ne 
se concentre pas toujours exclusivement à la périphérie, et qu'il 
persiste souvent au centre une ou plusieurs granulations chroma- 
tiques. Dans ce cas, on croirait vraiment qu’au centre du noyau a 
pris place quelque Sporozoaire karyophage, et, de fait, le Micrococ- 

1 C’est le phénomène que Klebs et autres nomment caryorhexis. 

? FLEMMING, Ueber die Bildung von Richtungsfiguren in Säugethiereiern beim Unter- 
gang Graafsches Follikel (Arch. f. Anat. u. Physiol. 1885, Anat. Abth.). 

3 Consulter surtout M. HEIDENHAIN, Beiträge zur Histologie und Physiologie der 
Dünndarmschleimhaut (Pflüger’s Arch. f. d. Ges. Physiol., vol. XLIII, suppl., 1888, 
p. 1-104), et M. HeIDENHAIN, Beilräge zur Kenniniss der Topographie und Histologie 
der Kioake und ihrer drüsigen Adnexa bei den einheimischen Tritonen (Arch. Mikr. 


Anat., 1890,-p. 113, pl. X-XIII). 

* LuxsaANOW, Beiträge zur Morphologie der Zelle (Arch. f. Anat.u. Physiol, p. 66-90, 
pl: I-VII, 1887). | 

° Consulter à ce sujet les travaux de HsrManN, de DRÜNER, et surlout le travail 
plus récent de P. Bocin, Études sur l'évolution normale et l'involution du tube sémi- 
nifére (Arch. Anat. Microscop., vol. I, 1897, p. 225-339, pl. XII-XIV). 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. — 3® SÉRIE. —— T, VII. 14899. 2 


18 ALPHONSE LABBÉ. 


cidium karyolyticum de Drüner”, déjà décrit par Hermann, dans le 
testicule du Triton, comme une formation karyolytique, n’est 
peut-être pas plus un parasite que les productions que l’on voit 
dans les cellules cancéreuses, sarcomaleuses ou cirrhotiques. 

d. — Enfin, dans de nombreux cas, on peut signaler des méta- 
chromasies nucléaires. Les noyaux dégénérés présentent souvent 
ce virage de coloration, il n’est pas rare de trouver des sphérules 
nucléaires en pycnose, qui se colorent en rouge ou en bleu par le 
violet de gentiane, ou en bleu gris, gris, ou violet par la méthode de 
Benda. 

Telles sont les principales modifications que présentent les dégé- 
nérescences des noyaux des oocytes pour devenir des Pseudozellen. 

Il nous reste un mot à dire de ce que nous avons appelé la plas- 
molyse des oocytes, lorsque ce n’est plus simplement le noyau de 
l’oocyte, mais l’oocyte entier qui entre en dégénérescence ?. Nous 
avons représenté de nombreux aspects de cette plasmolyse (pl. I, 
fig. 20). Cette plasmolyse se présente sous plusieurs formes : 

a. Hypertrophie de l'oocyte.— Cette hypertrophie est variable, car, 
dans le gonophore à ce stade, on peut trouver des oocytes de toutes 
dimensions, et la dégénérescence ne me paraît pas liée absolument 
à l'hypertrophie. 

b. Transformation hyaloide du protoplasma, dans lequel toute 
structure figurée disparaît. | 

c. Transformation vacuolaire du protoplasma. 

d. Transformation granuleuse du protoplasma. 

e. Pigmentation du protoplasma. — Dans ces cas, la cellule se 
charge d’un pigment brun ou jaunâtre. 

f. fragmentation du. protoplasma. 


Il est évident que ces divers processus sont accompagnés par des 


1 L. DrüNer, Beiträge zur Kenntniss des Kern-und Zellendegeneration und ihrer 
Ursache (Jenaische Zeitschr., vol. XX VIII, 1894, p. 295, pl. XX-XXI). 

2 Cramictan (#9, pl. XVIII, fig. 19) semble avoir vu de ces plasmolyses, Il repré- 
sente, en effet, dans l’œuf mür de Tubularia, des balles vitellines avec noyaux en 
dégénérescence, qui paraissent bien voisines des processus ici décrits, 


L'OVOGENÈSE DANS MYRIOTHELA ET TUBULARIA. 19 


dégénérescences nucléaires appartenant aux divers cas que nous 
avons étudiés précédemment. Il me paraît possible, bien que je n’aie 
pu le voir d'une façon certaine, que, dans quelques cas, il puisse 
se produire d’autres cellules par voie endogène (d’une façon analogue 
à ce quise passe dans les tumeurs), certaines figures (pl. IT, fig. 20) 
laissent penser qu'il en est peut-être ainsi; mais je ne puis l’affirmer 
d'une facon certaine. 

Sinous résumons cette question des Pseudozellen, nous voyons que 
ce sont des éléments morts : oocytes entiers en plasmolyse, ou noyaux 
d'oocytes dégénérés; et que, très vraisemblablement, ces Pseudo- 
zellen de l’œuf des Hydraires jouent, comme l’ont pensé la plupart 
des auteurs, le rôle de globules vitellins ou de balles vitellines, con- 


stituant par conséquent les éléments de réserve de l’œuf mûr. 


L'AMITOSE DANS LES NOYAUX DES OOCYTES. 


Nous avons déjà fait remarquer (p. 15) que les noyaux des oocytes, 
avant de disparaître, subissaient une amitose à caractères très spé- 
CIaUx. 

Disons tout d’abord que les anciens auteurs (Allmann, Ciamician, 
Korotnef, etc.), bien qu'ayant observé cette division de noyaux, ne 
l'indiquent que très vaguement comme une fragmentation des Pseu- 
dozellen. Dôflein (96, p.70) seul a bien vu cette amitose qu’il a même 
figurée ; il a vu également la division du karyosome, mais ses figures 
ne me paraissent pas très exactes, et les fails en eux-mêmes sont plus 
compliqués. 

Disons tout de suite que cette division amitotique s’observe de la 
même façon dansles oocytes des Myriothela que dans ceux de 7Z'ubu= 
laria. 

L'amitose se produit au moment où l’oocyte, par suite de la crois- 
sance, augmente beaucoup de volume. Le noyau suit cet accroisse- 
ment et devient quelquefois quinze ou vingt fois plus grand que celui 
de l’oocyte originel. Du reste, le volume de l’oocyte et du noyau n’a 


20 ALPHONSE LABBÉ. 


aucune influence sur le moment de l’amitose qui peut se produire à 
un moment quelconque. À ce moment, le karyosome est sphérique, 
volumineux, toujours très chromatique, mais à chromatine moins 
dense au centre qu’à la périphérie, de sorte que la couche externe se 
colore plus fortement. La coloration, quoique intensive, laisse, du 
reste, une certaine réfringence (à l’état frais, le karyosome semble 
hyalin et très réfringent). A chaque pôle du karyosome on voit un 
petit renflement chromatique, quelquefois plusieurs, et le karyo- 
some semble, en quelque sorte, tendu par un filament directeur. Sa 
place est, d’ailleurs, quelconque par rapport au noyau. Le noyau lui- 
même est sphérique ou ovoïde, mais souvent de contours irréguliers, 
et renferme de nombreuses granulations chromatiques, mais aussi 
beaucoup d’hyaloplasma. Le cytoplasme de l’oocyte, fortement granu- 
leux et colorable, ne laisse voir aucune trace de Centrosome ni d’archo- 
plasme’. À ce moment le noyau s’allonge, s'étrangle en son milieu, 
et la constriction devenant plus forte, se divise en deux. C’est là un 
fait des plus banals. Le point intéressant est le rôle que joue le karyo- 
some. Ce karyosome devient, de contours irréguliers, à arêtes tran- 
chantes, cristalloïdes, parfois prismatiques. Il ne cesse pas pour cela 
d’avoir aux deux pôles ses deux granules chromatiques directeurs 
qui sont toujours très réfringents et d’être porté par un filament 
directeur. Puis il augmente beaucoup de volume, tout en changeant 
de forme et en s’allongeant. Il devient ovoide, ou rhomboédrique, 
ou biconique, et son grand axe est toujours dans le prolongement 
du filament et des granules directeurs. Parfois il semble que le fila- 
ment directeur se prolonge à l’intérieur du Kkaryosome, mais je n’ai 
pu le voir d’une façon nette. Finalement, le karyosome s’étrangle 


par le milieu et se divise en deux karyosomes accompagnés chacun 


1 Tous les matériaux étaient fixés soit au liquide de Flemming, soit au sublimé 
acétique. Les colorations ont été obtenues soit par la safranine-vert-lumière (M. de 
Benda), soit par le violet de gentiane, aniline et carmin boracique, soit par l’héma- 
toxyline au fer de Heidenhain. C’est cette dernière méthode qui nous a donné les 


images les plus nettes des divers processus amitotiques. 


L'OVOGENÈSE DANS MYRIOTHELA ET TUBULARIA. 91 


de son granule directeur. Ordinairement la division est égale; cepen- 
dant (rarement, il est vrai), je l’ai vue aussi inégale. 

Il y a donc division du noyau et division du karyosome. Mais, le 
fait intéressant, c’est que la division du karyosome et celle du noyau 
peuvent ne pas se correspondre. Tantôt la division du karyosome 
se fait en même temps que celle du noyau et suivant le même axe : 
dans ce cas, chaque uoyau fille emporte avec lui un karyosome fille. 
Mais très souvent il n’en est pas ainsi. En même temps que les noyaux 
se divisent, les karyosomes se divisent aussi, mais dans un sens per- 
pendiculaire, de telle sorte qu’un des noyaux filles a deux karyo- 
somes, l’autre n’en a pas. D’autres fois le karyosome ne se divise pas 
quand le noyau se divise, mais se divise seulement après la division, 
Du reste, il arrive rarement que le karyosome se trouve au centre 
ou dans l’axe du noyau. 

Le noyau d'un même oocyte peut se diviser ainsi deux ou trois 
fois de suite, et l'on peut avoir des oocytes à trois ou quatre noyaux. 

J'insisie encore sur ce point que, dans celte division, je n’ai pu 
voir trace de centrosome, ni d'archoplasme, ni d'aucune formation 
de ce genre. 

Comment faut-il envisager cette division amitotique nucléo-nu- 
cléolaire ? 

Tout d’abord les exemples d'amitose du noyau avec amitose du 
nucléole ne paraissent pas fréquents. 

Il faut en distinguer de deux sortes : 

_ Tantôt le nucléole se divise directement par amitose. C’est là un 
cas assez rare. Blochmann! semble avoir vu dans le blastoderme du 
Scorpion des divisions du nucléole. Preusse?, plus récemment, dans 
l'ovaire des Hémiptères, a observé aussi des divisions amitotiques 


du noyau précédées de l’amitose du nucléole. Le nucléole, ici, a 


1 BLocHManN, Ueber direkte Kerntheilung in der Embryonalhülle der Skorpion 
(Morphol. Jahrbuch., vol. X, 1885). 

? Preusse, Ueber die amilotische Kerntheilung in den Ovarien der Hemipteren [Zeits. 
Wiss. Zool., vol. LIX, p. 305-349, pl. XIX-XX, 1893), 


22 ALPHONSE LABBÉ. 


l'aspect cristalloïde et est nettement chromatique. Les observations 
de vom Rath ‘ sont encore plus éloignées de ce qui se passe dans nos 
Hydraires : il y a bien, dans les glandes de l’Anilocra, de l'Onrscus, 
du Porcellio, etc., étranglement en biscuit du nucléole, mais cet 
étranglement et cette division sont accompagnés de phénomènes 
très spéciaux. Plus voisins des faits que nous avons observés sont 
ceux que Frenzel? a vus dans l'intestin des Crustacés et qu'il appelle 
nukleoläre Kernhalbierung. Ses figures (pl. 25) sont très nettes, mais, 
comme l’a du reste fait remarquer vom Rath, les nucléoles de 
Frenzel ne sont pas chromatiques; par la méthode de Benda, ils se 
colorent en violet, tandis que nos nucléoles sont violemment rouges 
par la même méthode. 

A côté de ces divers exemples, nous trouvons dans Platner, Car- 
noy, etc., de nombreux exemples d’amitoses du noyau; mais, 
partout, la division du nucléole est mitotique, et ces amitoses nucléo- 
nucléolaires sont en réalité des passages entre les phénomènes fran- 
chement mitotiques et amitotiques. 

La question à chercher est donc celle-ci : y a-t-il vraiment dans 
nos observations une amitose du nucléole, ou cette amitose est-elle 
en réalité une mitose déguisée ? 

D’après les descriptions que nous avons données, le nucléole gran- 
dit, s’accroit beaucoup et s’étrangle; mais il est impossible de voir 
là une véritable scission de deux chromosomes. Le filament et les 
corpuscules directeurs ont probablement un rôle mécanique dans la 
scission, mais ces corpusCules directeurs ne sont probablement que 
des nucléoles accessoires semblables à ceux que l’on rencontre dans 
tant de cellules et qu’on pourrait peut-être homologuer à ceux que 
Frenzel (93, pl. 95, fig. 13, 18, 19, 26 et 928) figure aux pôles de ses 


1 Vom RaTux, Ueber den feineren Bau der Drüsenzellen des Kopfes von Anilocra me- 
diterranea Leach,und die Amitosenfrage im Allgemeines (Zeitschr. Wiss. Zool., vol. LX, 
p. 1-90, pl. I-TITI. 1895). 

? FRENZzeLl, Die nukleoläre Kernhalbierung (Biolog. Centralbl., vol. XI, 1891). — 
Die Mitteldarmdrüse des Flusskrebses und die amitotische Zelliheilung (Arch. f. Mikr. 
Anal., vol. XLI, 1893, p. 389). 


L'OVOGENÈSE DANS MYRIOTHELA ET TUBULARIA. 23 


nucléoles, et qu’on retrouve si souvent dans les œufs (Leydig, Flem- 
ming, etc.), aussi bien que dans les spermatogonies (Hermann) et 
même dans les cellules du foie des Mollusques‘ et des Crustacés. 
Bien que le rôle de ces corpuseules directeurs paraisse important, 
on ne peut guère leur attribuer la valeur de nucléocentres et l’on doit 
les considérer plutôt comme des nucléoles accessoires. D'autre part, 
le filament directeur n’est probablement qu’un fil de linine sur lequel 
le karyosome est placé. D'ailleurs, il faut noter : 1° que la chroma- 
tine du noyau est loin de s'être réfugiée exclusivement dans le ka- 
ryosome, qu'il existe des renflements chromatiques dans tout le 
noyau ; 2° que le karyosome, par son aspect hyalin, cristalloïde 
souvent, par sa coloration intensive, par sa délimitation (?) en deux 
couches concentriques, semble plutôt avoir des caractères dégéné- 
ratifs, voisins notamment de ceux qui se produisent dans la pycnose 
des noyaux (p. 14); 3° que la division du noyau et du karyosome ne 
se correspond pas. Pour ces diverses raisons, je me rallierai plutôt 
à l'hypothèse qu'il y a amitose du karyosome, simple fragmentation 
régressive. 

On sait que deux opinions partagent à ce sujet les cytologistes : 
pour les uns (Ziegler, Flemming, etc.), lamitose est un processus 
de régression, nettement dégénéralif, pour les autres (Preusse, Sa- 
batier, Reinhard), qui ont vu des amitoses dans des tissus jeunes 
comme les oogonies ou les spermatogonies des Crustacés, des Sé- 
laciens, des Hémiptères, l’amitose est une division à caractères pri- 
mitifs. Une opinion intermédiaire, soutenue notamment par Gui- 
gnard, Strasburger, Henneguy et Balbiani', est que l’amitose, sans 
êlre pour cela un processus primitif, n'est cependant pas toujours 
pour les noyaux un signe de sénescence. 

En ce qui regarde les noyaux des oocytes des Myriothela et Tu- 


bularia, nous devons penser à une amitose dégénérative. L’amitose, 


1 LONBERG, Kernstudien (Fôreningens Fôrhandlingar, vol. IV, p. 82-98, fig. 5, 1892). 


2 Hennecuy et BALBIANI,in Compies rendus de l’Académie des sciences, vol CXXIII, 
p. 264, 1896. 


04 ALPHONSE LABBÉ. 


ici, précède toujours la dégénérescence des noyaux, soit dans les 
oocyles, soit dans les aires plasmodiales. Les oocytes ont bien, il 
est vrai, la signification d’un tissu jeune, de caractère épiththal, 
véritable plasma germinatif; mais leurs noyaux sont destinés à dis- 
paraître par une régression qui peut déjà se produire dans les 
oocytes non fusionnés aux aires plasmodiales. Il nous paraît donc 
rationnel de penser que l’amitose, dans ce cas du moins, est un 
processus vraiment dégénéralf, que la division du karyosome est 
une fragmentation dégénérative et que l’amitose sonne vraiment, 


pour les noyaux des oocytes, le « glas funèbre ». 


CONCLUSIONS. 


Nous allons essayer de résumer les conclusions qui paraissent se 
déduire des faits exposés précédemment. 

4° — Tout d’abord, l’œuf, chez Myriothela et T'ubularia, dérive-t-il 
d’une seule cellule, différenciée à l’origine, ou d'un groupe cellulaire 
plasmodial ? La question est difficile à trancher. Cependant, je ne 
crois pas que le point de départ de l’œuf soit un seul oocyte. Je fe- 
rais remarquer {ce qu'a déjà fait Grônberg [9%]) que les aires plas- 
modiales originelles diffèrent beaucoup, par leur cytoplasme jarge- 
ment vacuolaire, des oocytes ordinaires; ce qui montre qu'elles se 
sont considérablement accrues, par assimilation de substances nu- 
tritives et non pas seulement par fusion avec d’autres oocytes (pl. I, 
fig. 2). D'autre part, ces aires plasmodiales renferment toujours 
quelques noyaux, indice d’un plasmodium originel. Si l’on considère 
le gonophore à un stade très jeune, on peut remarquer qu'il y a, il 
est vrai, des noyaux déjà différenciés, plus volumineux, et qui sont 
le départ d’aires plasmodiales. Mais ces points de départ sont nom- 
breux, et l’on ne peut dire qu'il y ait vraiment, dès l’origine, une cel- 
lule prédestinée à agglomérer les autres et à former l’œuf. Ce qui 
est vrai pour l’origine des aires plasmodiales l’est également pour 
la fusion des aires plasmodiales en vue de former l'œuf définitif. 


Dans le premier mode (p. 6), la question est toute tranchée, et l’œuf 


L'OVOGENÈSE DANS MYRIOTHELA ET TUBULARIA. 25 


est nettement plasmodial dès l’origine. La question ne me paraît pas 
davantage douteuse pour le deuxième mode. La fusion des oocytes 
en vue de former les aires plasmodiales marche parallèlement avec 
l'accroissement propre de ces aires plasmodiales. Je ne. crois pas, en 
résumé, que l'œuf dérive d’une cellule unique, et je crois pouvoir 
émettre cette proposition : 

L'œuf des Myriothela et Tubularia est, dès l’origine, plasmodial. 

2 Nous avons vu que les divers modes de formation de l'œuf, chez 
Myriothela et Tubularta, se laissaient ramener à une fusion plasmo- 
diale. Directement ou indirectement, les oocytes se fusionnent pour 
former l’œuf : leurs cytoplasmes s’additionnent pour donner le cyto- 
plasme de l'œuf, el tous les noyaux dégénèrent, sauf un seul qui 
formera le noyau de l’œuf. En effet, on ne peut dire que, même 
dans le deuxième mode (p. 8), il y ait phagocytose, en ce qui re- 
garde les cellules : il n’y a pas digestion d’une cellule par une 
autre cellule ; qu’il s'agisse de deux oocytes égaux ou d’un oocyte 
et d’une aire plasmodiale, il y a simple ‘addition des cyloplasmes. 
Je n’ai jamais constaté que des oocytes fussent incorporés et digé- 
rés par les aires plasmodiales. On ne peut donc pas dire qu'il yait 
vraiment phagocytose en ce qui regarde le plasma des oocytes. 

Les figures 10 et 11 de la planche I montrent nettement des 
oocytes se fusionnant avec des masses plasmodiales, mais on ne 
peut dire que leur cytoplasme est absorbé. Il y a simplement addi- 
tion de cytoplasmes. | 

Reste la question des noyaux. Ceux-ci sont nettement digérés par 
le cytoplasme du plasmodium. Mais il faut noter que, très souvent, 
les noyaux des oocytes libres sont déjà en dégénérescence avant que 
les oocytes eux-mêmes soient fusionnés. Du reste, que les noyaux 
soient normaux ou déjà en dégénérescence, ils n’en sont pas moins 
digérés, et 1l est fréquent de les trouver inclus dans des vacuoles du 
cytoplasma de l’œuf ou des aires plasmodiales : c’est une vraie di- 
gestion intracellulaire. 


En résumé, on peut dire que : 


26 ALPHONSE LABBÉ, 


Dans l'œuf des Myriothela et Tubularia, les processus phagocytaires 
n'interviennent vraisemblablement que pour les noyaux des oocytes; ces 
noyaux dégénérés ne sont autre chose que les Pseudozellen de Klei- 
nenberg. : 

3° Dans l’œuf, tous les noyaux des oocytes dégénèrent et il n’en 
reste qu'un, le noyau de l'œuf. Chez Myriothela, le noyau qui per- 
siste est toujours placé dans l’axe du gonophore, c’est-à-dire près 
du point d'ouverture du gonophore. Chez J'ubularia, il se trouve en 
un point plus variable, mais ordinairement central ou subcentral. 
Dans ce dernier genre, le noyau est toujours bien visible. J'avoue 
que, souvent, il m’a échappé chez Myriothela, lorsque l'œuf est 
mür ; il y a du reste dans les premiers stades de la segmentation 
de l’œuf vue seulement par Korotneff, bien des points douteux et qui 
demanderaient de nouvelles recherches. 

Quoi qu'il en soit, le noyau qui deviendra le noyau de l'œuf semble, 
dès l’origine, déterminé par sa situation dans le gonophore. 

4° La question des causes qui déterminent cette formation si par- 
ticulière de l’œuf est très obscure. Il est, en tout cas, certain que les 
oocyles ne se fusionnent pas sous l'influence d’une compression. 
Comme je le disais au début, ces cellules sont libres dans la cavité 
du gonophore, leur accroissement en volume est relativement faible 
par rapport à la rapidité de l’accroissement des autres parties du go- 
nophore. Elles sont donc surtout comprimées dans la partie basale du 
gonophore : or, c'est précisément en ce point que la fusion est la plus : 
tardive. Au contraire, c’est au voisinage du spadice que la fusion et 
l'accroissement des oocytes, en un mot la formation des aires plas- 
modiales, se produisent tout d'abord. Lorsque les oocytes ont com- 
mencé à se fusionner, l'accroissement et la vacuolisation des aires 
plasmodiales ainsi formées est très rapide, et c'est grâce à cet accrois- 
sement que l’œuf arrive à remplir toute la cavité du gonophore qui 
ne saurait être comblé par le simple fusionnement des oocytes pri- 
mitifs. Si l’on ajoute que les cellules endodermiques du spadice sont 


toujours en état de fonction active, qu’elles sont toujours bourrées 


L'OVOGENÈSE DANS MYRIOTHELA ET TUBULARIA. 27 


de granulations, qu'en un mot la digestion paraît très active dans 
tous les diverticules endodermiques qui forment les spadices, on 
peut conclure que l’accroissement et peut-être aussi l’activité propre 
des oocytes ou des aires plasmodiales sont en rapport direct avec la 
nutrition de l’Hydraire. On peut dire également que l'assimilation 
_a certainement une influence considérable sur les phénomènes chi- 
miques qui se passent dans les oocytes. La dégénérescence des 
noyaux dans les oocytes avant le fusionnement en est un signe certain. 

Ce n'est pas seulement sur le cytoplasma que la nutrition par le 
spadice a son importance; C'est aussi sur les noyaux. Certains de ces 
noyaux, qui deviendront les noyaux des aires plasmodiales, grandis- 
sent beaucoup, pendant que les autres noyaux dans la sphère d’in- 
fluence des premiers, dégénèrent progressivement et sont alors digé- 
rés. Lorsque les aires plasmodiales se fusionnent pour former l’œuf, 
la même lutte se produit entre leurs noyaux pour former le noyau 
de l’œuf. | 

D'ailleurs, il ne faut pas se dissimuler que toute cette physiologie 
spéciale est difficile à élucider, et qu’on peut à peine entrevoir une 
cause directrice. 

Quant à la question des causes du fusionnement des oocytes, elle 
est tout aussi obscure. Comme je le disais plus haut, cette cause 
n’est pas la compression des oocytes dans un espace restreint. Je serais 
plutôt tenté d'y voir un de ces phénomènes complexes d’attractions 
classés sous le nom de cytotactisme. Parmi les phénomènes cytotac- 
tiques qui désignent simplement les attractions produites entre cel- 
lules, il y en a toute une classe, l’adelphotactisme ! de Hartog, qui 
répond assez bien aux phénomènes que nous observons chez nos 
Hydraires. 

On peut définir l’adelphotactisme, une forme spéciale d’irritabilité 
qui porte des cellules-sœurs ou des cellules de même origine em- 


bryologique, à prendre une position définie les unes vis-à-vis des 


1 Consulter : A. LABBÉ, la Cylologie expérimentale, 1898, p. 122 et suivantes. 


28 ALPHONSE LABBÉ. 


autres. Exemples : les blastomères isolés de Rana fusca, qui vien- 
nent se réunir après avoir été séparés (Roux), les zoospores des Zcto- 
carpus qui se juxtaposent (Sauvageau); les amæbocytes dans la cavité 
générale de nombreux Métazoaires, qui, attirés par une même cause 
(parasite, etc.), viennent former une masse commune. L’adelpho- 
tactisme peut produire des plasmodia; on peut citer beaucoup 
d'exemples, dont le plus classique est celui des Myxomycètes. 

Il est évident que nos plasmodia d'oocytes rentrent dans cette 
catégorie. On ne peut établir beaucoup de distinction entre la fusion 
de deux oocytes équivalents et la fusion d’un oocyle avec une aire 
plasmodiale : mais il y à une différence. Dans tous les cas précé- 
dents, chaque cellule garde son noyau, ou s’il y a fusion, le noyau 
reste à la place où il devrait être si la membrane cellulaire existait 
encore. 1] y a encore une autre distinction. Vis-à-vis l’un de l’autre, 
deux oocytes jouissent d'un adelphotactisme équivalent, surtout dans 
le premier mode oùils sont également actifs et amæboïdes. Mais pre- 
nons une aire plasmodiale et un oocyte. L'oocyte, qu'il ait un noyau 
normal ou dégénéré, reste passif, et c’est l’aire plasmodiale qui l’at- 
tire par ses pseudopodes, de façon à se fusionner avec lui. Il est vrai 
que, dans le cas où le noyau de l’oocyte est dégénéré, on peut dire que 
l’oocyte n’est plus en état de vivre sans noyau et ne peut manifester 
l’activité nécessaire à l’adelphotactisme. 

En résumé, il y a attraction adelphotactique, et c’est là l’origine 
du plasmodium. Malheureusement, il ne faut pas se dissimuler que 
l’adelphotactisme est un mot qui peut servir de cadre à une série de 
faits, mais qui n’explique rien. Probablement, il y a dans tous ces 
phénomènes des causes chimiotacliques, mais s'il y a des effets chi- 
miques certains, nous ne les connaissons pas. 

Ce qui est le plus certain, c’est l'influence directe que paraît avoir 
la fusion sur les oocytes. Nous avons vu plus haut que le cytoplasma 
changeait de nature, et qu'il en résultait une phase d’accroissement 
propre. Van Rees avait pensé que la fécondation était, du moins . 
au début de l’ontogenèse, une sorte de phagocytose, dans laquelle 


L'OVOGENÈSE DANS MYRIOTHELA ET TUBULARIA. 29 


deux gamètes de même nature additionnaient leurs cytoplasmes et 
trouvaient dans cette fusion un regain d'énergie vitale. Si l’on note 
que les oocytes sont des cellules sexuelles non müres, incapables de 
vivre par elles-mêmes et forcées de se fusionner pour vivre, que 
l’adelphotactisme qu'ils éprouvent les uns pour les autres n’est pas 
éloigné de l'attraction sexuelle, on peut penser, sans pousser du 
reste trop loin l’homologie, que ces oocytes trouvent dans la fusion 
une surexCitation d'activité vitale nécessaire à la constitution défini- 
tive de l’œuf. 

50 — Une autre question se pose: est-il possible de ramener le mode 
de formation de l’œuf des 7Tubularia et Myriothela au cycle bien 
connu de l’ovogenèse de la plupart des Métazoaires? Je ne le pense 
pas. Je ne crois pas qu'il soit possible d'homologuer les divers aspects 
successifs de l’œuf aux oocytes de premier, deuxième ordre, etc. 
Il y a bien des générations successives de noyaux, mais l’assimi- 
latron me parait difficile. 

6° — Bien que le mode de formation de l’œuf soit assez excep- 
tionnel,cependant il est possible de trouver chez les autres Hydraires 
et chez les autres Métazoaires, des exemples sinon identiques, du 
moins assez VOISINS. 

Chez les autres Hydraires, l'œuf est une cellule unique, en général, 
mais il y a toujours des Pseudozellen, qui, probablement par pha- 
gocytose, sont assimilés par l'œuf et dont les noyaux persistent. 
Cependant j'ai pu voir dans d’autres genres (Coryne, par exemple), 
que l'œuf paraît s’élaborer aussi aux dépens d’un plasmodium germi- 
nalif (Allman, 34, p. 149). Des phénomènes analogues me parais- 
sent aussi exister dans le genre Clava. Les genres Myriothela et Tu- 
bularia ne seraient donc pas un cas unique. | 

Les exemples sont, du reste, nombreux chez d’autres Métazoaires 
d'un œuf qui absorbe d’autres cellules. 

Je ne citerai que l'exemple classique de Weismann qui, chez 
les Daphnies, a constaté que, sur les quatre ovules de la chambre 


ovarique de l’œuf d'hiver, un seul, le troisième, se développait en ab- 


30 ALPHONSE LABBÉ. 


sorbant les autres. Chez les Moëna, les ovules des chambres voisines 
sont aussi absorbés. 

Mais, dans la plupart de ces cas, il paraît y avoir véritable phago- 
cylose, c'est-à-dire absorption de cellules vitellines. Chez nos Hy- 
draires, il n’y a pas de distinction à faire (quoi qu'en disent Grôn- 
berg, Dôflein et la plupart des auteurs) entre des cellules ovulaires 
et des cellules vitellines : il n’y a pas phagocytose absolue. Mais on 
ne saurait assez mettre en lumière par quelles transitions insensibles 
les phénomènes phagocytaires et les phénomènes de fusion simple 
sont en correspondance. Toute l’embryologie paraît vraiment domi- 
née par ces phénomènes et par les tactismes spéciaux, et ce sera tou- 
jours un titre de gloire pour Metschnikov d'avoir su les mettre en 
lumière. 

1°— Au fond, pour étranges qu'ils soient, tous ces modes de forma- 
tions d'œufs ne paraissent pas avoir une importance capitale. Que 
l'œuf soit une cellule dérivée d’une lignée cellulaire (comme dans le 
cas normal) ou une cellule dérivée d’un plasmodium (comme dans le 
cas de nos Hydraires) ou d’un blastomère isolé ou même d'un frag- 
ment de cellule (comme dans les expériences de Boveri et de Delage), 
le résultat n’en est pas moins idenlique. 

Chez Z'ubularia et Myriothela, nous voyons des modes variés de 
formation de l'œuf; il y a un véritable plasma germinatif (non au 
sens de Weismann) qui, par des processus variables, arrive à donner 
un œuf unique dans lequel persiste un seul noyau et dans lequel le 
vitellus est représenté par les Pseudozellen (cellules des noyaux dégé- 
nérés). 

Il peut y avoir, en somme, dans l’ovogenèse, autant de variantes 
que dans la segmentation. 

L'ovogenèse n’est que la constitution, par des modes variables, 
d'une cellule différenciée : l'œuf, comme la segmentation, n’est que 
la réparlition, suivant des modes tout aussi variables, du matériel 


embryonnaire que cet œuf possède. 


1871. 


1835. 


1891. 


41891. 


41848. 


1879. 


41896. 


41897. 


1882. 


1882. 
188%, 


1891. 


188". 


1872. 


1888. 


1899. 


41874. 


1893. 


4188. 


1888, 


1880. 


1880. 


1885, 


L'OVOGENÈSE DANS MYRIOTHELA ET TUBULARIA. 31 


INDEX BIBLIOGRAPHIQUE 


ALLMAN (G.-J.). À Monograph of the gymnoblastic or Tubularian hy- 
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vol. CLXV, p. 549-576, pl. LV-LVIIL). 


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vol. LIT, p. 169-217, pl. IX-XII). 


— Ueber die Entstehung der Geschlechtsprodukte von Tubularia me- 
sembryanthemum, Allm. (Zeiéschr. Wüss. Zool., vol. LIT, p. 551-580, 
pl. XXXIII-XXXV). 

Cramicran (J.). Zur Frage über die Entstehung des Geschlechtstoffe bei 
den Hydroïiden (Zeitschr. Wiss. Zool., vol. XXX). 

— Ueber den feineren Bau und die Entwicklung von Tubularia me- 
sembryanthemum (Zeitschr. Wiss. Zool., vol. XXXII, p. 323-340, 
pl. XXVIII-XXIX). 

DôrLein (Fr.). Die Eïbildung bei Tubularia (Zeïtschr. Wass. Zool., 
vol, XLII, p. 61-73, pl. Il). 

GrôNBeRrG. Beiträge zur Kenntniss der Gattung Tubularia (Zool. Jahrb. 
Abth. morphol., vol. XI, p. 61-76, pl. IV-V). | 

Hamann (O.). Der Organismus der Hydropolypen (lena. Zeitschr., 
vol. XV). 

— Studien über Cœlenteraten (lena. Zeitschr., vol. XV). 

— Die Urkeimzellen (Ureier im Tierreich und ihre Bedeutung (Lena. 
Lertschr., vol. XXI, p. 516-538). 

Harpy (W.-B.). On some points in the histology and development of 
Myriothela phrygia (Quart. Journ. Micr. Sc. N. S., vol. XXXII, 
p. 505-539, pl. XXXVI-XXXVII). 

HaRTLAUB. Zur Kenntniss der Cladonemiden (Zool. Anz., vol. X, p. 651- 
658). 

KLFINENBERG (N.). Hydra. Eine anatomisch-entwicklungsgeschicht- 
liche Untersuchung. Leipzig. 

KorOTNEV (A.). Contribution à l'étude des Hydraires (Arch. zool. exp. 
et gén., 2° sér., vol. VI, p. 21-31, pl. I-IT). 

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bularia (C. R. Ac. Sc., avril 1899). 

MerscaniKxov (El.). Séudien über Entwicklungesgschichte der Medusen 
und Siphonophoren (Zeitschr. Wiss. Zool., vol. XXIV). 

NussBauM (M.). Ueber geschlechtsentwicklung bei Polypen (Verhandl. 
nat. ver. preuss. Rheinl., vol. XLIX | Médic. sect.|, p. 40-41.) 

TicHomiRov. Zur Entwicklungsgeschichte der Hydroïden (Nachtr. d. k.. 
ges. Liebh. Naturst. Anthrop. n. Ethnogr. Moscou, 1887). 

VARENNE (A. de). Recherches sur la reproduction des Polypes hydraires 
(Arch. zool. expér., vol. X, p. 611, pl. XXX-XXXVIII). 

WEismAnN (A.). Ueber den Ursprung der Geschlechtszellen bei den Hy- 
droïden (Zool. Anz., n° 61). 


— Lur Frage nach des Ursprung der Geschlechtszellen bei den Hydroiden 
(Zoo. Anz., n° 55). 


— Die Enistehungs der Sexualzellen bei Hydromedusen (Biol. Cen- 
tralb., n° 4). 


32 ALPHONSE LABBE. 

EXPLICATION DES PLANCHES. 

Lettres communes à toules les figures. 

ec. ectoderme. ñn, noyaux des oocytes. 
en, endoderme. v, vacuoles. 
g, gonophore. pg, oocytes en plasmolyse. 
sp. spadice. ov, oocytes en plasmolyse formant des 
04, oocytes. balles vitellines. 


0», aires plasmodiales. 


F1cAde 


Fic. 


2. 


k, noyaux en karyolvse. 


PLANCHE I. 


Myrivthela, coupe d’un gonophore jeune. 
Oocytes de Tubularia. 


3. Oocytes de Myriothela en voie d’accroissement et d’amitose. 


. Myriothela, partie d’une aire plasmodiale avec noyaux en voie de dissolu- 


tion dans le cytoplasme. 

a-p, divers stades de l’amitose dans les oocytes. 

Oocytes de Myriothela, amæboïdes, unissant leurs pseudopodes. 

Oocytes de Myriothela unis en plasmodium. Deux des noyaux sont en 
voie d’accroissement. 

Coupe d’un gonophore de Myriothela montrant la fusion plasmodiale totale 
des oocytes. 

Partie d’une coupe de gonophore de Ayriothela, montrant deux aires 
plasmodiales en voie d’accroissement et des oocytes se fusionnant; le 
noyau de l’un d’eux est en amitose. 


10-11. Bords d'aires plasmodiales de Tubularia montrant le fusionnement des 


12e 


13. 


14. 


oocytes. 


Coupe transversale d’un gonophore de Myriothela montrant les aires plas- 
modiales. 


PLANCHE II. 


Coupe transversale d’un gonophore de Myriothela montrant les aires plas- 
modiales fusionnées. 

Coupe transversale d’un gonophore de Tubularia montrant trois généra- 
tions d'œufs. À la partie centrale, un œuf demi-formé; en haut, une 
aire plasmodiale avec nombreux noyaux en karyolyse ; en bas, des 
oocytes jeunes encore libres. 


15-16. Bord d’une aire plasmodiale de Tubularia montrant des oocytes mar- 


4 
18e 
19: 


20. 


21. 


ginaux dont les noyaux sont en voie de karyolyse. 

Myriothela, une aire plasmodiale avec nombreux noyaux en karyolyse. 

Aire plasmodiale de Tubularia avec nombreux noyaux en karyolyse. 

Coupe longitudinale d’un gonophore de Tubularia montrant à la partie in- 
férieure une aire plasmolytique et à la partie supérieure des oocytes: 
jeunes encore commençant à se fusionner. 

Détail du précédent, montrant les cocytes normaux voisins du spadice et 
de nombreux stades de dégénérescence plasmolytique. ( Fixation au. 
Flemming, coloration au violet de gentiane.) 

Coupe d’un œuf de Myriothela presque mûr, après plasmolyse (hématoxy- 
line au fer de Heidenhain) montrant les balles vitellines centrales. 


DES ORGANES DE LA REPRODUCTION 


DE 


L'ANCYLUS FLUVIATILIS 


PAR 


H. DE LACAZE-DUTHIERS 
De l’Institut. 


[Il 


Ce n’est pas chose facile que de donner une description simple, 
exacte dans ses interprétations, claire en voulant être comparative, 
des organes reproducteurs des Gastéropodes hermaphrodites dans 
toute la série présentant ce caractère. 

Aussi voit-on des zoologistes décrire ces organes dans leur en- 
semble, d’après une espèce prise souvent au hasard comme type, 
généraliser ce qu'ils ont vu sans avoir établi de comparaisons suffi- 
samment nombreuses et arriver ainsi, sinon à des erreurs graves, du 
moins, à de fausses interprétations, qui, reprises en sous-œuvre par 
d’autres naturalistes, se propagent d'ouvrage en ouvrage après avoir 
été simplement modifiées dans leur forme pour leur donner un 
regain de nouveauté, mais qu'il est parfois difficile d'interpréter et 
d'appliquer aux espèces qu'on a sous les yeux. 

En retour, à côté de descriptions basées non sur des recherches 
nouvelles, mais sur des interprétations personnelles, on rencontre 
des considérations dites de zoologie générale ou de philosophie natu- 
relle, que l’on croit telles parce que l’on cherche à estimer ce que 
furent les organes archaïiques dans leurs formes primitives, peu à 


ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GÉN. — 3€ SÉRIE. — T, VII, 1899. 3 


34 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


peu modifiées par les progrès de l’évolution ayant conduit aux 
formes actuelles. 

Que furent ces organes à l’origine ? Que sont-ils devenus dans le 
temps ? Comment se sont-ils modifiés progressivement? Telles sont 
les questions qui, pour être résolues, n’ont souvent pour point de 
départ que des recherches trop limitées. Et quoiqu'il ne s'agisse ici 
que des organes reproducteurs, on peut, sans crainte d’être taxé 
d’exagération, dire que c’est sur toutes les parties des organismes 
et plus particulièrement sur le système nerveux que l’ingéniosité 
des théoriciens s’est exercée. 

Inutile d'ajouter que, dans ces considérations d'ordre purement 
systématique, le caractère de l’esprit des auteurs se montre sous son 
véritable jour, et que les théories conduisant à des hypothèses trans- 
formées en lois pour les besoins des démonstrations s’écroulent, le 
plus souvent, quand elles sont soumises à l'épreuve de l'observation 
poussée jusque dans ses dernières limites. 

C'est ainsi que se font les traités où se répètent, avec des formes 
différentes, des erreurs causées par les fausses conceptions dérivant 
des interprétations de faits non suffisamment démontrés, non dé- 
couverts par les auteurs mêmes, et que, pour rendre plus simples, 
plus clairs, on a modifiés en les adaptant à des idées préconçues. 

Ne serait-il pas plus avantageux pour la science de décrire d’abord, 
aussi complètement que possible, un type simple, heureusement 
choisi et non pris au hasard, pouvant servir de terme de compa- 
raison et qui, devenant point de départ, conduirait à des descriptions 
comparatives et générales, d’où découleraient des déductions im- 
portantes révélant elles-mêmes les données d’une saine morphologie, 
basée alors sur des faits vrais, réellement observés, et non sur ces 
spéculations qui semblent faire avancer la science alors qu’elles 
l'encombrent d'opinions diverses, de prétendues lois, qui s'évanouis- 
sent quand on les soumet à l’expérimentation ? 

Pour l’étude rationnelle de l'appareil reproducteur des Gastéro- 
podes hermaphrodites, il est difficile de trouver un exemple plus 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L’ANCYLE FLUVIATILE. 35 


favorable ei plus utile à connaître que celui que nous offre l’Ancyle. 

Dans quelques espèces, il y a un luxe extraordinaire d'organes 
accessoires, Ce qui peut conduire à la confusion ; tandis qu'ici tout 
est clairement disposé, tout est relativement simple. 

Cet exemple m’a fréquemment servi dans mes cours de la Sor- 
bonne sur les Mollusques. J'en ai même esquissé le plan général 
dans une note présentée à l’Académie des sciences !. Comme cette 
note est peut-être passée inaperçue, je crois utile de l’exposer plus 
complètement en l’accompagnant de figures qui en rendront la 
description claire et démonstrative. 

J'observerai d'abord que quelques-uns des auteurs s'étant occupés 
des organes génitaux des Gastéropodes ont donné à leurs différentes 
parties des noms rappelant ceux qui, depuis bien longtemps, ont été 
appliqués aux parties constituantes des mêmes organes chez l’homme 
et chez les Vertébrés surtout supérieurs. La valeur de plusieurs de 
ces noms, tels qu'ovaires et festicules, réservés aux organes produi- 
sant l'œuf et le spermatozoïde, ne peut faire aucun doute ; celle des 
mots oviductes et spermiductes est dans le même cas. 

Mais quand, pour désigner les glandes ou les autres parties 
accessoires, on a voulu employer les noms de prostate, d'utérus, etc.; 
empruntés à l’anatomie des Mammifères, on est arrivé à des idées 
absolument fausses en supposant des fonctions identiques dans les 
deux groupes, comme semblerait l’indiquer la nomenclature. 

Îl est presque inutile de faire remarquer que pas une observation 
sérieuse n’a servi à confirmer la comparaison que pouvaient faire 
naître dans l’esprit ces termes empruntés à l'anatomie humaine. 
Aussi me semble-t-il, pour l’étude du type qui va nous occuper, 
inutile d'employer les termes que l’on trouve dans une foule de ces 
travaux de malacologie faits par compilation. 

Dans l’appareil génital de l'Ancyle, comme dans les autres types 
quels qu'ils soient, avec des variétés de formes sans nombre, sui- 


1 On en trouve le résumé dans le volume CXVIII des Comptes rendus de l'Aca- 
démie, année 1894, t, I, p, 560. 


36 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


vant les espèces, les relations des sexes, etc., et quelles que soient 
les conditions particulières ou générales, on rencontre toujours trois 
parties distinctes : 

Une première, fondamentale, produisant les germes des éléments 
sexuels ; 

Une seconde, assurant la rencontre des éléments mâle et femelle ; 

Une troisième, enfin, comprenant tous les organes adjuvants des- 
tinés à assurer et favoriser la fécondation ou le développement des 
germes. 

Les noms seuls suffisent à rappeler et caractériser ces distinctions: 

À. Ovaires et testicules ; 

B. Organes copulateurs ; 

C. Organes accessoires, servant à protéger ou à nourrir les pro- 
duits fécondés. 

Voilà les trois ordres des parties qu'il faut étudier successi- 
vement. 


L'Ancyle étant hermaphrodite, la glande fondamentale présente 
un mélange des parties ovariennes et testiculaires. 

Les produits qu'elle fournit s’en échappent par un canal unique, 
l'ovospermiducte, qui se rend dans une dilatation terminale de son 
premier parcours, qu’on peut considérer comme un carrefour où 
peuvent se rencontrer ou bien se séparer des produits ou éléments 
y arrivant par des voies diverses, ou s'éloigner après avoir cheminé 
côte à côte. C'est là que le liquide nourricier vient se joindre aux 
germes qu il doit nourrir. 

À partir de ce carrefour, de cette sorte de crible séparateur des élé- 
ments sexuels, tous les organes accessoires ou adjuvants sont dis- 
tüincts, et la séparation des sexes commence en ce point important, 
désigné par la lettre C dans les différentes figures. 

Or, suivant les conditions dans lesquelles se produisent les pontes, 
la forme des coques ou enveloppes des germes est infiniment variée 
chez les hermaphrodites, et les organes destinés à les modeler sont, 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L’ANCYLE FLUVIATILE. 37 


dans la série des espèces, infiniment différents par leur composition, 
leur physionomie, comme par leur disposition générale. 

Il importe donc de bien s'entendre d’abord sur un type, comme 
je le disais en commençant, et l’Ancyle suffit à cette tâche. 

Le classique Escargot, dont on voit reproduire si souvent les des- 
sins dans les ouvrages dits élémentaires, est, à quelques égards, très 
difficile à interpréter. Il présente, pour ne citer qu’un fait, un luxe 
extrême dans le nombre de ses parties accessoires. Combien, par 
exemple, sont nombreuses ses vésicules multifides? Pourquoi pren- 
dre ce type comme point de départ, comme terme de comparaison ? 

Nous nous trouvons en face de quelques questions précises qu’il 
faut résoudre tout d'abord : origine des éléments reproducteurs, 
organes conduisant ces éléments à leur rencontre, enfin, nourriture 
et protection du jeune jusqu'au moment où, suffisamment déve- 
loppé, il peut naître viable. 

Mais avant d'arriver aux descriptions techniques, quelques remar- 


ques sont encore nécessaires. 


IT 


Le présent travail est de ceux qui, aux yeux des théoriciens de 
pure race, n’ont aucun intérêt el ne peuvent plus servir à grand’- 
chose, puisqu'ils ne font connaître que des faits morphologiques. 
Cependant, que ceux qui croient encore faire œuvre utile en décri- 
vant les conditions permettant aux animaux de continuer leur exis- 
tence ou de propager leur espèce ne se découragent pas! L’engoue- 
ment se calmera, et il faudra bien en revenir aux grands principes 
des connaissances approfondies des organismes quand on voudra 
rechercher les conditions qui président à la vie. Rien n’est facile 
comme la critique, rien n’est aisé à donner comme des conseils. 
Mais les résultats oblenus, quels sont-ils? C’est toujours par la ré- 
ponse à cetle question que l’on doit mesurer ce qui a été produit à 


la suite des applications des théories hasardées. 


38 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


1l nous paraît bien difficile de connaître les conditions de l’exis- 
tence sans avoir étudié au préalable l’agencement des organes et 
[eur mécanisme, en termes plus vulgaires et plus pratiques, l’ana- 
tomie et la physiologie. 

Au commencement du siècle, l'anatomie humaine et la physio- 
logie marchaient distinctes. Aussi a-t-on pu comparer les anato- 
mistes et les physiologistes à des horlogers décrivant isolément, l’un 
les rouages, l’autre les mouvements. Cette comparaison était quel- 
quefois rappelée par les innovateurs qui cherchaient à rapprocher 
timidement les deux parties de là science de l’homme. | 

Il faut certainement rapporter à H. Milne Edwards les premiers 
essais sérieux du rapprochement de ces deux parties de la science. 
Que de fois, lorsque j'avais l'honneur d’être son préparateur à la 
Sorbonne, ne lui ai je pas entendu montrer l’analogie des deux hor- 
logers traitant le même objet séparément à deux points de vue dis- 
tincts en les comparant aux anatomistes et aux physiologistes du 
commencement du siècle! 

Il me souvient d’avoir suivi un cours de physiologie fait en plu- 
sieurs années à l’École de médecine, et dans lequel nulle notion 
d'anatomie n’était invoquée. 

De même pour l'anatomie : on décrivait des organes avec une 
précision infinie, à peine signalait-on la fonction. 

Le grand ouvrage d'anatomie et de physiologie comparée de 
H. Milne Edwards est certainement l’essai le plus complet du rap- 
prochement des deux branches de la science qui ne peuvent en 
aucune façon être séparées. 

Quelle valeur, quelle utilité peuvent avoir des descriptions isolées 
pour chacun des rouages et engrenages de la montre ou de l'hor- 
loge, si l’on n’ajoute pour chacun d'eux le rôle qu'il doit remplir ? 
Séparer des choses aussi connexes, n'est-ce pas le comble de l'ab- 
sence de logique ? 

C’est cependant ce qui se passait jadis pour l'anatomie et la phy- 
siologie. 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L’ANCYLE FLUVIATILE. 39 


Aussi, lorsqu'on parcourt le grand et bel ouvrage de Léonard de 
Vinci, dont une merveilleuse édition en italien, avec traduction fran- 
çaise, a été récemment publiée, on est frappé d’admiration en lisant 
les conseils que ce grand peintre, osons dire ce grand anatomiste 
pour l’époque, donne aux jeunes gens. Après la description détaillée 
de chaque muscle, de chaque os, dans des positions diverses, mon- 
trant les rapports exacts et les situations, il s’empresse d’ajouter : 
« Tu ne manqueras pas de rechercher quelle est la fonction de tout 
organe que tu auras étudié.» 

Et ce conseil était donné en 1510! 

La vie est une résultante du jeu de tous les organes. Il importe 
autant de connaître l’organe en lui-même que sa fonction. 

Oublier ce principe et se cantonner dans une partie limitée des 
organismes, C’est revenir à une sorte de disjonction des parties de la 
science qui avaient si judicieusement été rapprochées. 

Ne peut-on se demander si, de nos jours, dans les conditions 
qu’on impose aux étudiants français de l’Université de Paris, il n’y a 
pas en germe, un retour vers ces distinctions, que Milne Edwards, 
dans ses lecons de la Sorbonne, avait cherché à faire disparaître. 

I] faut d’ailleurs remarquer que l’on est loin de s'entendre aujour- 
d'hui. 

Tel ne s’adonne et ne croit plus qu’à la valeur des faits que peut 
fournir, non plus l’étude de la cellule tout entière, mais d’une partie 
de la cellule ; pour celui-ci, l’action du centrosome et de la sphère 
attractive domine tout. Seul, ce corps, souvent difficile à mettre en 
évidence, a de l'intérêt ; seul il permet d'expliquer les phénomènes 
intimes que présente un être vivant. 


Pour un autre, c'est la connaissance du protoplasme cellulaire, 


1 Voir le traité d'anatomie et les dessins du grand peintre, dont les manuscrits et 
les études anatomiques sont la propriété de la bibliothèque de Windsor. 

L'ouvrage grand in-folio, sur papier velin, est remarquablement typographié. Il a 
été précédé d’une préface par M. Mathias-Duval et offert à la bibliothèque de 
l’Institut. 

Il a été publié avec autorisation spéciale de la reine Victoria, 


40 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


de ses fibrilles, de sa composition. Que n’a-t-on pas dit et écrit sur 
cette partie intégrante de tout être organisé ? 

Pour un troisième, c’est la matière avide des couleurs, la chro- 
matine, qui tient le haut bout. Son rôle doit tout dominer. 

Mais, pour nous en tenir au sujet qui doit nous occuper, n'y a-t-il 
donc rien en dehors de la cellule et de ses parties constituantes ? 
N'y a-t-il pas à connaître les parties où sont nés et produits les élé- 
ments? où ils se rencontrent? Comment savoir comment ils se trans- 
forment en subissant leur action réciproque, si l’on n’a sous les 
yeux l’organisation si complexe, si variée, des différents animaux ? 

Car au fond de toutes ces questions se trouvent des réponses difficiles 
à trouver et qui peuvent nous permettre de connaître comment un 
être prolonge sa vie, la transmet à ses descendants, comment il per- 
pétue son espèce. 

Comment connaître les éléments mêmes dont les uns ou les autres 
ne veulent étudier que l’une des parties ? Car, encore faut-il, pour 
arriver à ces éléments, savoir où ils se trouvent, et pour cela, un 
seul guide peut conduire, l'anatomie, amenant elle-même à la mor- 
phologie. 

C’est pour avoir trop vite généralisé que, bien souvent, les théori- 
ciens, après une étude trop hâtée, arrivent à des conceptions qui ne 
tiennent pas devant l'observation précise, devant celle-là même re- 
gardée comme inutile par ceux qui préfèrent, à l'observation longue 
et pénible, la divination de ce qui doit être d'après leurs idées théo- 
| riques. 

Les conditions de la reproduction sont, dans les différents groupes 
du règne animal, si variées et souvent si mullüples, qu'il paraît dif- 
ficile de négliger la connaissance des organes concourant à l’accom- 
plissement de cette fonciion. 

Aussi, dans le travail très modeste qui va suivre, ne trouvera-t-on 
pas de ces considérations qui semblent, aux yeux de quelques-uns, 
devoir constituer à elles seules toute la science de la zoologie ; mais 


le zoologiste, désireux de se rendre un compte exact des conditions 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L’ANCYLE FLUVIATILE. 41 


variées qui servent, dans la série des Mollusques, à la conservation 
de l'espèce, trouvera ici, je l’espère, quelques indications quil 
pourra utiliser. 

Il ne faudrait d’ailleurs point induire des observations qui pré- 
cèdent que la cytologie, telle qu’elle est aujourd’hui après les 
. immenses progrès que la technique histologique lui a fait faire, doit 
être négligée. Ce serait tirer d’une critique qui se rapporte à une 
exagération une conclusion à laquelle je suis loin de vouloir arriver 
en partant des faits signalés plus haut. 

Le felix qui potuil rerum cognoscere causas restera toujours vrai et 
toujours la cause des recherches les plus instructives. 

Sans doute, la cellule, dans toutes les phases de son développe- 
ment, sous toutes les formes de son organisation intime, offre le 
plus grand intérêt. Klle cause, à elle seule, des actes de la plus 
haute valeur quand il s’agit de connaître les faits variés de l’organi- 
sation des êtres. Mais les organes qu’elle compose doivent, eux aussi, 
indépendamment de leur structure cytologique, ne pas être négli- 
gés,car, dans les manifestations vitales, ils jouent un rôle général, 
indépendant de celui que chacun de leurs éléments constitutifs 
remplissait isolément. 

Sans nul doute, l’histoire de la cellule fournit les sujets de pro- 
blèmes les plus variés à résoudre. 

C'est ainsi que, tous les jours, les découvertes étendent nos con- 
naissances sur les phénomènes de la reproduction.Aujourd'hui,nous 
savons, à n’en plus douter, que le spermatozoïde vient dansl’œuf, qu'il 
y pénètre, s’y fusionne avec la partie également la plus essentielle 
de l’élément femelle. Il est acquis à la science que c’est la partie du 
noyau de la cellule mâle qui fixe si énergiquement la couleur, la 
chromatine, qui arrive et agit pour ainsi dire seule dans la cellule 
femelle de l’œuf, et qui transporte, pour les transmettre, les carac- 
tères existant du côté du père. On l’affirme, parce que ce sont ces 
parties des noyaux que l’on a vues se fusionner, et que la transmis- 


sion des caractères est un fait indéniable. Voilà, certes, de grands 


42 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


progrès sur les anciennes théories qui, à leur époque, brillèrent 
aussi d’un vif éclat. Elles ont disparu ; qu'adviendra-t-il de celles 
qui les ont remplacées ? 

 Laissons de côté les contestations, les conjectures et les interpré- 
tations diverses des auteurs qui ne cessent de discuter. 

Mais que sait-on sur la cause en elle-même des phénomènes ? 
Comment ces mille etun caractères des parents sont-ils transportés? 
Comment agit l'infinitésimale quantité de chromatine contenue 
dans la tête d'un seul spermatozoïde nécessaire, dit-on, à la fécon- 
dation ? 

Comment les caractères du père se renouvellent-ils dans l’être 
nouvellement créé? 

On a reculé la difficulté de l’explication, rien de plus; on ne 
cherche qu’une raison physique matérielle, mais on ne l’a pas encore 
trouvée; plus on avance, plus semble-t-il que le but à atteindre 
s'éloigne. 

On a détruit quelques cellules, et les organes qu’elles eussent dû 
produire manquent. A-t-on pour cela expliqué le pourquoi et la 
force qui font que telle cellule produira tel organe, et encore est-on 
d'accord sur ces points? 

Mais ce qui ne manque pas, c’est la création de mots ayant une 
signification explicative désirée et voulue, et l’on croit avoir tout 
expliqué parce qu’on a drapé son ignorance avec des néologismes 
ayant l’air de dire beaucoup, mais n’expliquant rien. 

L'homme est et restera toujours épris de l'étude de ce qu'on ne 
voit pas, de ce qui ne tombe pas facilement sous les sens. 

C’est toujours le mystérieux, l'inconnu, le nouveau qui l’attire. 
C’est l'explication de ce qu'il ne voit pas qu'il cherche, et c’est là ce 
qui faisait dire à Voltaire : /n nova fert animus. L’esprit de l'homme 
se plaît et. se plaira toujours dans la nouveauté. 

En réalité, 1l y a exagération à ne plus vouloir des études générales 
morphologiques en dehors de la cytologie ; il serait peu raisonnable 


de ne plus rien vouloir en dehors de la cellule. Est-on même d’ac- 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L’ANCYLE FLUVIATILE. 43 


cord sur la nature de la sécrétion, le rôle qu’y joue la cellule, dont 
la mort et le renouvellement restent encore inexpliqués pour quel- 
ques-uns ? 

Après ces quelques observations qu’on ne manquera pas certai- 
nement de critiquer, revenons à l’organisation terre à terre de l’An- 
cyle, laissant à d’autres le soin d'expliquer comment un œuf et un 
spermatozoïde nés chez lui à côté l’un de l’autre dans sa glande 
hermaphrodite sont impuissants à réagir l’un sur l’autre, | 

Voilà une question qui peut certainement occuper vivement les 
chercheurs des causes matérielles déterminantes des effets appa- 
rents non douteux et restés ignorés jusqu'ici dans leur essence 
même !. Lorsque le pourquoi de ce fait curieux sera prouvé expéri- 
mentalement, alors certainement pourra s'appliquer aux auteurs de 
ces découvertes le mot resté célèbre qu’il faut répéter : Felix qui 


potuit rerum cognoscere causas. 


TI 


DESCRIPTION GÉNÉRALE DES ORGANES GÉNITAUX 
DE L'ANCYLUS FLUVIATILIS, 


Un mot d’abord sur la disposition générale des organes reproduc- 
teurs de notre animal. 

Cette espèce, on le sait, est sénestre, tandis que l’Ancylus lacustris 
est dextre ; ne nous occupant que de la première, c’est donc sur le 
côté gauche qu'il faudra rechercher, à l’extérieur, la terminaison 
des canaux vecteurs des produits de l’ensemble des organes. 

À signaler une seule différence avec quelques Mollusques pulmo-. 
nés dont on étudie si volontiers les organes génitaux, des Colima- 


cons, Limaces et Lymnées, par exemple. Tandis qu'ici tout est sé- 


1 Dans quelques cas, sans doute, l’on peut invoquer une inégalité dans l’état de 
maturité des éléments, mais il est tout au moins étrange que cette inégalité se pro- 
duise toujours dans les mêmes espaces, et, pour ne parler que de l’Ancyle, il semble 
bien difficile d’invoquer cette cause qu'il faudrait d’ailleurs expliquer. 


US H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


nestre, même le cœur, dans les autres tout est dextre, sauf le cœur 
qu’il faut chercher à gauche ; mais cette sorte d'exception pour 
l'organe central de la circulation s’explique, elle n’est qu’une fausse 
apparence. Les organes viscéraux ayant été comme entraînés vers 
le côté gauche par une torsion facile à reconnaître, les orifices seuls 


sont restés à droite. 


Dans ses Æecherches anatomico-physiologiques sur l'Ancyle fluvia- 
tile', Moquin-Tandon a indiqué les principales parties compo- 
santes de l’appareil reproducteur de l'animal. Les figures qu'il donne 
dans son traité de l'Aistoire naturelle des Mollusques de France et ses 
descriptions pour indiquer les faits principaux, dans son mémoire 
du Journal de conchyliologie, ne donnent pas toujours une idée 
exacte des parties. Il ressort des citations nombreuses qu'il donne 
dans ce dernier ouvrage qu'il a beaucoup observé ce Mollusque 
intéressant; mais on ne trouve pas dans ce travail, ou les parties 
de mémoires isolées, des indications suffisamment précises sur les 
faits relatifs à la structure; quant à l’histologie, il n’en est même 
pas du tout question. 

Les glandes, les gros organes sont signalés. 

Ils sont désignés par des noms qu'il ne nous paraît pas toujours 
possible d'accepter. Qu’est-ce, en effet, qu’une prostate, un utérus 
d'Ancyle? On a de la peine à le comprendre, quand on fait une 
anatomie détaillée et histologique. Moquin-Tandon a vu les organes 
comme beaucoup les voyaient à l’époque où il écrivait ; il les voyait 


et décrivait superficiellement. 


Plus près de nous, en Amérique, le travail de Benjamin Sharp, 
inséré dans les Proceedings of the Academy of natural Sciences of 
Philadelphia, 1883 (part. IL, june-october, p. 214), n’a guère accru 
nos Connaissances sur le sujet qui va nous occuper; page 222, en 


quelque vingt-quatre lignes, il traite des : Generative Organs. 


1 Voyez Journ. Conch., Paris, vol. IIL, 1852, p. 7, 121, 237. 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L’ANCYLE FLUVIATILE. 45 


Il indique la position de l’ovitestis, facile à voir, décelé qu'il est 
par la couleur. Il relève l'erreur de Stephanoff qui pense que l’albu- 
mine est sécrétée par la glande hermaphrodite, la glande sécrétant 
l’albumine ayant été vue par GC. Vogt et Moquin-Tandon. Il ne croit 
pas « necessary Lo enter into a detailed account of the genitals, as 
they have been completely described by Moquin-Tandon ». Il lui suffit 
de signaler que Stephanoff, en décrivant les organes, a fait plusieurs 
erreurs (blunders, bévues). On peut, à bon droit, s'étonner de cette 
appréciation rapide et succincte, alors qu'il n'existe, dans le travail 
de M. Moquin-Tandon, aucune trace d'histologie et que l’auteur 
américain donne des figures démontrant la terminaison des filets 
nerveux dans le noyau des cellules de l’épithélium de l’Ancyle. C’est 
là de l’histologie poussée au plus loin, et l’on devrait supposer que 
B. Sharp aurait remarqué l'absence de l’étude histologique des 


organes de la reproduction. 


Moquin-Tandon, dans ses descriptions, suit une méthode à peu 
près semblable à celle qui va nous servir, mais qui en diffère cepen- 
dant dans les détails. S'il admet trois groupes d'organes (p.174,t. I, 
Histoire naturelle des Mollusques), il n’y comprend pas les mêmes 
parties que nous. 

I. Les organes essentiels. 

IT. Les organes copulateurs. 

III. Les organes accessoires. 

Parmi les organes essentiels, il range, outre la glande hermaphro- 
dite, l'organe de la glaire, la matrice ou oviducte. 

Et, dans les organes accessoires, on trouve la bourse commune, les 
prostates (déférentes, vaginales, préputiennes et vestibulaires). Il suffit 
de citer ces mots pour voir combien nous différons dans le mode 


de groupement des différentes parties de l’appareil. 


D'abord, des orifices. 


L'un est tout près du tentacule gauche, en dessous de lui etun 


46 H. DE LACAZE-DUTAIÏERS. 


peu en arrière de sa base et en dehors, presque à la même hauteur 
que lui”. 

Les tentacules des Ancyles ont une base un peu élargie dans la- 
quelle est noyé l’œil en dedans d’eux, et de laquelle part un repli 
qui s'étend en ondulant au-dessous et descendant du côté extérieur 
(pl. I, fig. 2). | 

Sur quelques individus, ce repli ondulé, toujours fort riche en 
nerfs, semble continuer l’un des plis dus à la contraction de l’orifice 
mâle, qui se trouve donc un peu au-dessous du tentacule gauche 
(de. 1e) 

Mais, on le sait, la forme des orifices est, chez tous les Mollusques, 
essentiellement variable en raison de la contractilité puissante des 
tissus de ces animaux, contractilité qui est aussi suivie parfois de 
relâchements et de dilatations excessives modifiant et changeant 
toutes les apparences des appareils ; on en trouvera la preuve dans 
la figure qui montre l’organe copulateur en érection (1d., fig. 2). La 
dilatation de l’orifice, à peine visible (fig. 1) quand le pénis est au 
repos, a dü être énorme pour laisser sortir au dehors un organe aussi 
volumineux. 

L’orifice femelle est un peu plus difficile à reconnaître. 

Il disparaît à peu près complètement quand l'animal, bien 
vivant, est contracté. Toutefois, sa position est précise, et il 
suffit de soulever la lamelle dite branchiale (pl. IT, fig. 2) pour 
voir, cachée sous elle et vers son exlrémité supérieure, une petite 
papille. On jugera de sa ténuité en considérant sa faible taille 
sur les dessins grandis. Ordinairement, les tissus qui l’envi- 
ronnent sont plus tassés, plus opaques et blancs. Une dissection 


délicate peut seule faire reconnaître que c’est bien là l’orifice 


1 Est-il besoin de rappeler que les animaux, dans toutes les descriptions qui sui- 
vent, seront supposés la tête, la bouche en haut, le pied en avant. Je ne décris jamais 
un animal dans une autre situation. 

? Dans ces figures absolument claires et faciles à lire, quelques lettres indica- 
trices ont été jugées inutiles, 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L’ANCYLE FLUVIATILE. 47 


par lequel s’échappent les produits femelles de l'organe reproduc- 
DEEE 

L'histoire de cet orifice se complétera lorsqu'il sera question de 
l’'accouplement et de la ponte. Alors, nous aurons aussi à nous en 
occuper à propos du canal éjaculateur, lequel semble s'unir à lui 


ou s’en approche beaucoup. 


Énumérons maintenant les glandes diverses dans leurs rapports et 
leur situation. 

L’une d'elles, la glande fondamentale par excellence et caracté- 
ristique, réunit en elle les deux sexes et les résume pour ainsi dire 
(pl. IL, fig. 6, ot). 

Tous les auteurs l’ont reconnue ; elle est d’un jaune orangé très 
pâle et vaguement piriforme, logée au milieu des lobules postérieurs 
et inférieurs du foie, dont la teinte vive terre de Sienne brülée con- 
traste avec sa teinte orangé pâle effacée. Il est facile de la voir, ses 
caractères la faisant aisément reconnaître ; sa place est aussi très 
constante ; on la trouve dans la masse viscérale, au-dessous et en 
avant du deuxième et petit lobe du foie, occupant le fond du som- 
met du cône de la coquille. 

Si, après avoir séparé la coquille du corps, on enlève seuls, avec 
précaution, les organes de la digestion, ce qui est facile, les tissus 
servant à les rassembler et à les tenir rapprochés étant très lâches, 
peu développés et peu résistants, il ne reste plus dans la cavité de 
cette sorte de nacelle formée par la solle du pied que les organes 
de la reproduction (ils paraissent dissociés, écartés, mais à peu près 
dans leur place respective, fig. 6 de la planche II). 

Alors on voit la grappe ovotesticulaire (ot) flottant un peu à droite, 
et dans les espaces laissés libres par l’enlèvement des lobules du 


foie ; à côté d'elle, on remarque un long et grêle tube terminé en 


4 Dans ja figure 3 de la planche III a été dessiné un cas un peu exceptionnel. La 
lamelle branchiale est échancrée en avant et laisse voir la papille saillante Va de 
l’orifice femelle ; en À se trouve l’anus, 


48 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


cul-de-sac ; c’est un long cæcum qui se rend à la base de l'organe 
copulateur ; on le nomme flagellum (F). 

À la glande hermaphrodite génitale fait suite un canal mixte 
. d’abord, fort grêle en se séparant d'elle, mais présentant plus loin 
quelques culs-de-sac latéraux sur lesquels nous aurons à revenir. 
Les produits des deux sexes cheminent côte à côte dans ce canal, 
qui est hermaphrodite. 

Puis arrive une première dilatation, dans laquelle s'ouvrent ce 
canal ou ovospermiducte et une première glande (ga) qui, pendant son 
séjour dans l’eau de la cuvette à dissection, se modifie très peu et 
reste transparente ! et d’une teinte ambrée. Il faut la considérer 
comme fournissant l’un des liquides qu’enferment les coques à 
œufs et qui certainement sert à l'alimentation de l’embryon. Nous 
reviendrons sur cette particularité. 

Après cette dilatation (C), où les éléments sexuels se séparent 
comme dans un vrai carrefour, le canal mâle se trouve à droite, 
présente d’abord à son origine de trois à quatre gros culs-de-sac (cd), 
redevient ensuite très grêle (sd) et, après s’être écarté, décrit une 
courbe de droite à gauche pour arriver tout près du point où l’on a 
vu l'orifice de l’organe femelle (V), devenu lui aussi, à partir du car- 
refour, absolument distinct de la partie mâle. 

Après la terminaison du canal commun en (C) où s’est faite la sépa- 
ralion des éléments mâle et femelle, on arrive, du côté du canal 
femelle, à une deuxième trés grosse glande (gb) qui, dans l’eau, se 
gonile facilement et produit une masse glaireuse. 

Au côté supérieur et un peu à gauche de cette masse glandulaire 
naît un nouveau canal, d’abord large et infundibuliforme (od'), qui 
rapidement diminue de diamètre (ge) et, en décrivant une légère 
courbe, se rend à la partie interne des téguments du corps, en 
face du point où l’on a vu la papille sous-branchiale, orifice de 
l'organe femelle. 


1 Il est utile de suivre cette description générale à la fois sur la figure 6 de la 
planche III et 7 de la planche IV. 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L’ANCYLE FLUVIATILE. 49 


A dire vrai, le canal vecteur de l’élément femelle, après la partie 
dilatée, le carrefour (C), où s'accomplit le partage, la séparation des 
produits sexuels, se continue en produisant ordinairement trois di- 
latations ou boursouflures d’inégal volume; c’est l’une d'elles qui 
reçoit les produits de la deuxième glande à mucosité (96, ge, ge). 

Il est naturel de penser que c’est cette glande, dont la sécrétion 
est vivement influencée par l’action de l’eau, qui fournit l’un des 
éléments nécessaires à la réussite de la ponte. 

Vers le milieu de la longueur du canal vecteur, étendu entre cette 
seconde glande et l’orifice vulvaire ou extérieur, vient déboucher le 
pédoncule long et grêle de la PoCHE dite copuLaTRIcE (vc). Presque 

toujours, cette poche, perdue au-dessous des acini du foie, ren- 
ferme une concrétion rougeâtre qui en facilite la reconnaissance ; 
elle est accolée à l’oviducte. 

. Reprenons le canal naissant à droite de la dilatation (C) dans la- 
quelle, comme il a été dit, se fait le partage, la séparation des élé- 
ments sexuels. Un peu au delà de la sortie de cette partie intermé- 
diaire aux deux sexes, on voit deux à trois cæcums latéraux assez 
gros (cd); alors le canal, redevenu cylindrique (sd) et qui se porte vers 
le point où s'ouvre l’appareil femelle (pl. IL, fig. 6, V; pl. IV, fig. 7, V) 
dans la papille déjà indiquée, contourne le pédoncule de cet ap- 
pareil, puis sort de la cavité générale, passe en dehors et sur le côté 
gauche du muscle columellaire entre lui et les téguments (pl. II, 
fig. 6; le suivre de V en [cd]), se développe et serpente en avant de 
ce muscle en rentrant dans la cavité générale auprès du bulbe 
radulaire, enfin vient s'ouvrir au milieu de la base du cône ren- 
versé représentant la verge, dont, pendant l'érection, on voit le 
sommet sortir par l’ouverture sous-tentaculaire gauche. 

Telles sont les parties composantes de l'appareil génital. Repre- 
nons chacune d'elles en en étudiant leur structure intime : recher- 


chons quelles particularités importantes elles présentent. 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN,. == 3€ SÉRIE. — T. VII. 1899, 4 


50 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


IV 


_ PARTIES FONDAMENTALES OU GLANDE OVOTESTICULAIRE HERMAPHRODITE. 


Il suffit de prendre la glande génitale proprement dite, de la porter 
sous le microscope, de la comprimer légèrement pour la faire éclater. 
La pression sous le poids d’une mince plaque de verre suffit pour 
faire s'échapper de tous côtés des œufs et des spermatozoïdes (pl. V, 
lig. 12 et 13). 

On constate également, avec la plus grande facilité, que la glande 
est formée de cæcums ou acini coniques dont les extrémités libres, 
les bases, sont dirigées vers la surface de la masse glandulaire, à l’op- 
posé du canal excréteur, et dont toutes les extrémités ou sommets 
s'unissent vers l’origine du canal pour s'ouvrir dans une cavité 
(fig. 12, cc) à laquelle fait suite le canal excréteur (ovsp). 

La glande est hermaphrodite, cela ne fait aucun doute, et cette 
condition s'établit avec la plus grande précision ; aussi l’on est, à bon 
droit, étonné aujourd’hui quand, remontant dans l’historique de ces 
questions, on reconnait les erreurs commises et les raisons données 
à l’appui des opinions souvent les plus opposées. 

Cuvier a pris la glande hermaphrodite pour un ovaire et l’une des 
glandes annexes pour un testicule. Il n’existe, on le sait, pour la so- 
lution de ces questions, qu’une seule donnée permettant de recon- 
naître le sexe. C’est la présence du spermatozoïde et celle de l’œuf. 
Hors de là, point d'opinion valable et méritant d’être discutée. 

Un autre point de vue fort intéressant dans l’étude des glandes 
génitales, et qui a donné lieu à non moins d'opinions diverses et 
par conséquent de discussions, est celui dans lequel on cherche 
à établir l’origine des œufs et l’origine des spermatozoïdes. 

Mon intention n'est pas, dans ce travail, de m'occuper spéciale- 
ment de l’ovogenèse et de la spermatogenèse. Il faudrait reprendre 
ces questions de plus loin que je ne peux le faire en ce moment. 


J'indiquerai ce qu’il est facile de voir et d'observer, sans emploi de 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L'ANCŸLE FLUVIATILE. 5 


réactifs ; il est une foule de faits qu’on peut constater et qui, pour 
ce travail tel que je désire le présenter, suffisent. 

L'étude d’un cæcum légèrement comprimé (pl. V, fig. 13) est fort 
instructive, mais elle ne peut donner que des renseignements s’ar- 
rêtant aux faits qu’il nous suffit de constater, réservant toute opi- 
nion sur les points délicats de l’origine de l’œuf, de l’origine pre- 
mière du spermatozoïde. 

Dans un cæcum ou cul-de-sac de la glande fondamentale, pris sur 
un animal vivant, à l’aide d’une compression modérée, sous un gros- 
sissement de 400 à 500 diamètres, on voit (pl. V, fig. 12 et 13) que 
l'épaisseur de la paroi des acini est d'autant plus grande que l’on 
s'approche davantage de son extrémité libre, par conséquent du fond 
du cæcum. Dans l’axe central, l’acinus est vide, et la cavité qui 
l’occupe est très évidente; elle est limitée par un épithélium germi- 
natif (eg) à cellule de forme, de grandeur et d’aspect différents et 
d'épaisseur variable. A l’intérieur existe certainement un liquide 
dans lequel flottent et se meuvent des spermatozoïdes, soit réunis 
en paquets, soit isolés. 

On y voit aussi des œufs parfaitement reconnaissables à leurs 
granulations vitellines, à leur vésicule transparente et à leurs taches 
germinatives; œufs détachés spontanément, mais aussi par suite 
des manipulations. 

On y reconnaît encore des granulations nombreuses sorties des 
cellules écrasées et des globules de taille très différente, colorées en 
jaune terre de Sienne, qui se sont détachées des parois du cul- 
de-sac. 

Si l'apparence des éléments du fond des culs-de-sac est variée, 
cela tient à l’état de développement plus ou moins avancé des œufs, 
dont la taille est, relativement aux éléments cellulaires, très consi- 
dérable, surtout quand ils sont prêts à être pondus. Aussi la cavité 
de l’acinus ne se présente-t-elle, pour ainsi dire, jamais avec la même 
forme ; quelquefois, elle est régulière quand les œufs sont peu avan- 


cés, ou bien, si, sur la paroi, d’un côté ou dans le fond, un œuf est 


52 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


mûr et sur le point de se détacher, la cavité semble réduite à un 
espace linéaire contournant l’œuf, qui refoule les autres parties de 
 l'épithélium. 

Les cellules de l’épithélium germinatif, qu’on peut facilement re- 
connaître à l’aide d’un objectif grossissant cinq cents fois, se pré- 
sentent sous trois aspects très différents : 

Les unes assez claires, peu granuleuses, réunies en petits amas, 
se comprimant les unes les autres, à noyau peu évident, lorsqu'on 
les observe sans s’aider des réactifs ; 

Les autres, plus grandes, comme isolées, pouvant cependant se 
trouver réunies deux à deux, trois à trois ou davantage, ayant un 
contenu légèrement opaque, granuleux, et montrant déjà un centre 
plus clair avec une ou deux taches : ce sont de jeunes œufs en voie 
de formation; dans ce même ordre, on voit d'autres cellules claires 
et nucléées, formant l’épithélium dit germinatif, destinées à produire 
des éléments encore indéterminés ; 

Enfin, l’on voit, entre les cellules que l’on désigne par ce qualifi- 
catif indfférentes et les œufs en voie de développement, de très nom- 
breuses granulations de couleur terre de Sienne, tantôt isolées, tan- 
tôt accumulées en petits amas séparant des œufs, ou des amas de 
ces premières cellules claires dont il vient d’être question. 

La limite du cæcum est une lamelle mince très délicate, formée 
très probablement par des cellules grandes et aplaties dont on ne dis- 
tingue que les petits noyaux de loin en loin, sur le profil du cæcum 
(différentes figures, n, n). 


À. — Les amas de cellules de faible taille, transparentes et agglo- 
mérées (pl. V, fig. 17, sp), sont le produit de la division des sperma- 
togontes (fig. 20, a). 

Chacune de celles-ci dérive des transformations successives 
qu'éprouvent les premières cellules germinatives (fig. 43, eg). Ces élé- 
ments inclus dans les spermatogonies sont des spermatides, et, dans un 


cul-de-sac bien préparé, rien n’est facile à reconnaître comme les 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L’ANCYLE FLUVIALILE, 53 


amas de ces spermatides, dans chacun desquels se forme un sper- 
matozoïde (voir les figures 17 et 19). 

Ces corpuscules spermatogénétiques réfractent la lumière d’une 
certaine façon et, par là, prennent une physionomie qui permet de 
les reconnaitre facilement. Il y a déjà bien longtemps que, dans 
mes différents travaux, Je les ai désignés sous ce nom particulier, 
corpuscules producteurs des spermatozoïdes, et j'ai fait remarquer 
qu’un léger lavis de teinte neutre permettait de rendre très bien 
leur apparence. Aujourd'hui, dans la nomenclature et les études 
de la spermatogenèse, La Valette Saint-Georges les désigne sous le 
nom de spermatides. 

Le spermatozoïde est très caractérisé par sa forme. 

Sa queue est très longue, comparée à la brièveté de sa tête (fig. 17, 
17 bis et 19) ; celle-ci, conique ou piriforme, est courbée en fau- 
cille, ce qui lui donne une physionomie très spéciale permettant 
de la reconnaître aisément; elle réfracte vivement la lumière et, 
sous les forts grossissements, bien que la queue ait disparu, on 
reconnaît sans difficulté la tête aux caractères qui viennent d’être 
indiqués. 

Une légère compression du cul-de-sac de la glande hermaphro- 
dite fait détacher des parois des acini des spermatides à tous les 
états, enfermant encore le spermatozoïde enroulé en spirale, ou 
bien se dégageant, la tête faisant seule saillie, ou bien l'extrémité 
de la queue portant un reste de spermatide (fig. 19). Je n'ai pas 
rencontré un exemple montrant aussi nettement la têle du sperma- 
tozoïde courbée en faucille et appliquée contre la face interne de 
la paroi de la cellule spermatide, et la queue aussi visiblement en- 
roulée dans l’intérieur de la cellule. | 

Dans le liquide de la cavité centrale des acini, on peut observer 
flottants des spermatides à tous les états de déroulement. 

C'est la tête qui se dégage la première, et depuis un spermatozoïde 
dont la pointe de la tête commence à sortir jusqu’au filament entiè- 


rement libre n’ayant plus aucun rapport avec la cellule d’origine 


J4 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


ou portant encore une trace de vésicule au moment de disparaître, 
on rencontre toutes les formes possibles. 

Il existe aussi très fréquemment, dans les culs-de-sac des acini, 
des paquets de spermatozoïdes dont les queues sont libres et diri- 
gées vers le canal excréteur, et dont les têtes sont empâtées dans une 
substance visqueuse semée de granulations fines très rapprochées 
(fig. 17 bis). Il n’est pas rare de voir ces paquets de têtes encore pla- 
cés dans les espaces qu'avait occupés la spermatogonie, dont les 
divisions et les subdivisions successives avaient conduit aux sper- 
matides et, plus tard, aux spermatozoïdes. 

À quoi est due la matière visqueuse et granuleuse qui tient les 
têtes rapprochées? Est-ce une sécrétion de la paroi ou comme un 
reste des contenus visqueux protoplasmiques des spermatogonies ? 
Quand on arrive par dilacération à avoir une partie non encore très 
avancée pour le développement et le déroulement de la queue, on 
voit bien les têtes rapprochées et les houpes des queues flottant, 
chacune d'elles chargée encore des restes plus ou moins réduits 
des spermatides (voir fig. 13, intérieur du cæcum vu en coupe 
optique). : 

Il est aujourd’hui généralement admis que le noyau pour les uns, 
le nebenkern ou le centrosome pour les autres, entre dans la com- 
position de la tête. Pour la publication du présent mémoire, je n’ai 
point à chercher à discuter cette théorie ; mais il faut remarquer 
seulement que la partie testiculaire de la glande hermaphrodite de 
l’Ancyle est certainement l’un des exemples les plus favorables à 
cette étude. Aussi, plus tard, sera-t-il possible de reprendre cette 


question. 


B. — L'œuf de l’Ancyle, normalement constitué, est très facile à 
reconnaitre. On en trouve toujours quelques exemplaires dans les 
culs-de-sac sécréteurs de la glande. 

Il ne sera encore ici question que des faits faciles à constater dans 
les conditions d'observation indiquées plus haut. Les détails de 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L’ANCYLE FLUVIATILE. 55 


structure du protoplasma vitellin et de l’organisation intime des 
taches germinatives ou de la vésicule de Purkinje seront laissés de 
côté. 

Lorsqu'on dilacère un cæcum de la glande, on rencontre presque 
toujours des œufs avancés dans leur développement à côté d’autres 
qui sont tout jeunes (fig. 14, æ) et font encore partie des éléments 
de l’épithélium germinatif; les uns et les autres sont contigus. 
Les œufs plus développés sont souvent allongés et semblent, en 
s’échappant du milieu des cellules épithéliales, rester encore atta- 
chés par l’une de leurs extrémités à la membrane limitant le cul-de- 
sac glandulaire (fig. 14, æ). 

Sans vouloir discuter en ce moment le point de départ de l’œuf 
et son origine initiale, il est impossible, en considérant cette figure 14, 
de se refuser à admettre que l’œuf déjà avancé paraït entouré par 
une zone claire, transparente, fort distincte du vitellus, qui, granu- 
leux, est obscur ; que cette zone claire est entourée et limitée par 
une membrane indéniable, que l’on rencontre quelquefois comme 
froissée et légèrement plissée (fig. 16), laquelle adhère incontesta- 
blement à la membrane limitante du cæcum; qu’enfin il est des cas 
où la compression et les manœuvres de la dilacération ont rompu 
cette membrane ; le vitellus pâteux s'échappe par le point où la 
rupture a eu lieu (fig. 14, æ'). 

Lorsque l'ovaire présente des œufs en parfaite maturité, on en 
rencontre de sphériques offrant la constitution habituelle et entou- 
rés d’une ligne très nette, qu’on peut estimer comme élant la mem- 
brane vitelline ; celle-ci (fig. 15), dans quelques cas, offre un pro- 
longement qui certainement est la partie de l’enveloppe restée 
enchâssée entre les cellules germinatives de l’épithélium et adhé- 
rant encore à l’enveloppe extérieure du cæcum. 

L'idée qui se présente tout naturellement à l'esprit est que l'œuf 
est né et s'est développé dans l’intérieur d’une cellule, laquelle a 
suivi son développement et s’est elle-même grandement étendue, 


ses parois ayant fini par former comme une coque entourant le vi- 


56 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


tellus, dont l'enveloppe vitelline s’est ensuite différenciée au dépens 
du protoplasme intérieur. 

Cette idée née tout naturellement des apparences que la simple 
observation suggère en étudiant la glande génitale, sans employer 
de réactif, est-elle en rapport avec les opinions que les innombrables 
recherches sur la cytologie et l’ovogenèse ont enregistrées dans ces 
dernières années ? C'est là une question que je m'abstiendrai de pré- 
senter comme résolue, ainsi que pour l’origine du spermatozoïde, 
car les interprétations varient suivant qu'on applique à la solution 
des idées plus ou moins particulières et personnelles qu’à toutes les 
époques l’on a présentées comme représentant la vérité définitive- 
ment acquise. 

Il faut cependant rappeler que, dans les idées modernes, on éta- 
blit un parallèle et des termes semblables pour décrire le dévelop- 
pement de l'œuf et celui du spermatozoïde. L'un et l’autre partent, 
dit-on, d’une cellule indéterminée, indifférente, appartenant à l’épi- 
thélium germinatif. Dans cette cellule entrée en évolution s’accom- 
pliraient des divisions et des subdivisions considérées comme étant 
identiques, aux formes et aux proportions près, et qu’on a appelées 
ovocytes de premier ordre ou ovocytes de deuxième ordre. Ge serait dans 
ceux-ci divisés une dernière fois en deux cellules, que l’une d'elles 
se transformerait en ovule vrai, l’autre cessant de s’accroître et res- 
tant en définitive comme un résidu, un rebut ou un avorton de 
cellule. On est même arrivé à cette opinion que, dans quelques cas, 
tous les ovocytes développés dans une cellule mère étaient devenus 
par phagocytose la proie de l'unique cellule qui se transforme en 
œuf définitif. 

Malgré le désir d’arriver à trouver la plus grande similitude entre 
les deux séries parallèles des termes de l'évolution des éléments 
mâles et femelles, on est cependant bien obligé d'avouer qu'il 
existe quelques différences. Les auteurs des théories sont obligés 
de le reconnaître eux-mêmes. 


En définitive, on arrive à cette conclusion qu'ovule et spermato- 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L’ANCYLE FLUVIATILE. 57 


zoïdes sont les produits des divisions internes des cellules primi- 
tives, par mitose, amitose ou cariokinèse. 

Que les phases successives de la transformation de l’intérieur des 
cellules primitives soient plus ou moins nombreuses, qu’on leur 
donne des noms répondant à ces modifications, rien de mieux ; mais 
en définitive, dans ces théories, on n’en revient pas moins à cette 
idée que j'ai publiée il y a déjà bien longtemps, que, chez les Mol- 
lusques, l’œuf se développe dans l’intérieur d’une cellule du stroma 
occupant le fond des cæcums ou acini sécréteurs (aujourd’hui, on 
appelle cette partie épithélium germinahif); que cette cellule mère 
restait adhérente et comme suspendue au stroma par une partie 
rétrécie de sa surface ressemblant à un col de ballon, et que ce col 
rompu présentait un orifice. Le dessin de l’œuf du Dentale et de 
quelques acéphales, dont la publication est déjà bien ancienne, pré- 
sente ce type et ce modèle. 

On doit donc s'attendre à trouver, dans la partie femelle de la 
glande, des cellules de différentes tailles sorties des ovocytes, mê- 
lées aux œufs jeunes et reconnaissables surtout à l’apparition de 
leur vitellus granuleux (fig. 20 ; les cellules 4, c, d, ne sont-elles pas 


de cet ordre ?). 


Que sont ces granules de toutes tailles colorés et qui, logés entre 
les spermatogonies et les groupes de spermatides et les ovocytes, 
déterminent la coloration de la glande hermaphrodite (fig. 13, g; 
fig. 18, 9, 9,9")? 

Leur taille est essentiellement différente et variée ; elle dépasse 
quelquefois la taille même des spermatides. Elles sont habituelle-. 
ment bien plus volumineuses que les noyaux des cellules germina- 
tives. Quand elles sont régulières et bien constituées, de belle taille, 
on les voit fréquemment entourées d’une zone claire que limite une 
ligne délicate. On a l'impression d’une cellule, en grande partie 
occupée par un noyau volumineux ou plutôt par une sorte de con- 


crétion nucléolaire colorée. Souvent entre deux œufs assez déve- 


D8 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


loppés pour ne laisser aucun doute sur leur nature, on voit comme 
un espace irrégulier triangulaire (fig. 13, g), rempli de corpuscules 
colorés de taille extrêmement variée; avec un assez fort grossisse- 
ment (500 fois), on reconnaît leurs rapports et leurs caractères. 

Souvent, au milieu de ces corps colorés, on aperçoit un point 
central présentant plus d’intensité dans la couleur ; c’est comme un 
nucléole très coloré, occupant le centre d’un gros noyau solide res- 
semblant à une concrétion. 

Ces corpuscules ont-ils pour origine l’atrophie de l’une des cel- 
lules que l’on dit être produites dans l’oocyte? L’une devenant un 
œuf vrai, l’autre se flétrissant et restant à l’état de rebut, formant 
concrétion, n'ayant point été cytophagé par la voisine. 

Telles sont les parties internes des cæcums sécréteurs de la glande 
hermaphrodite. 

Leur enveloppe est formée par une couche mince de cellules très 
aplaties qui, en coupe, ne se manifestent que par une double ligne 
écartée en quelques points par le noyau ; toujours facile à mani- 
fester par l’action des réactifs et des colorants. 

Si l’on place le foyer de l’objectif à la surface de l’acinus, on recon- 
naît bien les lignes délicates formant une série de polygones dans 
les angles desquels on trouve souvent un granule très petit coloré 
en jaune orangé et, quelque part dans l’aire du polygone, un noyau 
que l’acide acétique rend toujours évident (fig. 13; le cul-de-sac de 
gauche vu par sa face supérieure). 

Il faut, enfin, signaler un élément constant que l’on retrouve dans 
toutes les lames conjonctives de nature cellulaire entourant les or- 
ganes (indiqués par c/ dans les figures diverses). 

Ce sont des concrétions calcaires réfractant très fortement la lu- 
mière, présentant, dès lors, un contour heurté obscur, un centre 
vivement éclairé. Ces concrétions occupent la cavité des cellules, et 
c'est incontestablement sur le noyau que s’est fait le dépôt du cal- 
caire. Je dis calcaire, car les concrétions disparaissent dans les 


acides en faisant effervescence. 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L’ANCYLE FLUVIATILE, 59 


Sur des Ancyles venus de l'Auvergne, pris dans la petite rivière 
la Cère (à Vic-sur-Cère, Cantal) coulant sur des terrains anciens, ils 
existaient, bien que les eaux où ils vivaient fussent bien moins cal- 
caires que celles du Périgord, qui déposent toujours d’abondantes 
couches de carbonate de chaux sur les talus qu’elles baignent. 

On peut faire la même observation pour les organes des Ancyles 


des Albères, dans les Pyrénées-Orientales. 


Sans dépasser les limites que je désire m’imposer relativement à 
quelques questions théoriques, il m’est cependant difficile de ne pas 
faire une observation au point de vue de la cytologie. 

Plus haut, j'ai fait remarquer que l’on n'était pas entièrement 
d'accord quant au mécanisme de la sécrétion cellulaire. Est-ce par 
une sécrétion continue que les mêmes cellules produisent les li- 
quides excrétés? Est-ce par leur mort, leur déhiscence, leur chute, 
que s’accomplit le phénomène ? 

Dans le cas de la production de l’œuf ou du spermatozoïde, il est 
incontestable que le produit des cellules mères sort de la cavité 
de celles-ci. Les spermatides transformés en spermatozoïdes de- 
viennent libres et se dégagent des spermatogonies qui les ont 
produits. Celles-ci, dans ce travail producteur, doivent-elles être 
considérées comme étant des cellules mortes après production et 
sont-elles remplacées par d’autres, ou bien, enfin régénérées, con- 
duisent-elles à une nouvelle production qu'on a voulu et pu assi- 
miler à une sécrétion ? 

N'en peut-on pas dire tout autant de l’œuf ? 

La réponse à ces questions ne paraît pas tranchée. Mais, dans le 
Cas qui nous occupe, il est certain que des produits formés dans les 
cellules sont versés au-dehors de la cavité maternelle productrice; 
ce sont, il est vrai, des particules solides d’une nature spéciale ; 
toutefois l’on peut se demander si, pour le cas d’un liquide à sé- 


créter, il n’en doit pas être de même. 


60 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


y 


DU CANAL OVOSPERMIDUCTE COMMUN AUX ŒUFS 


ET AUX SPERMATOZOIÏDES, 


On a vu plus haut que tous les sommets des cônes ou acini de 
la glande hermaphrodite se réunissaient et formaient, par leur 
union, une cavité commune de laquelle partait le canal excréteur 
(pl. V, fig. 12, ovsp ; canal naissant dans la cavité commune, cc). 

Les parois de cette cavité commune sont minces. En passant du 
fond du cul-de-sac acinien pour arriver au sommet où est la cavité 
commune, on remarque aisément que l’épithélium germinatif, épais 
et planlureux dans le fond, s’amincit peu à peu, que ses cellules 
s’allongent et s'aplatissent tout en se chargeant, sur leur face libre 
interne, de cils vibratiles longs, puissants et très actifs. 

On peut regarder cette cavité comme le vestibule de l'ovotes- 
ticule et le point intermédiaire entre la glande et l'appareil excré- 
teur. 

Ordinairement, là où il commence, le canal commun est étroit ; 
son diamètre n'est guère plus du quart du diamètre total du conduit, 
en y Comprenant ses parois ; mais il peut se dilater, même beaucoup, 
comme on le verra. 

Dès qu’il commence, les cellules qui forment ses parois prennent 
un développement qui les différencie; elles ne sont plus aplaties; 
leur coupe, lorsqu'on la fait passer par l’axe du conduit central, 
représente un rectangle devenu oblique dont le grand axe est incliné 
sur la direction du canal, de haut en bas en partant de la glande et 
de dehors en dedans. Leurs noyaux sont volumineux et leur face 
libre interne est couverte de vigoureux cils vibratiles dont la direc- 
ton des mouvements va de la glande vers les orifices, en un mot, 
disposés de facon à faire cheminer les produits sécrétés de leur 
point de production vers les organes qui doivent les utiliser et les 


féconder en les conduisant au dehors. 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L’ANCYLE FLUVIATILE. 61 


Sur des glandes toutes fraîches et encore vivantes, il m’est arrivé 
d'assister à la sortie des œufs du vestibule glandulaire et à leur pas- 
sage dans le canal vecteur dont il est en ce moment question. J’ai 
observé que, lorsque l'œuf s’engageait dans la première partie du 
canal, celui-ci se dilatait en-dessous, et cela dans des proportions 
qui égalaient et souvent dépassaient la grandeur du diamètre de 
l’ovule. Le mouvement de descente déterminé par l’action des cils 
vibratiles était donc encore favorisé par la production d'une cavité 


que produisait cette dilatation au-dessous de l’œuf. 


Le canal, lorsque les produits génitaux ne le traversent pas, est 
fort étroit, et ses parois en venant au contact l’une de l’autre de- 
viennent relativement fort épaisses. La disposition des cellules qui 
consiituent ces parois est continue, semblable, depuis le vestibule 
de la glande jusqu’à la partie où la séparation des deux ordres de 
produits se fait. Les cils vibratiles sont, dans toute cette étendue, 
fort actifs. 

Une disposition particulière de ce canal a frappé tous les mala- 
cologistes qui se sont occupés de l’Ancyle. Moquin-Tandon l’a figu- 
rée dans la planche XXXV, fig. 32, de son ouvrage, mais de telle 
sorte qu'il est impossible d’en avoir une idée exacte ; c’est ce qu'il 
nomme un épididyme. Sa description, p. 176, n’est pas plus exacte 
que la figure. Il dit à propos de l’Ancylus fluviatilis : « Ce canal 
présente, vers le milieu de sa longueur, un léger entortillement et 
une épaisseur plus ou moins forte (épididyme). Cet entortillement, 
qui est un peu jaunâtre, offre, à droite et à gauche, plusieurs petits 
cæcums courts, pointus et de longueur inégale. » 

Il suffira de jeter les yeux sur la figure 23 dela planche VI du pré- 
sent travail pour voir combien peu exactes sont la descriplion et la 
iigure de Moquin-Tandon. 

L'étude microscopique de cette partie de l’ovospermiducte est 
pleine d'intérêt. Si ce canal paraît dilaté, c’est qu’il donne naissance 


à de nombreux cæcums, culs-de-sac latéraux, qui semblent n'être 


62 H. DE LACAZE-DUTHIERS, 


que des évaginations, des prolongements de ses parois en forme de 
vrais doigts de gants. 

La cavité de ces culs-de-sac est bourrée de spermatozoïdes. Le 
nom d’épididyme ne peut donc leur être applicable; tout au plus 
pourrait-il paraître logique de les appeler vésicules séminales, en les 
comparant aux poches servant de réservoir à la sécrétion testiculaire 


chez les Mammifères. 


L’histologie de ces appendices mâles du canal excréteur montre 
que les cellules composantes de leurs parois sont disposées en cou- 
ches simples et que leur grand diamètre, dès l’origine du conduit, 
après le vestibule de la glande, est dirigé obliquement de dehors en 
dedans et incliné du côté de la sortie de leur cavité. 

La figure 26 de ia planche VI montre, à l’état naturel, l'épaisseur 
des parois et du canal et de ses culs-de-sac latéraux, véritables 
réservoirs spermatiques. Le dessin a été fait sans employer les 
réactifs sur une pièce toute fraiche, vivante; on distingue vague- 
ment, mais d’une facon non douteuse, l'épaisseur, la direction et les 
limites des fortes cellules qui en forment les parois. 

Le protoplasma de ces cellules offre une certaine consistance, ce 
qui fait que le conduit tout entier résiste très bien à la légère pres- 
sion que produit la plaque mince de verre et permet de constater la 
disposition des cellules. 

Mais l'acide acétique produit des préparations superbes. 

J’ai donné le dessin, pris à un assez fort grossissement (600 fois), 
de l’un de ces culs-de-sac (fig. 25); on y voit les noyaux, très gros, 
devenus obscurs et paraissant par cela même d’autant plus évidents 
que les cellules se sont éclaircies et que l’appendice cæcal est de- 
venu, dans son ensemble, très transparent. Ces noyaux, très chro- 
matophiles, se colorent et deviennent magnifiques. 

On reconnaît, sur cette figure, que chaque cellule mesure toute 
l'étendue de l'épaisseur de la paroi, et encore sur les bords et tout 


le tour du cul-de-sac des noyaux petits (n), brillants, qui appar- 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L'ANCŸLE FLUVIATILE. 63 


tiennent aux cellules formant la lame de revêtement de l'organe. 
Quelques-uns de ces noyaux sont transformés en concrétions cal- 
caires. 

Ces mêmes cellules extérieures qu’accusent des noyaux de bien 
moindre taille que celles formant l'épaisseur de la paroi se recon- 
naissent même sur les parties non soumises à l’action des réactifs. 

L'acide acétique étendu, manié avec certaines précautions, en 
produisant les effets qui viennent d’être indiqués, permet, à l’aide 
de la grande transparence obtenue, de voir que le contenu est tout 
entier et seulement formé par des spermatozoïdes parfaitement 
constitués qui ont dü pénétrer d'eux-mêmes dans la cavité cæcale 
de ces appendices. On voit, en effet, que toutes les têtes sont réu- 
nies dans le fond du cul-de-sac. Chaque filament a dû s’introduire 
isolément ; car, dans le canal excréteur, on ne rencontre presque 
plus de paquets à têtes agglutinées, comme dans le fond des culs- 
de-sac sécréteurs de la glande ovospermatique. Ils ont dû remonter 
contre le courant déterminé par les cils vibratiles des parois des 
appendices cæcaux. Il arrive souvent sur les canaux encore bien 
vivants, ce qu’on reconnaît à l’activité des cils vibratiles, de voir 
l'extrémité libre des appendices renflée en massue; dans touie la 
longueur, les surfaces des parois semblent se toucher, arriver presque 
au contact, tandis que, dans l'extrémité, la cavité est arrondie comme 
une ampoule et remplie de têtes libres, séparées, très distinctement 
isolées, souvent agitées d’un mouvement oscillatoire, dû certaine- 
ment aux ondulations de la première partie de la queue, le reste 
du filament étant, avec ceux des autres spermatozoïdes, enfermé et 
serré, forcé à l’immobilité dans le canal de l’appendice, qui paraît, 
sous les yeux de l’observateur, très contracté (fig. 24, pl. VI). 

En résumé, ce canal excréteur, commun aux produits mâles et fe- 
melles de la glande hermaphrodite, semble déjà faire une sélection 
dans les produits en emmagasinant les spermatozoïdes, dans des di- 
verticulums qui rappellent de bien loin les vésicules séminales, mais 


qui n’en peuvent être que les analogues, non les homologues ; car, 


64 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


pour être démontrée, l'homologie demanderait d’autres preuves que 
la présence des filaments spermatiques. 

Jamais je n’ai trouvé d'œufs dans ces culs-de-sac. 

Il était intéressant de constater pendant l’accouplement dans 
quel état se trouvaient les vésicules du canal ovospermiducte chez 
les individus jouant le rôle de mâle. 

Tantôt elles m'ont paru tuméfiées par une énorme accumulation 
de spermatozoïdes bien plus qu’elles ne l’ont été représentées 
(pl. VI, fig. 23). 

Dans un cas, après avoir constaté ce gonflement produit par les 
filaments fécondateurs, j'avais vu sur un mâle, pris en copulation, 
les culs-de-sac très blancs, très gonflés. Je trouvai là une confirma- 
tion de l'observation précédente ; mais le volume de ces culs-de- 
sac, qu'on peut certes bien appeler vésicules séminales, était tel, 
dans ce cas, que la curiosité me poussa à les placer sous le micro- 
scope. Ils étaient bourrés d’un Trématode à tous les états de déve- 
loppement jusqu’au Cercaire. Cela me conduisit à examiner tous les 
Ancyles jouant le rôle de mâle et pris en copulation, et j'eus, en fin 
de compte, assez de peine à constater que tous avaient leurs canaux 


gorgés de spermatozoïdes dans des proportions très différentes. 


VI 
DU CRIBLE OU CARREFOUR GÉNITAL. 


Il existe à l’extrémité du canal excréteur (osd, fig. 26, pl. IV), 
dans le point où il semble s’unir avec les glandes annexes, une dis- 
position des organes fort curieuse. 

En suivant ce canal, on arrive à une partie aplatie (C), on pour- 
rait presque dire circulaire, discoïdale, si ses bords, ou limites, 
n’étaient ondulés et ne présentaient comme des festons à dents peu 
marquées, très obtuses. Dansle bas, en arrière de cette partie, la pre- 
mière glande accessoire (ga) lui est largement attachée. En avant et 


en haut, à droite de son extrémité, se trouve le canal ovospermi- 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L’ANCYLE FLUVIATILE. 65 


ducte (osd), grêle, dépourvu en ce point des cæcums qu’on vient de 
décrire. À gauche, sur un plan supérieur, naît un. canal assez gros 
ayant deux renflements piriformes (od, fig. 26) dont la base repose 
sur la face dorsale de la partie que nous décrivons. Nous aurons, 
plus loin, à le suivre après qu’il s’est rétréci et continué avec une 
autre partie plus développée. Enfin, entre les deux, naît un qua- 
trième canal (sd) un peu plus volumineux que le canal ovospermi- 
ducte et qui semble sortir de la face antérieure de l'organe. 

Ouvrons cet organe (C) et voicice que nous y verrons(fig. 27) : la 
surface en est très légèrement ridée ; un épithélium vibratile très actif 
la couvre. 

Dans le haut de la partie, telle qu’elle est figurée dans la 
planche VI, on voit l’orifice béant, un peu froncé, de la première 
glande annexe (oga), dont les produits sont incontestablement versés 
dans la cavité de cette partie importante. 

Tout à fait dans le bas de la figure (qui serait en haut sur l’animal 
dans la position que nous lui donnons habituellement), existent les 
orifices des trois conduits dont on a reconnu la position dans la 
description de la partie vue par l'extérieur ; à droite de la figure, le 
grand orifice (od') s’ouvrant dans ce conduit piriforme, dont la large 
base s'applique sur la face dorsale de lorgane. Ce sont les parois 
mêmes de l’organe qui se prolongent en faisant saillie et forment 
comme un museau de tanche! dans la cavité de ce canal. Du côté 
sauche de la figure paraît l’orifice du canal ovarotesticulaire (osd), 
et, entre les deux, celui du quatrième conduit. Celui-ci est caché 
sous l'organe, et, par conséquent, dans sa position naturelle. En 
avant, une partie du canal (osd, od, sd), formant un arc, est vue par 
transparence. 

Il m'a été donné, sur une pièce enlevée sur un animal vivant, ob- 
servée rapidement et légèrement comprimée, de pouvoir juger des 


fonctions de cette partie. Un liquide clair remplit sa cavité sans la 


1 Jl n’est nullement question d'une homologie quelconque, il s’agit d'une analogie 
de forme, 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3€ SÉRIE. == T. VII. 1899. 


(Sr 


66 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


dilater et la distendre ; par ce canal ovarotesticulaire (osd) descen- 
dent les œufs et les spermatozoïdes ; on les voit agités par leur mou- 
vements propres et aussi par l’action vive des cils qui tapissent la 
cavité du canal. 

C’est bien un carrefour où arrivent ensemble les œufs, les sperma- 
tozoïdes et le produit de la première glande annexe. 

Quelle voie vont suivre ces produits ? 

Les cils les poussent de haut en bas (dans la figure, ce serait sur 
l'animal de l'arrière à l’avant etde bas en haut). Les œufs et les sperma- 
tozoïdes sont de taille bien différente, les premiers pénètrent dans 
l’orifice de droite ; les seconds, soit les spermatozoïdes, suivent, en 
sortant du canal de gauche, le sillon qui rend continus le canal 
ovarotesticulaire et le carrefour. 

En arrivant auprès de cette cavité où se fait la séparation, le par- 
tage des produits sexuels, la tête du spermalozoïde peut bien passer 
par le canal qui devient exclusivement mâle (sd) ; mais l'œuf, étant 
d’un autre volume, tombe dans l'organe (C) en écartant les lèvres de 
l’orifice du canal ovospermiducte (od). 

Dans la figure 28, on peut reconnaître très nettement la disposi- 
tion terminale de l’ovospermiducte. En (6), il semble se bifurquer ; 
l’une des branches devient l’oviducte (od) conduisant dans la ca- 
vité {C), l’autre (sd) n’est plus que le canal déférent exclusivement 
mâle. 

Il importe de remarquer que, dans cette figure, l'éloignement du 
point (b) de l’organe (C) a été exagéré afin de rendre plus évidente la 
séparation des conduits. En réalité, le canal (osd) vient tout contre 
la face intérieure de l’organe (C); aussi (od) est-il très court et se con- 
fond-il pour ainsi dire avec l'orifice. 

C'est dans ce point où l’ovospermiducte s’accole à l’organe (C), 
qu’à bien dire se trouve un orifice latéral s’ouvrant dans l'organe (C), 
et c'est le volume de l'œuf, bien autre que celui du spermatozoïde, 
qui fait entr'ouvrir et bâiller les lèvres de cet orifice latéral et lui 


permet de tomber dans l’organe (C), alors que les spermatozoïdes 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L'ANCYLE FLUVIATILE. 67 


peuvent et doivent continuer leur chemin dans le canal qui, à partir 
de là, leur est entièrement et exclusivement réservé. 

Il est incontestable que si, à côté de l’œuf, se trouvaient des spere 
matozoïdes, il doit en tomber quelques-uns dans la cavité (C), mais 
ce doit être l'exception. En somme, dans ce carrefour, ne se fait que 
la rencontre du liquide fourni par la première glande annexe (ga) 
et de l’œuf; mais, dès cette cavité, la séparation des deux éléments 
fondamentaux des sexes est entière. 

Ïl est difficile de dire quelle part de la liqueur sécrétée par la pre- 
mière glande annexe revient à chacun des éléments mâle ou femelle. 
La difficulté est due à deux causes, d’abord l’analyse des liquides 
des différentes glandes n’est pas connue ; ensuite, ces liquides, fort 
transparents, ne renferment pas d'éléments figurés autres que de fines 
granulations difficiles à distinguer et ne permettant guère d'en re- 
connaître la présence. 

Mais ce qui est certain, c'est que les deux éléments générateurs 
doivent baigner dans le liquide de cette glande pendant leur passage 
au crible de séparation dans le carrefour. 

Cette disposition de l’organe qui nous occupe a été entrevue chez 
un Héhx. par M. Dubreuil, bien que les choses soient très diffé- 
rentes (extrait de la Revue des sciences naturelles de Montpellier, 1873): 
aussi est-il nécessaire d'établir une distinction. | 

En soumettant à un grossissement suffisant la partie du carrefour 
où l'on voit arriver le conduit ovarotesticulaire (fig. 26 et 27) etpartir 
le conduit désormais chargé seul de la conduite de l'élément sper- 
matique mâle, on reconnait avec pleine certitude que les deux con- 
duits se continuent et qu’une véritable rigole va, sans interruption, 
de l’un à l’autre; les deux semblent ne former qu'un seul canal qui 
serait fortement ployé et dont le sommet de l’angle produit par la 
flexion se trouverait sous l’orifice qui a été indiqué à gauche dans 
le fond de la cavité du carrefour, ce qui le fait paraître bifurqué. 

Deux conditions se présentent alors près de la sortie des produits 
de la reproduction. 


68 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


Les œufs ne mürissent que les uns après les autres, ne descendent 
que de temps en temps et, pendant des intervalles, ils peuvent être 
suivis par des spermatozoïdes nés eux aussi d’une façon continue. 
Mais ceux-ci doivent être entraînés par les courants vibratiles dès 
qu'ils sont mürs et pendant que les œufs accomplissent leur déve- 
loppement. 

Lors donc quel’œuf descend suivi par des spermatozoïdes, quelques- 
uns de ceux-ci doivent être entraînés dans la cavité du carrefour ; 
mais, lorsque les éléments mâles descendent seuls, il est tout naturel 
de penser qu'ils suivent la gouttière établissant la continuité entre 
les deux conduits ovospermatiques (asd) et déférent (sd), la partie du 
canal comprise entre (b) et (od) devant être contractée et non dilatée 
comme lorsque l'œuf descend. | 

C’est à cette seconde condition que M. Dubreuil a fait allusion, 
quand, dans son mémoire (p. 15, extrait), il dit : «... N°y aurait-il pas, 
dans la série animale, quelque groupe qui présentât, dans un point 
de son organisation, une particularité comparable à celle que nous 
offre en cette partie l'appareil générateur des Hélix ? Le système di- 
gestif des Mammifères ruminants, qui nous semble construit d’après 
un plan analogue, ne pourrait-il pas nous servir à nous rendre 
compte du fait. 

« À partir du bout terminal du canal efférent, les corpuscules 
spermatiques vont prendre une voie autre que les ovules. En effet, 
ils suivent la gouttière déférente qui n'est que la continuation du 
canal, tandis que les ovules, arrivés au niveau de cette même gout- 
tière, vont tomber dans l’oviducte. » | 

M. Dubreuil compare entièrement le passage de l'œuf dans ce qu’il 
appelle l'oviducte, et que nous avons décrit sous le nom de carrefour, 
au passage des matières alimentaires grossièrement divisées de la 
gouttière œsophagienne, dont elles écartent les lèvres, dans la panse, 
où elles tombent, et le passage des spermatozoïdes du canal efférent 
dans le canal déférent au passage des matières ruminées finement 


broyées dans les secondes parties de l’estomac, n’ayant pas pu faire 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L’ANCYLE FLUVIATILE. 69 


écarter les lèvres de la gouttière œæsophagienne en raison de leur 
peu de volume. 

Rien ne s'oppose ici à admettre l'explication de M. Dubreuil, mais 
il semble exagéré de considérer exelusivement comme oviducte la 
cavité où viennent s'ouvrir la première glande annexe et le canal 
déférent, le canal ovarotesticulaire et le véritable oviducte, celui-ci 
ne commençant, en réalité, qu'après le museau de tanche faisant 
saillie dans son intérieur ; en outre, il y a lieu de tenir compte des 
conditions intermittentes de la descente des œufs à côté de la pro- 
duction continue des spermatozoïdes, Toutefois, celle-ci, en emma- 
gasinant les filaments fécondateurs dans les cæcums latéraux du 
conduit ovarotesticulaire, doit certainement avoir aussi des intermit- 
tences, et il semble plausible de penser que, lors de l’accouplement, 
l'orgasme vénérien, en ce qui regarde la partie mâle fonctionnant 
seule dans l'individu jouant le rôle du mâle, doit agir sur les con- 
duits spermatiques et faire descendre dans l'organe copulateur le 
liquide séminal. Dans ce cas, il est fort probable que le carrefour 
ne recoit que fort peu de spermatozoïdes, s’il en recoit même; mais 
surtout il ne reçoit pas d'œufs. Ceux-ci ne doivent descendre que 


lorsque l’animal remplit le rôle de femelle. 


VII 


OVIDUCTE el ORIFICE EXTERNE FEMELLE, 
(PL IV). 


La description de ces parties de l’appareil génital, bien qu'elle soit 
simple et facile, laisse encore quelques points dans le vague et 
dans le doute, 

Aprèsle carrefour C (pl. IV, fig. générale 7) vient, on l’a vu, une dila- 
tation du canal, qui, piriforme (od'), appuie sa base sur le dos et vers 
son extrémité de l'organe où seséparent les produits sexuels. L’extré- 
mité opposée de ce canal s’abouche dans un conduit arrondi, beau- 
Coup plus volumineux dans l’endroit où a lieu cette union, se porte 


en dehors (à gauche sur l'animal, à droite sur la figure}, se courbe 


70 © H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


à angle droit, reçoit sur la partie dorsale de l'angle la deuxième 
glande accessoire (gb), s’étrangle un peu en ce point, se renfle en 
portion de sphère (ge), brusquement devient fort petit relative- 
ment à son volume, et se porte en haut et en avant pour aller s’ou- 
vrir à la papille, dont l'existence a été signalée précédemment en 
haut et en dessous de la lamelle branchiale (V\. 

A mi-chemin du brusque rétrécissement de l’oviducte qui suit 
cette dilatation et courbure à angle presque aigu, on trouve, uni à 
l’oviducte, dirigé de haut en bas (sur le dessin), le pédoncule d’une po- 
che piriforme (vc), bien connue dans les animaux invertébrés sous le. 
nom de vésicule copulatrice. Dans l’intérieur de cette vésicule existe un 
amas de matière opaque et massive ordinairement colorée ou rou- 
geâtre (fig. 8, pl. IV), qui la fait immédiatement reconnaître au mi- 
lieu des organes. 

. Il est à remarquer que l’union du pédoncule de la poche copula- 
trice et de l’oviducte (pl. IV, fig.7, u) se fait à angle très aigu, si bien 
que souvent les deux conduits paraissent, vers le point de leur union, 
comme étant parallèles; l'ouverture de la poche est donc dirigée du 
côté de l’entrée de l’oviducte. 

On verra plus loin quelle est la structure de la première, de la 
deuxième glande annexe et de la poche copulatrice, ainsi que de 
leur contenu, et si, d'après cela, il est possible d’en assigner les 
fonctions probables. 

Il restera à définir de chacune d'elles le rôle que jouent les trois 
renflements de l’oviducte, séparant la dernière partie, ou vaginale, 
du conduit vecteur femelle partent du carrefour. 

1 I] semblerait naturel de poser les organes comme ils se trouvent dans l’animal 
dont la position a été fixée dans les figures 1 et 2 de la planche I. 

Mais quand on isole tout l’appareil comme cela est représenté figure 7 de la 
planche IV, instinctivement, sans réflexion, on place en haut la glande génitale 
comme étant la partie la plus importante et de là cette disposition qui, si on la sup- 
posait dans les animaux de la planche III, devrait être renverste. Du reste, la posi- 


tion naturelle a été respectée dans la figure 6 de la planche IIT. Ces observations 


suffisent pour lever les doutes que les mots supérieur, inférieur peuvent faire naître 
dans la lecture de la description. 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L'ANCYLE FLUVIATILE. 71 


Les expériences sont fort délicates, les observations difficiles sur 
des animaux aussi petits. Il n’est donc guère possible que de faire 
des suppositions. Nous reviendrons sur ce sujet après avoir fait 
l’étude de ces organes. 

L'ouverture de l’oviducte au sommet (pl. IV, Ÿ) de la papille 
sous-branchiale a occupé Moquin-Tandon, qui pense qu'elle joue 
un rôle important dans l’accouplement. Nous reviendrons sur ce 
point de l’histoire de l’organe femelle après avoir étudié les organes 


copulateurs. 


VIII 


GLANDES ANNEXES DE L'ORGANE FEMELLE. 


Première glande annexe (pl. HT, IV et VIIL, ga).— On a vu quecette 
glande s’ouvrait dans le bas du carrefour ou crible séparateur des 
produits mâles et femelles ; le liquide qu'elle fournit doit donc se 
mêler, dans cet organe, aux produits de la glande génitale qui y 
arrivent. 

Quant à son action, tout ce qu'il est possible d’en dire, c’est 
qu’elle doit être favorable au développement du jeune. 

Sa structure est facile à constater ; les différentes figures qui en 
ont été prises l’ont élé sans s’aider d'aucun des réactifs ordinaires. 

Il m’a été aisément possible de reconnaitre sur des animaux dur- 
cis, fixés, comme on dit, combien l’action des différents liquides 
conservateurs avait une action délétère sur les éléments histiques 
de cette glande. 

L’apparence de l'organe (pl. IV, fig. 7, ga) est caractéristique. 
Les acini ou culs-de-sac sécréteurs s'unissent deux à deux; la di- 
chotomie, un peu vague, paraît surtout à la périphérie de la masse 
glandulaire (pl. VII, fig. 37). Le canal unique résultant de l’union 
de deux culs-de-sac s’abouche, le plus souvent, à un nouveau cæ- 
cum ou à la branche résultant de la soudure de deux nouveaux 
acini voisins ; de soudure en soudure des parties excrétantes, on 


arrive à voir se former des lobules et des lobes de la glande (fig, 7, 


72 - H. DE LACAZE-DUTAHIERS. 


ga). En tout cela, rien autre de particulier à signaler que la netteté 
et l'évidence glandulaire et cellulaire de l'organe. 

Dans son ensemble, la masse glandulaire est lavée d’une teinte 
très légère jaunâtre bistre, très effacée, ressemblant à la couleur 
de l’ambre, mais cependant suffisante pour la caractériser et la faire 
facilement reconnaitre. 

En outre, cette glande offre une iransparence marquée de ses 
acini, ce qui la distingue de la deuxième annexe qui, plus granu- 
leuse, semble plus opaque et beaucoup moins translucide ; on crui- 
rait, à la voir sur l’animal bien vivant, que le liquide qui remplit ses 
acini est comme huileux, réfractant assez fortement la lumière. 

Abandonnée dans l’eau de la cuvette à dissection, son tissu s’en- 
dosmose incontestablement, mais la masse de la glande ne devient 
pas plus volumineuse et ne se transforme pas en une masse glai- 
reuse. 

Une particularité qui rend ses éléments caractéristiques, c’est que 
la cavité de chacun des acini composants paraît obscure, en sorte 
que, sur un dessin peu grossi, on rend très bien l’apparence par un 
trait de crayon un peu forcé occupant le milieu du cul-de-sac (pl. IV, 
fig. 7, ga). D'ailleurs, cette apparence est d'autant plus accusée que 
les parois des acini, réfractant vivement la lumière, paraissent très 
transparentes avec leurs bords fortement accusés par une ombre 
interne (cavité) et une ombre externe (bord libre extérieur). Ce 
caractère est traduit, dans la figure 7 de la planche IV. À l’aide des 
caractères extérieurs généraux, on n'éprouvera aucune difficulté à 
reconnaître la première glande annexe, dont la position est d’ailleurs 
suffisamment caractéristique. On la trouve, en effet, au fond de la 
cavité viscérale sous le foie, vers l'extrémité du cône ou sommet 
représenté par la coquille. 

La texture est remarquablement lisible, sans qu’il soit besoin de 
s’aider de l’action de liquides ou de colorants. J’ai préféré publier 
des dessins faits d'après les préparations naturelles en coupes opti- 


ques, qui donnent une idée bien plus exacte de l’organisation que 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L’ANCYLE FLUVIATILE. 13 


les coupes en série sur des glandes macérées et soumises aux mani- 
pulations nombreuses des procédés le plus souvent employés. 

Dans la figure 37 de la planche VIII se trouvent représentés quel- 
ques acini dessinés à un faible grossissement ; leurs cavités sont 
grandes ; elles paraissent toutes couvertes de fines bosselures dont 
on trouve l'explication dans les figures 38 et 40. 

Les cellules qui composent les parois sont allongées, leur grand 
diamètre étant dirigé perpendiculairement à la surface des acini 
(fig. 38); leur extrémité, opposée à celle qui les fait adhérer à la 
couche mince enveloppante des culs-de-sac, étant libre dans la ca- 
vité, est arrondie (fig. 40 et 38). C'est l’ensemble de ces extrémités 
libres qui, sous un faible grossissement, fait paraître le fond de la 
cavité acinienne comme granuleux (fig. 37). 

La transparence des cellules (fig. 40 el 41) est très grande, leur 
contenu est un liquide légèrement jaunâtre ambré; c'est lui qui 
donne la couleur générale à la glande. 

Le noyau est tantôt finement granulé, assez gros et présentant 
toujours un nucléole brillant, tantôt transparent comme une vési- 
cule germinative et toujours avec un nucléole (fig. 40). 

Dans le cas où l’on fait agir l'acide acétique sur les éléments de la 
glande, les cellules deviennent naturellement plus transparentes, le 
noyau paraît alors relativement plus grand (fig. 39) et entouré sou- 
vent d’un nuage granuleux, qui, sans doute, est dû à la coagulation 
du protoplasma ‘. 

En général, le contenu protoplasmique de ces cellules est très 
transparent et fortement réfringent. Aussi, quand les cellules de- 
viennent libres, elles reprennent leurs limites sphériques et pa-. 
raissent comme un peu obscures sur leur pourtour (fig. 41). 

Le dessin (fig. 40 et 41, pl. VIII) qui suit ce mémoire a été fait à 


une époque où il n'était guère question du Vebenkern. Ce qui frappe 


1 Cette figure 39 est dessinée sur un lambeau de la glande à un fort grossissement, 
700 diamètres environ. En tenant compte de cette condition, elle ne paraîtra pas en 
contradiction de ce qui vient d’être dit, 


74 H. DE LACAZE-NUTHIERS. 


en le voyant, c’est qu'à côlé du noyau, parfaitement caractérisé, on 
découvre toujours un granule isolé et coloré. Est-ce un Webenkern? 
: — Dans la figure 39 représentant une parcelle de tissu de la glande 
traitée par l'acide acétique, ce granule à disparu. 

Une particularité que présente cet épithélium remarquable, quant 
à la simplicité de sa structure, c’est la facilité (fig. 3) avec laquelle 
ses éléments se détachent et fuient sous la pression, pour ainsi 
dire, en glissant entre eux et reprenant leur forme sphéroïdale pré- 
cédée d’un état piriforme quand leur extrémité est encore engagée 
dans les espaces intercellulaires; ce qui prouve que ces éléments, 
lâchement unis, se détachent et tombent facilement dans les cavités 
des acini (fig. 40). 

Quelques-unes des cellules renferment, flottant dans leur liquide, 
des granulations très fines, et, quand on obtient le liquide contenu 
dans les culs-de-sac au milieu de cellules sphériques, de noyaux 
isolés, on voit ces granulations ayant un mouvement brownien très 
actif. 

On retrouve ici, comme dans les autres parties de l’appareil, des 
cellules plus petites à la base externe des grandes, qui semblent s'in- 
sinuer entre celles-ci, et, tout naturellement, on se laisse aller à sup- 
poser que ces petites cellules ayant une forme polygonale par suite 
de la compression exercée sur elles par les grandes, sont les eunes 
venant remplacer ces dernières, mûres et tombées dans la cavité en 
produisant le liquide de la sécrétion. | 

Ces idées sont-elles d'accord avec les dernières opinions sur 
l’évolution des cellules? On n'est pas entièrement éclairé sur le 
mode de production du liquide sécrété. Est-il une exsudation au 
travers de la paroi de la cellule qui l’a produit? Est-il le résultat de 
la déhiscence des cellules de l’épithélium ? Est-il enfin sorti des cel- 
lules qui, détachées, tombées de l’épithélium, ont éclaté dans la 
cavité de la glande? Toutes ces opinions ont eu cours. La théorie 
de Goodsir a longtemps été professée pour l'épithélium intestinal. 


Faut-il l’abandonner définitivement et quel choix définitif faut-il 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L’ANCYLE FLUVIATILE. 75 


faire dans les différentes alternatives qui viennent d'être rappelées ? 
Il n’est pas douteux que, pour l’œuf et le spermatozoïde, il y a chute 
de cellules modifiées et reproduction de cellules dans l’épithélium 
serminatif. Et s’il y a chute des éléments produits, puis continua- 
tion de la sécrétion, il faut bien nécessairement qu’il y ait renou- 
vellement et production de cellules nouvelles. Or cela doit incontes- 
tablement avoir lieu pour les produits sexuels. 

Lorsqu'il s'agirait de la sécrétion glandulaire ordinaire, il faudrait 
admettre qu'il n’en serait plus de même d’après quelques cyto- 
logues. Bien évidemment le dernier mot n’a pas été dit sur la théorie 
des sécrétions. Mais un fait n’est pas à mettre en doute — un liquide 
jaunâtre albumineux est sécrété par la première glande annexe, 
— Comment est-il versé dans la cavité de la glande? C’est là le 
point qu'il reste à fixer. 

Je n’ai jamais trouvé de celiules de cette glande déchirées ou dé- 
hiscentes ; elles se détachent de l’épithélium, qu'elles forment avec 
la plus grande facilité, sous la moindre pression, Je ne les ai point 
suivies dans les canaux excréteurs de la glande. 

Une dernière observation. Tout le tour des acini, formant une lé- 
gère et mince couche, se trouvent des cellules plates (fig. 37, 38, 40, 
n, n, n), dont le noyau seul accuse la présence. L’ensemble de ces 
éléments produit une membrane délicate, qui est l'enveloppe ex- 
terne du cul-de-sac que tapisse l’épithélium sécréteur du liquide. 

Dans l’une des figures (38), une coupe optique a été dessinée, dans 
laquelle le foyer de l’objectif a été mis au point sur le diamètre 
même de l’acini. Il semble, en comparant un tel dessin avec l’une 
des coupes en série qui sont si multipliées, que l’on a une idée bien. 
différente sur la structure de la glande. Dans un cas, on trouve l’élé- 
ment divisé et représenté par une projection en surface sur un plan 
unique; dans le second, on voit les couches cellulaires, avec leurs 
différents plans de situation, avec les extrémités libres et bombées 
des cellules, enfin avec le contenu granuleux et nucléaire flottant 


dans la cavité de l’acinus, qui donne une idée vraiment plus vraie, 


76 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


plus vivante, de l’état naturel des choses. Je répète qu'après avoir 
essayé des durcissements et des coupes dans la paraffine, je crois 
que la vue d’une coupe optique, comme celle que présentent la 
figure 38 et la figure 40, donne une idée tout autre de la structure 
de ces glandes, que les coupes après l’action des réactifs, qui altèrent 
profondément des tissus aussi délicats. 

Dans cette même figure, on reconnaît les noyaux écartés et les 
lames minces des cellules composant l'enveloppe externe du cul- 
de-sac glandulaire. 


Quelle est la fonction de cette première glande annexe ? 

Son liquide, très légèrement jaunâtre ambré, cause de la couleur 
de la glande, a peut-être une action bienfaisante sur les éléments 
sexuels qu'il baigne dans le carrefour. Peut-être a-t-1l une fonction 
nutritive ; Car, à ne tenir compte que de sa légère couleur, on le 
trouvera dans les coques où les œufs sont enfermés pendant la 
ponte — mais ce ne sont là que suppositions. Les chercheurs du 
pourquoi des faits biologiques nous éclaireront sans doute sur les 
fonctions des différents liquides servant à l’accomplissement des 
actes de la reproduction. | 

Il reste aussi à déterminer l’action, s’il en a une, de ce liquide 


sur le spermatozoïde tombé dans le carrefour. 


Deuxième glande annexe (pl. VII). — Tout autres sont la situa- 
tion, la couleur, la structure intime et l'apparence qui en résulte de 
la glande qu'on trouve attachée au sommet de l’angle que forme 
l’oviducte renflé en trois dilatations après le carrefour ou crible gé- 
nital (glande gb, à laquelle on peut adjoindre gc, ge). A l'extérieur, 
la glande en bon état, avant d'avoir absorbé l’eau par endosmose, 
paraît toute mamelonnée. Ses lobules se touchent et n'’offrent plus 
cette dichotomie, cette transparence et cette apparente vacuité des 
acini qu'on vient de rencontrer dans la première glande annexe. 
Que, daus la planche VIII, l'on compare la figure 37 et la figure 43, 


et la différence entre les deux glandes sautera aux yeux. 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L'ANCYLE FLUVIATILE. 77 


Les extrémités des lobules présentent trois ou plusieurs bosselures, 
inégales, irrégulières, qui sont loin de ressembler à ces subdivisions 
constatées dans la première glande. Néanmoins, on y reconnaît, 
sous un faible grossissement, des lignes foncées indiquant la division 
des culs-de-sac dans tous les cas fort peu accusés. 

Sous un plus fort grossissement, à 400 ou 500 diamètres, l’on dé- 
compose chaque lobule en acini irréguliers dans le fond desquels 
paraissent (pl. VII, fig. 43, 44, 45) des cellules grosses, arrondies ou 
polyédriques, à parois délicates et faciles à rompre, qui, sous la plus 
légère pression, éclatent et laissent échapper (fig. 43, partie, a) un 
noyau de moyenne taille perdu au milieu d'innombrables granula- 
tions produisant, lorsqu'elles sont mélangées à l’eau, des masses 
glaireuses, filantes. 

Quand on emploie, ce qui est nécessaire, des grossissements de 
700 à 800 diamètres, ces noyaux, très finement granulés, paraissent, 
toutes proportions gardées, beaucoup plus gros que sous les faibles 
grossissements. Je dis toutes proportions gardées, car il est bien évi- 
dent qu’en employant des objectifs plus puissants, les parties doi- 
vent paraître plus grandes et plus espacées. 

La propriété qu'ont les glandes à granulations de produire des 
masses glaireuses a fait nommer cette glande la glande à mucus. 

Son histologie est non moins claire que pour la glande pré- 
cédente, quoique la propriété dont elle jouit de rendre l’eau filante 
et mucilagineuse ne permette guère d'en donner une coupe opti- 
que comme dans l'exemple précédent. On ne voit bien les élé- 
ments de son épithélium bossué et à élémenis inégalement gonflés 
que sur des parcelles fort petites de ses culs-de-sac sécréteurs : 
(fig. 45 et 46). 

Aussi, à cause des innombrables granulations intracellulaires, à 
cause aussi de la délicatesse des parois de la cellule et de ses ruptures 
faciles dues à leur gonflement endosmotique, dans les échantillons 
soumis à l'examen, les plus vivants possible, éprouve-t-on quelques 
difficultés à voir les cils vibratiles. Incontestablement (fig. 46) ils 


18 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


existent, et leur présence s'explique par la nécessité de faire circuler 
les mucosités produites par les granulations. 

Une remarque semblable à celle qui, déjà, s’est produite plusieurs 
fois à propos des limites des organes trouve ici encore sa place. 
L’épithélium granuleux, à grosses cellules, qui tapisse les culs-de-sac 
sécréteurs, est entouré, limité, fixé par une lamelle de tissu conjonc- 
tif formé de cellules minces étalées en membrane ; peut-être ici les 
cellules de la lame formant tunique des acini sont-elles plus grandes 
que dans les exemples précédents (fig. 44, n'). 

Les Ancyles sont calculeux. 

Aussi, dans leurs tissus, on rencontre, disséminés dans des cellules, 
des corpuscules calcaires proprement dits, ainsi qu'on l’a vu à 
propos des glandes génitales çà et là disséminées. La deuxième 
glande accessoire n'échappe pas à cette sorte de règle, et tout autour 
d'elle on voit des grains réfractant vivement la lumière et disparais- 
sant avec effervescence dans les acides. Ce sont des concrétions cal- 
culeuses de nature calcaire. 


Quelles sont les fonctions de cette seconde glande? Nous cherche- 
rons à répondre à cette question à propos de la ponte. 

Disons seulement que, dans tous les Mollusques pondant des œufs 
non composés, mais à ovules constitués sur le plan général holo- 
bastique, à vitellus peu développé, le germe est ordinairement en- 
touré d’un liquide qu’à bon droit on peut regarder comme un élé- 
ment nutritif surajouté, enfermé ensuite dans une coque plus ou 
moins solide, qui, pour sortir d’un oviducte fort étroit, comme dans 
l'exemple que nous étudions, doit être entouré d’un mucilage faci- 
litant son glissement. 

La glande à mucosité paraissant exister toujours quand ces condi- 
tions se présentent, il est naturel de lui attribuer un rôle spéciale- 
ment destiné à faciliter la sortie des œufs enfermés dans des coques 


résistantes. 


Il est également nécessaire de rappeler que le contenu granuleux 


ORGÂNES DE LA REPRODUCTION DE L’ANCYLE FLUVIATILE. 7 


de la cellule de cette glande ne peut produire la mucosité que s'il es£ 
tombé hors des parois de la cellule. C’est encore la même question 
de déhiscence ou de mort de l'élément cellulaire caractéristique qui 
se pose ici. 


Vésicule copulatrice (pl. IV, fig. 7, 8, 9 et 10). — On donne ce nom 
à cette poche plus ou moins pédonculée s’ouvrant dans la première 
parüe de l’oviducte dans laquelle s’accomplit l'acte de la copulation, 
et qu’à ce titre il est juste d’appeler vagin (fig. 7, vc).. 

On retrouve cette disposition dans plus d’un groupe du règne ani- 
mal, et ce nom a été certainement importé dans la nomenclature 
anatomique des Mollusques en l’empruntant à celle des Insectes où 
l'on rencontre cette poche bourrée, comme chez les Lépidoptères, 
des débris des verges des malheureux mâles ayant perdu leur arma- 
ture génitale dans la lutte pour la propagation de l'espèce. 

L'identité de position, la rencontre des filaments spermatiques 
dans cette vésicule ont fait comparer et homologuer cet organe 
chez les différents animaux. Les naturalistes ont été conduits à cette 
opinion que, dans tous, l’homologie était complète. 

On admet que le sperme est déposé dans la vésicule et qu'il sort 
au moment où | œuf passe devant l’orifice, recevant ainsi le baptème 
de la fécondation, l’imprégnation du spermatozoïde. 

Quoi qu’il en soit de cette opinion qui fixe le lieu où doit se pro- 
duire la pénétration du spermatozoïde dans l'œuf, et qui n’est qu’une 
présomption, mais une présomption admise par beaucoup d'auteurs, 
voici ce qu'est la structure de cette vésicule et ce qu'est son contenu. 

Sous une lame mince, plus résistante que dans les organes précé- 
dents, qui enveloppe toute la poche et dont on voit sans réactifs les 
éléments à noyaux, on observe une couche de cellules relativement 
volumineuses, polyédriques par leur base (pl. IV, fig. 11), reposant 
sur la lame mince dont il vient d'être question, mais arrondies en 
sphères du côté de leur extrémité libre regardant l'intérieur de la 


cavité. En coupe optique, on voit chacune des cellules (fig. 10, pl. IV) 


80 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


faisant saillie dans la cavité et s’y terminant par une partie bombée 
par une calotte sphérique. 

L'apparence que fournit cette coupe optique prise à un assez fort 
grossissement, rappelle celle qu'on voit figure 38, pl. VIT. Avec cette 
différence qu'ici les cellules sont moins alloïgées, moins serrées vers 
leur extrémité libre, beaucoup plus volumineuses et massives, ayant 
surtout un contenu granuleux très évident. 

De plus, les cellules de la poche copulatrice, en produisant un épi- 
thélium, forment, contre la face interne de la lame d’enveloppe, un 
réseau polygonal qui se traduit par des espaces transparents limités, 
eux aussi, par des lignes obscures délicates ; il est facile de recon- 
naître que cette apparence (fig. 8, pl. IV) est due à l'épaisseur même 
des parois des cellules. Ce qui explique la résistance comme un peu 
cartilagineuse des parois de la poche copulatrice. 

Enfin, vers leur fond, c’est-à-dire dans le point de leurs adhé- 
rences, ces cellules sont remplies de très fines granulations qui, sous 
un grossissement de cinq cents à six cents fois, ressemblent à un 
poinüllé très fin (fig. 10, pl. IV). Dans cette partie, le protoplasma 
intérieur paraît plus dense, plus massif et moins transparent que 
dans la calotte de l'extrémité libre où une zone transparente en- 
toure le noyau placé dans cette partie. Quant au noyau lui-même, 
il n’est pas volumineux ; il est peu granuleux, et l’action de l'acide 
acétique, tout en le rendant plus évident, le condense et le rapetisse 
(fig. 9). j 

Ces différentes conditions rendent compte de la résistance qu'on 
éprouve, sous la pince à dissection, en prenant une parcelle de la 
vésicule copulatrice. 

Le contenu, habituellement coloré terre de Sienne non brûlée 
ou rougeâtre, ou mieux ocre rouge, est formé de deux matières fort 
distinctes. L'une d’elles, la colorée, est due à une concrétion que, 
très naturellement, on serait, en raison de la même teinte, tenté 
de considérer comme ayant pour origine les granulations de cette 


couleur qu'on a vues dans l'ovaire et qui peuvent être regardées 


ORGANES DE CA REPRODUCTION DE L'ANCYLE FLUVIATILE. 81 


comme matières de rebut ou de dégénérescence des cellules inutili- 
sées. Entraînées par les courants vibratiles, elles pénétreraient dans 
la poche copulatrice. À quel moment aurait eu lieu cette péné- 
tration ? Ilest difficile de le dire, car ce n’est là qu’une supposition. 

L'autre partie est en forme de magma, composé d’une matière 
visqueuse plastique, tenant emprisonnées dans quelques individus 
d'innombrables particules qui ressemblent à des têtes de spermato- 
zoïdes (fig. 9, s). 

C'est justement la présence de ces éléments fécondateurs mâles, 
que l’on a décrits chez d'autres animaux, qui ont fait préjuger chez 
les Mollusques de la fonction de cet organe. 

Si les fonctions qu’on lui attribue sont bien telles qu'elles vien- 
nent d’être rappelées, il faudrait admettre que l'extrémité de la 
verge pénètre dans le col de la poche et que l’éjaculation la remplit 
de liqueur séminale ; que l’Ancyle servant comme femelle, ayant 
fait pendant l’accouplement une provision de spermatozoïdes, les 
utilise pour féconder ses différentes pontes ; puis que, changeant de 
rôle et devenant mâle à son tour, sa poche copulatrice entre au 
repos et que les filaments s'empâtent dans un liquide visqueux, soit 
arrivé par l’oviducte, soit sécrété par les parois mêmes de la poche, 
soit lancé pendant l’éjaculation. 

L’acide acétique met en lumière l'existence de ces corpuscules 
ressemblant à des têtes de spermatozoïdes de la façon la plus re- 
marquable; dans tous les cas, l'existence de la queue est plus dif- 
ficile à constater, soit qu'elle ait disparu, soit que l'acide acétique 
et la mucosité dans laquelle elle est plongée n’en rendent l’observa- 
tion difficile ou impossible. 

Par de nouvelles observations, la vésicule copulatrice prise chez 
la femelle séparée du mâle, pendant la copulation, ne m'a pas paru 
renfermer de spermatozoïdes. J'ai multiplié les observations, et si, 
dans quelques cas (on en trouvera le dessin planche IV, fig. 9),la pré- 
sence des têtes de spermatozoïdes ne semblait pas douteuse après 
traitement par l’acide acétique, dans le cas des Ancyles des Albères 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN, — 3€ SÉRIE, — T, Vli. 4899, 6 


0) H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


qui ont fourni les matériaux à ces nouvelles observations, 1l n’a pas 
paru que cette poche fût un réservoir de sperme, car, s'il en était 
ainsi, après et pendant une copulation, elle devrait renfermer des 
spermatozoïdes actifs et en bon état. 

Les doutes qu’on peut émettre sur les fonctions de cette vésicule 
et sur le point où s'accomplit la fécondation persistent donc et ne 
peuvent être levés que par de nouvelles observations. 

Les réactions que l’on met en pratique par la technique histolo- 
gique modifient d’une telle façon les cellules, que l’on peut dire 
qu'après l’action des réactifs elles sont méconnaissables. J’ai done, 
pour les glandes accessoires et la vésicule copulatrice, cru utile et 
intéressant de prendre des dessins représentant les éléments au na- 
turel; il m'a semblé qu’on avait ainsi une tout autre idée de ces 
organes en les voyant pour ainsi dire vivants et groupés comme ils 


le sont, sans être ridés, contractés et profondément modifiés. 


Oviducte et ses dilatations. — 11 importe de revenir sur les trois 
dilatations de l’oviducte comprises entre le carrefour et le pédoncule 
et la poche copulatrice, afin de faire remarquer que ces parties à 
parois épaisses doivent certainement jouer un rôle dans l’accom- 
plissement des phénomènes de la fécondation; il faudrait, pour bien 
juger de leur action réelle, faire quelques nouvelles observations. 


Nous reviendrons sur ces questions à propos de la ponte. 


IX 
ORGANES EXCLUSIVEMENT MALES. 


(PI. VI.) 


Il importe de reprendre la description du canal spermatique à 
pariir du point où l’on a vu les deux éléments sexuels se séparer 
dans le crible CG (pl. VI, fig. 26 et 27, C). 


Première partie du canal spermatique. — Immédiatement après le 


carrefour, le canal spermatique se recourbe brusquement et se porte 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L'ANCYLE FLUVIATILE. 83 


en arrière et à gauche; puis, se courbant de nouveau à angle droit, 
se porte à droite et, après quelques flexions, passe en avant de 
l'oviducte (fig. 7, pl. Ill) et du col de la poche copulatrice, pour 
atteindre la fin de l’oviducte auquel il s’accole d’une façon si intime, 
que, sans une dissection fort délicate et laborieuse, on pourrait 
croire à l’union de deux canaux (id., fig. 7, dans le point V). 

A partir du point où le canal a rapidement diminué de diamètre, 
il reste cylindrique, grêle, et mérite le nom de canal déférent ; il arrive 
ainsi à la base de la verge, dans laquelle il plonge (id., fig. 7; suivre 
le canal sd jusqu’à la verge Vg). 

Remontons à son origine. 

Immédiatement après sa séparation avec le canal femelle {en C), 
il grossit beaucoup, et sur son côté antérieur paraissent trois, quel- 
quefois quatre cæcums échelonnés et de taille différente (fig. 7, cd). 

Il n’est guère possible de savoir si Moquin-Tandon a vu ces diffé- 
rentes parties de l’appareil. Il indique bien, dans la figure 34 de sa 
planche XXXV, qu'il y a « v', espèce de cæcum ou diverticulum 
du même canal » ; comme, d’ailleurs, il emploie des expressions 
empruntées aux animaux supérieurs, il est difficile de s'entendre. 
Ainsi dans cette figure 34, on voit très bien qu'il n’a pas établi la 
distinction entre les deux glandes accessoires, et il n’y signale que 
la glande de la glaire qui paraît, d’après la description (p. 1476 du 
tome I°), être la première annexe (ga) ; or, on l’a vu, une grande 
différence sépare les deux glandes annexes. Dans son travail, s’il y 
a des indications générales, la précision manque pour la distinction 
de quelques organites bien différents. 

Ges trois cæcums et la partie dilatée qui les porte ont une struc- 
ture qui rappelle celle des conduits spermato-ovariques, que l’on a 
vus remplis de spermatozoïdes. Toutefois, il y a cette différence que 
l'épaisseur de leurs parois étant beaucoup plus grande, les cellules 
qui les forment sont bien souvent sur deux rangs; elles sont, néan- 
moins, plus allongées que larges (fig. 47 et 48 de la planche VII). Elles 


semblent aussi plus denses; leur contenu est, à certains égards, plus 


S4 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


épais, beaucoup plus granuleux, les noyaux devenant moins obscurs 
sous l’action de l'acide acétique. 
| Dans les extrémités des culs-de-sac, les cellules sont plus allon- 
gées que dans la partie étalée du canal (fig. 47), mais aussi elles sont 
couvertes de cils d’une très grande longueur (fig. 48) qui s’agi- 
tent avec activité déterminant dans ces cavités des courants vifs qui 
doivent faire avancer rapidement le contenu de la cavité de l'or- 
gane. Je n'ai pas trouvé dans ces culs-de-sac d'amas de spermato- 
zoïdes, comme dans les culs-de-sac de l’ovospermiductie. 
Très probablement, les trois culs-de-sac doivent produire quejque 


liqueur adjuvante pour aider l’action des spermatozoïdes. 


Canal déférent. — Compris entre les cæcums qui viennent d’être 
décrits et la verge, il n'offre que deux particularités anatomiques à 
signaler. 

Il est cylindrique, à parois épaisses et garni intérieurement d'un 
épithélium à cils vibratiles très actifs, déterminant un courant di- 
rigé des profondeurs de l’organe vers l'extérieur, soit de la glande 
vers le pénis. 

Le premier fait anatomique qu'il faut signaler est son accolement 
contre l’oviducte, au point exactement où celui-ci va traverser les 
parois du corps pour s'ouvrir au sommet de la papille vulvaire. 

Le canal déférent (pl. IV, fig. 7 en V) qui est arrivé en avant sur 
l'animal (en dessous, dans le dessin, de l’oviducte) passe, en faisant 
une première anse, sur son côté gauche ; puis, après l’avoir un peu 
dépassé, revient brusquement en sens inverse pour repasser en avant 
sur l'animal (en dessous, sur le dessin) et prendre sa nouvelle direc- 
tion au côté interne de la dernière partie du canal femelle. Cette 
sorte de circonvolution, fort trompeuse sur des animaux aussi pe- 
tits, ne peut être reconnue que par une disseclion fine, très atten- 
tive. Elle est signalée par Moquin-Tandon. 

Le canal déférent, redevenu interne par rapport à la partie fe- 


melle, chemine vers la tête, mais se glisse entre les téguments et la 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L'ANCYLE FLUVIATILE. 85 


partie supérieure du muscle columellaire, arrive ainsi à la limite 
de ce muscle et rentre alors, en se courbant, vers l’intérieur de la 
. cavité générale pour venir plonger dans la base du cône de la verge. 

Toujours grêle, cylindrique et à parois épaisses, il disparaît à côté 
du flagellum dans l'organe copulateur, que nous allons maintenant 


étudier. 


X 


APPAREIL COPULATEUR. 


Verge (pl. IV et pl. VIT). — L'organe copulateur des animaux 
supérieurs a reçu, dans ses parties composantes, des noms ayant 
pris un tel droit de domicile dans le langage scientifique descriptif, 
qu'on est tout naturellement porté à les employer dans les descrip- 
tions des autres animaux. 

Le pénis est l'organe tout entier. Le gland est la partie terminale. 
Le fourreau ou le prépuce est la partie qui enveloppe la partie termi- 
nale. Trouve-t-on ces parties dans l’Ancyle ? 

Ici l’on a une complication qui déroute la précision de cette no- 
menclature, une glande vient s'ouvrir à côté de la terminaison du 
canal spermatique. Le gland, qui n’a guère la forme que rappelle ce 
nom, est pourtant la terminaison du canal déférent.Il est aigu et res- 
semble plutôt à un dard qui se retire dans un fourreau mince, qui 
serait, en établissant la comparaison avec les animaux ayant fourni 
la nomenclature, le véritable prépuce (fig. 30, pl. V, (9) gland, 
(p) prépuce). 

Ce prépuce s'ouvre dans une sorte de cloaque où l’on voit, à côté. 
et à la base du gland, la fin et l’ouverture du flagellum (fig. 24., 
F, orifice et fin du flagellum). 

Cette disposition, montrée avec une parfaite exactitude dans 
la figure 30, pl. VIT, trouble un peu le sens et la valeur des mots. 

Si l’on compare cette figure à celle de la même planche (fig. 29), 


on voit la verge ou le pénis à moitié évaginé sortir en dehors de l’ori- 


80 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


fice, dont la position en dessous du tentacule gauche a été indiquée 
dans la première description générale. 

À l’état de repos, le corps pénial est intérieur ; on le trouve sur le 
côté sauche du bulbe radulaire, qu’il repousse un peu vers le côté 
droit et en haut de la partie supérieure gauche du muscle columel- 
laire (pl. IT, fig. 6). Dans cette position, il représente exactement 
une toupie un peu aplatie, dont le clou serait le sommet du gland, 
dont la queue serait formée par les deux conduits rapprochés du 
flagellum et du canal éjaculateur terminant le canal déférent qu'on 
peut simplement nommer spermatique (pl. HE, fig. 6, Vg, et pl. IV, 
He IN OL Un) 

C’est ce corps trochiforme qui constitue le pénis et qui doit être 
décomposé en plusieurs parties. 

Lorsque le sommet du pénis commence à faire saillie au dehors 
(fig. 29, pl. VIT, 9), il est entouré à sa base par les bords relevés de 
l’orifice génital mâle appartenant aux téguments, et, dans cette po- 
sition, les bords de l’orifice ressemblent bien à un fourreau, à un 
vrai prépuce. C’est cette partie du tégument invaginé qui constitue 
un véritable premier prépuce et donne la forme de toupie à l’ensemble 
de l’organe, Quand on enlève l'organe copulateur rentré, on peut, 
avec des aiguilles, dissocier cette enveloppe, et alors apparaît le 
second prépuce, qui a été pris pour le gland, et c'est celui-ci qui est 
aplati et qu’on voit pendant l’accouplement (pl. IT, fig. 2). 

Mais, si on l’enlève et le comprime un peu, on reconnaît, dans son 
intérieur d’abord, les deux conduits (fig. 30, pl. VII) du flagellum et 
du spermiduete côte à côte et venant s'ouvrir, l’un (le flagellum) dans 
le fond du cul-de-sac formant cloaque, l’autre, dans la verge qui 
fait saillie dans ce cloaque. Celle-ci est aiguë et ressemble à une 
alène. | 

Les parois du cloaque font partie de la couche interne du corps 
trochiforme qui s’est invaginée et qui s’évagine une première fois à 
moitié quand le sommet, très aigu, fillforme, du gland paraît seul 


au dehors. D'où l'apparence (fig. 7, pl. IV) d’une double invagination. 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L’'ANCYLE FLUVIATILE. 87 


On le voit, suivant l’état dans lequel on observe le pénis, on peut 
prendre pour le prépuce des parties différentes. Dans les deux 
figures 29 et 30 de la planche VII, on voit nettement, en les compa- 
rant, ce qu'il faut nommer premier prépuce ou tégument invaginé, 
deuxième prépuce où corps aplati pris pour la verge; enfin, c/oaque 
préputial, la cavité formée par le deuxième prépuce et renfermant 
le gland et l’orifice du flagellum. 

Le sens des termes étant ainsi précisé, la description devient à la 
fois plus claire et plus facile. 

Le gland (pl. VIE, fig. 30, g), ou partie terminale de Îla portion du 
canal éjaculateur (sed) pouvant devenir saillante, est un cône très 
allongé, dont la base, élargie, s’est épaissie en donnant attache à la 
limite inférieure du prépuce; on voit, au milieu de cette base, arri- 
ver la fin du canal déférent ou partie éjaculatrice, dont les tissus se 
continuent avec ceux de la base épaissie de la verge. 

Dans cet épaississement, le conduit central est plus large et les 
cils vibratles plus longs et plus puissants. 

Vers le sommet très aigu, pointu, effilé, semblable à une alène, 
on perd de vue, sous même de forts grossissements, la lumière du 
canal intérieur qui y existe sûrement, mais dont les contractions 
énergiques rapprochent les parois tout près de la pointe et en font 
disparaître les traces. | 

La structure du gland est facile à mettre en évidence à l’aide sim- 
plement des colorations par les solutions de carmin, aidées par l'ac- 
tion de l'acide acétique. 

L'extrémité effilée prend la couleur d’une façon remarquable 
(fig. 31)! et montre des séries de noyaux d’un fort volume, allongés, 
dont le plus grand diamètre est perpendiculaire à l’axe du cône, 
dont le nombre est d'autant moindre que l’on s'approche plus du 
sommet aigu du pénis. Sous la pointe même, on ne trouve que deux 
noyaux placés l’un au-dessus de l’autre, puis deux placés horizon- 


1 Dans cette figure, les noyaux sont très fortement ombrés pour remplacer l’appa- 
rence que donne la couleur, 


so. H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


talement, et progressivement le nombre augmente en séries trans- 
versales. 

Entre les noyaux et les limites du corps, on distingue des lignes 
faibles qui correspondent vaguement aux parois des cellules com- 
posantes. 

Avec un grossissement de 600 à 700 diamètres, on ne découvre pas 
l’orifice qui doit se trouver au sommet de l'organe, tant les éléments 
se sont tassés et serrés pendant les manipulations histologiques. 

Sans être coloré, le gland, sous un grossissement moyen, paraît 
strié transversalement, et les striations fines et parallèles correspon- 
dent aux séparations des cellules qui le composent. 

Le gland en forme d’alène semble formé de tissus assez fermes 
pour être dans un état constant de rigidité, qui lui permet assez de 
tension pour pénétrer dans l'organe femelle. Il suffit évidemment 
qu'il soit projeté au dehors, pour pouvoir arriver à introduire sa 
pointe dans la papille vaginale et ainsi arriver jusque...? vers la 
poche copulatrice, dit-on. 

Si la structure du gland offre quelques particularités, le bord du 
bourrelet formant l’orifice du deuxième prépuce (pl. V, fig. 29, pr) 
est aussi constitué par une série de cellules dont il importe de signa- 
ler la disposition. 

L'épithélium est formé de cellules en palissade, très serrées les 
unes contre les autres, dont les noyaux paraissent très régulière- 
ment placés sur une ligne parallèle aux contours de l’organe. La 
partie extérieure de la cellule est transparente et infiltrée évidem- 
ment de chitine; les noyaux sont rangés en ligne, tout près de la 
base adhérente de la cellule. Il résulte, de là, qu’on aperçoit la bande 
qu'ils forment tout contre la limite du pénis et, au delà d’eux, en 
dehors la couche transparente chitineuse qui est évidemment pro- 
tectrice. 

Quant au canal spermatique, il offre aussi une structure qu'il est 


facile de constater en s’aidant de l’action des colorants, et même 
sans elle. 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L’ANCYLE FLUVIATILE. 89 


Sans les colorants, on voit clairement deux couches cellulaires 
parfaitement distinctes (pl. VIT, fig. 33, ci, ce). 

D'abord, on remarque que la cavité dans laquelle s’agitent acli- 
vement de nombreux et forts cils vibratiles, dans la direction de 
l'extérieur, est fort étroite (ca); que, de chaque côté d’elle, se trou- 
vent deux couches cellulaires, l’une (ci) à éléments fort petits com- 
parativement à ceux qui sont placés plus en dehors (id., ce). Ces pe- 
tites cellules de la couche interne sont épaisses et à peu près cubiques 
ou polyédriques, ayant des proportions égales dans tous leurs sens. 

Quand on colore le canal déférent en totalité et qu'on fait agir 
ensuite l'acide acétique, la distinction des deux couches devient très 
manifeste (fig. 32, pl. VIT, ci, ce [dans cette figure non colorée, les 
noyaux ont été fortement gravés]); autour du canal, le carmin a 
coloré les noyaux plus multiples qui y sont très rapprochés et dont 
les couches superposées causent une coloration uniforme et diffuse 
dans les plans inférieurs à la couche qui, elle, est au foyer. 

Sur ces mêmes préparations fortement colorées par les imbibi- 
tions, l’autre couche, l’externe, se montre avec tous ses caractères 
que, du reste, on peut aussi reconnaître sans employer les réactifs. 

Les cellules ont leur grand diamètre situé dans le sens de la lon- 
gueur du canal ; elles ont trois ou quatre fois la grandeur des cellules 
de la couche interne, et tandis que dans ces dernières tous les dia- 
mètres sont égaux, ici l’un d’eux, celui qui est parallèle à l’axe du 
conduit, est beaucoup plus grand; les noyaux paraissent ainsi allon- 
és et s'imprègnent très fortement de couleur. Leur chromatine est 
tellement abondante, les grains en sont si tassés et rapprochés, que 
les noyaux ne forment que des amas opaques et rouges, Dans la. 
figure 32 (pl. VIT) vue à 600 diamètres, on peut compter les couches 
de cellules d’après le nombre des noyaux; deux et trois éléments 


cellulaires stratfiés suffisent à former la couche externe. 


Le Flagellum est un long tube qui serpente entre les organes. 


En partant de la base du pénis, il descend jusque dans le voisinage 


90 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


de la glande ovarospermatique et s'approche de plus en plus du côté 
gauche, en laissant les organes à droite et longeant la face interne 
de la partie supérieure du muscle coiumellaire gauche (pl. IITet IV, 
F, flagellum). 

Arrivé à la base du cône pénial, il devient tout voisin du spermi- 
ducte dont il se distingue facilement, car il est rigide et tout droit 
(pl. VIT, fig. 29, F), tandis que le canal séminal est, dans l’enfonce- 
ment de cette base, plusieurs fois contourné et pelotonné. 

Le flagellum est non seulement un organe simple, mais encore 
une glande des plus simples. On ne saurait mieux le comparer, quant 
à sa forme, qu'à une glande sudoripare de la peau des animaux su- 
périeurs, de l’homme, par exemple. 

Il doit produire un liquide certainement utile à l’accouplement. 

En tant que glande, on doit irouver dans sa composition deux 
parties différentes, l’une sécrétante, l’autre excrétante. La distinc- 
tion est si nette que l’histologie de cet organe offre un véritable 
intérêt. 

Si l'on soumet son extrémité en cul-de-sac arrondie en tête de 
massue, après avoir dépelotonné le paquet que forme ceite ter- 
minaison, on y voit avec grande évidence, dans l'épaisseur de ses 
parois, des cellules de trois ordres. 

Les unes, tout à fait extérieures, forment une couche mince ; elles 
sont aplaties et décelées surtout par leur très petit noyau et les 
lignes qui représentent leur épaisseur (pl. VIT, fig. 34, a). Cette 
couche est identique à toutes celles que l’on a vues tapisser les divers 
parties de l'appareil génital. 

Les autres, recouvertes par celle-ci, constituent le parenchyme 
glandulaire ; elles sont devenues polyédriques par l'effet de la com- 
pression réciproque qu’elles exercent les unes sur les autres ; elles 
sont de belle taille (fig. :d., b) et de deux ordres. Les plus nombreuses 
présentent un contenu clair, dans le milieu duquel est un beau noyau 
finement granuleux, facile à voir sans action des réactifs ; on en voit 


d’autres, semées de loin en loin, dont le contenu est formé de glo- 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L’ANCYLE FLUVIATILE. 91 


bules variés pour leur volume, mais transparents et parfaitement 
sphériques (id., fig. 34, c). 

Dans les produits de la sécrétion qui occupe la lumière du canal 
du flagellum, on trouve de ces globules sphériques de toutes tailles 
qu’entraînent les mouvements actifs causés par les cils des parois 
du canal (id., fig. 35, c). 

C'est dans le cul-de-sac et sa partie voisine que les cellules sont 
les plus évidentes, régulières et faciles à observer; dans le reste de 
la longueur, comme le diamètre du flagellum diminue, les cellules 
sont moins distinctes, et la lumière du canal qu'elles laissent entre 
elles est moins grande. Les parois sont formées d’une seule couche 
de cellules à grand diamètre perpendiculaire à l'axe du canal 
(pl. VII, fig. 36). 

Dans le point où le flagellum cesse d’être glandulaire quand il 
devient canal excréteur, point marqué par un rétrécissement très 
net, il est fort intéressant de voir ce que deviennent les deux couches 
de cellules. 

Arrivée au point (fig. 34, R et 29) où le canal éprouve brusque- 
ment un rétrécissement du simple au double, la lame extérieure la 
plus mince, composée d’une seule couche de cellules très plates qu’ac- 
cusent seuls les noyaux, se modifie. Ses cellules deviennent plus 
épaisses, moins comprimées, leur largeur diminue aussi beaucoup, 
et au lieu de ne former qu une seule couche, elles se superposent en 
deux et trois assises (fig. 35, ce’). Il est fort instructif, au point de vue 
des transformations histologiques, de voir le passage de l’une à 
l'autre de ces deux parties d'une même membrane composant le 
revêtement extérieur d’un organe. | 

La couche interne épithéliale que nous avons considérée comme 
épithélium sécréteur diminue également d'épaisseur, ses éléments 
cellulaires se condensent et prennent une consistance plus ferme. 

On peut suivre aussi sur cette couche interne la transformation 
successive des éléments depuis le point où ils sont sécréteurs jus- 


qu'au point où ils forment l’épithélium résistant qui, doublé de la 


92 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


couche plus épaisse extérieure, donne au conduit la rigidité qu'on 
remarque à son arrivée à la base du pénis. 

La figure 35 de la planche VIT mérite une attention toute spéciale, 
La ligne R indique la limite qui sépare les deux parties, elle corres- 
pond au rétrécissement subit qui répond à l’union des deux parties. 
Qu’on y étudie la disposition des deux couches de cellules, et l’on 
verra l’externe devenir plus épaisse et l’interne se transformer en 
s’'amincissant. 

Entre la tête (fig.34) et la partie dontil vient d’être question (fig. 35), 
le flagellum présente la structure glandulaire (fig. 36), les cellules, 
dans son milieu, sont grandes, et la lumière ou canal du centre est 
peu étendue. 

Reste le point d'arrivée du flagellum dans le cloaque du pénis. 

Tout près de son ouverture dans la cavité où fait saillie le gland 
en partie enfoncé dans son prépuce, le canal s’élargit, ses parois se 
dilatent un peu et son ouverture ressemble à un infundibulum dont 
la paroi voisine du gland forme une lame saillante qui paraît s'élever 
comme une cloison dans le cloaque (fig. 29, pl. VIT, une coupe 
optique). 

Le flagellum existe d'une façon trop constante chez divers Gasté- 
ropodes pour n'avoir pas un rôle important. Ne pouvant verser les 
produits de sa sécrétion que tout près du point où la verge propre- 
ment dite est réduite au gland, il est naturel de supposer que sa 
fonction se rattache à l’acte de la copulation. Nous allons chercher 


à connaître son rôle si diversement interprété. 


XI 
DE L'ACCOUPLEMENT. 
(PI. IIL.) 
Moquin-Tandon a indiqué exactement la position que prennent les 
deux individus en s’accouplant. Voici ce qu’il est facile de constater : 
Celui qui joue le rôle de mâle se campe sur le dos de celui qui 


remplit les fonctions de femelle. 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L'ANCYLE FLUVIATILE. 93 


Le premier incline sa coquille vers le côté gauche, le second la 
relève un peu du même côté. Les deux têtes étant dirigées en avant 
ou en haut suivant la position qu'on considère. Cette observation 
est facile à faire. | 

Le mâle rend saillante d'abord la pointe de la toupie péniale, peu 
à peu le cône tout entier sort de l’orifice percé dans'les téguments 
en arrière de l'œil, et bientôt, en s’aplatissant un peu pour pouvoir 
pénétrer entre le pied et la coquille de l'individu jouant le rôle de 
femelle, arrive à la papille sous-branchiale; c’est le deuxième pré- : 
puce qui fait ainsi saillie au dehors (pl. I, fig. 5). 

Alors que se passe-t-il ? 

Pour répondre à cette question, on ne peut évidemment faire que 

des suppositions, mais on verra qu’en les discutant elles deviennent 
légitimes. 
_ Les orifices sont si contractiles et à la fois si dilatables chez les 
Mollusques, que, sans rien voir, on ne peut que supposer la péné- 
tration au moins du sommet du cône dans l’intérieur de la papille 
femelle. [l faut remarquer qu'après un temps assez long de l’union 
des deux individus, la disposition que montre la figure 5 de la 
planche III n’a pas changé. 

Il semble donc que la toupie représentant le phallus ne s’est éva- 
ginée que pour apporter au-dessous de la coquille et jusqu’à la ren- 
contre de la papille vaginale le sommet du gland. Celui-ci, pointu 
comme une alène à laquelle il ressemble, a dû pénétrer dans l’orifice 
vulvaire élevé en forme de papille, et l’évagination de la pointe aiguë 
du sommet du pénis ainsi que sa pénétration ont pu être favorisées 
par le liquide du flagellum versé tout juste à la base du gland. 

Les Ancyles s’accouplent fréquemment quand on les conserve dans 
des vases, et comme ils remontent souvent et se tiennent au bord de 
l'eau, on peut facilement suivre leurs évolutions et leurs ébats amou- 
reux sous la loupe pourvu que les parois des vases soient transpa- 
rentes. 

Il semble rationnel de supposer que le gland étant déjà par lui- 


94 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


même assez long et le col de la poche copulatrice inséré assez près 
de l’orifice vaginal, le sommet de l'organe vraiment actif, à l’extré- 
mité duquel s'ouvre le canal éjaculateur, puisse verser les sperma- 
tozoïdes dans la poche ou dans le canal vecteur des produits femelles 
(fig. 30, pl. V). 

Moquin-Tandon pense que la papille vaginale, c’est-à-dire l’orifice 
pédonculé de la femelle, peut s'élever et pénétrer dans le sommet 
du cône saillant représentant le pénis. Dans ce cas, ce serait la 
partie femelle qui pénétrerait dans l'extrémité de la verge. Il est im- 
possible de visu de confirmer le fait, et par conséquent de l’affirmer 
comme de l'infirmer. Mais Moquin-Tandon avait très probablement 
pris le prépuce pour la verge et ainsi renversé les rôles. 

Où se fait la fécondation ? A cette question il est encore assez dif- 
ficile de répondre ; aussi faut-il revenir au rapprochement des sexes. 

L'accouplement, que les animaux soient au bord de l’eau ou pro- 
fondément situés sous elle, s’accomplit toujours sous le liquide. Je 
ne l’ai jamais vu se produire au-dessus du niveau, par conséquent, 
dans l’air. 

L'animal remplissant le rôle de mâle ne réussit pas toujours ra- 
pidement à s’accoupler avec celui qui lui sert de femelle. On a dit 
que la copulation était longue, cela n’est pas douteux ; mais comme 
l’Ancyle est lent dans ses mouvements, son accouplement a pu, par 
cela même, paraître plus lent encore. 

Pendant plus d’une demi-heure, j’ai vu, sous la loupe, un mâle, 
beaucoup plus petit que la femelle qu'il couvrait, chercher la région 
de l’orifice vaginal. Il avait son organe copulateur évaginé, aplati 
et introduit entre la lamelle du manteau et la sole du pied de la 
femelle, et l’on voyait, par les déplacements de l'organe, très lents 
mais appréciables, que l’orifice femelle était recherché et non trouvé. 
Le mâle était campé trop en arrière et son pénis, fouillant les parois 
postérieures du corps entre l’exitrémité du pied et le manteau, ne 
trouvait pas l’orifice désiré. 

Très probablement le temps employé à la recherche de l’orifice 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L’ANCYLE FLUVIATILE. 95 


femelle par le pénis toujours en érection et se déplaçant très lente- 
ment a dû bien des fois faire attribuer une plus grande longueur de 
temps à la copulation. 

Dans l’un des cas, attentivement observé et suivi, l’organe copu- 
lateur était allongé et très aplati et comme l'individu n'était pas de 
très forte taille, on voyait, au travers de l'organe, une traînée 
blanche unique, qui certainement correspondait au gland ou au canal 
déférent ou éjaculateur rempli probablement par la sécrétion sper- 


matique. 


XII 


DE LA PONTE ET DE LA FÉCONDATION. 


La ponte de l’Ancyle est bien connue; elle a servi à Stepanoff, à 
Moquin-Tandon, à Robin, à Hermann Fol, à d’autres observateurs 
pour se rendre compte de quelques faits d'embryogénmie. Il suffit de 
rappeler que (ainsi que le montre la figure A de la planche III) l’œuf 
yrai, ovarien descendu de la glande hermaphrodite, séparé des 
spermatozoïdes dans le crible ou carrefour, est baigné dans la cavité 
de cet organe par le liquide sécrété par la première glande annexe 
qui s'ouvre également dans le carrefour (fig. 26 et 27, pl. IV); qu'il 
descend dans l’oviducte, et, que là, il doit être entouré d’abord par 
la mucosité de la deuxième glande annexe, et ensuite par une hu- 
meur qui, au contact de l’eau ou de l'air, durcit, et, quoique mince 
et flexible, prend la consistance de la corne. 

Il faut le répéter encore, ce ne sont là que des suppositions. On 
ne peut avancer, en ce moment, autre chose pour soutenir des opi- 
nions que nulle expérience ne confirme, mais que la logique permet 
d'admettre. 

On peut croire que l’œuf s’entoure d’abord, dans le crible ou dans 
la première partie de l’oviducte, d’une couche du liquide jaunâtre 
albumineux de la première glande annexe; qu'ensuite, dans l’ovi- 
ducte, c’est-à-dire dans ce gros canal étendu du crible à la partie 
fort rétrécie qui précède le point où s’ouvre le pédoncule de la 


96 | H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


poche copulatrice et qui, vers son milieu, reçoit les produits de la 
deuxième glande annexe, la vraie glande à mucosité, il trouve une 
matière visqueuse qui le recouvre, lui, ainsi que la couche de la 
substance albumineuse fournie par la première glande annexe. Que 
cette matière, formant une couche protectrice mais encore per- 
méable, descend facilement par suite de la présence de la mucosité 
fournie par la deuxième glande annexe, et qu’enfin, en passant au 
devant de l’orifice de la poche copulatrice, la fécondation a lieu par 
la sortie des filaments spermatiques qu'y a déposés le mâle. Ce se- 
rait dans cette supposition, bien près de la sortie, qu’aurait lieu la 
pénétration du spermatozoïde. 

Dans toutes ces suppositions, que les dispositions anatomiques 
permettent, il faut admettre que les couches diverses de mucosité ou 
d’autres matières restent perméables au spermatozoïde. Sans cette 
condition, il faudrait croire que le spermatozoïde remonte dans l’ovi- 
ducte et féconde l’œuf avant qu'il ne se soit entouré des différentes 
couches qu’en tourbillonnant dans l’oviducte, il a enroulées autour 
de lui. 

Ne peut-on pas se demander enfin si la rencontre du spermato- 
zoïde et de l'œuf ne se fait pas dans l’oviducte au-dessus de l’ouver- 
ture du pédoncule de la poche copulatrice et indépendamment des 
produits introduits dans celle-ci ? 

Cette supposition n'a vraiment rien d’irrationnel et d'impossible. 

Mais il reste toujours cette pensée que fait naître la présence 
de ce qui a paru être des têtes de spermatozoïdes dans la poche co- 
pulatrice. N'est-ce pas au devant de l’orifice de cette poche qu'a lieu 
l’imprégnation ? 

Jusqu'à plus ample informé, on peut donc admettre que la pre- 
mière glande annexe fournit un liquide albumineux, qui, de même 
que dans l'œuf de la poule, représente pour l’embryon un aliment 
comme le blanc pour l'oiseau, que, dans l’oviducte, tout comme en- 
core chez l'oiseau, est sécrété l'élément de la coque resté ici per- 


méable, et qu'enfin la mucosité de la deuxième glande annexe sert à 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L’ANCYLE FLUVIATILE. 97 


faciliter les glissements, les mouvements des trois, quatre ou cinq 
coques que formeront le plus ordinairement chaque ponte. 

La sortie de chacune des coques se fait successivement. Le Mol- 
lusque, en décrivant presque une circonférence, dépose en tournant 
chacune de ses coques ne renfermant qu'un seuf œuf. La matière 
visqueuse plastique qui entoure l’œuf enrobé et inclus comme il 
vient d’être dit, en arrivant au contact du corps solide et sous l’eau 
ou dans une couche d’air saturé d'humidité (ce qui est même rare), 
l'eau remontant sur les bords du vase par capillarité, se fige et se 
coagule, el la ponte présente, dans à peu près trois quarts de cercle, 
les trois coques ne renfermant chacune qu’un œuf. 

M. Moquin-Tandon donne, de ces pontes, des figures qui ne sont 
pas en tout point exactes. Il ne représente pas chaque coque en- 
tourée d'une limite particulière. 

Au moment où je revois ce manuscrit, je fais de nouveau quelques 
observations sur la ponte. 

Les Ancyles mis en observation ont été recueillis à Cadaques, en 
Espagne, et dans les sources de la Baiïllorie, montagne des Abeilles, 
partie des Albères françaises (Pyrénées-Orientales). 

J'ai une ponte où il ÿ a huit œufs, soit huit coques; car il n’y a 
jamais plus d’un œuf dans chaque coque. 

En ce qui touche la fonction de la verge et du flagellum, Moquin- 
Tandon, qui est l’auteur ayant le plus étudié l’Ancyle, a, il faut le 
craindre, émis une opinion qui n’est pas exacte. 

Il n'a évidemment pas reconnu cette partie de l’organe mâle, 
aigu et caché dans un fourreau spécial à côté de l’orifice du flagel- 
lum. Le passage de l'ouvrage du savant professeur de Toulouse est 
à citer; 1l se rapporte à la fois à la fécondation, l’accouplement et la 
ponte : 

« En comparant le volume de l’organe mâle avec l’exiguité de 
orifice femelle, on a peine à comprendre comment la copulation 
peut avoir lieu... La verge ne pénètre pas dans la cavité sexuelle, 
elle reçoit, au contraire, dans sa petite échancrure terminale l’ex- 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN, — 3€ SÉRIE. — T, VIl. 1899. {| 


98 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


trémité du mamelon vaginal. Alors un corps très délié, produit par 
l’appendice flagelliforme, sort de l'organe mâle et s’introduit dans le 
vagin, dans le canal de la vésicule copulatrice et dans cette vessie ; 
il conduit et dépose au sein de cette dernière l'humeur séminale 
dont il est chargé. 

« La première fois que j'observai l’union sexuelle de l’Ancyle flu- 
viatile, je fus surpris de la position de la verge qui reste extérieure 
pendant l'acte. Je crus d’abord que le flagellum se retournait comme 
un doigt de gant... et remplissaitles fonctions d’une véritable verge. 
Je reconnus bientôt que ce flagellum ne sort pas du corps de l’ani- 
mal, qu’il n'agit pas comme pénis. Son rôle est de sécréter.. le corps 
filiforme... et de pousser cette espèce de spermatophore à travers la 
verge, dans le vagin et dans la poche copulatrice. » (T. I*, p. 220 
el 221.) 

Il est bien évident que si l’on oppose cette description à celle des 
figures 29, 30, 31, pl. VIT, du présent travail, on ne peut se refuser 
d'admettre que le gland, tel qu'il a été décrit et figuré précédem- : 
ment, n’a pas été connu de Moquin-Tandon, et que le volume et la 
position constante du corps de la verge pendant le coït ont conduit 
ce savant malacologiste à prendre l’extrémité aléniforme ou l’extré- 

mité balanienne de l’organe copulateur pour tout autre chose que 
| ce que l’on reconnaît qu'il est véritablement, quand on en étudie 
et pousse plus loin l’anatomie à l’aide des préparations histolo- 
giques. 

L'expression employée par Moquin-Tandon à propos du flagellum, 
comme la figure 31 de sa planche XXX, montre le doute qui devait 
exister dans son esprit relativement aux fonctions du flagellum et de 
la verge. « Son rôle, je le répète, est de sécréter, de façonner le corps 
filiforme (le capreolus), et de pousser cette espèce de spermatophore à 
travers la verge, dans le vagin et dans la vessie copuiatrice. » 

J'ai souligné les expressions qui semblent prêter au doute. Qu'’est- 
ce, en effet, qu’un organe qui pousse le capreolus à travers la verge? 


Que le lecteur veuille bien opposer la figure de l’ouvrage de Mo- 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L’ANCYLE FLUVIATILE, 99 


quin-Tandon à celle qui se voit dans la pianche VIT du présent tra- 
vail sous les numéros 27 et 28. L’orifice du flagellum est absolument 
distinct et éloigné du sommet aigu de la verge où,incontestablement, 
s'ouvre le canal déférent éjaculateur. C’est seulement par ce sommet 
algu que peuvent sortir les spermatozoïdes. L'éjaculation aurait donc 
lieu dans la cavité du cloaque prépucial, et les spermatozoïdes réu- 
nis par le liquide fourni par le flagellum en un paquet filiforme 
qu'on nomme capreolus, seraient poussés par le pénis aléniforme 
dans la cavité vaginale ? 

Cette explication serait encore préférable à celle que donne Mo- 
quin-Tandon, mais encore faudrait-il de nouvelles études sur ce 
corps nommé capreolus chez les Mollusques, dont la formation et les 
fonctions sont si vaguement indiquées. 

La figure 31 de la planche XXXV de l'ouvrage de Moquin-Tandon 
est d’une insuffisance absolue, et l’on y reconnaît cependant une 
dilatation de la base du gland et la présence de l’extrémité du flagel- 
lum, mais, quant aux rapports des orifices des deux parties, tout est 
dans l'obscurité. 

Qu'on étudie la figure 28 de la planche V du présent travail, les 
rapports des extrémités du flagellum (F) et du gland (g) ne laisseront 
aucun doute, sur ce fait que, lorsque le gland (g) s’évagine pendant 
l'érection, il doit laisser bien au-dessous de lui l’orifice du flagel- 
lum F; et que, par sa gracilité, il doit pouvoir pénétrer dans la papille 
vaginale femelle en laissant derrière lui l'extrémité terminale externe 
du flagellum. 

On se trouve donc en face de ces deux alternatives : ou l’éjacula- 
tion a lieu dans le cloaque flagello-balanien (qu’on excuse ce mot) 
et est suivie par l’agglomération des spermatozoïdes en un capreolus 
que le gland, en pénétrant dans le vagin, pousse devant lui ; ou bien 
le liquide flagellaire facilite simplement la copulation comme les 
glandes de Cowper dans les animaux supérieurs, et alors l’éjacula- 
tion a lieu pendant le coït dans le vagin, ou peut-être dans la vési- 


cule copulatrice, si le nom indique la fonction. 


100 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


Quelques observations nouvelles seraient à faire dans la saison 
prochaine des amours des Pulmonés, pour résoudre la question et 
décider plus nettement quelle opinion doit être admise. 

En résumé, la question du rôle de la vésicule copulatrice est loin 
d'être résolue, de même que la fonction du flagellum n’est pas com- 
plètement connue. 

Il doit exister des différences irès grandes dans le rôle de la pre- 
mière, si l’on en juge d’après ses formes, sa grandeur et surtout la 
longueur de son pédicule, etle voisinage ou l’éloignement de son 
ouverture de l’orifice copulateur femelle. Tous les auteurs répètent 
que cette poche, renfermant le dépôt des spermatozoïdes, doit four- 
nir l’élément mâle nécessaire à la fécondation. 

En m'’occupant du présent travail, je Jette un coup d’œil sur l'his- 
toire de la Testacelle; j'y retrouve l'expression du même doute, 
et j'y vois que l'œuf entouré d’une coquille calcaire, évidemment 
impénétrable pour le spermatozoïde, est déjà revêtu de sa cara- 
pace bien au-dessus de l’orifice de l’ouverture de la poche copula- 
trice. 

Il faut certainement que la fécondation, c’est-à-dire la pénétration 
du spermatozoïde, s’accomplisse bien avant la formation du revête- 
ment calcaire. 

De même, je ne vois pas dans les dessins publiés par les mala- 
cologistes les relations exactes des orifices du flagellum et de la 
verge proprement dite, spécifions davantage, du gland et du méat 
par lequel s'ouvre le canal éjaculateur au sommet du gland. 

L'exemple de l’Ancyle permet de voir combien il est utile d’arriver 
à la connaissance exacte de ces rapports, en considérant surtout 
que l’on regarde en général le flagellum comme producteur d’une 
sorte de spermatophore ou de capreolus. 

Ainsi, chez la Testacelle, le flagellum est relativement très court ; 
il est loin d'offrir les caractères de celui de l’Ancyle, et la verge 
semble unie à lui d’une façon fort intime, ce qui, pour élucider la 


question relative à la fécondation, offre un intérêt tout particulier. 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L’ANCYLE FLUVIATILE. 401 


Il est encore une question qui a été soulevée, surtout par Gratiolet 
et d’autres auteurs déjà anciens. 

Il en a été dit un mot en commençant. 

Pourquoi le spermatozoïde né et produit à côté de l’œuf, dans le 
même cul-de-sac, ne féconde-t-il pas l’ovule avec lequel il chemine 
dans le canal ovarotesticulaire? Il est de fait que cette question 
embarrasse, et que la réponse n’a pu être donnée qu’en la basant 
sur des hypothèses. 

L’une d'elles est celle-ci : le spermatozoïde sorti de la glande 
hermaphrodite, n’élant pas arrivé à maturité, n’est pas apte à déter- 
miner la fécondation. Il a besoin de passer quelque temps dans la 
vésicule copulatrice de l'individu femelle, pour y terminer son évo- 
lution et y acquérir ses propriétés fécondatrices. 

C'est une raison donnée, c’est une explication ; mais où est la 
preuve? 

En fait, le spermatozoïde, quand on le trouve dans la poche copu- 
latrice, doit être un peu différent de celui qu’on trouve dans les 
culs-de-sac du conduit ovospermiducte. Dans la vésicule copulatrice 
de l’Ancyle dont il ne peut qu'être ici question, ce sont surtout 
d'innombrables têtes que l’action de l’acide acétique a semblé y 
révéler ; dans tous les cas, la queue n’y existait pas, et certainement 
en voyant les spermatozoïdes que l’on trouve dans le canal de la 
glande hermaphrodite, surtout dans les culs-de-sac que l’on peut 
appeler, si on le veut, vésicules séminales, un observateur, quel qu'il 
soit, les prendrait pour des spermatozoïdes normaux. 

Quelle différence y a-t-il donc, biologiquement parlant, entre un 
spermatozoïde sorti d’un acinus de l'individu jouant le rôle de mâle et 
celui d'un individu jouant le rôle de femelle ? On est fort embarrassé 
pour le dire, en ne tenant compte que de la forme, et il me semble- 
rait fort difficile, deux préparations étant faites avec les spermato- 
zoïdes des deux individus jouant pour le moment des rôles différents, 
de reconnaître celle qui correspond au fécondateur et celle qui se 


rapporte au fécondé. 


. 102 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


Chez l’Ancyle, le fait n’est pas douteux. L'œuf a besoin, pour être 
fécondé, d’être pénétré par un spermatozoïde produit par un autre 
individu que par celui qui pond l’œuf. Le fait biologique est incon- 
testable : le caractère physique ne permet pas, du moins en ce qui 
résulte des observations faites jusqu'ici, de reconnaitre en quoiil 
consiste ; peut-être de nouvelles observations conduiront-elles à 
découvrir le rôle différent et la caractéristique des conditions non 
douteuses qui viennent d’être rappelées. 

Pour le moment, le fait n’est pas contestable ; son explication 


reste à trouver. 


Certainement, on peut invoquer les retards, l'inégalité de la ma- 
turité des spermatozoïdes et de l’œuf des deux individus ; si cela 
peut s'expliquer pour certaines espèces, il paraît difficile de penser 
qu'il en est ainsi pour l’Ancyle, car on est loin de trouver, dans les 
deux individus s’accouplant, des différences entre les deux ordres 


d'éléments sexuels pouvant légitimer cette manière de voir. 


Reste un fait à signaler; il m'a frappé dans l’anatomie d’un indi- 
vidu ayant rempli le rôle de mâle. Son flagellum était, dans sa partie 
glandulaire sécrétante, bien plus développé que dans l'individu fai- 
sant fonction de femelle ; et la figure de la planche V représentant 
le flagellum appendu à l'organe copulateur n'est pas développée 
comme l'était le flagellum du mâle surpris en copulation, d’où, bien 
évidemment, il était naturel de conclure que, pendant le rappro- 
_chement des sexes, cette glande simple jouait un rôle non douteux 
et probablement important. 

Il est encore nécessaire de revenir sur le fait de l’existence du 
capreolus. 

De nouveau, j'ai cherché à trouver le capreolus tel que l’a décrit 
Moquin-Tandon. 

Il n’est pas facile de réussir à tout coup lorsque l’on constate ce 


qui s’accomplit lors de‘la copulation. 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L’ANCYLE FLUVIATILE. 103 


Ayant placé dans des cuvettes et des vases de verre de nombreux | 
Ancyles, ces vases étant à hauteur de l’œil afin d'observer facilement, 
il m'a été possible de suivre les évolutions de l'individu jouant le 
rôle de mâle. 

L’érection s’accomplit lentement comme il a été dit; la partie que 
j'ai appelée le deuxième prépuce, le vrai, fait peu à peu saillie et se 
glisse sous la lamelle branchiale. Suivant que l’animal s’est plus ou 
moins bien campé sur le dos de lindividu femelle, son deuxième 
prépuce est aussi plus ou moins allongé. 

Lorsque le mâle ne s’est pas suffisamment rapproché du point où 
se trouve l’orifice femelle, l'allongement nécessaire pour arriver à la 
papille femelle étant plus grand, la transparence de l’organe est aussi 
plus grande, car en s’étirant son épaisseur diminue; on voit alors très 
bien, sous le sillon médian dorsal de son deuxième prépuce pris à 
tort pour une verge, une traînée blanche opaque qui correspond 
au gland et au canal éjaculateur qui le traverse. 

Lorsque l’orifice préputial a ressenti, par la sensibilité spéciale 
dont il doit jouir, le contact de la papille vaginale, le gland sort de 
son fourreau et pénètre dans le vagin. 

Voici comment l’on peut s’y prendre pour avoir des pièces dé- 
monstratives. 

Ayant un petit vase rempli de solution de sublimé saturé et acé- 
tique, on l'approche du bord du vase où se trouvent les animaux et 
on le tient en face des Ancyles accouplés; alors, avec le doigt, 
appuyant sur le dos des animaux accouplés, on peut les faire glisser 
facilement sur les parois des cuvettes ou du bocal, et, en agissant 
rapidement, les précipiter dans le petit vase rempli de solution mer- 
curielle ; la mort arrive très vite. 

Par cet acte rapide, presque toujours le deuxième prépuce reste 
tel qu’on l'avait vu pendant l'observation des animaux accoubplés ; 
cette parlie ne devant pouvoir se contracter que lentement, ou bien 
la pression qu'on exerce sur le dos des animaux quand on les retire 


de l'eau suffit-elle à s'opposer à la rentrée de l'organe copulateur? 


104 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


Le gland est-il plus rapidement retiré en dedans de son deuxième 
prépuce, ou bien ne s'allonge-t-il beaucoup qu après un long temps 
de rapprochement sexuel ? Je ne saurais le dire; toujours est-il qu'il 
est rarement possible d'obtenir la saillie complète du gland chez tous 
les individus tués en plein coït. 

J'ai bien eu des exemples dont le sommet aigu de l’alène repré- 
sentant le gland était assez saillant hors de son fourreau; mais j'ai 
eu moins d'individus n'ayant pas rappelé en dedans leur gland que 
d'exemples ayant pu le faire. Néanmoins j'ai eu de très bonnes pré- 
parations et j’ai pu ne pas pousser plus loin l'expérience. 

Quand la préparation est bien réussie, elle montre à l'œil nu et 
sous la loupe comme un fil blanc délié sortant au delà du deuxième 
prépuce d’une longueur presque égale à tout l'appareil. Il ne me 
paraît pas douteux que ce doive être ce filament, qui n'est autre 
que le gland étiré et fort allongé, qui a dû être pris pour un capreolus 
par Moquin-Tandon; on a vu qu'il n’a pas décrit la véritable verge 
fiiforme. 

A l'examen microscopique, sous un grossissement de 500 diamè- 
tres, la structure cellulaire particulière du gland ne fait aucun doute 
telle qu’elle a été décrite plus haut. 

D'ailleurs, un paquet de spermatozoïdes, sous un grossissement 
semblable, est toujours facile à reconnaître. 

Il semble donc bien difficile, avec la manœuvre qui vient d’être 
indiquée, que, dans aucun des cas, il ne m'’eût été possible de voir 
ce que Moquin-Tandon compare à un spermatophore, le même ob- 
jectif servant à reconnaître avec la dernière évidence et facilité les 
spermatozoïdes dans la glande hermaphrodite ou le canal ovosper- 
miducte et n'en montrant pas dans la cavité péniale. 

Ces sortes de machines servant à transporter des paquets de sper- 
matozoïdes étant plus volumineuses qu'un seul filament, il serait 
vraiment étonnant qu’elles eussent pu échapper à l'observation faite 
avec des instruments à grossissements convenables, alors que le ma- 


lacologiste toulousain n'indique ni l’existence du gland et naturel- 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L'ANCYLE FLUVIATILE. 105 


lement ni sa structure, et qu'il écrit cette phrase tout au moins 
étrange que le flagellum, après avoir travaillé à la fabrication du 
capreolus, le pousse au travers de la verge. 

Peut-être y a-t-1l à rechercher encore ce que sont la forme et le 
mode de production du capreolus, car dans l’Ancyle, où il était signalé, 


je ne l’ai pas vu. 


En résumant les observations relatives à l’accouplement, on doit 
remarquer : 1° que du côté de la femelle, la lamelle auriculaire bran- 
chiale est plus gonflée que chez le mâle et même qu à l’état de repos; 
que, dans la vésicule dite copulatrice, les spermatozoïdes, rien qu’à 
l’état seulement de tête, n’ont pas été retrouvés sur plusieurs femelles 
ayant ,copulé ou prises en copulation; que les glandes annexes ne 
semblaient pas plus gonflées que chez l'individu ayant rempli le rôle 
de mâle, qu’enfin la papille vaginale n’a jamais été trouvée plus sail- 
lante, même chez les animaux tués très rapidement ; 

20 Que du côté du mâle, le second prépuce aplati se courbe et s’in- 
troduit entre les lames palléales et pédieuses en soulevant la lamelle 
auriculaire ; que jamais il n’a été rencontré de capreolus tel que l’a 
décrit Moquin-Tandon; que la verge oule gland pénial très grêle, 
très effilé et pointu fait longuement saillie comme un fil blanc au delà 
de l’orifice du deuxième prépuce, qu'il y a, pendant le coït, évagi- 
nation du gland jusqu'à sa base renflée; que l’orifice du flagellum 
vient lui-même faire une légère saillie au bord de cet orifice prépu- 
lial, et qu’alors le petit cloaque indiqué dans la figure 30, pl. VIL, a 
complètement disparu ; que jamais il n’a été rencontré long et très 
saillant ; qu’il n’a été observé que semblable à un tout petit tubercule 
qui ne doit certainement pas pénétrer dans l’orifice femelle; que le 
flagellum de l'individu jouant le rôle du mâle a toujours paru plus 
volumineux et par suite plus développé et gonflé que chez la femelle. 

De tous ces faits, on peut arriver à conclure, mais non de visu, 
seulement par supposition, que la fécondation doit se passer dans 


l’'oviducte, du moins chez les individus observés en copulation 


106 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


et dont la vésicule copulatrice ne renfermait pas de spermatozoïdes. 

On le voit, l'observation a été poussée assez loin pour permettre 
_de croire que le gland filiforme du pénis a été pris pour le capreolus. 
D'où la nécessité de revoir, chez les Gastéropodes, ce qu'il faut en- 
tendre par capreolus, du moins si l’on tient compte des observations 


présentées ici. 


XIII 


REMARQUES SECONDAIRES SUR LA RESPIRATION, LA VITALITÉ DES ANIMAUX 


ET LA NOMENCLATURE DES PARTIES. 


Les malacologisies se sont beaucoup occupés de la question de 
savoir par quel organe et comment respirait l’Ancyle. 

Moquin-Tandon lui trouvait un poumon, une poche respiratoire 
au-dessus du cœur. Je n'ai jamais pu voir, dans la dépression entre 
le corps et le manteau, dans le point signalé par Moquin-Tandon, 
un organe respirateur spécialisé. 

M. André, qui a publié un travail sur l’anatomie de l’Ancyle, dé- 
clare de même n'avoir Jamais pu reconnaitre le poumon indiqué par 
l’auteur toulousain. Il a essayé de tous les moyens, anatomie fine, 
procédé des coupes en série, rien ne lui a démontré l'existence d’un 
poumon, et c’est la vérité. 

Or, il est facile de constater, quand on laisse des Ancyles dans un 
bocal plein d'eau, que la plupart d’entre eux s'élèvent au niveau de 
l’eau, et que celle-ci, par capillarité, baigne le bord de la coquille 
de la tête et que la partie postérieure ou inférieure est plongée dans 
la couche superficielle. 

Il arrive aussi très fréquemment que quelques-uns des animaux 
montent assez au-dessus du niveau pour être complètement en de- 
hors de la zone d'humidité. Si bien que peu à peu ils se dessèchent 


et meurent. En s’élevant ainsi et sortant du liquide, ils fuyaient, 


1 Émile AnprÉ, Revue suisse de zoologie, 1893, t. I, p. 428, Histoire de l’Ancyle flu- 
vialile. « Nous pouvons affirmer hautement que l’Ancyle n’a pas de poumon. » 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L’ANCYLE FLUVIATILE. 107 


sans aucun doute, au moins une condition défavorable à leur exis- 
tence, condition qu'il est assez difficile d'apprécier, mais qu’on peut 
rapporter à l'insuffisance de l’aération de l’eau. 

Il est encore certain que bon nombre d'individus séjournent au fond 
du vase, et, dans ce cas, il n’est pas possible de ne pas reconnaitre 
que, dans cette position, la respiration est entièrement aquatique. 

On vient de voir que l’acccouplement se passe sous l’eau. 

Toujours les coques des pontes sont également au-dessous du 
niveau et quelquefois profondément sur le fond des vases où l’on ne 
peut guère conserver des Ancyles sans avoir des pontes. Or, les 
jeunes sortent des coques où ils se sont développés dans un état 
d'organisation fort avancé. Le manteau, la lamelle auriculaire, le 
système nerveux, le tube digestif, la radula surtout, rien ne leur 
manque. J'ai des dessins de ces jeunes Ancyles, qui, vus et dessinés 
à un grossissement suffisant, rappellent absolument un adulte. Dans 
le cas où les coques d’où sortent ces jeunes Ancyies sont profondé- 
ment déposées, il est bien évident que la respiration des embryons a 
été absolument aquatique; tout comme lorsque les animaux séjour- 
_ nent au fond des vases. 

Quand on recherche l’Ancyle dans les ruisseaux des montagnes, 
comme à Cadaques, dans les Albères, j'en ai trouvé à Amélie-les- 
Bains, dans le Gorg-Blau des îles Baléares, dans les ruisselets des en- 
virons de Néris ; sur les bords de la Dordogne, aux Eyzies, à George- 
d'Enfer ; on en a aussi beaucoup trouvé pour moi à Vic-sur-Cère, à 
Las-Fons. C’est toujours sous ou sur les pierres qui reçoivent l’eau 
qui tombe en cascade d’une source ou coule en nappe peu épaisse 
assez tourmentée par la rencontre des cailloux fqu’on rencontre 
l’Ancyle fluviatile. 

La respiration est largement cutanée. Cela est certain. 

Si elle n’a pas d'organe absolument spécialisé, il n’en est pas moins 
vrai que la lamelle auriculaire présente les meilleures conditions 
pour l’endosmose des gaz. Suspendue dans le liquide, elle est mince, 


et l'épaisseur de ses parois séparant le milieu ambiant du milieu 


108 IH. DE LACAZE-DUTHIERS. 


interne n’est pas grande. D'ailleurs, la base de cette lamelle est très 
voisine du cœur; d’où il suit bien évidemment que la lamelle doit 
_ jouer un rôle important dans l'hématose, sans en être le seul et 


exclusif organe. 


Mais voici une expérience qui s'est produite seule et a duré plu- 
sieurs mois ; elle a trait aussi bien à la respiration qu'à la vitalité de 
l’Ancyle. 

Elle prouve d’abord que, dans la même eau tranquille, l’Ancyle 
peut vivre longtemps. Ensuile, qu'il ne vient pas toujours à la sur- 
face de l’eau, et que sa respiration peut s’accomplir sous une 
colonne d’eau d’un décimètre de hauteur. 

On m'avait apporté, vers la fin du mois d'août 1898, des Ancyles 
bien vivants pêchés dans la rivière la Cère, du Cantal. 

Beaucoup moururent quand Je les eus, après leur voyage, placés 
dans des vases avec de l’eau de source du Périgord très chargée de 
calcaire. La Cère coule dans un lit de terrains anciens. 

Quelques-uns vinrent se placer au niveau de l’eau du vase. 
D’autres restèrent fixés au fond du bocal à environ au-dessous de 
8 à 10 centimètres d’eau. 

En octobre 1898, je dus rentrer à Paris : je laissai sur ma table 
de travail le vase ne contenant plus que sept ou huit individus tous 
fixés dans le fond du bocal sur la paroi verticale. Quand je revins 
au commencement de mars 1899, je trouvai tous mes Ancyles au 
fond du bocal, renversés ; les coquilles étaient vides, sauf une qui 
restait fixée dans la situation où je l'avais laissée. Je crus, à cette 
époque, que l’animal était mort, et que sa coquille restait fixée par 
les mucosités et les détritus dus à la décomposition. Je m'’absentai 
de nouveau et n’examinai le bocal que par acquit de conscience, au 
commencement de mai, en revenant du laboratoire Arago. 

Avant de vider le bocal, je regardai attentivement avec une forte 
loupe l’Ancyle fixé que je croyais mort. On voyait un petit amas de 


tissus blanc transparent au fond de la coquille. 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L’ANCYLE FLUVIATILE. 109 


Deux points noirs peu distincts, mais qui occupaient la place des 
yeux, ayant appelé mon attention, je changeai l’eau qui était restée 
la même, du commencement d'octobre 1898 au 10 mai 1899, et Je 
remplis le bocal d’eau fraîche de source. 

On sait que les Ancyles ne sont pas très vifs, leur locomotion 
est lente. Marquant d’un point noir à l'encre la place de mon ani- 
mal, je ne fus pas peu étonné de voir que la coquille avait dépassé 
un tout petit peu la tache. 

Après deux heures, il était au-dessus de l'encre, et il n’y avait pas 
de doute possible, il s'était déplacé, il était donc vivant. L'eau de 
source l'avait tiré de sa longue léthargie. À la fin de la journée, il 
avait gagné presque le bord de l’eau. 

Pendant son trajet, j'avais pu l’examiner plusieurs fois. Son corps 
était blanc, ses tissus, réduits dans leur volume, avaient une trans- 
parence extrême. Toute la couche de cellules, habituellement rem- 
plies de granulations pigmentaires noirâtres, était débarrassée de sa 
matière colorante. 

L'animal, devenu transparent, avait singulièrement maigri, et l’on 
yoyait seulement, entre les deux points noirs qui étaient bien ses 
yeux, le bulbe lingual rougeûtre très évident, et vers le milieu de la 
journée, la radula avait commencé ses mouvements ; l’animal cher- 
chait incontestablement à râper les parois du bocal pour y trouver 
de la nourriture. 

Les tentacules, quoique fort transparents, étaient reconnaissables ; 
quant aux autres organes, rien ne les différenciait dans la masse 
organique translucide placée au sommet de la coquille. 

Voilà donc un Ancyle ayant vécu sept mois et demi dans la même 
eau. Le vase avait été rempli à mon départ pour Paris et recouvert 
d'un disque de verre bleu. 

Tout porte à croire qu'il avait gardé la même position pendant ce 
long temps ; dans tous les cas, il ne s’était pas déplacé depuis mon 
arrivée de Paris, ni pendant un mois et demi, durée de mon séjour 


en mars, avril et mai, au laboratoire Arago. 


110 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


IL est évident que l'animal à résisté pendant assez longtemps à la 
privation de nourriture et qu'il à pu respirer sous une couche d’eau 


dont l’aération et le renouvellement n’avaient pas eu lieu. 


Encore un mot sur la nomenclature et sur la netteté de la com- 
position organique du système reproducteur de l’Ancyle. 

La glande hermaphrodite est, le plus souvent, très évidente dans 
les Pulmonés ; mais, ici, elle offre un type des plus favorables pour 
l'étude de l’hermaphrodisme. 

Le canal ovaroiesticulaire ne peut laisser de doute sur sa simpli- 
cité, et les culs-de-sac latéraux remplis de spermatozoïdes pour- 
raient légitimer le nom de vésicules séminales, qu'on est tenté de 
donner à cette partie. 

Quant à l'organe, après lequel œufs et spermatozoïdes voyagent 
séparés, il paraît si caractérisé que J'ai hasardé le nom de carrefour 
ou crible. Il présente les orifices mâles et femelles désormais dis- 
tincts ; l'ouverture de la glande annexe, fort constante dans la série 
des Pulmonés androgynes, et qui mérite de conserver le nom de 
glande albuminopare, est toujours la première glande annexe, après 
la séparation des produits sexuels. 

Je n'ai pu employer que le nom général d’oviducte, pour le canal 
qui du carrefour amène les produits femelles jusqu’à l’orifice vul- 
vaire. 

Donner le nom de matrice à cette première partie du canal vecteur 
femelle me paraît tout aussi inutile que peu justifié. Employer le 
nom de prostate, pour les parties de cet oviducte devenu plus ou 
moins glandulaire et devant fournir quelques produits adjuvants de 
la fonction embryogénique, ne parait pas non plus légitime. 

Pour l’Oiseau, il n’est venu à l’esprit d'aucun ornithologiste ou 
anatomo-physiologiste de nommer matrice, utérus, le canal vecteur 
des œufs qui, cependant, les entoure d’abord du blanc ou albumine, 
ensuite de la coquille. On le nomme tout simplement oveducte. 


De même ici l’oviducte sécrète, à n’en pas douter, les éléments 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L’ANCYLE FLUVIATILE. 111 


destinés à constituer la coque protectrice de l’œuf et le blanc ou 
couche albuminoïde destiné à alimenter le jeune, a été sécrété au 
point d’origine de l’oviducte. | 

Ici encore, sur le trajet de l’oviducte, s'ouvre invariablement, vers 
la moitié de sa longueur, la deuxième glande accessoire, dite de la 
glaire ou de la mucosité, dont le produit est destiné à lubrifier les 
parois du conduit et à favoriser la sortie des œufs enveloppés d’al- 
bumine et de la substance destinée à se coaguler et à former la 
coque des pontes. 

Du côté du mâle, il n’est pas douteux que la verge ou pénis offre, 
vers son extrémité, une partie effilée à laquelle le nom de gland, 
bien impropre si l’on ne considère que la forme, doit être conservé 
cependant en raison de ses fonctions et de sa position. 

A côté de la base du prépuce ou membrane enveloppante du gland 
se trouve l’orifice du flagellum, véritable glande qu’on a considérée 
comme le moule dans lequel se produit le capreolus ou spermato- 
phore. 

Il faut remarquer qu'ici du moins il n'existe pas une relation di- 
recte, comme semble le croire Moquin-Tandon, entre l'ouverture du 
canal déférent et celle du flagellum ; lorsque le gland fait saillie, 1l 
porte au dehors, pendant son érection, l’ouverture du flagellum qui, 
alors, se trouve à sa base et ne peut coiffer son sommet, comme 
sembleraient l'indiquer les opinions qui conduisent à admettre que le 
capreolus se formerait dans le tube du flagellum. 

Que le produit de sa sécrétion puisse aider à la formation du 
Spermatophore, cela est bien possible ; mais il serait nécessaire de 
plus de faits positifs apportés à l’appui de celte opinion.Une démons- 
tration plus probante qu’une affirmation est nécessaire. | 

Le nom de canal déférent peut et doit servir à désigner le conduit 
exclusivement mâle, tout comme sa dernière partie, dans le centre 
de la verge, peut recevoir le nom de canal éjaculateur. 

En remontant plus haut, on trouve bien trois cæcums après la 


séparation du conduit mâle et du conduit femelle; mais est-il bien 


112 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


utile de les nommer prostate, sans connaître au Juste leurs fonctions? 

En terminant, on le voit, la description a justifié l'affirmation con- 
tenue en tête de ce travail d'anatomie comparée. Il est modeste et 
l'on peut affirmer que les organes génitaux de l’Ancyle fournissent 
un exemple, un type de l'appareil génital hermaphrodite facile à ana- 
lyser, et ne laissant de doute que sur les points signalés relativement 
à la fécondation et au lieu où se forment les coques des pontes. 

Il n’a pas été fait à dessein de comparaisons morphologiques avec 
ce qui s’observe chez les différents Mollusques. Le type est isolé et 
servira certainement à retrouver des relations plus faciles à grouper 


par les comparaisons ultérieures et la recherche des homologies. 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L’ANCYLE FLUVIATILE. 113 


EXPLICATION DES PLANCHES, 


PLANCHE III. 


ANCYLE (ACCOUPLEMENT). 


FiG. 1. Ancylus fluviatilis vu par le côté gauche. Le manteau a été relevé et l'on 
voit, sans qu'il soit nécessaire de lettres de renvoi, au-dessous du tenta- 
cule, à la base duquel un point noir représente l’œil, à l'extrémité infé- 
rieure de la languette qui se prolonge, un mamelon percé d’un orifice ; 
c’est l’orifice mâle. 

Plus bas encore, entre le pied à gauche et le manteau relevé, paraît la 
lamelle que l’on considère comme étant l’organe de la respiration, 

Sur le bord de cette lamelle respiratoire et vers le milieu de son éten- 
due se trouve l’orifice de l’intestin postérieur, l’anus. 

2, Le même animal que dans la figure 1, avec cette différence que la lamelle 
respiratoire a été relevée vers la droite, contre le manteau également re- 
levé. La fin de l'intestin postérieur paraît comme un trait noir sur le mi- 
lieu de cette lamelle, et, tout près de sa base, l’orifice génital femelle qui 
recouvrait la lamelle dans la figure 1. 

Par l’orifice placé au-dessous du tentacule gauche fait saillie un corps 
conoïde terminé par un stylet pointu et aigu, entouré à sa base par un 
repli circulaire formant comme un bourrelet. 

L'animal est en état d'érection tel qu’on le voit au moment où il va s’ac- 
coupler. C’est donc la verge qui est sortie de son fourreau et qu’on voit 
dans cette figure. 

3, Le repli respiratoire grandi et présentant ce que l’on rencontre quelque- 
fois ou une contracture sur la gauche ou une véritable échancrure qui 
laisse à nu l’orifice génital femelle, dont la lèvre se prolonge en un petit 
mamelon saillant, 

4. Deux Ancyles accouplés vus par le dos. Celui qui joue le rôle de mâle est 
penché sur le côté gauche. 

5, Le même couple vu par la face antérieure pédieuse. Le corps conoïde, ou 
lé pénis, saillant dans la figure 92, s’est insinué entre la lamelle respi- 
ratoire, qu'on distingue au-dessous de lui contre la coquille, et le pied 
qui s’est contracté et écarté vers le milieu de sa longueur pour faciliter 
le rapprochement sexuel. 

6. Un Ancyle ouvert par le dos, dont tous les organes ont été enlevés avec le 
manteau. Sauf le bulbe radulaire, la gaîne de la radula et les organes 
génitaux. 

B, bulbe buccal ou radulaire. 

R, gaîne et matrice de la radula, 

F, flagellum., 

P, pénis conique, ressemblant à une toupie quand il est au repos et 
rentré dans la cavité du corps. 


ARCH,. DE ZOOL. EXP, ET GEN. — 3€ SÉRIE. — T, VI, 1899, 8 


114 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


A 


Lorsque les organes sont à côté les uns des autres, il doit pousser à 
droite le bulbe radulaire. 

Le flagellum F plonge dans la base du pénis qui présente l’ouverture 
d’un infundibulum, à côté du canal déférent (sd), dont on peut suivre 
les traces depuis le point V où est la terminaison du canal femelle, dont 
il contourne la fin pour sortir de la cavifé générale, passer entre les tégu- 
ments et la partie supérieure du muscle columellaire, enfin pour rentrer 
dans la cavité, et, en serpentant sur l'organe copulateur mâle, arriver à 
sa base, dans laquelle il pénètre. 

OT, la glande ovaro-testiculaire, de teinte légèrement orangée, qui est 
franchement mâle et femelle. 

ga, première glande annexe, fournissant le liquide albumineux. 

gb, deuxième glande annexe; c’est celle-ci qui produit dans l’eau un 
amas glaireux; ses éléments se gonflant comme du mucus. 

Tous les détails des connexions des diverses parties sont très exacte- 
ment indiqués dans cette figure. Pour ne pas la surcharger, il n’a pas été 
ajouté des lettres à chaque organe. Mais lorsqu'on aura bien étudié la 
figure 7 de la planche IV, on reconnaïîtra aisément chacune des parties 
dans cette figure de la pianche III. 


PLANCHE IV. 
ANCYLE (ORGANES GÉNITAUX!. 


Fig. 7. Cette figure représente très fidèlement les différentes parties des organes 
de la reproduction, depuis la glande hermaphrodite (gt) jusqu’à l'organe 
copulateur mâle (Va) et à l’orifice vulvaire femelle (V), (gt), la glande gé- 
nitale formée de culs-de-sac piriformes, coniques, dont tous les sommets 
s’unissent pour donner naissance à un canal unique (osd), l’ovospermi- 
ducte, qui, en un point assez près de la glande hermaphrodite, présente 
des cæcums latéraux (vs) dont on trouvera l’histoire planche VE, fig. 23. 

Ce canal arrive à un corps circulaire un peu aplati C. Voir son his= 
toire planche VI, fig. 27. 

De la partie C sortent deux conduits très différents, l’un piriforme (od), 
l'oviducte, qui bientôt arrive dans un autre conduit (od'), s’unissant 
aux canaux (gc'), lesquels reçoivent la deuxième glande annexe ou 
glande à mucosité (gb). La première glande annexe (ga) s’ouvre dans la 
pièce (C). 

Le conduit oviducte (ge) se rétrécit brusquement en ov et s’unit au 
pédoncule de la vésicule copulatrice (vec); après cette union arrivant au 
contact du canal spermiducte ou déférent (sd), qui forme une anse double 


autour de lui, il s’ouvre à l’orifice femelle (V). 


Remarque. — Ce n’est qu’à partir de la pièce (GC), appelée dans le texte 
crible ou carrefour, que les œufs ont cheminé seuls et séparés des sperma- 
tozoïdes à côté desquels ils étaient nés dans la glande hermaphrodite (gt). 

Si l’on part de la partie {C), on voit à sa gauche trois culs-de-sac (cd) 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L’ANCYLE FLUVIATILE. 115 


qui sont la première partie du canal mâle ou vrai spermiducte (sd), (sd), 
(sd), qui vient s’accoler à la base du pénis trochiforme, au sommet duquel 
se montre, comme un stylet aigu, la verge (V9) entourée d’un fourreau 
ou prépuce (pr). Enfin, le flagellum (F) vient aussi pénétrer dans la base 
du cône du pénis, à côté du canal déférent; mais, en un point (R4), le 
canal du flagellum présente un brusque rétrécissement; c'est en ce point 
qu'a lieu un changement de nature de ses parois. 

Fic. 8. La vésicule copulatrice ouverte. Dans son intérieur, on trouve une sorte de 
masse solide et bosselée de couleur rougeûtre; en la traitant par l’acide 
acétique, on y reconnait de nombreux corpuscules ressemblant à des 
tètes de spermatozoïdes. 

9. Contenu de la vésicule copulatrice traité par l'acide acétique. À gauche, 
des noyaux de cellules ; à droite, dans le bas, des corpuscules nombreux 
ressemblant à des spermatozoïdes ; en haut une partie du magma coloré, 
ayant perdu ses contours heurtés par suite de l’action de l'acide. 

10. Dans la figure 8, on peut remarquer un réseau très délicat de figures poly- 
gonales (la figure est vue à un faible grossissement). Cette apparence est 
due aux cellules formant ou tapissant la paroi de la lamelle mince qui 
limite la cavité de la vésicule. 

Dans la figure 10, l’on voit une coupe optique de la membrane mince 
portant les noyaux (n') des cellules formant la membrane enveloppante, 
et, au-dessus, on trouve des cellules volumineuses tapissant la cavité. 
Nous verrons même chose pour les glandes annexes. Ces cellules, trai- 
tées par les liquides fixateurs, n’ont plus cette apparence. 

On voit leur partie interne bombée faisant saillie dans la cavité et pré- 
sentant un noyau assez volumineux, dont les parois très minces ne sont 
pas accusées, mais dont le nucléole est constamment visible. 

Cette figure a été prise sur une parcelle de la vésicule vue à un assez 
fort grossissement; mais sans aucun traitement par les réactifs et l’ani- 
mal étanthbien vivant. 500 d. 

11. Vue, au même grossissement que pour la figure 10, de la même partie, 
mais le foyer du microscope est dans de telles conditions que les noyaux 
et les cellules de la membrane limitante ne sont pas vus, on les devine 
à l'éclaircissement du centre, le but de la figure étant de montrer la 


forme polyédrique des grosses cellules intérieures que l’on voit de profil 
dans la figure #0. 


PLANCHE V. 


ANCYLE (ŒUF ET SPERMATOZOÏDE). 


fic. 12. La glande hermaphrodite légèrement comprimée, vue dans son ensemble 

à un faible grossissement ; on y distingue les cavités centrales des acini 

venant toutes se réunir en un cloaque (co) qui se continue avec le canal 
ovospermatique (ovsp). 

On ypeut reconnaître que les parois des fonds des acini ou culs-de-sac 

sont beaucoup plus épaisses que vers leurs parties voisines du canal vecteur. 


116 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


Fic. 13. Deux culs-de-sac ou acini de la glande hermaphrodite ; le cul-de-sac de 
gauche est vu par l'extérieur ; le foyer du microscope est disposé de telle 
façon que l’on voit le réseau des cellules formant la couche ou l’enveloppe 
externe. 

À remarquer en passant les concrétions calcaires plus ou moins sphé- 
roïdales (cl) réfractant vivement la lumière et paraissant par cela même 
très claires au centre, très obscures au pourtour. 

La présence de ces concrétions n’est pas spéciale à la glande génitale 
hermaphrodite ; on la retrouve un peu partout, dans le manteau et dans 
la surface de presque tous les organes. 

Le cui-de-sac à droite montre dans sa cavité un paquet de spermato- 
zoïdes rapprochés parleur tête: sur les parois, en (eg), l’épithélium germi- 
natif; en (æ), deux œufs déjà bien développés ; en (g), les amas des gra- 
nulations colorées qui donnent à l’organe la teinte légère orangée. Dans 
l’'épithélium germinatif, on reconnaît de grandes cellules que l’on verra 
isolées dans la figure 17 remplie de spermatides (sp). On voit encore, dans 
l'épaisseur de la couche cellulaire, des œufs peu développés, mais bien 
caractérisés. 

14. Un fragment du vul-de-sac dans la paroi duquel on trouve le noyau (n), vu 
de profil, des cellules formant l'enveloppe. (æ) un ovule peu avancé dans 
son développement; le vitellus n’est pas encore déposé; en (æ'), un œuf 
dont l'enveloppe vitelline, encore fixée à la membrane limitant le cul- 
de-sac, est rompue dans le point opposé, le vitellus granuleux s'échappe 
et la vésicule germinative avec ses deux nucléoles est bien évidente, l’un 
transparent, l’autre granuleux. 

15. Un œuf qui est à peu près mür. Son enveloppe vitelline n’est point dou- 
teuse etson contenu pâteux fait hernie en haut. 

16. Un œuf parfaitement reconnaissable ainsi que son enveloppe d’origine 
cellulaire encore fixée à la membrane limite de l’acini. 

17. Le contenu d’un cul-de-sac formé par des spermatozoïdes empâtés en (m) 
dans une matière pâteuse qui tient les têtes agglutinées, tandis que, 
d'autre part, les têtes sont libres dans le point (ps). On trouve plus à 
droite un paquet dont les têtes sont réunies et les queues libres (ps); 
en (sp), spermatogonie renfermant des spermatides ou organites produc- 
teurs des spermatozoïdes. 

18. Différentes cellules dont le contenu est devenu granuleux et coloré et qui 
ont été signalés dans la figure 13. Ici, on voit en (g) la cellule remplie 
de granules, en (g'), les granules paraissant former des cellules ayant un 
nucléole ; en (g”),on voit une cellule avec deux granulations; il est per- 
mis, en les voyant, de penser que ce sont des cellules destinées primiti- 
vement à produire des spermaties ou des œufs atrophiés et transformés 
en organites de rebut. 

19. Un ensemble de nombreux éléments producteurs des spermatozoïdes, au 
milieu desquels on voit, à des grossissements divers, des spermatozoïdes 
dont la queue est enroulée et la tête sur le côté du spermatide. 

La tête se dégage la première; on trouvera, dans cette figure, tous les 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L’ANCYLE FLUVIATILE. 1417 


passages entre un spermatozoïde entièrement libre et un ayant à l’extré- 
mité de la queue un reste de la spermatide. En (s), les spermatozoïdes 
fortement grossis (700 fois) pour montrer la tête un peu conique courbée 
en faucille; enfin, dans le bas, spermatides ou cellules renfermant des 
spermatozoïdes enroulés. 

Fic, 20. L'ensemble des différents éléments de l'épithélium germinatif depuis (a), 
grande cellule remplie de spermatides, en (b), (c) et (d) ayant une seule 
cellule secondaire interne ou n’ayant qu’un noyau. 

21, La première partie du canal ovospermiducte contracté et vu à un assez fort 
grossissement. Les cellules composantes de sa paroi ont leur grand dia- 
mètre perpendiculaire au canal; elles sont chargées de longs et actifs 
cils vibratiles, 

Au-dessus de l'ouverture du canal ovospermiducte, il y a un amas de 
granulations venant des rebuts de la sécrétion. 

22, La même origine du canal (ovsp) se dilatant pour recevoir l'œuf (æœ) qui 
s'engage dans l’orifice. Prise à la chambre claire. 


PLANCHE VI. 


ANCYLE (OVOSPERMIDUCTE). 


Fic. 23, Partie de l’ovospermiducte couvert de cæcums latéraux remplis de sper- 
matozoïdes. Si l’on voulait employer la nomenclature usitée pour les ani- 
maux supérieurs, on pourrait nommer cette partie les vésicules séminales. 

24, Portion latérale du canal vu dans la figure précédente. Sans aucune prépa- 
ration, Comme dans tous les organes, on reconnaît une couche mince 
externe formant la membrane limite avec des noyaux (») et des corpus: 
cules calcaires semés çà et là (cl). 

On reconnaît, par des stries légères, perpendiculaires aux surfaces, 
les séparations des cellules qui composent les culs-de-sac, et qui se voient 
d’une façon si évidente dans les culs-de-sac traités par l’acide acétique, 
comme dans la figure suivante. 

25, Un cul-de-sac de la partie du canal ovospermiducte traité par l'acide acé- 
tique très faible. Vu à un grossissement de 500 diamètres. 

Les cellules sont énormes et les noyaux granuleux deviennent remar- 
quables. 

Dans cette figure, dessinée en vue optique et non en coupe faite par 
l'instrument tranchant, on reconnait admirablement les rapports, la si- 
tuation, la forme des cellules composantes et l’on voit la cavité du cul- 
de-sac remplie par les spermatozoïdes, qui, chose remarquable, ont tou- 
jours les têtes ramassées dans le fond ou le haut du cul-de-sac. Or, le 
mouvement des cils vibratiles est dirigé de ce fond vers le canal com- 
mun; il faut donc que les spermatozoïdes soient arrivés, poussés par 
leurs mouvements propres pour occuper cette position. Il est difficile, 
dans les animaux, de trouver un organe plus franchement cellulaire, 
c'est-à-dire dont les éléments constitutifs cellulaires soient moins trans- 
formés. 


118 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


Fic. 26. Elle est fort intéressante, cette figure, car elle présente à la fois l’union des 
parties mâles et femelles et la séparation des conduits des deux sexes 
devenus après elle absolument distincts. 

La partie (C) est ce qui a été nommé crible ou carrefour. En effet, l’ovo- 
spermiducte (0sp) s’y rend. La première glande annexe fournissant l’al- 
bumine s’y ouvre (ga). Il en part l’oviducte (od'), suivi, après un étran- 
glement, d'une seconde partie (od”), et le canal déférent (sd) en sort à 
gauche. C’est donc un vrai carrefour, où des éléments divers se retrou- 
vent pour se séparer et suivre chacun une voie distincte. 

Dans le haut, le canal (sd) est suivi par une dilatation portant trois 
cæcums (cd), quelquefois quatre, dont les fonctions sont assez difficiles 
à définir. Ils doivent sécréter un liquide accompagnant les spermatozoïdes 
dans le spermiducte (sd’). 

27, La cavité de la partie C (carrefour), ouverte pour montrer les différents 
orifices qui s’ouvrent dans son intérieur : {oga), orifice de la première 
glande annexe ou de l’albumine ; (od), orifice direct du canal ovosper- 
matique; (osd), l'ouverture du carrefour ou crible placé au sommet du 
museau de tanche (od') faisant saillie dans cette première partie du véri- 
table oviducte. Sur la gauche de cet orifice (od'), le canal ovospermiducte se 
contourne, et, décrivant un arc à concavité ouverte en dehors, se conti- 
‘nue avec la partie (sd) de la figure précédente; il est ici indiqué par (sd), 

28, Cette figure représente l’arrivée du canal hermaphrodite (osd) sur la face 
antérieure du carrefour (C). En (b), le canal se courbe et, dans la figure, 
se porte directement en bas en (sp); mais, en ce point aussi, il envoie une 
branche en (od), C’est le canal (b-od) qui conduira les œufs. C’est l’ovi- 
ducte, et le canal (b-sd) restera l’origine du canal déférent. C'est donc à 
leur arrivée à l'organe (C) que le partage des deux ordres des produits 
génitaux se fait. 


Remarque. — Le point (b) est trop éloigné de l’orifice (od), mais il a été 
ainsi fait pour plus de clarté dans la démonstration. 


PLANCHE VII. 


ANCYLE (VERGE, FLAGELLUM). 


_Fic. 29, L'organe copulateur évaginé, comme dans les figures 2 et 5 de la planche III, 
Le tégument conservé à sa base (t) lui forme comme un premier pré- 
puce. La partie saillante (pr) est son véritable prépuce, et, par transpa- 
rence, on voit, dans l’intérieur, le gland (9) occupant une sorte de cloaque 
dont les détails sont donnés et montrés figure 30. 

A la base, on voit arriver le canal déférent (sd) et le flagellum (F). 
Celui-ci offre un intérêt particulier dans cette figure; au point (Rt) est 
un étranglement qui marque la terminaison de la partie glandulaire et le 
commencement du canal excréteur. 

30. Une partie du tégument (t) a été conservée et présente l’orifice (op) par où 
s'échappe le pénis ; (sd), le canal déférent ou éjaculateur; (g}, la verge 


ORGANES DE LA REPRODUCTION DE L’ANCYLE FLUVIATILE. 119 


rentrée dans son fourreau, aiguë comme une alène, et dans laquelle on 
voit, par transparence, le canal central, dont la vue se perd vers l’extré- 
mité effilée. L'ouverture du flagellum se voit nettement en(F); on recon- 
naît, par cette figure très exacte, qu’il n’y a aucune communication entre 
l’orifice du pénis et celui du flagellum ; l’un et l’autre se trouvent dans 
une sorte de cloaque. 

Fic, 31. L’extrémité du gland vue à un fort grossissement, Les noyaux des cellules 
qui le composent sontallongés perpendiculairement à l’axe et très chargés 
de matière chromophile. Leur nombre va en diminuant jusqu’au mo- 
ment où l'on n’en voit plus qu’un. (Gross., 1 X 700.) 

32. Une partie du canal déférent traitée par le carmin ammoniacal et l'acide 
acétique. Même grossissement que la figure 31. On distingue très nette- 
ment les deux parties centrale et externe dont les éléments sont à la fois 
très différents par leur taille et leur mode de groupement. (ci), couche 
épaisse interne formant l’épithélium du canal, à cellules bien plus petites 
et les noyaux plus gros que dans la partie externe (ce). Les noyaux de 
l’une et de l’autre sont très chromophiles et se colorent très vivement. 

33. Canal déférent traité par l'acide acétique non coloré, montrant les épais- 
seurs différentes des couches internes et externes. 

34, Extrémité du cul-de-sac du flagellum. Glande simple par excellence traitée 
par une solution extrèmement faible d'acide acétique, On distingue les 
petits noyaux de la cuticule externe (a), souventtransformés en corpuscules 
calcaires. Les cellules (6), très grandes, claires, ayant un beau noyau, et 
les cellules (c) renfermant des globules nombreux, qu’on retrouve dans 
la lumière du canal. 

35. Point (Rf) où finit la partie glandulaire et où la partie externe (ce') se dé- 
veloppe et prend une plus grande épaisseur. À gauche et au-dessous de 
la ligne (Rec), on reconnait aisément quelle transformation ont subie les 
deux couches. 

A l’intérieur, en (c), on voit les globules libres des cellules (c) de la 
figure 33. 

36. Une partie du flagellum, prise tout près du point (Rec), traitée par l'acide 
acétique ; on y voit l’ivrégularité de la lumière du canal interne causée 
par des développements inégaux des cellules des parois. 


PLANCHE VII. 
ANCYLE (GLANDES ANNEXES). 


Fic. 37. Coupe optique d’un ensemble de quelques culs-de-sac de la première 
glande annexe (ga), glande de l’albumine, 

38. Coupe optique de l’une des extrémités d’un cul-de-sac de cette glande; le 
grand axe des cellules est dirigé perpendiculairement à la surface de la 
glande et la longueur de la cellule est égale à l’épaisseur de la paroi dela 
glande. Les extrémités libres des cellules dans la cavité forment comme 
autant de calottes arrondies saillantes, 


120 H. DE LACAZE-DUTHIERS, 


Fig. 39. Quelques cellules de la glande vues du côté extérieur et un peu compri- 
mées. (Gross., 1 X 700.) Traitement, acide acétique très faible; noyau 
peu granuleux. 

40, Un lambeau de la paroi d'un cul-de-sac de la glande (ga), fort grossisse. 
ment. Ce qu'il y a d’intéressant dans cette figure, c'est la séparation de 
la cellule (c) qui semble se détacher et abandonner un espace limité 
entre deux cellules voisines; en (c’), un noyau dans un espace un peu gra- 
nuleux, Est-ce une jeune cellule en voie de formation? La lamelle, qui 
limite le cul-de-sac, offre des noyaux aplatis ;(n), comme dans les autres 
organes. 

Il faut encore remarquer que les noyaux des grandes cellules sont plus 
ou moins transparents avec un nucléole. Enfin, que les cellules elles 
mêmes fort claires présentent de très rares granules, un ou deux. 

41. Une de ces cellules libres et flottant dans le liquide de la préparation, de- 
venue tout à fait sphérique. 

42. Extrémité d’un cul-de-sac de la première glande annexe traitée simplement 
par l’eau. Pour montrer la différence entre cette réaction et celle qui s'ac- 
complit dans la même condition sur la deuxième glande (gb) annexe, 

43. Quelques culs-de-sac de la seconde glande (gb) vus à un très faible gros- 
sissement pour montrer le mode de groupement des lobes, lobules et 
acini de la glande. 

44. Un acinus ou cul-de-sac à un grossissement un peu plus fort, traité par l’eau, 
qui a chassé de son intérieur les granulations produisant la glaire. 

Les produits sorlis du cul-de-sac sont vus à un grossissement de 
500 diamètres, comme dans la figure suivante. 

45. Différents noyaux, cellules et granulations, produisant des mucosités et les 
glaires de sa glande (gb). 

46. Trois cellules de cette glande (9b), intacte et non encore gonflée et n'ayant 
pas éclaté, couvertes du côté interne de fort longs et actifs cils vibra- 
tiles, et remplies de granulations fines qui, lorsqu'elles s’échappent, pro- 
duisent la mucosité. 

47, Extrémité de l’un des culs-de-sac (cd) de la première partie du canal défé- 
rent après la séparation des produits des deux sexes. Coupe optique, 
500 diamètres. 

Il est remarquable de voir que, dans tous les organes, presque toutes 
les cellules ont leur grand diamètre perpendiculaire à la direction de l'axe 
de l’organe et que leur extrémité extérieure est recouverte par la cuticule 
mince, à noyaux et à cellules aplaties. 

48. Une partie de cesculs-de-sac ou cæcums de l’origine du canal spermatique 
vue en partie par sa face externe, en partie en coupe optique, pour mon- 
trer la différence des formes des cellules dans ces deux positions et ses 
grands cils vibratiles (500 diamètres). 


RECHERCHES 


SUR 


LA DIGESTION DES POISSONS 
(HISTOLOGIE ET PHYSIOLOGIE DE L’INTESTIN) 


PAR 


EMILE YUNG 


Professeur de zoologie et d'anatomie comparée à l'Université de Genève. 


Notre savoir sur la manière dont les Poissons digèrent laisse 
encore beaucoup à désirer et les renseignements que l’on trouve 
dans la littérature sur cette question sont contradictoires en bien 
des points. Aussi, ai-je entrepris, il y a plusieurs années déjà, des 

recherches à la fois histologiques et physiologiques, en vue de ma 
| propre instruction, sur la constitution des diverses régions du tube 
intestinal des Poissons et sur les modifications qu'y subissent les 
aliments. Ces recherches, confinées d’abord à quelques espèces com- 
munes des eaux douces, se sont peu à peu étendues à d'autres 
espèces, parmi lesquelles plusieurs sont marines; elles m’ont per- 
mis de contrôler l’exactitude de quelques-unes des connaissances 
acquises, grâce aux travaux de mes prédécesseurs, et d’en acquérir 
de nouvelles. Et comme il arrive toujours au cours de pareilles re- 
cherches, des questions imprévues d’abord se sont posées qui ont 
élargi mon programme, Je me suis efforcé, dans tous les cas où les 
circonstances m'ont permis de le faire, de rattacher les effets phy- 
siologiques constatés à une différenciation histologique déterminée 
et d'établir un parallélisme entre le degré de division du travail fonc- 
tionnel et celui de la différenciation des éléments le long du tractus 
intestinal. 


122 ÉMILE YUNG. 

Les résultats de cette étude, qui est loin d’ailleurs d’être achevée, 
seront consignés ici dans une série de chapitres comprenant l'histo- 
_rique de la question, la technique, puis des monographies qui me 
conduiront à un certain nombre de conclusions générales. 

Mes recherches ont été poursuivies, en ce qui concerne les Séla- 
ciens, dans le laboratoire de zoologie expérimentale de Roscoff, et 
pour les autres Poissons, dans le laboratoire de zoologie et d’ana- 
tomie comparée que je dirige à l’Université de Genève. Je prie mon 
illustre maître, M. H. de Lacaze-Duthiers, de bien vouloir agréer 
l'expression de ma gratitude pour la large hospitalité qu’il m'a déjà 
si souvent accordée à Roscoff. Grâce aux excellentes installations de 
ses laboratoires, j'ai pu me procurer et conserver vivants, dans des 
conditions exceptionnellement favorables, les Squales soumis aux 
observations. Les grands bassins de la galerie vitrée où l’eau est sans 
cesse renouvelée, leur offraient une demeure spacieuse dans laquelle 
ils ne tardaient pas à reprendre leur vie normale. En outre, le fait 
que les pêcheurs roscovites capturent pendant l’été des Requins de 
diverses espèces pour alimenter les Homards du vivier établi dans la 
localité, m'a facilité l'acquisition d’un nombre relativement consi- 
dérable de ces animaux et m'a permis, par conséquent, de répéter 
plusieurs fois mes expériences. | 

À Genève, un arrangement consenti par le chef du département 
de justice et police, duquel dépend le service de la pêche, m’autorise 
de faire pêcher en tout temps au moyen d’une nasse placée à l’inté- 
rieur du port; je puis, de la sorte, renouveler mon matériel de re- 
cherches et l'obtenir régulièrement, dans les conditions de santé 
nécessaires à ce genre d'étude. L'histologie de la muqueuse intesti- 
nale ne peut en effet se pratiquer que sur des individus absolument 
frais et dont les éléments vivent encore au moment de leur fixation. 
Il est à remarquer, d'autre part, que les Poissons transportés dans 
un aquarium refusent de prendre de la nourriture pendant un temps 
qui varie selon les espèces et qui, parfois, est de plusieurs semaines, 


jusqu’à ce qu’ils soient accoutumés à leur nouvel habitat ou qu'ils 


RECHERCHES SUR LA DIGESTION DES POISSONS, 123 


soient pressés par la faim. Il est donc de toute nécessité, pour les 
expériences physiologiques, de disposer d’une circulation d’eau suf- 
fisanie pour les entretenir à l’état de santé pendant ce temps. Je suis 
heureux de constater que cette condition indispensable se trouve 


réalisée à Roscoff comme à Genève. 


I 


HISTORIQUE. 


A. Histologie de l'intestin. — Les publications relatives à l'anatomie 
et à l’histologie du canal digestif des Poissons sont déjà nombreuses, 
. ainsi qu’on pourra s’en convaincre en consultant l'index bibliogra- 
phique accompagnant ce mémoire. Les anciens auteurs qui ont 
rédigé des « histoires naturelles » des Poissons se sont bornés en 
général à décrire les formes extérieures de l'intestin de quelques 
espèces. Koelreuter, de Steller, Monro fils ont les premiers porté une 
attention spéciale sur la disposition de leurs viscères. Monro (64), 
anatomiste fort habile pour son époque, fait suivre son texte d’un 
atlas où sont figurées quelques particularités importantes, telles que 
la présence d’un pancréas distinct chez les Sélaciens. Il considère 
que les appendices digitiformes (appendices pyloriques) tiennent 
lieu de cette glande chez les Poissons osseux, opinion souvent com- 
battue depuis lors, et qui n’a disparu de la science qu’à partir de 
l’époque où l’existence d’un pancréas diffus chez les espèces pour- 
vues d’appendices pyloriques fut définitivement démontrée. Sans 
citer d’ailleurs aucune expérience à l’appui de son dire, Monro en- 
seigne que les diverses humeurs sécrétées par le canal digestif et ses 
glandes agissent d’une façon analogue à celle des sécrétions pro- : 
duites par les organes correspondants chez l’homme. 

Dans la première moitié de notre siècle, Home et Rathke ont 
apporté surtout d'importantes contributions à la connaissance de 
l'anatomie intestinale chez les animaux qui nous occupent. Dès 1814, 


Everard Home (32) décrit et figure, dans les premiers volumes de ses 


494 ÉMILE YUNG. 


Lectures d'anatomie comparée, l'intestin chez une trentaine d’espèces. 
Dix ans plus tard, Heinrich Rathke (#9) fait paraître une description 
de l'intestin de cinquante-six espèces de Poissons provenant de la 
_ mer Baltique. Ces deux publications importantes, auxquelles s’ajou- 
tèrent des monographies dispersées dans les recueils spéciaux, ont 
fixé nos connaissances sur l’étonnante diversité de formes et da 
dimensions que présente le tube alimentaire des Poissons, Elles ont 
fourni une notable portion des faits qui sont cités sur ce point dans 
les Traités généraux d'anatomie comparée, de Meckel (60), Cuvier et 
Duvernoy (49), Siebold et Stannius (93, 94), Owen (#@) et dans les 
Lecons de physiologie et d'anatomie comparée de H. Milne Edwards (62). 

Nous renvoyons à ces grands ouvrages pour les renseignements 
relatifs à l’anatomie descriptive macroscopique de l'intestin des 
Poissons ; ils abondent surtout dans Meckel, Cuvier et Duvernoy. 
On a sans doute beaucoup ajouté depuis lors aux documents utilisés 
par eux, mais on n’a guère modifié la conception générale qu'ils 
avaient de la morphologie de l'intestin chez ces animaux : canal 
tantôt court, recliligne et de diamètre uniforme, tantôt plus ou 
moins long, recourbé sur lui-même, renflé en diverses régions, muni 
ci et là d’appendices, de cæcums, etc.; en un mot, tantôt très 
simple, tantôt fort compliqué, avec ou sans valvules, plis ou villo- 
sités, et ressemblant plus ou moins à l’intesiin des Mammifères pris 
régulièrement comme terme de comparaison. Comme chez ces der- 
niers, le canal paraît devoir se diviser en trois portions : intestin 
antérieur, moyen et postérieur, et chacune de ces portions se sub- 
diviser à son. tour, telle l’antérieure en pharynx, œsophage, esto- 
mac, elc. 

Cependant l’avènement des études histologiques était destiné à 
modifier sur. bien des points cette conception et, notamment, pour 
en Citer un exemple, à révéler l'existence de Poissons dépourvus 
d'estomac ou, si l’on préfère, dont l'estomac ne possède pas de 
glandes gastriques. C’est à Bischoff (4) que, sauf erreur, revient 
le mérite d’avoir, le premier, constaté ce fait important. Sprott 


RECHERCHES SUR LA DIGESTION DES POISSONS. 125 


Boyd (95), le découvreur des glandes gastriques chez les Mammi- 
fères, avait noté leur présence dans l’estomac de quelques Poissons. 
Deux ans plus tard, en 1838, Bischoff (4), dans un mémoire consacré 
à la structure de la muqueuse stomacale chez un grand nombre 
d'animaux, chercha vainement de pareilles glandes dans l'estomac 
des Cyprinoïdes, tandis qu'il les trouva chez d’autres espèces, notam- 
ment chez l’Anguille. Il conclut donc que les Cyprins n’ont pas d’es- 
tomac à proprement parler, et, si singulière que puisse paraitre une 
telle particularité, elle n’est point spéciale aux Cyprinoïdes, elle a 
été reconnue depuis chez beaucoup d’autres Poissons, et même, 
dernièrement, chez les Monotrèmes parmi les Mammifères (Oppel). 

Nous touchons à l’époque où les anatomistes commencèrent à 
appliquer le microscope et les méthodes histologiques à l'étude de 
la constitution intime des tissus dans les diverses classes de Verté- 
brés. C’est l'aurore de l’histologie comparée. En 1841, Rathke (82) 
inaugure cet ordre de recherches sur l’Amphioxus, auquel il recon- 
naît un revêtement intestinal composé uniquement de cellules épi- 
théliales ciliées et, peu de temps après, Johannès Müller (66), dans 
ses travaux sur les Myxines, arrive à des résultats analogues, confir- 
mant l'homogénéité du recouvrement épithélial de l'intestin chez 
ces Gyclostomes. Dès le début des recherches histologiques, la sim- 
plicité et l’uniformité de la constitution de la muqueuse intestinale 
des Poissons inférieurs sont donc dûment constatées. 

En revanche, dans l’Anatomie des Salmones, par Agassiz et Vogt (4), 
ce dernier savant mentionne le fait qu'en comprimant sous le mi- 
croscope des coupes pratiquées dans la paroi de l’estomac de la 
Truite commune (Salmo fario),on remarque que le fond des anfrac- 
tuosités de la muqueuse se détache et présente un rouleau en forme 
de massue. «Il nous a été facile, dit-il, de reconnaître que ce rou- 
leau n’était pas composé de cellules cylindriques, mais bien de cel- 
lules rondes et aplaties qui tapissaient le fond du creux et qui 
s'étaient détachées en entier par la pression. » 

Il paraît résulter de cette citation que Vogt avait constaté, dès 18245, 


. 126 ÉMILE YUNG. 


chez la Truite, l'existence de deux sortes de cellules, les cellules épi- 
théliales cylindriques qui recouvrent la superficie de la paroi stoma- 
_ cale et dont, d’ailleurs, il donne la description, puis des cellules 
rondes, localisées au fond des anfractuosités ou des cryptes de la mu- 
queuse, dont il ne paraît pas avoir reconnu la véritable nature, car 
il ne les qualifie pas de glandes gastriques. Leydig, au contraire, 
dans son mémoire sur l’Anatomie microscopique des Raies et des Re- 
quins (48), établit nettement cette distinction en 1832. Il décrit dans 
l'estomac de Squatina angelus, de Raja et de Zorpedo (Galvanii des 
petites cellules rondes à protoplasma granuleux qu’il considère 
comme glandulaires(Magendrüschen), et l'annéesuivante,en 1853 (49), 
le même auteur retrouve de pareilles glandes chez l’Esturgeon (Act- 
penser nasus), tandis qu’il signale leur absence dans l'estomac de la 
Loche (Cobitis fossilis) [50]. 

L'existence de cellules glandulaires, distinctes des cellules épi- 
théliales de recouvrement, est donc mise hors de doute dans l'in- 
testin des Poissons, mais les expressions de cellules glandulaires, de 
glandules, etc., employées pour les désigner, manquent de précision, 
et ce n’est que plus tard, en 1857, que, dans son 7raité d’histologee 
comparée (53), Leydig leur applique la dénomination de Zabdrüsen 
(glandes à présure), signifiant ainsi qu'il les considère comme sem- 
blables aux glandes gastriques des Vertébrés supérieurs. 

Dès lors, ces glandes sont décrites chez de nombreuses espèces de 
Poissons dans une série de mémoires qui se prolonge jusqu’à nos 
jours. Il ne nous paraît pas utile d’en donner l’analyse détaillée à 
cette place; nous rendrons à chacun de leurs auteurs ce qui lui est 
dû dans les descriptions qui constituent le corps de notre travail, et 
nous nous contenterons de rappeler, en ce moment, les plus impor- 
tants de ces mémoires. 

Le premier qui ait été spécialement consacré à l’étude des glandes 
gastriques chez les Poissons, ainsi qu’à la description des tuniques 
musculaires du tube digestif chez ces animaux est celui de Vala- 


Lour (98), Cet investigateur, dont le travail est rarement cité par ses 


_ RECHERCHES SUR LA DIGESTION DES POISSONS. 127 


successeurs, s’est borné à étudier les seules espèces qu'il put se 
procurer vivantes, à cause de la rapide altération que subit la 
muqueuse intestinale après la mort, et qui la rend impropre à toute 
recherche; ces espèces sont l’Anguille, le Brochet, la Perche et quel- 
ques Cyprinoïdes tels que la Carpe, la Tanche, le Gardon. Quoique la 
technique employée par lui soit encore bien imparfaite, il donne 
une assez bonne description des épithéliums, ainsi que des glandes 
pepsiques observés soit sur des produits de macération, soit sur des 
coupes, et il apporte un soin particulier à la description des tuniques 
musculaires des diverses régions de l'intestin. Il confirme l'absence 
d'estomac, au sens histologique du mot, chez les Cyprinoïdes, et 
envisage que la portion renflée de leur canal, faisant suite immé- 
diatement à l’œsophage, correspond à l'intestin des autres Poissons. 
« Je n'y vois, dit-il, aucun organe sécréteur spécial n’existant pas 
dans l'intestin des autres Poissons. L’estomac manquerait donc com- 
plètement chez les Cyprinoïdes ; il ne serait confondu ni avec l’œso- 
phage, ni avec l’intestin; il n’existerait pas. C'est là un fait bien 
extraordinaire ; même en réduisant beaucoup l'importance que l’on 
accordait au suc gastrique, ce suc a toujours des fonctions à rem- 
plir; le régime des Cyprinoïdes ne suffit pas pour expliquer son 
absence. » 

Le mémoire d'Edinger (24), paru seize ans plus tard, est à juste 
titre considéré comme classique; il confirme sur bien des points les 
résultats acquis par Valatour (que d’ailleurs il ne cite pas). Dans 
cet intervalle de temps, la technique histologique s'était perfec- 
tionnée, et la célèbre découverte de Heidenhain (34), confirmée 
par Rollett (86), de deux sortes de cellules glandulaires dans l’esto- 
mac des Mammifères, ainsi que les minutieuses recherches de 
F.-E. Schulze (92) sur les caractères propres aux cellules épithéliales 
et glandulaires, avaient provoqué un grand nombre d’études de- 
venues le point de départ de sérieux progrès dans la connaissance de 
la structure de l'intestin des animaux supérieurs. Parmi ces études, 
celles de Waalewijn (99), de Langerhans(45) et de Slieda (96) eurent 


128 ÉMILE YUNG. 


pour objets les Poissons en général, le Petromyzon Planeri et l'Am- 
phioxus en particulier. Mais si nous nous arrêtons seulement au 
mémoire d’Edinger, c'est qu'il marque une date dans la question 
qui nous occupe, tant par le nombre des espèces observées que par 
les idées générales qu'il suggère. 

Edinger prit soin de pratiquer des coupes longitudinales et trans- 
versales de toute la paroi intestinale, et notamment au niveau du 
passage d’une région à l’autre, où les coupes deviennent particuliè- 
rement instructives ; il expose successivement la structure de l’æso- 
phage, de l'estomac, des appendices pyloriques, de l'intestin moyen 
et de l'intestin terminal. Portant son attention sur les divers Sys- 
tèmes de plis de la muqueuse, il montre comment ceux-ci se com- 
pliquent progressivement et conclut à une évolution de ces systèmes 
à travers la série des Poissons. 

Chez les embryons et chez les types inférieurs, la muqueuse est 
lisse ou à peu près; de légers plis longitudinaux commencent à 
apparaître chez les Cyclostomes, plis qui vont s'accentuant davantage 
et se compliquant chez les Sélaciens, les Ganoïdes et les Téléostéens, 
d'un côté par leur multiplication et leur ramification, de l’autre par 
l'apparition de plis transversaux qui les réunissent, ici et là, les uns 
aux autres. De la sorte, les plis de la muqueuse, d’abord frangés, 
deviennent réticulés. Les mailles du réseau de plis sont plus ou 
moins denses, elles entraînent la formation d'invaginations, de 
cryptes tubulaires plus ou moins profondes, dans lesquelles les élé- 
ments se différencient à des degrés divers. L’estomac et l'intestin 
moyen seraient les deux sièges principaux de ces différenciations, 
c’est là que surgissent, à un certain âge de la période embryonnaire, 
les formations glandulaires, tandis que l’état primitif, représenté par 
les plis longitudinaux, se maintient aux deux extrémités de l’intes- 
tin, le long de l’œsophage chez tous les Poissons et encore le long 
du rectum chez la plupart. 

Selon Edinger, nous devons considérer les glandes de la paroi in- 


testinale comme étant ontogénétiquement et phylogénétiquement 


RECHERCHES SUR LA DIGESTION DES POISSONS. 129 


des formations secondaires, lesquelles peuvent ne pas se produire, 
comme c’est le cas chez les représentants inférieurs de la classe, ou 
ne se produire que tardivement et dans des portions déterminées du 
tractus intestinal à l'exclusion des autres. | 

Les cryptes stomacales ne renferment des cellules gastriques que 
sur une certaine étendue de l’estomac ; elles subsistent dans la ré- 
gion pylorique de cet organe, mais leurs cellules ne fonctionnent que 
comme glandes muqueuses. Les appendices pyloriques ne sont que 
des évaginations de la paroi intestinale et présentent la même struc- 
ture que cette dernière. Il n’existe pas de glandes proprement dites 
de l'intestin moyen et l’on ne peut reconnaitre une activité sécré- 
toire à l’intérieur des cryptes qu'aux seules cellules caliciformes. Les 
autres cellules épithéliales semblent devoir être considérées seule- 
ment comme appareils de résorption. 

Enfin Edinger a aussi porté son attention sur la question de savoir 
si les deux espèces de cellules : cellules principales (Æauptzellen) et 
cellules de recouvrement (Belegzellen), distinguées par Heidenhain et 
Rollett dans les glandes gastriques des Mammifères, se retrouvent 
chez les Poissons. Il conclut à la présence, chez eux, d’une seule 
sorte de cellules qui ne correspondent exactement à aucune des deux 
espèces susdites, quoiqu'elles présentent de réelles analogies avec 
les dernières, c’est-à-dire avec les cellules de recouvrement. Cette 
conclusion a été généralement acceptée depuis, quoique plusieurs 
auteurs aient noté des différences entre les cellules gastriques d’un 
même Poisson. Ainsi, Cajetan (44) signale, chez Cobrtis. barbatula, 
des cellules de l'estomac différant par les dimensions de leurs granu- 
lations, comme par le degré de leur noircissement dans l’acide os- 
mique. Ainsi encore, Pilliet (78) mentionne quelques légères diffé- 
rences entre les cellules gastriques des Pleuronectes, selon qu'elles 
sont situées au bord ou au fond de la glande, différences qui ten- 
draient à assimiler les premières aux cellules bordantes etles autres 
aux cellules principales des Mammifères, « ce qui, ajoute-t-l, vien 
drait à l’appui de l'opinion que nous avons soutenue déjà (36) à 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. — 3€ SÉRIEs — Te VII, 1899. 9 


130 ÉMILE YUNG. 

propos de l'identité de ces deux sortes d'éléments, les cellules bor- 
dantes ne représentant qu'un degré de développement des prin- 
cipales ». 

Quoi qu'il en soit de cette dernière hypothèse, nul anatomiste n’a 
jusqu'ici infirmé la règle posée par Edinger lorsqu'il affirme que les 
deux espèces cellulaires des glandes gastriques font défaut chez les 
Poissons et qu’elles marquent un degré de développement phylogé- 
nétique auquel ils sont loin d’avoir atteint. 

Le travail d'Edinger conserve encore toute sa valeur, au moins 
pour ce qui touche aux Téléostéens; car, pour ce qui concerne les 
espèces appartenant aux autres ordres, l’auteur avoue n’avoir eu à 
sa disposition que des exemplaires qui lui avaient été envoyés dans 
l'alcool et l'acide chromique, plus ou moins bien conservés. Nous 
avons dit pourquoi on ne peut avoir confiance que dans les résultats 
obtenus sur des pièces de toute fraicheur et qu’on a préparées soi- 
même. 

Il est impossible de passer sous silence, dans ce rapide exposé his- 
torique, les publications de Pilliet et de Cattaneo, parce que, comme 
celle d'Edinger, elles traitent la question à un point de vue général et 
rapportent des faits empruntés à l'observation de nombreuses espèces 
de Poissons. 

Le premier de ces auteurs (#5) a étudié principalement les Séla- 
ciens, les Pleuronectes et quelques autres Téléostéens. Selon lui, les 
coupes de la muqueuse stomacale des Sélaciens sont remarquables 
par les grandes dimensions de leurs glandes en tubes, en sorte 
qu’elles rappellent, en l’exagérant, la disposition qu'offre la mu- 
queuse gastrique du Chien bien portant. Chez les Pleuronectes (28), 
il note la variabilité que peut présenter la muqueuse d’un individu 
à l’autre de la même espèce. Les glandes peptiques y sont présentes 
dans toutes les espèces qu’il a observées, mais leur abondance varie 
d'espèce à espèce, « et dans la même espèce, dit-il, d'un animal à 
l'autre, et l’on peut voir dans ce fait, sinon une véritable mue de la 


muqueuse gastrique, du moins une différence considérable dans 


RECHERCHES SUR LA DIGESTION DES POISSONS. 131 


l'étendue de la muqueuse occupée par les glandes à ferment, suivant 
que l'animal est jeune ou développé, suivant aussi que l’activité sé- 
crétoire est sollicitée ou qu’elle ne l’est pas ». 

Pilliet met, en outre, en lumière la différence qui existe entre la 
portion cardiaque de l’estomac des Pleuronectes et sa portion pylo- 
rique : la première étant essentiellement peptique, la seconde prin- 
cipalement muqueuse, cette dernière étant munie en outre d’épais 
muscles annulaires dans sa paroi, qui en fait une sorte de gésier, 
particularité intéressante au point de vue de l’anatomie comparée. 
. Un autre fait intéressant, révélé par Pilliet, consiste en ce que, dès 
leur apparition, même chez les individus où elles sont rares et 
isolées, les glandes gastriques se montrent sous la forme de glandes 
en tubes composées, c’est-à-dire constituées par des cæcums mul- 
tiples plus ou moins longs, groupés autour d’un orifice commun. 
Les unités ainsi représentées tendent d’ailleurs à se grouper. 

Cattaneo (42) a publié plusieurs mémoires portant sur tous les 
ordres de Poissons, y compris l'Amphioxus. Le nombre des espèces 
citées par lui, dans son premier travail, s'élève à quarante et une; 
toutefois il ne fournit des détails que sur quelques-unes de celles-ci 
prises comme types et auxquelles il rapporte les autres. Ainsi, pour 
en citer un exemple, il reconnaît une si grande uniformité de struc- 
_ ture parmi les seize espèces d’Acanthoptérygiens qu'il a étudiées, 
qu'il se contente de décrire la structure de l’intestin de quatre de 
ces espèces, et encore ne consacre-t-il à cette description que deux 
pages. 

L'intérêt de son travail réside surtout dans le fait qu'il a observé 
parallèlement l'intestin au cours de son développement embryon- 
naire, puis chez l’adulte. Il admet comme Edinger l’existence d’un 
parallélisme entre le développement ontogénique des glandes intes- 
tinales des Poissons et leur développement phylogénique. L’épithé- 
hum de la muqueuse intestinale se complique et se différencie pro- 
gressivement au Cours de la croissance de l'individu; il est tel chez 


l'embryon d’un Saumon, encore renfermé dans l'œuf, que chez 


132 ÉMILE YUNG. 


l'Amphiozus adulte *. Les Poissons les plus élevés dans l'échelle z00- 
logique, les Téléostéens, répètent, dans le cours de leur développe- 
ment embryonnaire, la structure du tube digestif qui se rencontre 
successivement chez les Acraniens, les Cyclostomes, les Sélaciens et 
les Ganoïdes adultes. Les parties les moins différenciées dans l'in- 
testin des formes supérieures ont une structure semblable à celle 
des parties les plus différenciées des formes inférieures. Enfin, con- 
formément à ce qu'avait déjà vu Edinger, Cattaneo trouve que, dans 
toutes les espèces de Poissons, la portion intestinale qui se dif- 
férencie le plus est la portion moyenne (estomac et intestin moyen), 
tandis que l’œsophage et l'intestin terminal conservent un caractère 
de plus grande simplicité. 

Dans ses publications ultérieures, Gattaneo discute longuement 
et à plusieurs reprises la question de l’existence ou de la non-exis- 
tence de deux sortes de cellules gastriques dans l’estomac des Pois- 
sons. Il la résout en faveur de la seconde alternative. Toutefois, il 
reconnait que ces cellules sont variables et que, sous leurs divers 
aspects, elles ressemblent tantôt aux cellules principales, tantôt 
aux cellules de recouvrement de l'estomac des Mammifères, sans 
pouvoir, dans aucun cas, être identifiées avec elles. Elles doivent 
donc cumuler les fonclions de ces dernières et marquent vis-à-vis 
d’elles un stade évolutif inférieur. 

Les publications qu’il me reste à mentionner ne nous retiendront 
pas longtemps. Macallum (56) a décrit l'intestin de quelques Ga- 
noïdes, possesseurs, suivant lui, d’un épithélium cilié recouvrant 
toute l'étendue de l’œsophage et même l'estomac en tout (Amia) ou 
en partie (région pylorique chez Lepidosteus), ainsi que de véritables 
glandes gastriques abondantes, surtout dans la portion cardiaque de 
l'estomac, ces glandes étant remplacées dans la portion pylorique 


par des glandes muqueuses (sauf chez ZLepidosteus, où celles-ci fe- 


1 Des cryptes glandulaires n’apparaîtraient chez l’alevin de Saumon que de cinq 
à quinze jours après l’éclosion. Cattaneo en attribue la formation au croisement des 
plis longitudinaux ef transversaux formant réseau. 


RECHERCHES SUR LA DIGESTION DES POISSONS. 133 


raient entièrement défaut). Decker (20), dont le travail est surtout 
physiologique, a étudié les Poissons d’eau douce, chez lesquels il à 
constaté des glandes gastriques dont les cellules lui ont montré tant 
de formes et de réactions diverses, qu’ilne peut consentir à les iden- 
tifier les unes aux autres. Il se pourrait cependant que ces différences 
coïncidassent avec divers états fonctionnels d’une même espèce de 
cellules, mais aucune de ces formes ne peut être comparée à celles 
que l’on connaît dans les glandes gastriques des Mammifères. Le même 
auteur considère qu'il est admissible que l’épithélium cylindrique 
non différencié, étalé sur la muqueuse ou plissé de manière à tapisser 
de simples cryptes comme celles quise rencontrent le long de l’œso- 
phage, soit capable de sécréter un ferment digestif. Les cryptes en 
question pourraient alors être considérées comme des sortes de 
glandes dont le corps glandulaire ne se serait pas encore formé. 
Cette conception trouve, selon Decker, un appui dans le fait que 
des portions de l'intestin détachées des régions dépourvues de 
glandes et où un examen microscopique préalable n'avait révélé la 
présence que de simples cellules épithéliales cylindriques se mon- 
irent capables de digérer la fibrine. Decker trouve, d’autre part, un 
appui pour sa manière de voir dans la diversité des images que 
donnent les cellules épithéliales en question, en présence de réactifs 
tels que l'acide osmique ou l’hématoxyline de Delafield ; cela paraît 
démontrer une activité sécrétoire dans le protoplasma de ces cel- 
lules ‘, Nous reviendrons sur ce point dans le paragraphe consacré à 
la physiologie (voir plus bas). 

Les mémoires plus récents de Kultschitzky (44), de W.-N. Par- 
ker (22), de Hopkins (33), Thesen (9%), Mazza (58), Mazza et Peru- 
gla (59), Claypole (4%), Haus (80), etc., ont un caractère monogra- 
phique ou ne portent que sur un petit nombre d’espèces et n’ajoutent 


que des données de détail à nos connaissances sur l’histologie de 


1 Il faut rappeler à ce propos que Swiecicki et d’autres ont démontré la présence 
de la pepsine dans l’œsophage de la Grenouille, lequel ne renferme pas de glandes, 
mais seulement un épithélium. 


134 ÉMILE YUNG. 


l'intestin chez les Poissons. Je me borne à les citer à cette place. 
Enfin, et pour terminer ce rapide historique, je rappellerai la publi- 
cation récente du très savant ouvrage d’Oppel (69), sur l’Anatomie 
microscopique comparée de l'estomac et de l'intestin des Vertébrés, ou- 
vrage de vaste érudition où se trouvent consignés les résultats de 
tous les travaux modernes relatifs aux questions de fine analomic 
soulevées par l’étude du tube digestif dans l’ensemble de ces ani- 
maux. Nous y renvoyons les lecteurs désireux de connaître la marche 
de la science depuis un siècle, son histoire y est fortement docu- 
mentée et abondamment écrite. 

Résumé des faits acquis. — Le tube digestif des Poissons est repré- 
senté par un canal plus ou moins long dont les parois sont consti- 
tuées, comme chez les Mammifères, de plusieurs couches de tissus 
divers : séreuse, musculaire, sous-muqueuse, muqueuse, etc. Les 
éléments de ces tissus présentent un degré de différenciations d’au- 
tant plus élevé qu’on les considère chez les individus à un âge plus 
rapproché de l’âge adulte et chez des espèces plus haut situées dans 
l’échelle zoologique. 

Dans la règle, les couches musculaires sont au nombre de deux : 
la couche externe comprend des fibres longitudinales, la couche 
interne des fibres transversales ou circulaires ‘; ces fibres sont lisses. 
Toutefois, outre ces couches de muscles lisses, se rencontrent chez 
nombre de Poissons des couches supplémentaires de muscles striés 
situées sur un plan plus superficiel et limitées le plus souvent à la 
région œsophagienne. Quelques espèces, telles que Tinca chrysitis, 
Cobitis fossilis, Solea sp., possèdent encore des muscles striés sur tout 
ou partie de l'estomac. Il est à noter que cette particularité coïncide 
chez ces espèces avec l’absence ou la réduction des glandes gastri- 
ques dans la muqueuse du prétendu estomac et une disposition spé- 
ciale de l’épithélium de l’œsophage (stratification de ses cellules, 
absence de cils) qui le rend plus fort et plus résistant. 


1 Cette disposition est souvent renversée le long de l’œsophage. 


RECHERCHES SUR LA DIGESTION DES POISSONS. 135 


Des fibres musculaires lisses (sauf chez Syngnathus où elles sont 
striées), indépendantes des précédentes, se rencontrent aussi dans 
le tissu conjonctif de la muqueuse elle-même dont elles condition- 
nent les plissements. 

L’épaisseur et la disposition des couches musculaires varient d’une 
espèce à l’autre et, chez une même espèce, selon la région de l’in- 
testin où on les considère. 

La muqueuse est tapissée sur toute son étendue par un épithélium 
qui, primitivement (chez les embryons et chez les types inférieurs), 
est composé de cellules cylindriques ciliées, mais qui, secondaire- 
ment, se présente chez les adulles et dans leurs diverses portions 
intestinales sous des aspects extrêmement différents. 

L’épithélium de l’æœsophage conserve, chez beaucoup de Sélaciens 
et de Ganoïdes, son caractère cilié primitif, tandis que chez d’autres 
représentants de ces groupes et chez la grande majorité des autres 
Poissons (Téléostéens, quelques Ganoïdes), il est constitué de plu- 
sieurs couches de cellules plates, cubiques, etc., dépourvues de cils. 
On a signalé quelques espèces chez lesquelles l’épithélium de l’œso- 
phage est, par places, cilié et disposé sur une seule couche, pendant 
qu'à d’autres endroits il est pavimenteux et disposé en plusieurs 
strates. Entre les cellules épithéliales sont placées en nombre consi- 
dérable des cellules caliciformes (Becherzellen) à des degrés divers 
de croissance et dont le protoplasma est plus ou moins refoulé par 
le mucus auquel il donne naissance. L’œsophage est d’ailleurs le 
plus souvent plissé longitudinalement ; au sommet de ces plis, l’épi- 
thélium présente une disposition en éventail, dans le fond des plis 
se forment parfois des « cryptes » tapissées de cellules épithéliales, 
plus longues et plus étroites que celles de la superficie et entre les- 
quelles abondent les cellules caliciformes. Ces cryptes sont le siège 
principal de la formation du mucus. Mais il n'existe pas de glandes 
proprement dites le long de l'æœsophage des Poissons que l’on puisse 
comparer aux glandes œsophagiennes de certains Amphibiens. 


Le passage de l'œsophage à l'estomac s’opère brusquement chez 


136 ÉMILE YUNG. 


la plupart des Poissons. L'épithélium de ce dernier organe est rare- 
ment cilié (quelques Ganoïdes). Dans la règle, il est composé d’une 
seule couche de cellules cylindriques non ciliées, dont le protoplasma 
superficiel a un aspect différent de celui de la profondeur de la cel- 
lule et paraît chargé de mucus ou d’une substance analogue. (Oppel 
distingue ces deux portions des cellules de l’épithélium stomacal 
sous les noms de portion protoplasmatique [protoplasmatische Teil] ou 
basale et de portion supérieure [Oberende]). Les dimensions de ces 
cellules varient, sans que leurs variations deviennent caractéristiques 
d’une espèce à l’autre ; au contraire, elles peuvent être constatées 
d’une région de l’estomac d’un même individu à la région voisine 
(Oppel). : 

Il n’y a jamais de cellules caliciformes intercalées dans l’épithé- 
lium stomacal. Ce dernier s’infléchit sur les plis très nombreux et 
divers de l'estomac et tapisse le sommet des tubes glandulaires qui 
caractérisent hautement la muqueuse de cet organe. 

En effet, chez les Poissons, l'estomac (quand il existe) est la seule 
portion de l'intestin dont la muqueuse contient des glandes. L’ab- 
sence de ces glandes dans la portion qui fait immédiatement suite à 
l’æsophage suffit pour empêcher de considérer cette portion, quelles 
que soient d’ailleurs ses dimensions, sa musculature et son aspect 
extérieur, comme un véritable estomac. Les glandes en question sont 
tubuleuses, tantôt simples, tantôt ramifiées; dans ce dernier cas, 
plusieurs tubules aboutissent à un même canal excréteur. Elles appa- 
raissent subitement dès le début de l'estomac, mais leurs tubes sont 
d’abord courts ; ils s’allongent à mesure que l’on se rapproche de la 
portion moyenne de l'estomac pour se raccourcir de nouveau dans 
sa portion postérieure où ils finissent par disparaitre complètement. 
Chez beaucoup d’espèces, les tubes glandulaires paraissent être dé- 
pourvus de membrane propre, en sorte que leurs cellules reposent 
directement sur le tissu conjonctif de la muqueuse. Gelui-ei envoie 
parfois entre les cellules glandulaires de fines fibrilles pourvues de 


noyaux (notamment chez le Brochetet queiques Raïes, d’après Oppel). 


RECHERCHES SUR LA DIGESTION DES POISSONS. 137 


L'épithélium superficiel s’invagine sur le col des glandes gastriques 
dont il tapisse le sommet, puis il cède la place à des cellules claires, 
différentes de celles qui constituent le corps de la glande et que l’on 
distingue sous le nom de cellules du col (Halszellen) ; leurs fonctions 
ne sont pas connues. À la suite des cellules du col se montrent les 
cellules gastriques ou pepsiques (Labzellen), plus grandes et plus gra- 
nuleuses que les précédentes ‘, de forme variable, selon les espèces 
et selon leur état fonctionnel, polyédriques ou plus ou moins arron- 
dies, dépourvues de membrane et à noyau (parfois double) riche en 
corpuscules chromatiques. Les cellules gastriques, malgré la diver- 
sité de leurs aspects, appartiennent toutes à une seule espèce qui ne 
correspond exactement ni aux cellules principales, ni aux cellules 
de recouvrement des Mammifères, quoique plusieurs auteurs se 
soient efforcés de les rapporter tantôt à l’un, tantôt à l’autre de ces 
deux types. Malgré les indices évoqués à l'appui de la thèse qui veut 
que les cellules gastriques des Mammifères dérivent, les unes des 
cellules du col, les autres des cellules gastriques des Vertébrés infé- 
rieurs, ces indices ont été appréciés si différemment par les auteurs 
que la question d’une dérivation phylogénétique de ces éléments ne 
peut être considérée comme résolue *. 

Nous avons dit que, dans la région pylorique de beaucoup de Pois- 
sons, les glandes gastriques disparaissent entièrement ; elles sont 
remplacées par de simples cryptes tapissées de cellules épithéliales 
peu différenciées qui sont désignées sous le nom de glandes muqueuses 
(Magenschleimdrüsen d'Edinger). La région pylorique est ordinaire- 
ment moins étendue que la portion glandulaire (Fundus region) de 
l’estomac, dont le plissement et l’ampleur varient beaucoup. Il y 
aurait intérêt, au point de vue physiologique, à déterminer dans 
chaque espèce la part relative que prennent ces deux régions : gas- 

1 Le diamètre des granulations du protoplasma des cellules gastriques varie assez 
pour que l’on trouve des intermédiaires entre les cellules à grosses granulations et 
les cellules à fines granulations reconnues autrefois par Nussbaum (6%). 


2 Voir, sur cette question, le résumé d’Oppel dans Ergebnisse der Analomie und 
Entwickelungsgeschichte, von Merkel et Bonnet, t, VII, p. 29, 1898. 


138 ÉMILE YUNG. 


trique et muqueuse, dans la constitution du revêtement interne de 
l'estomac. 
__ Les recherches modernes ont beaucoup augmenté le nombre des 
Poissons qui sont remarquables par l'absence totale de glandes gas- 
triques et, par conséquent, d'estomac au sens histologique du mot. 
Voici la liste des Poissons sans estomac : l’Amphioxus et les Cyclo- 
stomes ; le Syngnathus acus (d’après Edinger et Pilliet), C'yprinus car- 
pio, Tinca vulgaris, Leuciscus dobulus, L. rutilus, Phoxinus lævis 
(d’après de nombreux auteurs), Cobitis fossilis (d’après de nombreux 
auteurs), Labrus bergylta (Pilliet), Crenilabrus pavo (Pilliet), Gaster- 
osteus pungitius (Edinger), Callionymus lyra (Pilliet), Zepadogaster 
bimaculatus (Pilliet), Plennius pholys (Pilliet), et tous les Dipnoïques 
(d’après plusieurs auteurs). 

Rappelons à cette place que, chez les Cyprinoïdes auxquels l’esto- 
mac proprement dit fait défaut, le canal cholédoque débouche dans 
l'intestin, immédiatement en arrière de l’œsophage ; raison de plus 
pour admettre que, malgré les apparences extérieures qui ont con- 
duit certains auteurs à nommer estomac cette portion du tractus in- 
testinal, elle appartient bien déjà à l'intestin moyen, réuni bout à 
bout à l’œsophage, comme le disait Valatour. Chez les Poissons 
munis d’un estomac, le canal biliaire est, en effet, repoussé en ar- 
rière de cet organe et débouche régulièrement dans le duodénum, 
autrement dit dans la portion antérieure de l'intestin moyen ‘. 

La muqueuse de ce dernier diffère nettement de celle de l’estomac, 
en sorte qu’à défaut de valvule pylorique, l'examen histologique con- 
state facilement le passage de l'estomac à l'intestin. Cette muqueuse, 
ordinairement plissée de façons très diverses et qui, chez les Cyclo- 
stomes, les Sélaciens, les Ganoïdes et les Dipnoïques, s’évagine con- 


sidérablement pour constituer la valvule spirale, recouvre la paroi 


1 La question de savoir si l’absence de glandes gastriques doit être considérée 
comme un état primitif ou comme le résultat d’une évolution rétrograde a donné 
lieu à des discussions intéressantes. Elle ne paraît pas pouvoir être tranchée dans 
le même sens pour toutes les espèces. Voir Oppel (@9). 


RECHERCHES SUR LA DIGESTION DES POISSONS. 139 


intestinale plus ou moins puissamment musclée el montre de nom- 
breux appareils Iymphoïdes. L’épithélium qui la recouvre ets'infléchit 
autour des plis, des villosités et de ses autres évaginations, pour les 
tapisser sur toute leur hauteur, est essentiellement composé de cel- 
lules cylindriques ou coniques rarement ciliées. L'extrémité superfi- 
cielle de ces cellules est parfois différenciée et recouverte d’une sorte 
de plateau strié par de fins canalicules poreux ; l'extrémité profonde 
plus ou moins pointue s'enfonce dans le tissu conjonctif sous-jacent. 
Entre les cellules cylindriques sont intercalées sur toute l’étendue 
de l'intestin moyen, mais en quantités variables selon ses régions, 
des cellules caliciformes longues et étroites ou courtes et renflées 
dont le sommet est occupé par une goutte plus ou moins volumi- 
neuse de mucus qui se déverse dans la cavité de l'intestin. Chez 
quelques Poissons, on constate, entre ces deux types de cellules cy- 
lindriques et caliciformes, de nombreux intermédiaires. L'origine et 
le mode de reproduction de ces diverses cellules sont actuellement 
fort controversés par les histologistes. On s'accorde généralement à 
considérer les cils comme la conservation d’un état primitif, Chez 
quelques Téléostéens dont les cellules épithéliales sont couvertes 
d’un plateau, on peut constater le passage de leur protoplasma à 
travers les canalicules de ce plateau ; mais les mouvements des pro- 
longements proltoplasmiques ainsi formés sont encore contestés. 

La structure des appendices pyloriques est la même que celle de 
l'intestin moyen, dont ils sont de simples évaginations. 

Les Poissons sont dépourvus de gros intestin au sens de l’ana- 
tomie-humaine. Leur intestin terminal diffère parfois de l'intestin 
moyen par l'épaisseur de ses parois et l’abaissement ou la disparition 
des plis de sa muqueuse. Chez les Sélaciens, l’épithélium qui 
recouvre cette dernière comprend plusieurs couches de cellules plus 
ou moins aplaties et offre le même aspect que celui qui tapisse le 
plafond de la cavité buccale. Jusqu'ici on n’a pas signalé de glandes 
de Brunner chez les Poissons; quant aux glandes de Lieberkühn, 


elles font également défaut chez eux, quoiqu’on puisse considérer 


140 ÉMILE YUNG. 


les cryptes de l'intestin moyen camme des ébauches de pareilles 
glandes. 

Liste des Poissons dont tout ou partie de l'intestin a été étudié au point 
de vue histologique.— Afin de faciliter les recherches ultérieures, nous 
donnons ici la liste des espèces sur l'intestin desquelles l'attention 
des histologistes s’est portée. Plusieurs d’entre elles n'ont été que 
partiellement où incidemment décrites à ce point de vue. Toutefois, 
l’on trouvera dans les publications des auteurs cités à la suite du 


nom de l'espèce des renseignements plus ou moins satisfaisants, 


LEPTOCARDES. 


Amphioxus lanceolatus, Stieda, 1873; Langerhans, 1876; Edin- 
ger, 4877; Schneider, 1879; Cattaneo, 1886, et tous les auteurs qui 
ont publié des monographies de cette espèce. 


CYCLOSTOMES. 


Myxine, J. Müller, 1845 ; Leydig, 1857. 

Petromyzon marinus, Gattaneo, 1886. 

Petromyzon fluviatilis et P. Planeri, Leydig, 1853 et 1857; Brin- 
ton, 1859; Schulze, 1867; Langerhans, 1873; Edinger, 1877; Schnei- 
der, 1879; Cattaneo, 1886; Claypole, 1895 ; Schäffer, 1895. Ce der- 


nier a étudié seulement Ammoceles. 


SÉLACIENS. 


Chimæra monstrosa, Leydig, 1851 ; Gegenbaur, 1878 ; Cattaneo, 
1886; Mazza et Perugia, 1894; Oppel, 1896. 

Acanthias vulgaris et À. Blainvillii, Leydig, 1852; Cattaneo, 1886 
et 1887; Kantorowicz, 1897. 

Lamna cornubica, Pilliet, 1885. 

Alocepias vulpes, Retzius, 1819 ; Oppel, 1896. 

Scyllium canicula, Pilliet, 1885 ; Cattaneo, 1886. 

Pristiurus sp., Edinger, 1877. 


Galeus canis, Kantorowicz, 1897. 


RECHERCHES SUR LA DIGESTION DES POISSONS. 141 
Mustelus lævis, Edinger, 1877; Oppel, 1896; Kantorowicz, 1897. 
Squatina angelus, Leydig, 1852; Edinger, 1877; Pilliet, 1885. 
Trigon pastinaca, Kultschitzky, 1887. 

Mylhobates sp., Oppel, 1896. 

Cephaloptera giorna, Mazza, 1891. 

Raja clavata, Waalewjin, 1872; Edinger, 1877, Gattaneo, 1886 

et 4887; Kultschitzky, 1887. 

Raja asterias, Oppel, 1896. 
. Raja miraletus, Oppel, 1896. 

Laæviraja oxyrhynchus, Cailaneo, 1886. 

Torpedo marmorata, Edinger, 1877; Oppel, 1896. 

Torpedo narke, Cattaneo, 1886. 

Torpedo aculeata, Edinger, 1871. 


GANOÏDES. 


A cipenser sturio et autres Esturgeons d'Europe. Müller, 1845 ; Ley- 
dig, 1853 et 1857; Edinger, 18717; Cattaneo, 1886; Macallum, 1886 ; 
Kultschitzky, 1887; Oppel, 1896. 

Acipenser rubicundus, Macallum, 1886 ; Hopkins, 1895. 

Scaphirhynchus sp., Hopkins, 1895. 

Polyodon, Hopkins, 1895. 

Polypterus bichir, Leydig, 1854 et 1857. 

Leprdosteus sp., Edinger, 1877; Macallum, 1886; Hopkins, 1895. 

Amia sp., Macallum, 1886; Hopkins, 1895. 


re TÉLÉOSTÉENS. 


Syngnathus acus, Edinger, 1877; Pilliet, 1885 ; Cattaneo, 1886. 
Balistes sp., Edinger, 1877. 
Anguilla vulgaris, Bischoff, 1838 ; Glaettli, 14852; Valatour, 1861 ; 
Schulze, 1867; Waalewjin, 1872; Cajetan, 1883; Cattaneo, 1886. 
. Conger vulgaris, Pilliet, 1885. 
Symbranchus marmoratus, Edinger, 1877. 
Clupea harengus, Stirling, 1884 et 1885. 


142 ÉMILE YUNG. 

Engraulis encrasicholus, Pilliet, 1885. 

Alausa vulgaris, Waalewjin, 1872. 

Esox lucius, Valatour, 1861 ; Grimm, 1866; Waalewjin, 1872; 
Ldinger, 1877 ; Nussbaum, 1882 ; Cajetan, 1883 ; Cattaneo, 1886 ; 
Decker, 1887; Oppel, 1896. 

Trutta fario, Valatour, 1861 ; Cajetan, 1883 ; Oppel, 1896. 

Salmo, Waalewjin, 18172; Catlaneo, 1886. 

Cyprinus carpio et Tinca vulgaris (ainsi que les Cyprinoïdes en 
général), Bischoff, 1838; Valatour, 1861; Langer, 1870; Waalewjin, 
1872; Biedermann, 1875; Edinger, 1877 ; Luchhau, 1878 ; Garel, 1879: 
Cattaneo, 1886 et 1887 ; Decker, 1887; Oppel, 1896. 

Leuciscus rutilus, Waalewjin, 1872 (et les auteurs qui ont traité les 
Cyprinoïdes en général). 

Gobio fluviatihis, Edinger, 1877. 

Abramis brama, Edinger, 1877. 

Alburnus lucidus, Edinger, 1871. 

Chondrostoma nasus, Edinger, 1877. 

Cobitis fossiles, Leydig, 1853 et 1857; Biedermann, 1875; Edinger, 
1877 ; Lorent, 1878 ; Decker, 1887. 

Cobitis barbatula, Glaettli, 1852; Cajetan, i883. 

Silurus glanis, Schulze, 1867; Edinger, 1877. 

Heterobranchus, Ricci, 1875. 

Fierasfer acus, Emeri, 1880. 

Lota vulgaris (tadus lota), Glaettli, 1852 ; Valatour, 1861 ; Melni- 
kow, 1866 ; Waalewjin, 1872; Edinger, 1877; Cattaneo, 1886. 

Gadus pollachius, Pilliet, 1885. 

Gadus aeglefinus, Waalewjin, 1872. 

(radus luscus, Pilliet, 1885. 

Gadus morrhua, Waalewjin, 1872. 

Motella tricirrata, Pilliet, 1885. 

Rhombus maximus, Edinger, 1877; Pilliet, 1885 ; Kultschitzky, 1887. 

Rhombus lævis, Waalewjin, 1872. 

lihombus norvegicus, Pilliet, 1885. 


RECHERCHES SUR LA DIGESTION DES POISSONS. 143 


Pleuronectes platessa, Waalewjin, 1872. 

Solea vulgaris, Valatour, 1861; Waalewjin, 1872 ; Pilliet, 1885 : 
Cattaneo, 1886. 

Labrus bergylta, Pilliet, 1885. 

Crenilabrus pavo, Oppel, 1896. 

Crenilabrus melas, Edinger, 1877. 

Perca fluviatilis, Glaettli, 1852; Valatour, 1861 ; Edinger, 1877 ; 
Cajetan, 1883 ; Cattaneo, 1886. 

A cernia cernua, Schulze, 1867. 

Serranus hepatus, Edinger, 1877 ; Oppel, 1896. 

Gasterosteus spinachia, Schulze, 1867. 

Gasterosteus aculeatus, Cajetan, 1883. 

Gasterosteus trispinatus, Langley, 1879 ; Langley et Sewall, 1879. 

Gasterosteus pungitus, Edinger, 1877. 

Mullus surmuletus, Pilliet, 1885. 


Mullus barbatus, Edinger, 1877. 
Pagellus Bograveo, Pilliet, 1885. 


Chrysophrys aurata, Pilliet, 1885. 
 Scorpæna porcus, Oppel, 1896. 
Scarpæna scrofa, Oppel, 1896. 
Dactylopterus volitans, Leydig, 1854; Edinger, 1877. 
Cottus scorpius, Schulze, 1867 ; Pilliet, 1885. 
Trigla lyra, Edinger, 1877; Cattaneo, 1886. 
Uranoscopus scaber, Edinger 1877; Cattaneo, 1886; Oppel, 1896, 
Trachinus draco, Pilliet, 1885 ; Oppel, 1896. 
Scomber scomber, Brinton, 1859 ; Ricci, 1875 ; Pilliet, 1888. 
Naucrates ductor, Edinger, 1877. 
Zeus faber, Edinger, 1877 ; Oppel, 1896. 
Gonostoma denudatum, Edinger, 1877. 
Caranx trachurus, Pilliet, 1885. 
Gobius niger, Pilliet, 1885 ; Kultschitzky, 1887 ; Oppel, 1896. 
Gobius cruentatus, Oppel, 1896. 
Callionymus lyra, Pilliet, 1885. 


144 ÉMILE YUNG. 


Cyclopterus lumpus, Waalewjin, 1872. 

Lepadogaster bimaculatus, Pilliet, 1885. 

Blennius pholys, Pilliet, 1885. 

Cepola rubescens, Oppel, 1896. 

Mugil cephalus ou capito, Ricci, 1875 ; Pilliet, 1885 ; Cattaneo, 1856. 
Lophius piscatorius, Ricci, 1875 ; Oppel, 1896. 


DIPNOÏQUES. 


Ceratodus Forsteri, Edinger, 1877. 
Lepidosiren paradoxa, Edinger, 1877. 
Protopterus annectens, Edinger, 1877 ; Parker, 1889 et 1892. 


B. Physiologie de l'intestin. — Les premières expériences relatives 
à la digestion des Poissons sont dues à Spallanzani (424). Ce savant 
opéra sur l’Anguille, le Barbeau, la Carpe et le Brochet. Ayant fait 
descendre des tubes pleins de chair de Poisson dans l'estomac de 
quatre Anguilles conservées en vie dans une petite carpière, et, les 
y ayant laissés pendant trois jours et dix-huit heures, il retrouva 
ces tubes couverts d’une « mucosité obscure »; cinq d’entre eux 
étaient vides et il restait, dans trois autres, un petit morceau de chair 
de la grosseur d’un pois qui se décomposait aussitôt qu'on le tou- 
chait. Spallanzani remarqua qu'au commencement de l’æœsophage 
des Carpes, le palais est recouvert d’une liqueur blanche, abondante, 
visqueuse, insipide, échappant de plusieurs papilles blanches et 
aiguës, comme aussi des places voisines dépourvues de papilles; la 
liqueur suintant de ces dernières lui parut cependant plus transpa- 
rente et plus fluide. Chez le Brochet, « quoiqu’on ne voie aucune 
petite glande dans l’œsophage ou l'estomac », ces organes, surtout 
le dernier, sont baignés par une très grande quantité de liqueur. 
Les aliments qui y sont introduits dans de petits tubes s’y digèrent 
beaucoup plus promptement « que chez les Serpents ». Spallanzani 
ouvrit un jour un Brochet et y trouva un petit Poisson qui avait en- 


viron 3 pouces de long et qui occupait toute la longueur de l’eslo+ 


RECHERCHES SUR LA DIGESTION DES POISSONS. 145 


mac, la tête seule était dans l’œsophage. Les marques de la diges- 
tion étaient plus sensibles dans la portion du Poisson contenue dans 
l'estomac. Ayant répété cette observation sur une Lamproie d’eau 
douce qui avait été avalée par une Carpe, Spallanzani conclut que la 
digestion est plus prompte dans le fond de l'estomac que dans ses 
parties plus élevées ; mais que, cependant, l’estomac n’a pas seul la 
faculté digestive, l’æœsophage la partageant avec lui quoique à un 
moindre degré d’énergie. Il remarque enfin que la digestion s’ef- 
fectue sans trituration, car les tubes dont il faisait usage ne mon- 
traient, après avoir séjourné dans l'estomac et malgré la minceur de 
leurs parois, aucune trace de déformation. 

De la digestion dans l'intestin, de l’action de la bile, Spallanzani 
ne dit pas un mot; on sait qu'à ses yeux l'estomac est, chez tous les 
animaux, le siège central du phénomène. 

Cinquante ans plus tard, Tiedemann et Gmelin consacrent quel- 
ques pages de leurs Recherches expérimentales sur la digestion (124) 
aux Poissons. Ils avouent n'avoir fait qu'un très petit nombre d’ex- 
périences personnelles et encore celles-ci ne sont-elles que de sim- 
ples observations sur le contenu intestinal de Truites, de Barbeaux 
(Cyprinus barbus), de Vandoises (C. leuciscus), d’Ablettes (C. alburnus), 
accompagnées d'analyses et de réactions chimiques des liquides di- 
gestifs, surtout de la bile. Ils constatent, entre autres, que chez les 
Poissons à jeun, l'estomac est vide et resserré et que le mucus ap- 
pliqué contre ses parois rougit à peine le tournesol, tandis que 
lorsque l’estomac est plein d’aliments, il renferme un acide libre 
qui rougit fortement le tournesol et coagule le lait. 

Tiedemann et Gmelin ont vu que les petits Poissons trouvés dans 
l'estomac des Truites étaient ramollis à l'extérieur et avaient une 
partie de leur chair déjà dissoute. Ils admettent, par analogie, que 
l'acide du suc gastrique des Poissons est probablement un mélange 
d'acide acétique et d'acide hydrochlorique. « L'existence de ce der- 
nier, disent-ils, est annoncée par la dissolution des os et des arêtes, 
car le phosphate de chaux ne se dissout qu’en très petite quantité 


ARCH. DE ZOOL. EXP+ ET GEN. — 3€ SÉRIE. — T. VII, 1899, 10 


146 ÉMILE YUNG. 


dans l’acide acétique.» Les auteurs que nous résumons ici briève- 
ment ont aussi porté leur attention sur le liquide des appendices py- 
loriques, lequel est blanchâtre et visqueux ; il ne rougit pas le tourne- 
sol ou ne le rougit que peu. « Ce liquide, croient-ils, est destiné à se 
mêler aux aliments dissous par l’estomac, afin d'accélérer leur assi- 
milation. » 

Enfin, ils rappellent quelques observations isolées faites par d’an- 
ciens auteurs : Sténon, Brunner, Lorenzini, Réaumur, Viridet, dont 
nous n'avons pas réussi à nous procurer les ouvrages ; observations 
que les leurs ne font que confirmer et qui, toutes ensemble, les 
amènent à conclure que les substances contenues dans l'estomac et 
le canal intestinal des Poissons ont une grande ressemblance avec 
celles qu’on trouve dans les mêmes organes chez les Mammifères 
et les Oiseaux. 

Je passe sous silence les renseignements fournis par les ouvrages 
de physiologie de cette période ; ils ne font que répéter Tiedemann 
et Gmelin et refléter les opinions courantes alors sur les phénomènes 
digestifs chez les Mammifères. Il nous faut arriver à l’époque con- 
temporaine pour rencontrer quelques données nouvelles. En 1873, 
Fick et Murisier (404) appellent l’attention sur le fait que le ferment 
de l’estomac de la Truite et du Brochet ne peut être identifié avec 
celui des animaux supérieurs par la raison qu'il digère encore à une 
température voisine de zéro degré l’albumine coagulée et qu'à la 
température de 40 degrés son action ne se montre pas plus éner- 
gique qu’à 10 degrés, tandis que l'inverse est vrai pour la pepsine 
des Mammifères. La même année, Rabuteau et Papillon (445) 
reconnaissent que le suc gastrique et le suc pancréatique de la Raïe 
sont acides. Le premier, distillé au bain-marie, dégage des vapeurs 
dont la condensation fournit un liquide incolore précipitant le ni- 
trate d’argent, ce qui les conduit à considérer ce liquide comme 
contenant de l'acide chlorhydrique. Un peu plus tard, Hombur- 
ger (405) conclut de ses recherches sur Cyprinus tinca, Chondro- 


Stoma nasus, Scardmius erythrophthalmus et Abramis brama, que l’ex- 


RECHERCHES SUR- LA DIGESTION DES POISSONS. 147 


trait de la muqueuse intestinale de ces Poissons (comme aussi leur 
bile et l’extrait de leur foie) digère la fibrine, émulsionne les graisses 
et saccharifie l’amidon. En même temps que lui, Luchhau (55) 
expérimente, au moyen d'extraits glycériques de la muqueuse sto- 
macale de Saumon, de Brochet et de Sandre, il leur reconnaît une 
action peptonisante sur la fibrine, laissant « à d’autres », dit-il, le soin 
de comparer les peptones ainsi obtenues avec celles produites par la 
digestion gastrique chez les Mammifères. Contrairement à l'asser- 
tion de Fick et Murisier, confirmée par Hoppe-Seyler, il observe que 
l’action peptonisante est plus rapide à 40 degrés qu’à 15 degrés. Le 
ferment sécrété par les glandes gastriques des Poissons se condui- 
rait donc, selon lui, comme celui des Mammifères, avec cette diffé- 
rence toutefois qu'il agirait encore (quoique plus faiblement) aux 
températures basses, voisines de zéro degré, lesquelles détrüisent les 
ferments des animaux supérieurs. 

Luchhau a aussi examiné l’activité des sucs digestifs des Cypri- 
noïdes dépourvus d'estomac : Cyprinus carpio, C. blicca, C. caras- 
sius, C. tinca, Abramis brama, Cyprinus erythrophthalmus. Chez 
aucun, il n'a trouvé de ferment digérant en milieu acide; donc pas 
de pepsine. En revanche, la fibrine est régulièrement digérée par 
l'extrait neutre ou alcalin de la muqueuse intestinale ; l’action diges- 
tive de cet extrait est accélérée par une température de 40 degrés ; 
elle est assez énergique, quoique moindre sous ce rapport, que celle 
de l'extrait de la muqueuse stomacale du Brochet. Luchhau com- 
pare donc le ferment de l'intestin des Cyprins à la trypsine des 
Mammifères, et cela d'autant plus que, comme cette dernière, les 
pepiones qu'il produit sont accompagnées de tyrosine et de leucine. 
Mais ce ferment n’est pas seul. Luchhau a, en effet, constamment 
obtenu la transformation de l’amidon cuit en sucre en présence de 
l'extrait intestinal. Celui-ci contient donc une diastase à côté de 
l'hypothétique trypsine. Luchhau a, en outre, observé que, tandis 
que le ferment digestif de la fibrine est plus abondamment sécrété 


par les portions de l'intestin faisant suite à l’œsophage que par celles 


148 ÉMILE YUNG. 


de la région moyenne du canal, le ferment digestif de l’amidon est 
produit à peu près également par toute l’étendue de lintestin. Quant 
à un ferment digérant les graisses, il n’en a pas trouvé. L'huile d'olive 
ne subit pas d’altérations sensibles. 

Enfin, Luchhau a vainement cherché, dans l’extrait glycérique 
du foie des Cyprins, un ferment agissant sur les albuminoïdes ; il 
doute, par conséquent, de la justesse de l’opinion de Krukenberg, 
qui considère le foie des Cyprinoïdes comme équivalent à un 
hépato-pancréas. 

Ce dernier investigateur a publié plusieurs mémoires sur la ques- 
tion qui nous occupe (108). Nous ne pouvons en donner ici une ana- 
lyse détaillée. Ses recherches ont porté sur l'intestin proprement 
dit, puis sur les glandes digestives annexes, d’espèces très diffé- 
rentes, appartenant à tous les ordres de la classe, sauf celui des Dip- 
noïques. Voici les principaux faits qui en résultent : 

Quoique aucun Poisson ne possède de glandes salivaires, plusieurs 
fabriquent dans leur muqueuse buccale une diastase propre à la 
saccharitfication de l’amidon cuit. C’est le cas notamment de Cypre- 
nus carpio et de Lophius piscatorius. 

L’estomac se comporte de manières très différentes. Chez les uns 
(Sélaciens, Ganoïdes et quelques Téléostéens), cet organe sécrète de 
la pepsine semblable à celle des Mammifères, en ce sens qu’elle agit 
en milieu acide, mais différente, sous le rapport de la température 
relativement basse à laquelle son activité demeure entière. Chez les 
autres (certains Téléostéens, tels que Zeus faber, Scomber scomber), 
l'estomac ne produit de la pepsine que dans sa portion antérieure, 
le fond de l'estomac sécrétant un mélange de pepsine et de trypsine, 
ou, en d’autres termes, un suc capable de digérer la fibrine aussi 
bien en présence d’un alcali que d’un acide. Chez d’autres encore 
(Gobius, Cyprinus), l'estomac, ou l’organe prétendu tel, ne fourni- 
rait aucun ferment, ni pepsine, ni trypsine, en sorte que la digestion, 
chez ceux-ci, s’effectuerait exclusivement dans l'intestin moyen. 

Du reste, chez les Sélaciens et les Ganoïdes, l'estomac ne serait 


RECHERCHES SUR LA DIGESTION DES POISSONS. 149 


point le siège exclusif de la production de pepsine, cet enzyme se 
retrouvant dans la portion initiale de l’intestin moyen, jusqu’au 
point où débouchent le canal pancréatique chez les premiers et les 
appendices pyloriques chez les seconds. 

Chez les Sélaciens, le pancréas massif donne naïssance à de la 
trypsine. Chez les Ganoïdes et les Téléostéens, dont le pancréas est 
disséminé et en partie mêlé au tissu hépatique, on peut extraire du 
foie un ferment analogue à la trypsine, lequel est absent du foie 
des Sélaciens (et très particulièrement de celui de Mustelus vul- 
garis). 

Chez les Cyprins, non-seulement la trypsine se rencontre dans le 
tissu du foie, mais encore dans la muqueuse de lintestin moyen, 
de telle sorte que cette portion du canal intestinal doit être consi- 
dérée comme le siège principal de la digestion. 

Le prétendu pancréas de l’Esturgeon et du Brochet (d’après Ales- 
sandrini) n’est point une glande digestive ; chez le second de ces 
Poissons, il ne consiste même qu'en une accumulation de graisse. 

Quant aux appendices pyloriques, les expériences ont conduit à 
des conclusions différentes. Chez la plupart des Poissons, ils ne ren- 
ferment que du mucus et du chyle et jouent le rôle d’organes absor- 
bants, tandis que chez quelques-uns, tels que Thynnus vulgaris, ils 
sécrètent un ferment voisin de la trypsine et chez quelques autres 
(Trachinus draco) à la fois de la trypsine et de la pepsine et chez 
d’autres encore (Acipenser sturio), de la trypsine, de la pepsine et de 
la diastase. 

Enfin Krukenberg admet que chez. beaucoup d’espèces, le foie, 
qu’il considère comme un hépato-pancréas, et la muqueuse de l’in- 
testin moyen sécrètent un ferment diastatique, aussi bien que la 
muqueuse buccale. 

La tendance générale de ses études, tendance qui se manifeste 
dès ses premières publications, est d'établir l’existence d’une évolu- 
tion progressive de la fonction digestive depuis les Invertébrés 
(Mollusques, Crustacés, ete.) jusqu'aux Vertébrés supérieurs. Les 


150 ÉMILE YUNG. 


Poissons montreraient, suivant lui, par la grande diversité de la 
distribution de leurs glandes à ferments digestifs, les principaux 
stades de cette évolution. 

Dans ses recherches sur la composition du suc gastrique qui re- 
montent à 1878, Ch. Richet (446) fut amené à analyser ce suc chez 
divers Poissons. Il y mit hors de doute la présence de l'acide HCI, 
libre ou combiné avec des substances organiques telles que la tyro- 
sine et la leucine, comme chez les autres Vertébrés, et la proportion 
relativement énorme de cet acide qui explique le pouvoir digestif 
intense constaté par lui chez certaines espèces. En opérant sur le suc 
gastrique de ZLophius, Scyllium et Raja, il y trouve jusqu’à 10 et 
15 pour 1000 d'acide HCI. 

Comparant l’aclivité digestive de la muqueuse stomacale chez 
Lophius et Scyllium, il constata que, chez cette dernière espèce, le 
pouvoir digestif est beaucoup plus grand que chez la première. En 
collaboration avec Mourrut (448), Richet observa chez les deux 
Poissons ci-dessus que le liquide stomacal perd de son énergie 
digestive par la filtration, ce qui le conduit à penser que la pep- 
sine ne passe qu'en partie à travers le filtre, une autre partie étant 
probablement retenue dans les cellules glandulaires, incomplète- 
ment désagrégées. Une trop forte acidité (25 pour 1000) empêche 
la peptonisation. La chaleur la favorise, jusqu’à un certain degré, 
quoique d’une manière générale, la peptonisation s'effectue encore 
à basse température. 

Ainsi, à 42 degrés, la muqueuse stomacale peptonise la fibrine, 
alors que la pepsine de Porc ne manifeste pas d'action. Richet et 
Mourrut observent qu’à 40 degrés le suc gastrique du Chien l’em- 
porte en activité sur celui de Poisson, tandis qu'à 32 degrés, c’est 
le contraire qui est vrai. Donc à leurs yeux, c’est dans la persis- 
tance de l’action de la pepsine des Poissons à des températures 
basses auxquelles la pepsine des Mammifères cesse d’agir, que réside 
son principal caractère distinctif. En outre, elle agit en présence de 


doses d’acide beaucoup plus fortes que la pepsine des Mammifères. 


RECHERCHES SUR LA DIGESTION DES POISSONS. 151 


Les deux auteurs que nous venons de citer constatent que nep- 
sine et acide se produisent sous l'excitation des aliments et dimi- 
nuent ou disparaissent entièrement lorsque l'estomac des Poissonsest 
à jeun. Enfin, ils ne reconnaissent aucune action du suc gastrique 
de ces animaux sur l’amidon. 

Richet est revenu plus tard (449) à cette étude de la digestion des 
Poissons, en l’étendant aux fonctions du pancréas des Sélaciens. 
L'important mémoire qu'il publia en 1889, confirme et précise les 
données précédentes, il renferme de plus quelques faits nouveaux 
tels que l’affirmation que le suc gastrique des Squales digère par- 
faitement la chitine des Crustacés, et un apercu de la manière dont 
se forme le suc gastrique par une sorte de fonte de la muqueuse 
stomacale. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce point. Quant à 
l’action du suc pancréatique, de Scyllium et de Galeus, elle serait 
nulle sur les substances albuminoïdes ! et se bornerait à transfor- 
mer l’amidon en sucre et à émulsionner les huiles (ainsi que d’ail- 
leurs Claude Bernard l’avait constaté avec le pancréas d’une Raïie). 

Enfin, le savant physiologiste a reconnu dans le liquide séreux 
de la cavité péritonéale de plusieurs Poissons, et dans les replis 
| mésentériques des Carpes et des Tanches, la présence d’une diastase 
saccharifiant l’empois d’amidon. Cette diastase ne serait point un 
produit de sécrétion des microbes, car son action se manifeste en 
présence d’antiseptiques comme le salicylate de soude ou le cyanure 
de potassium (120). 

Nous devons signaler comme remontant à la même époque les 
travaux de Raphaël Blanchard sur des fonctions de la glande digiti- 
forme des Plagiostomes (402) et les appendices pyloriques des Té- 
léostéens (103). Ils tendent à établir que le premier de ces organes, 
la glande digitiforme, fabrique un ferment émulsif pour les graisses 
(huile d’olive) et un ferment diastatique transformant en glucose 


l’'amidon cuit ou cru, mais ils ne donnent pas la raison de la situa- 


1 Selon M. Richet, le pancréas des Squales ne produirait donc pas de trypsine, 
ferment dont la présence y est au contraire admise par Krukenberg. 


152 ÉMILE YUNG. 


tion d’une telle glande en un lieu, le voisinage immédiat de l’anus, 
où ses produits ne. peuvent plus servir utilement à la digestion, 
puisqu'ils se déversent sur des matières fécales. 

Les appendices pyloriques, loin d’être de simples organes d’ab- 
sorption, comme l’admettait Edinger (24), seraient au contraire, 
selon Blanchard, des « représentants imparfaits du pancréas ! » fa- 
briquant un ferment diastatique, saccharifiant toujours l’amidon 
cuit et souvent même l’amidon cru et un ferment tryptique pepto- 
nisant l’albumine et la fibrine en un milieu alcalin ou neutre, fer- 
ment qui a été également constaté par W. Stirling (422). 

Ce dernier investigateur a opéré sur le Hareng, la Morue et la Mer- 
luche, dont il faisait macérer la muqueuse stomacale et pylorique 
dans la glycérine. L’extrait gilycérique de l'estomac lui a donné régu- | 
lièrement des digestions de fibrine en milieu acidifié par 2 pour 4 000 
de HCI et l'extrait des appendices pyloriques, a donné le même ré- 
sultat en présence de carbonate de soude, d’où sa conclusion que le 
premier de ces organes sécrète de la pepsine et les seconds de la 
trypsine. 

Decker (20) a publié en 1887 des résultats fort singuliers et à bien 
des égards déconcertants. Il semble cependant avoir procédé avec 
beaucoup de soins, changeant d'instruments pour détacher chaque 
partie de l'intestin (œsophage, estomac, etc.) et préparant des ex- 
traits de ces diverses régions dans une solution de 0,1 pour 100 de 
HCI, après avoir constaté l’état de leurs réactions. Ces dernières 
se sont montrées d’une inconstance remarquable, l'estomac était 
tantôt neutre, tantôt alcalin. 

Il cite le cas d’une Anguille dont l’estomac contenait une nageoire 
à moitié digérée et qui, cependant, lui fournit une réaction alcaline, 
et le cas d’un Brochet dont la muqueuse de l’œsophage digérait la 
fibrine beaucoup plus rapidement que celle de l'estomac. D'ailleurs, 
il trouve chez les espèces qu'il examine que, non-seulement lœso- 


1 Leurinaction sur les graisses empêche seule de les comparer à un véritable pan- 
créas. 


RECHERCHES SUR LA DIGESTION DES POISSONS. 153 


phage, mais encore l'intestin sur toute son étendue et dans ses dé- 
pendances (cloaque, appendices pyloriques), produit un ferment 
qu’il compare à la pepsine, parce qu'il digère la fibrine en solution 
acide (ce dernier fait se met en opposition avec ce qu'ont vu les 
autres physiologistes) et il conduit naturellement Decker à la conclu- 
sion que, chez les Poissons, la sécrétion d’un ferment peptique n'est 
pas liée à des cellules d’une forme déterminée (cubique, conique 
ou polyédrique), mais qu’elle peut se faire par les cellules étroites 
et cylindriques d’une muqueuse dépourvue de glandes proprement 
dites. 

Je laisse de côté, dans ce rapide historique, un certain nombre de 
communications fragmentaires dispersées dans les journaux tech- 
niques de pisciculture; ces communications relatives à l’alimentation 
des Poissons contiennent ici et là quelques renseignements intéres- 
sants sur la digestion proprement dite, mais non des études dirigées 
systématiquement à ce point de vue. Je dois cependant faire une 
exception en faveur d’un mémoire récent de N. Zuntz (434) sur les 
Echanges nutritifs de la Carpe, mémoire dans lequel il tient pour 
acquis que cette espèce est bien complètement dépourvue de glandes 
peptiques. Selon les recherches de Karl Knauthe, analysées par 
Zuntz, toute la muqueuse intestinale, et principalement celle de la 
portion antérieure de l'intestin, produit un ferment tryptique éner- 
gique ; il en est de même de ce qu'il nomme /’hépato-pancréas (foie). 
Muqueuse intestinale (à l'exception de celle de la bouche) et hépato- 
pancréas produiraient l’une et l’autre, en outre, un ferment diasta- 
tique saccharifiant l’amidon et un ferment digestif pour les graisses, 
L'hépato-pancréas seul aurait, de plus, la faculté de rendre la” 
cellulose soluble et cela en présence du chloroforme ou du thymol, 
ce qui exclut la possibilité d’une intervention bactérienne. Quant à la 
bile, elle n’agirait, à elle seule, ni sur les graisses, ni sur les albumi- 
noïdes ;, mais, mêlée aux extraits de la muqueuse intestinale et de 
Phépato-pancréas, elle augmenterait considérablement leur action 


digestive sur ces deux groupes de substances. En revanche, la bile 


154 ÉMILE YUNG. 


exercerait une action saccharifiante sur l’amidon, action qui, comme 
celle de la muqueuse et de l’hépato-pancréas, atteindrait son maxi- 
mum à la température de 23 degrés centigrades pour décroître en- 
suite. 

Nous n'avons sous les yeux, au moment où nous écrivons ces 
lignes, que le résumé d’un travail étendu, dont l’importance ressort 
suffisamment du peu que nous venons d’en dire. 

Résumé des faits acquis sur la physiologie de l'intestin des Poissons. 
— Abstraction faite des résultats publiés par Decker, lesquels remet- 
tent vraiment tout en question, nous pouvons tenir, sinon pour 
définitivement acquis, du moins pour très probables, les faits sui- 
vants : 

Il y alieu de distinguer, parmi les Poissons, deux groupes : l’un 
comprenant les Cyprinoïdes et quelques autres espèces, que nous 
rangeons sous la dénomination générale de Poissons sans estomac, 
chez lesquels la digestion des diverses catégories d'aliments s’opère 
indistinctement sur à peu près toute lalongueur du tractus intes- 
tinal, la muqueuse de ce dernier donnant naissance à au moins deux 
ferments. l’un de ces ferments, digérant la fibrine en milieu neutre 
ou alcalin, peut être comparé à la trypsine; l’autre, saccharifiant 
l'amidon, étant certainement une diastase (Luchhau). Il n’est donc 
pas question, chez eux, d'une digestion peptique, et, quant au rôle 
de leur foie dans la digestion, il paraît jouer celui d’un hépato-pan- 
créas, du moins, c’est l'opinion de Krukenberg, mais elle est com- 
battue par Luchhau. Le second groupe, comprenant la majorité des 
Poissons pourvus d’un estomac proprement dit, se distinguerait 
physiologiquement des précédents en ce que les cellules de leurs 
glandes gastriques sécrètent un ferment analogue à la pepsine et un 
acide qui n’est autre que l'acide HCI. Il y à donc, chez eux, une di- 
gestion stomacale qui se rapproche beaucoup de la digestion stoma- 
cale correspondante chez les Mammifères. Le suc gastrique de ces 
Poissons diffère cependant de celui des Vertébrés supérieurs sur 


deux points : il conserve son énergie (plus ou moins atténuée) à des 


RECHERCHES SUR LA DIGESTION DES POISSONS. 155 


températures voisines de zéro degré, et, en outre, il contient (sur- 
tout chez les Sélaciens) une dose de HCI très supérieure à ce qu’elle 
est chez les Mammifères. 

Quant à l’action propre du mucus bucecal, de la bile, du suc pan- 
créatique {chez les Poissons pourvus d’un pancréas massif, et, à 
plus forte raison, chez ceux dont le pancréas est diffus), du suc in- 
testinal et des produits de sécrétion des appendices pyloriques, ainsi 
que de la glande rectale (chez les Squales), les opinions émises par 
les divers auteurs sont trop divergentes pour que nous puissions en 
tirer parti avant que de nouvelles études ne les aient contrôlées. 

Il en est de même des iransformations subies par les albuminoïdes 
sous l'influence du suc gastrique. Tous les auteurs que nous avons 
cités se contentent d'employer le terme de peptonisation pour dési- 
gner la dissolution de la fibrine par ce suc. Or, nous savons que ce 
terme à acquis aujourd’hui un sens précis, et il reste à déterminer si 
oui ou non les Poissons fabriquent de véritables peptones dans leur 
tube digestif ? Cette dernière remarque s'applique principalement à 
la prétendue peptonisation des albuminoïdes par les extraits de mu- 
queuse en milieu alcalin, tel que Luchhau en a obtenu chez les Cy- 
prinoïdes. [Il y a là autant de questions qui ne “peuvent être consi- 


dérées comme résolues. Nous aurons donc à les examiner dans la 


suite avec toute Lattention qu'elles comportent. Et nous rangeons 


parmi ces dernières questions, trop controversées pour qu'il soit pos- 
Sible de se faire une opinion arrêtée à leur égard, celles qui touchent 
au mode de sécrétion des produits digestifs et à la régénération des 


différentes sortes d’épithélium. 


IT 


TECHNIQUE. 


Avant d'exposer mes recherches personnelles, je dois présenter ici 
quelques remarques générales sur la technique employée, car les 
résultats obtenus varient selon qu'on fait usage de tel procédé ou de 


tel autre. J'ai déjà insisté sur l’absolue nécessité d'opérer sur un 


156 ÉMILE YUNG. 


matériel vivant, les Poissons achetés sur les marchés doivent, en 
règle générale, être mis de côté ; 1l en est de même de ceux conservés 
dans les collections. D'autre part, il est bon de noter, dans chaque 
cas particulier, si l'animal étudié était à jeun ou à l'état de digestion 
au moment où son intestin a été traité, en vue de son étude histo- 
logique. 

La dissection de ce dernier doit être entourée de certaines précau- 
tions ; il faut éviter d'exercer des tractions déformatrices et éviter le 
contact de l’eau sur les muqueuses, ainsi que leur dessiccation. Les 
opérations doivent être conduites aussi rapidement que possible. 
Après avoir détaché l’intestin sur sa totalité, il est divisé en tron- 
cons de À à 2 centimètres de longueur, chaque tronçon est fendu 
longitudinalement sur sa ligne dorsale, étalé sur une plaque de 
liège avec de fines épingles, puis fixé au fur et à mesure dans le 
réactif approprié. L’épithélium de la muqueuse se trouvant exposé 
à sécher au contact de l'air, il est indispensable que son immersion 
dans le réactif succède immédiatement à son étalage sur le liège. 
Sans doute, les mucosités adhérentes à lépithélium gênent la péné- 
tration du réactif; c'est pourquoi quelques opérateurs lavent à 
grande eau, mais l’eau elle-même altère l’épithélium; en tout cas, 
elle détruit les relations entre les cellules de celui-ci avec leurs pro- 
duits de sécrétion. Il est donc préférable de ne pas s’en servir ou de 
ne l'employer que prudemment pour éloigner la grosse masse du 
contenu intestinal; laver la muqueuse équivaut parfois à la détruire, 
au moins en partie. 

Quoique l’examen à l’état frais, sur des fragments dilacérés, puisse 
rendre des services, il faut bien reconnaître que, d'ordinaire, il est si 
difficile qu’il ne donne guère de résultats satisfaisants. Néanmoins, 
les deux procédés de la dilacération et des coupes doivent toujours 
marcher de pair; seulement le premier s'applique surtout avec suc- 
cès sur des muqueuses préalablement fixées, puis macérées. 

Fication. — Les auteurs ont recommandé jusqu'ici les procédés 


de fixation les plus divers ; en effet, une quantité de liquides peuvent 


RECHERCHES SUR LA DIGESTION DES POISSONS. 157 


être avantageusement employés dans ce but, depuis les solutions 
chromiques ou picriques jusqu’à l'acide osmique et à l’alcool. Après 
plusieurs essais comparatifs, nous nous sommes arrêté au procédé 
suivant. 

Nous plongeons la paroi intestinale, étalée comme il a été dit 
plus haut, dans une solution d'acide azotique à 4 pour 100 ou dans 
l'acide picro-nitrique de Meyer et nous l’y laissons séjourner trente 
minutes, après quoi nous lavons longtemps à l'alcool. Ce réactif 
pénètre admirablement et permet d'employer quel colorant que 
ce soit. 

Nous avons fait usage aussi de l’acide osmique à 4 pour 100, ap- 
pliqué à des fragments minuscules destinés à la dilacération. Toute- 
fois, son faible pouvoir pénétrant le rend impropre à la fixation des 
parois destinées à être coupées. La réduction de l’osmium sur les 
épithéliums est telle qu’ils deviennent absolument noirs avant que 
le réactif ait atteint à la sous-muqueuse. | 

Coloration. — Les deux colorants dont nous nous sommes le plus 
servi sont l’hémalun et le carmin boracique, qui donnent l’un et 
l’autre de très bons résultats, à condition que l’on procède à des 
décolorations soignées après que l’objet à couper y a été coloré 
en bloc. 

M. le docteur O. Fuhrmann, assislant à notre laboratoire, fort 
habile dans l’art des coupes, a appliqué aussi avec succès les sus- 
dits réactifs aux coupes elles-mêmes, et il a obtenu de fort jolis 
résultats de double coloration en faisant usage d’hémalun, puis 
d'éosine. 

Macération. — Nous nous en sommes tenu à l'alcool au tiers de 
Ranvier, que nous recommandons tout particulièrement; l'acide 
acétique, souvent employé en pareille circonstance, est moins re- 
commandable. 

Coupes. — Toutes nos coupes ont été pratiquées après inclusion 
dans la paraffine. C’est ici le lieu de remercier M. le docteur 0. Fuhr- 


mann pour l'aide précieuse qu'il nous a prêtée dans l'élaboration de 


158 ÉMILE YUNG. 


centaines de coupes. Celles-ci ont été dirigées dans divers sens, en 
ayant soin surtout de les faire porter sur les points de passage d’une 


région intestinale à l'autre. 


IT 


HISTOLOGIE DE LA MUQUEUSE INTESTINALE DE SCYLLIUM CANICULA. 


Comme on a pu le constater par notre historique, l'intestin des 
Squales a été déjà l’objet de nombreuses recherches tant histolo- 
giques qu'anatomiques. Ilse distingue de l'intestin de la plupart des 
autres Poissons par la brièveté de son parcours. Chez Scyllium cani- 
cula, que nous avons plus particulièrement étudié, il ne dépasse pas, 
étant complètement étendu, les neuf dixièmes de la longueur totale 
du corps, mesurée de l’extrémité du museau à la racine de la na- 
seoire caudale. 

L'intestin de Scyllium est deux fois recourbé sur lui-même ; une 
première anse, à convexilé tournée en arrière, marque la limite 
entre le fond du sac stomacal et le tube pylorique, et une seconde 
anse, à convexité dirigée en avant, indique la limite entre ce der- 
nier et l'intestin moyen. Ces deux courbures divisent naturellement 
le tube digestif en trois portions, dont les deux premières corres- 
pondent à l’intestin antérieur et la dernière à l'intestin moyen et à 
l'intestin terminal. On voit aussi, dès l’abord, que l'intestin du Scyl- 
lium se distingue par la prédominance de l'intestin antérieur sur les 
deux autres portions. 

Au point de vue histologique, chacune de ces portions se divise à 
son tour en plusieurs régions : buccale, pharyngienne, œsopha- 
gienne, stomacale, pylorique, valvulaire, rectale et cloacale. Lais- 
sant de côté les particularités relatives à la musculature, à la vascu- 
larisation, à l’innervation de ces diverses régions, nous porterons ici 
spécialement notre attention sur la structure de leur muqueuse, 
dont la nature de l’épithélium et les formations glandulaires inté- 


ressent surtout le physiologiste. 


- RECHERCHES SUR LA DIGESTION DES POISSONS. 159 


Muqueuse buccale. — Elle tapisse la vaste cavité de ce nom. Son 
aspect extérieur est lisse et blanchâtre. Elle est couverte parfois de 
légères papilles à peine visibles sous la loupe et elle est humectée de 
mucus plus ou moins épais et gluant auquel restent attachés des 
débris étrangers. Elle adhère assez fortement à la voûte palatine, le 
seul point où nous l’ayons étudiée sur des lambeaux détachés au 
moyen du scalpel. La dilacération de fragments macérés dans le 
sérum iodé et l'alcool au tiers fournit des cellules ovoïdes ou irré- 
gulièrement polygonales, le plus souvent détériorées et mêlées à des 
fibres conjonctives, à des globules sanguins, etc. Seules les coupes 
permettent de se rendre compte de la disposition de ces éléments 
groupés en deux couches principales (fig. 4) : la couche épithéliale 
et la couche conjonctive. Cette dernière est essentiellement formée 
de faisceaux de fibres conjonctives mélangés de fibres élastiques et, 
dans les assises les plus profondes, de quelques fibres musculaires. 
La surface de cette couche est plus dense que sa partie profonde ; 
elle se relève pour former de nombreuses papilles (p) visibles sur les 
coupes longitudinales comme sur les transversales, ce qui prouve 
qu’elles ont une forme circulaire et dessinent à la superficie de cette 
couche des sortes de cupules remplies par des cellules épithéliales. 
La hauteur de ces papilles varie de 02,120 à 022,900; l'épaisseur 
totale de la muqueuse étant de 0,8 à 0,9, 

L'épithélium appartient au type pavimenteux stratifié ; il comprend 
plusieurs assises de cellules de formes et de dimensions diverses. 
L’assise la plus profonde, contiguë à la couche conjonctive dont elle 
suit les sinuosités, est composée de cellules cylindriques régulière- 
ment disposées sur le fond des papilles et plus ou moins couchées 
et déformées sur leurs parois latérales. Ces cellules paraissent être 
dépourvues de membrane; leur protoplasma est finement granuleux ; 
elles contiennent un grand noyau ovoïde et vésiculé qui se colore 
vivement dans l’hémalun et dans les solutions carminées. Sur cette 
assise reposent de nombreux noyaux irrégulièrement disposés, accu- 


mulés par place et qui passent peu à peu dans les espaces ménagés 


160 ÉMILE YUNG. 


entre les cellules sus-jacentes. Ces noyaux sont entourés de quan- 
tités variables mais toujours faibles de protoplasma à contours irré- 
guliers, de sorte que leur ensemble rappelle ici et là des éléments 
amæbiformes. Sont-ils dérivés de cellules cylindriques ? Leurs 
dimensions et leurs formes différentes de celles des noyaux de ces 
dernières empêchent de l’admettre, et nous n’avons aucune autre 
preuve en faveur de cette conjecture, attendu que l’assise des cel- 
lules cylindriques est continue et nous n’y avons pas rencontré 
de cellules en voie de dégénérescence ni de division. 

Au-dessus de ces assises de cellules cylindriques et de noyaux 
épars se trouvent plusieurs assises de grandes cellules muqueuses 
(fig. 1, cm, et 2, cm) qui, fonctionnellement, jouent sans doutele rôle 
principal de l’épithélium. Ce sont des cellules ovales pressées les 
unes contre les autres, entourées chacune d’une enveloppe continue, 
le thèque, qui se colore au carmin, tandis que la plus grande partie 
du contenu de ces cellules demeure incolore et transparent. Il y 
a, en effet, à distinguer à l’intérieur de ces cellules, une substance 
muqueuse plus ou moins abondante et colorable seulement par les 
anilines et une substance protoplasmique refoulée contre le thèque 
et extrêmement raréfiée ; ce protoplasma résiduel est amassé autour 
du noyau (#), lequel est lui-même petit, allongé et appliqué contre 
la paroi cellulaire. En fait, ce tissu ressemble à une moelle végétale ; 
chaque cellule mesurant en moyenne 022,032 de long sur 02,016 
de large, est réduite pour ainsi dire à une capsule de mucus, lequel 
ne peut sortir que par rupture du thèque. Je n’ai jamais vu qu'elles 
soient munies de pores ou de stomates comme Bornand (%) prétend 
en avoir constaté dans certaines cellules de la muqueuse buccale 
des Poissons. 

Les cellules muqueuses que nous figurons ici se déchirent lors- 
qu’elles arrivent à la surface de l’épithélium et leur contenu se ré- 
pand en une masse mucilagineuse dans laquelle flottent les débris du 
thèque et des noyaux. Coagulé par les réactifs, ce mucilage s’aper- 


çoit ici et là sur les coupes sous forme d’une lame homogène dans 


REÉCHERCHES SUR LA DIGESIION DES POISSONS. 161 
laquelle sont enrobés des noyaux. Entre les cellules muqueuses 
sont ménagés des espaces dans lesquels circule un liquide Ilymphoïde 
charriant lui-même des éléments nucléaires. 

Enfin la superficie de l’épithélium est couverte de cellules plates et 
ovales, sur une ou deux couches, formant une fine membrane qui se 
détache par places et paraît subir une sorte de mue (fig. 1, es). Le 
protoplasma de ces cellules est très transparent et leur noyau se 
colore très intensivement. Ces cellules paraissent être reproduites 
par la couche sous-jacente, cependant nos coupes sont insuflisantes 
pour nous renseigner sur leur origine. 

Quant à des glandes différenciées, nous n’en avons pas rencontré 
dans la muqueuse buccale, cependant nous pouvons considérer 
chaque cellule muqueuse comme une glande monocellulaire. 

Muqueuse æsophagienne. — L’œsophage diffère macroscopiquement 
de la muqueuse buccale par les plis longitudinaux qui sillonnent sa 
muqueuse, ces plis sont très fins à leur origine, mais 1ls s'épaississent 
bientôt et atteignent leur maximum d’élévation vers le cardia, Leur 
nombre varie selon l’âge de l'individu considéré, ils se rencontrent 
parfois sous un angle aigu et alors s’anastomosent, quelques-uns 
franchissent la frontière, d’ailleurs peu marquée, entre l'œsophage 
et l'estomac, et peuvent être suivis jusqu’au milieu de la portion 
dilatée de cet organe. Je n'ai pas rencontré dans l’œsophage de 
Scyllium les papilles propres à d’autres genres de Squales ni aucune 
formation dentaire. La contraction des muscles de la sous-muqueuse 
a pour effet d'augmenter la saillie des plis; aussi est-il nécessaire, 
avant de plonger dans le réactif durcissant des fragments de la paroi 
œsophagienne, de fixer ceux-ci sur un morceau de liège. 

La face interne de l'œsophage contraste par sa blancheur avec 
celle de l’estomac qui est toujours un peu rougeâtre, particulière- 
ment quand l'estomac est plein d’aliments; elle est recouverte de 
mucus. 

La musculature consisle en une couche externe de muscles lon- 
giludinaux à fibres lisses et une couche interne beaucoup plus épaisse 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. — 3€ SÉRIE. — %,. vil. 1899. JM 


162 ÉMILE YUNG. 


que la précédente de muscles circulaires à fibres striées. Ces couches 
entourent la muqueuse proprement dite, elle-même constituée de 
deux couches : l’une conjonctive et l’autre épithéliale. Cette dernière 
est assurément la plus importante au point de vue où nous nous 
plaçons, aussi entrerons-nous dans quelques détails à son propos. 

Dans toute la portion initiale de l'æœsophage, là où les plis longitu- 
dinaux ne sont encore qu’à peine indiqués, l’épithélium conserve 
l’aspect qu'il présente sur le plafond buccal, mais il est peu à peu 
remplacé par un épithélium cylindrique dont les cellules cihiées 
sont mêlées à de nombreuses cellules caliciformes. Notre figure 3 
représente une crypte de la portion postérieure de l’æœsophage au 
voisinage de l’estomac et vue sur une coupe transversale ; nous 
n'avons dessiné que l’épithélium pour montrer comment, dans cette 
région, les cellules ciliées sont régulièrement alternantes avec les 
cellules caliciformes. Les premières (fig.3,e) appartiennent toutes au 
type des cellules cylindriques, mais leurs dimensions varient dans 
les proportions de 1 à 2 ou 3. Leur longueur moyenne dans la crypte 
figurée, laquelle mesurait elle-même une profondeur de 0"2,270 
était 02%,054 et leur largeur à leur extrémité supérieure était de 
022,072, mais ces cellules considérées plus en avant dans la portion 
moyenne de l’æsophage (fig. 5) sont plus larges et de moitié ou des 
trois quarts plus courtes. Le corps des premières est grêle dans son 
milieu, quelquefois même si étranglé, que le noyau fait saillie (fig. 4). 
Leur extrémité inférieure est étroite et mousse; leur extrémité 
supérieure est plate et couverte de cils. Leur protoplasma est 
transparent; toutefois on y aperçoit, sous de forts grossissements, 
des granulations assez espacées. Quant au noyau, il est ovoïde el 
situé toujours à peu près au même niveau, au tiers inférieur de la 
cellule. 

Entre les éléments que nous venons de décrire se trouvent les 
cellules caliciformes (fig. 3, c); nous n'avons pas réussi à les isoler 
et nous nous bornerons à indiquer ici l'aspect qu'elles présentent 


sur les coupes. Comme le montre la figure 3, empruntée à une 


RECHERCHES SUR LA DIGESTION DES POISSONS. 165 


coupe passant au fond de l’æsophage, ces cellules sont intercalées, 
de sorte qu'entre deux cellules cylindriques se trouve une cellule 
caliciforme, et ainsi de suite, en alternant régulièrement. Ce n’est 
point le cas toujours; dans d’autres coupes, on rencontre plusieurs 
cellules cylindriques appliquées les unes contre les autres, puis une 
cellule caliciforme plus ou moins distante de ses voisines. En re- 
yanche, nous n'avons pas constaté de groupements de cellules 
caliciformes ; elles sont isolées entre les précédentes. A leur base, 
leur protoplasma paraît se confondre avec celui des cellules cylin- 
driques voisines, el c'est là, près de leur extrémité inférieure, 
que se trouve leur noyau, non plus ovoïde, comme celui de ces 
dernières, mais arrondi. Leur protoplasma est refoulé autour du 
noyau (fig. 5, n), tandis que la partie supérieure du corps cellu- 
laire est occupée par une masse plus ou moins grande, mais tou- 
jours relativement considérable de mucus.Ces cellules, très renflées 
au milieu, déversent leur mucus dans la cavité de la crypte par un 
orifice béant. 

Mugueuse stomacale. — Elle se distingue, à l'œil nu, de la précé- 
dente par sa couleur jaune ou rougeûtre, selon qu'on la considère 
sur un estomac vide ou rempli d'aliments et en pleine activité, puis 
surtout par son système de plis. Geux-c1 sont en partie la continua- 
tion des plis longitudinaux de l’æsophage; toutefois, ils en sont tou- 
jours distincts à l'origine du sac stomacal par leur plus grande 
largeur et la plus forte saillie qu'ils font dans la cavité de l’organe. 
Du reste, la limite entre l’œsophage et l'estomac est marquée par 
de légers replis transversaux dont le bord libre est renversé en ar- 
rière et qui constituent là une sorte de cardia valvulaire. À partir 
de ces replis et jusque près du milieu du sac stomacal, les plis lon- 
gitudinaux dominent. Au delà, ils sont reliés les uns aux autres par 
des plis transversaux ou obliques, qui dessinent avec les précé- 
dents, à la surface de la muqueuse,un réseau alvéolaire dont la pré- 
sence est constante, mais dont l’aspect varie naturellement selon 


le degré de contraction de la muqueuse. Cette disposition réticulée 


164 ÉMILE YUNG. 


des plis se retrouve plus loin, au delà du sac stomacal, dans le dé- 
troit pylorique; mais ici la muqueuse s’est beaucoup amincie et les 
plis plus étroits sont beaucoup moins saillants. Le tube pylorique 
est bien justement considéré, malgré son moindre diamètre, comme 
la suite de l’estomac après que la portion sacciforme de cet organe 
s’est courbée sur elle-même; il se termine par une valvule pylo- 
rique à laquelle aboutissent les quelques plis longitudinaux par les- 
quels s'achève le système de plissage stomacal. 

Toute la muqueuse de cette portion de l'intestin courbée sur elle- 
même qui comprend le sac stomacal à parois épaisses et à plis très 
saillants et le tube pylorique dont les parois sont plus minces et 
les plis moins prononcés, ou, en d’autres termes, la muqueuse de 
la portion de l'intestin qui s'étend du cardia au pylore, diffère his- 
tologiquement de celle de l’æœsophage par l’absence de cils vibra- 
tiles, de cellules caliciformes, et par la présence, au moins sur une 
partie de son étendue, de véritables glandes peptiques. 

Les coupes longitudinales qui comprennent à la fois la fin de 
l’œsophage etle commencement de lestomac indiquent la brusque 
transition de l’une à l’autre de ces structures histologiques. Nous y 
voyons l'épithélium cylindrique cilié de l’œsophage tapisser encore 
les deux côtés des replis transversaux constituant la valvule du car- 
dia, puis il cède subitement la place à l’épithélium non cilié de 
l'estomac, lequel, dès le début, s’infléchit autour des tubules des 
glandes peptiques dont le corps est constitué par les cellules pep- 
tiques proprement dites. 

Nous avons donc ici à distinguer l’épithélium superficiel et l’épi- 
thélium glandulaire. Le premier (fig. 6, ep, et fig.7) est composé d’une 
seule couche de cellules prismatiques ou plus exactement pyrami- 
dales, dont la base,tournée du côté de la cavité de l'estomac, mesure 
02%,0072 de diamètre en moyenne et dont le sommet, pointu ou 
émoussé, s'enfonce dans le tissu conjonctif de la muqueuse. Ces 
cellules considérées isolées sont rarement droites, mais, courbées 


sur elles-mêmes, elles présentent une forme plus ou moins tor- 


FRE. 


RECHERCHES SUR LA DIGESTION DES POISSONS. 165 


tueuse (fig. 7). Leur hauteur moyenne mesure 0"%,054; elle se 
ressemblent toutes les unes les autres, elles sont contiguës et sa 
présentent sur les coupes en une rangée régulière. 

Leur noyau est ovale, situé plus près du sommet que de leur base, 
il renferme des corpuseules nucléolaires sous forme de grosses gra- 
nulations. Quant à leur corps protoplasmique, il présente dans la 
règle cette particularité qu’on peut lui distinguer deux portions : 
l’une, qui entoure le noyau et s’étend du sommet de la cellule jus- 
qu'aux trois quarts ou aux quatre-cimquièmes de sa longueur, est 
composée d’un protoplasma finement granulé ; l’autre, avoisinant la 
base de la cellule et occupant toujours sa portion tournée du côté 
de la cavité stomacale, sur une étendue plus ou- moins grande, est 
composée d’une substance réfringente et absolument transparente. 
Ges deux portions remarquablement différentes correspondent à ce 
qu'Oppel nomme portion protoplasmique et portion supérieure (voir 
le résumé que nous avons donné au commencement de ce mémoire), 
admettant que cette dernière est constituée par une substance com- 
parable à du mucus. 

L’épithélium superficiel recouvre toutes les sinuosités de la mu- 
queuse; ses cellules présentent quelques diversités de forme selon 
qu'on les considère au sommet d’un pli ou au fond de celui-ci ; 
toutefois, nous le répétons, il est caractérisé par sa grande uni- 
formité. Vu de champ, il offre l'aspect d’une mosaïque. Au niveau 
des tubes glandulaires, il s’infléchit contre leur paroi et tapisse la 
portion terminale de ces tubes, alors que leur portion profonde 
est tapissée par les cellules peptiques. 

Il s’agit effectivement ici de véritables glandes à pepsine, ainsi que 
le prouvent les expériences physiologiques. Ces glandes commencent 
immédiatement en arrière du cardia et occupent, dans l’épaisseur 
de la muqueuse, une fraction plus ou moins importante de celle-ci, 
selon la région du sac stomacal que l’on considère. Vers le milieu 
de ce dernier, elles atteignent leur maximum d’ampleur, tandis 


qu'elles sont moins développées dans ses portions cardiaque et py- 


166 ÉMILE YUNG. 


lorique. Des coupes exactement perpendiculaires à la paroi de l’or- 
gane permettent de les mesurer ; leur différence de taille devient 
alors évidente, mais, dans les plus courtes comme dans les plus 
longues, les cellules glandulaires ont le même diamètre de 0"2,095 
en moyenne. 

Chaque glande est un tube cylindrique (fig. 6) percé dans son axe 
d’un canal fort étroit dans sa partie supérieure c, mais qui tend 
à s'élargir vers le bas et se renfle fréquemment à son extrémité infé— 
rieure c’. 

Le nombre de ces tubes est immense; ils demeurent simples sur 
toute leur étendue et ils ne diffèrent les uns des autres que par 
leur longueur, leur diamètre étant très peu variable. Au commen- 
cement et à la fin du sac stomacal, ils sont plus courts que vers le 
milieu, où ils atteignent en moyenne 0%%,5 de long. Ils sont tous 
étroitement appliqués les uns contre les autres, séparés seulement 
par une fine lamelle conjonctive qui limite leur contour et le long 
de laquelle se rencontrent quelques noyaux n'. 

Nous considérons dans chaque glande (fig. 6) le col cet le corps 
gl; le premier étant assimilable à une crypte tapissée par l’épithé- 
lium superficiel dont, peu à peu, les cellules se raccourcissent et 
s’élargissent, passant de la sorte de cellules pyramidales à l’état de 
courtes cellules prismatiques reconnues par nombre d'auteurs sous 
le nom de cellules du col (fig. 6, cc). Ces cellules épithéliales modi- 
fiées se distinguent des autres de la superficie par l’absence de por- 
tion muqueuse et par un gros noyau arrondi, elles diffèrent des cel- 
lules peptiques par des contours plus nets, un volume moindre et 
l’absence de grosses granulations dans leur protoplasma. 

Le corps de la glande est occupé par une seule espèce de grandes 
cellules peptiques (fig. 6, cp) sans membrane d’enveloppe, de forme 
irrégulièrement polygonale, à protoplasma fortement granuleux et 
renfermant un et souvent deux noyaux (#, n). Ces cellules sont ser- 
rées les unes contre les autres, au point qu’à certains endroits il est 


difficile de reconnaître une ligne de démarcation entre elles. Celles 


RECHERCHES SUR LA DIGESTION DES POISSONS. 167 


qui possèdent deux noyaux sont fréquemment un peu plus grandes 
que celles qui n’en possèdent qu'un ; cependant il peut arriver d'en 
rencontrer, parmi ces dernières, de taille équivalente ou même plus 
considérable et de trouver, côte à côte, deux cellules, dont l’une à 
double noyau est plus petite que l’autre à un seulnoyau. Les cellules 
peptiques sont arrangées de telle sorte, autour du tube de la glande, 
qu’elles ménagent, dans l’axe de ce tube, un espace (fig. 8, c) plein 
de leur produit de sécrétion, lequel est un liquide visqueux conte- 
nant des granulations semblables à celles du protoplasma cellulaire, 
et qui, comme ces dernières, se colorent vivement par l’action 
de l’éosine. La cavité axiale du tube glandulaire est très variable 
selon le niveau auquel on la considère ; elle paraît manquer parfois, 
mais ce n’est là qu’une illusion résultant de ce qu’elle est remplie 
du produit de sécrétion, qui, par sa ressemblance avec le proto- 
plasma cellulaire, se confond avec lui. Dans la règle, elle est très 
étroite, au moins dans la partie moyenne et supérieure du corps 
de la glande ; aussi ne la voit-on qu’exceptionnellement sur les coupes 
longitudinales de celui-ci. Nous avons déjà dit qu’en revanche elle 
s’élargit au fond du tube (fig. 6, c’), où elle atteint parfois un fort 
diamètre et constitue une sorte de sac vésiculiforme dans lequel 
s'accumule une dose notable du suc sécrété et qui se vide, sans 
doute, par le jeu des muscles de la sous-muqueuse, Nous avons 
représenté, figure 9, une portion de coupe transversale passant près 
de l'extrémité inférieure d’un tube glandulaire remarquable par 
l'ampleur de son excavation. 

Si, du sac stomacal (Fundusdrüsenregion d’Oppel), nous passons 
au tube pylorique (Pylorusdrüsenregion), qui en est la suite considé- 
rablement rétrécie, nous retrouvons le même épithélium superfi- 
ciel, les mêmes cryptes tapissées de ces cellules et ressemblant quel- 
quefois, sur les coupes, au col d’une glande ; mais le corps de la 
glande fait toujours défaut. La muqueuse du tube pylorique est dé- 
pourvue de glandes peptiques. Peut-être celles-ci sont-elles rem- 


placées par de courtes glandes muqueuses, du moins c'est ce 


168 ÉMILE YUNG. 


qu’admet Oppel dans la brève description qu’il a donnée (63) de la 
muqueuse pylorique chez Alopecias vulpes ; toutefois, nous devons 
avouer ne pas être parvenu à nous faire une opinion sur l'existence 
de pareilles glandes chez Scyllium. Iei et là, nos coupes présentent 
bien une ressemblance avec la figure publiée par l’érudit histolo- 
giste de Fribourg-en-Brisgau (69, I, fig. 56); mais il pourrait se 
faire que les prétendues cellules glandulaires qui occupent le fond 
des cryptes de cette portion de l'intestin (fig. 10, c) ne fussent que 
des cellules de l’épithélium superficiel coupées transversalement au 
niveau de leurs noyaux. Ces derniers présentent, en effet, absolu- 
ment le même aspect dans les deux cas; ils sont caractérisés les uns 
et les autres par un nucléole qui se colore très vivement dans les 
teintures, en particulier dans l'hémalun. Nous ne possédons au- 
cune coupe sur laquelle on puisse saisir le point où cesse l’épithé- 
lium pour céder la place aux prétendues cellules glandulaires, et 
lorsqu'on dilacère la muqueuse fraîche du tube pylorique on ne ren- 
contre, dans le produit de la dilacération, que des cellules épithé- 
liales plus ou moins déformées. Nous inclinons donc à n’admettre 
dans la muqueuse pylorique que des cryptes et aucune glande pro- 
prement dite, attribuant le mucus de cette portion de l’estomac à 
l’activité de l’épithélium lui-même. 

Nous ne connaissons aucun fait, dans la littérature, pas plus que 
dans nos observations, qui puisse servir de base à une opinion défi- 
nitive sur la fonction de l’épithélium stomacal. Est-il simplement 
protecteur? Sert-il à la résorption? Sécrète-t-11? On lui a, tour à 
tour, attribué ces diverses fonctions, sans démontrer d’une façon sa- 
tisfaisante quelle est celle qui lui est propre. En tout cas, cette fonc- 
tion doit être essentiellement la même dans le sac stomacal et dans 
le tube pylorique ; les cellules épithéliales étant de même structure 
sinon de mêmes dimensions dans ces deux portions de l'estomac ; 
elles sont, en général,'plus longues dans la seconde que dans la pre- 
mière. 


Muqueuse intestinale. — À l'extrémité du tube pylorique, la mu- 


RECHERCHES SUR LA DIGESTION DES POISSONS. 169 


queuse est soulevée par un notable épaississement de la muscula- 
ture constituant la valvule du pylore, et elle montre un grand 
nombre de petits plis transversaux sur lesquels l’épithélium con- 
serve la disposition que nous venons de décrire. Mais immédiate- 
ment en arrière de la valvule pylorique, cette disposition est fort 
différente. Macroscopiquement, la muqueuse paraît uniformément 
veloutée; cet aspect est dû à ce qu’elle porte de nombreuses villo- 
sités, qui se montrent sur les coupes sous la forme defines lamelles 
faisant saillie dans la lumière de l'intestin. Ces villosités couvrent 
non seulement la portion initiale de l'intestin moyen, mails encore 
toute la portion où se développe la valvule spirale, laquelle, on le 
sait, n’est qu'un puissant repli de la muqueuse intestinale. L’épithé- 
lium qui recouvre les villosités présente fondamentalement la même 
constitution depuis l'origine de l’intestin moyen jusqu’au cloaque; 
sans doute, il n'a pas partout la même hauteur, l’abondance de ses 
cellules caliciformes varie d’un endroit à l’autre; mais qu’on le con- 
sidère au voisinage du cloaque ou près du pylore, il est toujours 
composé de deux sortes de cellules : des cellules cylindriques et des 
cellules caliciformes. 

Les premières (fig. 11, cc) sont remarquables par leur hauteur et 
leur étroitesse ; elles sont serrées les unes contre les autres : leur 
protoplasma est granuleux; leur noyau ovale allongé est profondé- 
ment situé. Elles portent, à leur extrémité superficielle, un plateau 
non strié. Nous ne leur avons pas constaté de cils vibratiles; mais, la 
plupart du temps, leur plateau est recouvert de quelques grumeaux 
de mucus provenant des cellules caliciformes voisines et qui don- 
nent parfois l'illusion de petits paquets de cils accolés les uns aux 
autres. 

Quant aux cellules caliciformes (fig. 11, ca), elles sont placées 
entre les précédentes, dont elles diffèrent surtout par la nature de 
leur contenu et la présence d’une ouverture à la place du plateau. 
Elles ont la même longueur que les cellules cylindriques et le 


même diamètre à leur base, mais leur partie supérieure est, plus ou 


170 ÉMILE YUNG. 


moins, renflée et remplie d’un mucus transparent. La quantité de ce 
mucus varie de l’une à l’autre; tantôt ce n’est qu’une gouttelette 

faisant saillie sur le bord supérieur de la cellule, tantôt c’est une 
| masse qui remplit le corps cellulaire jusqu’au noyau et se déverse 
au dehors par l'orifice de la cellule jusque sur le plateau des cel- 
lules cylindriques voisines. Le nombre des cellules caliciformes 
varie d’une villosité à l’autre, sans qu’on puisse établir de règle à 
cet égard. Chez certains individus, on en compte davantage sur les 
villosités de la valvule spirale que sur celles des portions de l’in- 
testin situées en avant ou en arrière de la valvule ; maïs, chez d’au- 
tres, c’est l'inverse. Il est probable que leur abondance dépend du 
degré d'activité fonctionnelle où se trouvait la portion considérée 
au moment de sa fixation, mais il est très difficile de donner la 
démonstration d'une telle conjecture. Le noyau des cellules ca- 
liciformes a la même forme et les mêmes dimensions que celui des 
cellules cylindriques, et il est, en général, situé au même niveau 
(fig. 19, n). 

Ces deux sortes de cellules se retrouvent avec la même ordon- 
nance dans l’épithélium recouvrant la muqueuse de la portion de 
l'intestin qui fait suite à celle occupée par la valvule spirale et que 
l’on désigne ordinairement sous le nom de rectum. Elles cessent brus- 
quement, au contraire, à partir du point où la glande anale est 
reliée à l'intestin terminal, Il n’y a d'autre signe extérieur de démar- 
cation, entre le rectum proprement dit et le cloaque qui lui fait 
suite, qu'une sensible diminution du diamètre du canal; mais, his- 
tologiquement, le cloaque est très différent du rectum en ce sens 
que sa muqueuse est recouverte jusqu’à l’anus d’un épithélium pa- | 
vimenteux stratifié tout semblable à celui que nous avons dé- 
crit à propos de la muqueuse buccale, en sorte qu’à ce point de 
vue les deux extrémités du canal alimentaire présentent la même 


structure. 


RECHERCHES SUR LA DIGESTION DES POISSONS. 171 


IV 


PHYSIOLOGIE DE LA MUQUEUSE DE L'INTESTIN ANTÉRIEUR 


CHEZ SCYLLIUM CANICULA. 


Les expériences suivantes ont été faites à Roscoff, non seulement 
chez Scyllium, mais encore chez d’autres Squales, tels que Acan- 
thias vulgaris, Lamna cornubica, Galeus canis et Carcharias glaucus, qui 
ont le même genre d'alimentation, s’attaquant à des proies vivantes 
et surtout à des Céphalopodes, à des Crustacés et à de petits Pois- 
sons, comme l’Ammodytes tobianus, dont on rencontre des restes 
plus ou moins bien conservés dans l'intestin. Elles ont consisté, dans 
l’examen du contenu intestinal, dans l'application des sucs renfermés 
dans l'estomac à des essais de digestion artificielle, puis dans la pré- 
paration d'extraits des diverses portions de la muqueuse intestinale, 
extraits servant à leur tour à des essais de digestion in vitro. 

À. Muqueuse buccale. — Le Scyllium avalant la proie sans la mâcher, 
celle-ci ne fait que traverser la cavité buccale et l’æsophage pour 
pénétrer dans le sac stomacal, il semble donc peu probable a priori 
que la muqueuse de ces régions de l’intestin antérieur exerce une 
action digestive, et cette probabilité est augmentée encore par 
l'absence de glandes proprement dites. Néanmoins, étant donné la 
présence de cellules muqueuses et caliciformes dans leur épithé- 
Hum, il y avait intérêt à examiner leurs réactions et à essayer 
l'influence que pourraient exercer les extraits fournis par leur 
macération sur diverses substances. 

Expérience I. — Quatre individus de Scyllium pesant chacun 
environ 800 grammes sont examinés au sortir de l'eau et ‘hbougeant 
encore. Le plafond de leur cavité buccale est couvert d’une mucosité 
visqueuse, légèrement jaunâtre, attachée à la muqueuse ; celle-ci est 
parfaitement blanche. Réaction neutre. Le tout est raclé et la masse 
mucilagineuse ainsi obtenue, dans laquelle nagent de nombreuses 
cellules muqueuses semblables à celles de la planche IX (fig. 2), 


172 ÉMILE YUNG. 


est diluée dans 100 centimètres cubes d’eau distillée. La dilution est 
neutre, filante, opalescente. Il en est fait trois parts égales. La part q 

est additionnée d’acide acétique, il se forme un précipité blanchâtre 
| qui ne se dissout pas dans un excès d'acide, tandis qu'il se dissout 
dans l'acide HCI, réaction de la mucine. La part à est portée à 
l’ébullition, elle ne précipite pas ; traitée par un excès de sulfate 
de magnésie à chaud, elle laisse au contraire tomber un léger pré- 
cipité grisâtre décelant également la présence de la mucine. La parte 
est mêlée à l’'empois d’amidon frais, puis, trois heures plus tard, 
essayée à la liqueur de Fehling, celle-ci ne décèle aucune trace de 
sucre. (Des essais parallèles faits avec le produit du raclage de la 
muqueuse buccale d’Acanthias vulgaris ont fourni exactement les 
mêmes résultats.) 

Si l’on ajoute à cela que les dilutions des mucosités en question 
donnent la réaction du biuret et sont précipitées par l'alcool fort, il 
me paraît permis d'en conclure que la muqueuse buccale du Scyllium 
sécrète une mucine semblable à celle de la salive de l'homme, mais quien 
diffère par l'absence de diastase. Les réactions que nous venons d'y 
constater sont, en effet, précisément celles de la mucine. 

Expérience 11. — Des extraits aqueux de la muqueuse buccale 
parfaitement neutres, préparés comme ci-dessus, agités avec l'huile 
d'olive, ne l’émulsionnent pas. Au bout de quelques minutes, si pro- 
longée qu'ait été l'agitation, l’huile se ramasse à la surface de la 
dilution. {{s ne renferment donc aucun agent émulsionnant les graisses. 

Expérience III. — Des extraits aqueux identiques aux précédents 
et acidifiés de 5 pour 1000 de HCI, précipitent leur mucine (laquelle 
se redissout dans un excès d'acide, voir expérience I), et à cette 
dose, celle-ci reste précipitée. La liqueur filtrée (elle filtre très diffi- 
cilement) reçoit quelques flocons de fibrine de sang de Porc, sus- 
pendus à un fil de verre. Douze heures plus tard, les flocons gonflés 
sont encore en place. Aucune dissolution n’est manifeste, ce qui 
permet de conclure à l'absence de pepsine ou de ferment analogue dans 


les produits de sécrétion de l'épithélium buccal. 


RECHERCHES SUR LA DIGESTION DES POISSONS. 173 


Muqueuse æsophagienne. — La réaction de l’æœsophage est presque 
toujours franchement acide lorsque l’animal examiné est en pleine 
digestion, mais.étant donné le fait que cette portion de l'intestin est 
largement ouverte sur l’estomac, il est infiniment probable que les 
liquides de celui-ci refluent sur sa muqueuse et sont la cause de 
son acidité. En effet, lorsque le poisson a jeûné pendant quelques 
jours et que son estomac est vide, la réaction de la muqueuse æso- 
phagienne est neutre. D'ailleurs, je me suis convaincu de l’ab- 
sence d'acidité dans l’épithélium œsophagien par des examens 
microchimiques pratiqués sur des coupes fraîches ou sur des 
cellules dilacérées provenant de l’œsophage préalablement lavé 
d'individus qui venaient d’être tués. Il est à remarquer à ce propos 
qu’il est nécessaire de prendre certaines précautions au moment de 
l'ouverture de l’animal, afin d'éviter le reflux du contenu de l’estomac 
vers l’œsophage, lequel se produit presque toujours lorsque le sujet 
est couché horizontalement. Nous avons eu soin de n’examiner 
l’æœsophage que sur des individus suspendus par le museau et dont 
nous fendions la paroi du corps, puis l'intestin, alors qu'ils occu- 
paient une situation verticale. Quand, étant ainsi placé, l’œsophage 
présente de l'acidité, c’est que, malgré cette précaution et pendant 
les contorsions qui précèdent la mort, une certaine quantité de suc 
gastrique avait été rejetée de l’estomac. On s’explique ainsi le fait 
que certains auteurs aient cru constater une aptitude de la mu- 
queuse æsophagienne à digérer la fibrine. En réalité iln’enest jamais 
ainsi dans le cas où l’œsophage a été entièrement débarrassé, par 
lavage, du suc gastrique qui baignait ses parois. 

Expérience IV. — La paroi œsophagienne de deux grands Scyllium, 
ouverts en pleine digestion avec les précautions indiquées ci-dessus, 
est détachée des portions voisines, étalée et raclée avec une lame 
mousse, de manière à en séparer la muqueuse. On obtient ainsi 
22 grammes d’une masse mucilagineuse lenant en suspension des 
tissus déchirés, notamment de nombreuses cellules cihées et cali- 


ciformes (voir fig. 3). Cette masse est divisée en deux porlions égales 


174 | ÉMILE YUNG. 

dont l’une est infusée dans de l’eau alcalinisée avec du carbonate de 
soude et l’autre dans de l’eau acidifiée de 5 pour 1000 de HCI. On 
ajoute à chaque infusion un peu de thymol afin d'empêcher le 
développement de microbes et l’on agite fréquemment. Au bout de 
six heures, à la température ordinaire (18 degrés), les infusions sont 
filtrées et l’on suspend dans les liqueurs filtrées quelques flocons de 
fibrine de sang de Porc. Douze heures plus tard, la fibrine n’est pas 
peptonisée, ce qui prouve que la muqueuse æœsophagienne ne produit 
ni trypsine, ni pepsine. 

Cette expérience conduit parfois à un résultat positif en milieu ‘: 
acide, c'est-à-dire que l’infusion de la muqueuse fournit un liquide 
digérant très rapidement (en quelques minutes) de gros flocons de 
fibrine en présence de HCI, mais dans ce cas le résultat est dû à 
ce que des parcelles de la muqueuse stomacale s'étaient mêlées acci- 
dentellement au produit du raclage de la paroi œsophagienne, ou 
bien que cette dernière, mouillée de suc gastrique, n'avait pas été 
suffisamment lavée. Nous verrons plus bas que le ferment de l’esto- 
mac est extrèmement énergique, il en suffit de quantités infinitési- 
males pour dissoudre de la fibrine à la dose toujours très faible à 
laquelle nous l’employionsdans ces expériences, dose qui ne dépassait 
pas 1 gramme de substance humide. Or, étant donné la grande quan- 
tité de liquide qui remplit l'estomac pendant la digestion, il en passe 
facilement dans l’æœsophage, c’est pourquoi nous avons insisté sur 
les précaulions à prendre pour éviter cette cause d’erreur. 

L'expérience que nous venons de relaler a été répétée dans les 
mêmes conditions avec la muqueuse œsophagienne d’Acanthias 
vulgaris ; pas plus que celle de Scyllium, elle n’a fourni de ferment 
digestif pour la fibrine. 

Expérience V.— La muqueuse de l'œsophage de Scyllium pré- 
parée comme ci-dessus est mise en infusion dans de l’eau distillée 
(45 grammes de pulpe dans 30 centimètres cubes d’eau à la tempéra- 
ture ordinaire). On agite fréquemment, puis, au bout d’une heure, on 


filtre. Le liquide filtré est neutre ; mêlé à de l’empois d’amidon frais, 


RECHERCHES SUR LA DIGESTION DES POISSONS. 175 
\ 


il ne provoque pas de saccharification ; en eïfet, essayé trois heures 
plus tard à la liqueur de Fehling, celle-ci n’est pas réduite. 

La même expérience est répélée, avec cette différence que le mé- 
lange du liquide filtré avec l’empois est maintenu pendant quelques 
minutes à la température de 37 degrés. Malgré cela, il n’y a pas sac- 
charification et nous en conclurions que pas plus que la muqueuse 
buccale, la muqueuse œsophagienne ne produit de diastase, si, au 
cours de nos recherches, il ne nous était arrivé deux résultats 
contraires, sans que nous ayons réussi à reconnaître dans le mode 
d'opérer une cause d'erreur quelconque. Il s’agit de muqueuse 
æsophagienne enlevée comme ci-dessus à un Scyllium en pleine 
digestion : l’œsophage avait été lavé avec soin, le poisson était pour 
ainsi dire vivant encore. Or, à l'inverse de ce que nous venons de 
mentionner, l'infusion de cette muqueuse saccharifia assez d’empois 
pour réduire nettement la liqueur de Fehling. Le mêmefait se repro- 
duisit une seconde fois avec une infusion de la muqueuse æsopha- 
gienne d’Acanthias vulgaris, quoique, dans la règle, l’infusion de 
l’æsophage de cette espèce ne montre aucune trace de diastase. 

Notre attention étant alorssurtout portée surl’examen desréactions 
du contenu stomacal de ces Poissons, nous n’avons pas poussé l’inves- 
tigation plus loin ; il y a là un point quireste par conséquent douteux. 
Toutefois, il nous parait juste de constater que l'expérience V a été 
répétée cinq fois chez Scyllium, trois fois chez Acanthas, une fois chez 
Lamna cornubica, une fois chez Galeus canis, soit en tout dix fois. Sur 
ce total, nous n'avons constaté la réduction de la liqueur de Fehling 
que deux fois, en sorte que tout en faisant des réserves pour ces deux 
cas exceptionnels, nous admettons que, dans la règle, les éléments 
épithéliaux de l'æsophage ne produisent pas de diastase saccharifiante. 

Expérience VI. — Néanmoins, la paroi œsophagienne est le siège 
d'une production constante de mucus provenant sans doute des 
nombreuses cellules caliciformes qui y sont contenues. Aussi avons- 
nous, sur les quatre individus de Scyllium dont il est question à 


l'expérience Î, enlevé la muqueuse œsophagienne en même temps 


176 ÉMILE YUNG. 


que la muqueuse buccale, et nous l’avons soumise à la même re- 
cherche de la mucine. L’acide acétique précipite, de la dilution de 
cette muqueuse, une substance jaunâtre floconneuse, ressemblant 
en somme à la mucine contenue dans la dilution de la muqueuse 
buccale, mais elle en diffère en ce qu’elle n’est point, comme cette 
dernière, précipitée par le sulfate de magnésie. Il s’agit là peut-être 
d'une variété de mucine ou d’une substance voisine dont l'étude 
chimique mériterait d’être reprise. Je n'ai pas multiplié les expé- 
riences à son sujet, mais il me semble que le caractère que Je viens 
d'indiquer suffit pour ne pas assimiler entièrement le mucus œso- 
phagien à celui de la bouche. 

Je n'ai pas étudié l’action de l’infusion de la muqueuse œsopha- 
gienne sur l'huile d'olive. | 

Muqueuse du sac stomacai. — Le matériel considérable dont nous 
disposions à Roscoff m'a permis de multiplier les expériences de 
manière à les contrôler les unes par les autres. Chacune de celles 
dont je vais donner ie résumé a été répétée au moins trois fois (à 
l'exception de celle relative à l’action du suc gastrique sur l’'empois 
d'amidon dont le résultat négatif est conforme à tout ce que nous 
savons du suc gastrique des autres animaux et à ce qu a déjà constaté 
M. Richet (449) sur le Scyllium lui-même). 

Nous avons examiné successivement l’état du contenu stomacal, 
puis l’action des liquides de ce contenu préalablement filtré, enfin, 
l’action de l’infusion de la muqueuse stomacale dans l’eau et dans le 
glycérine. On sait combien cette dernière substance est propie à 
l'extraction de la pepsine ; nous l’avons employée comme on k “it 
pour extraire la pepsine de l'estomac du Chien. ; 

Contenu de l'estomac. — Quarante-sept Squales appartenant à. 
cinq genres énumérés plus haut, et, parmi eux, trente-six Scyl- 
lium, ont été ouverts pendant l'été 1895, soit immédiatement après 
leur capture, soit, au maximum, dix heures plus tard. Or, il ne s’en 
est pas rencontré un seul dont l'estomac fût vide. Dans la règle, au 


contraire, leur sac stomacal élait énormément dilaté par l'abondance 


RECHERCHES SUR LA DIGESTION DES POISSONS. 177 


de la nourriture qui s’y trouvait accumulée. Aucun doute, par con- 
séquent, que ces Poissons ne soient extrêmement voraces. En outre, 
ils paraissent digérer très rapidement. Je n’ai recueilli sur ce point 
que des données insuffisantes, mais elles témoignent cependant de 
l'activité digestive de ces animaux. Un jour, à 8 heures du matin, 
on apporta au laboratoire quatre Scyllium pêchés au même lieu 
par le même pêcheur; deux d'entre eux, ouverts de suite, avaient 
l'estomac absolument plein de Lançons (Ammodytes) qui, vraisem- 
blablement, venaient d’être ingurgités au moment de la capture, car 
ils étaient encore peu endommagés (j'en ai compté vingt-trois dans 
un seul estomac). Les deux autres individus furent gardés dans le 
bassin de l'aquarium où ils reprirent très vite leur état de santé, et, 
à 6 heures du soir, soit dix heures après leur arrivée au laboratoire 
et environ douze heures après leur capture, on les sacrifia; or, leurs 
estomacs élaient vides, tandis que l'intestin spiral était dilaté par 
son contenu visqueux. Sans doute, il n’est pas certain que ces deux 
derniers individus aient mangé autant que leurs deux compagnons 
d'infortune, mais ayant été capturés au même endroit, dans le voi- 
sinage d’un banc de Lançons, il est à présumer que, comme les deux 
autres, ils s'étaient remplis l'estomac de petits Poissons dont, dix 
heures plus tard, il ne restait plus de traces. D’ailleurs, aucun Squale, 
wnservé à jeun dans l'aquarium pendant plus de trente-six heures, 
na montré quoi que ce soit autre, dans son estomac, que des débris 
chiineux ou des masses de mucus. Malheureusement, je n’ai pu 
Yisir à faire avaler aux Squales des proies dans l’aquarium, en 
rte que les expériences dont il sera fait mention plus loin à propos 
és Poissons d’eau douce et destinées à établir le temps nécessaire à 

la digestion normale dans l'estomac n’ont pas réussi chez eux. | 
4 Le contenu stomacal varie d’un individu à l’autre. Tantôt il est 
pâteux et informe; tantôt il est liquide et tient en suspension des 


débris alimentaires plus ou moins reconnaissables. J’ai noté la 


1 M. Richet (loc. cit.), insistant sur le fait que le suc gastrique est mucilagineux 
et difficilement miscible à l’eau, dit que « jamais on ne trouve, à proprement parler, 


ARCH. DE ZOOL, EXP. ET GÉN. — 3€ SÉRIE, — T. VII. 1899. 19 


178 ÉMILE YUNG. 


nature de ces débris dans les cinq Squales étudiés ; en voici la liste : 

Chez Scyllium : l'estomac renferme le plus souvent Octopus, Loligo, 
des Crabes divers (Tourteaux, Waia, Étrilles), des tubes d’Annélides, 
notamment de Spiographs et divers Poissons, des Labres (?), des 
Maquereaux jeunes, des Lançons. L’aliment commun, du moins en 
été, est le Poulpe. 

Chez A canthias : j'ai, pendant les mois d’août et septembre, trouvé 
presque exclusivement des Lançons, auxquels étaient parfois mêlés 
d’autres Poissons, probablement des Labres et des Sardines. 

Chez Lamna : à la même époque, les Lancons dominaient égale- 
ment, mais à plusieurs reprises l'estomac contenait, en outre, des 
débris chitineux provenant de la plume et du bec de Zoligo. 

Chez Galeus : abondance de Zoligo et Octopus, plus rarement des 
Poissons. Chez un exemplaire, on a extrait sept petits Calmars, dont 
trois récemment avalés. 

Chez Carcharias : Loligo, Octopus, Crabes divers, Poissons divers. 

Il est à noter, en outre, que chez tous ces Squales, principalement 
chez les Seyllium et les Acanthias, l’estomac contient presque tou- 
jours de nombreux Nématodes, qui, parfois, sont enchevêtrés en 
pelotons et qui, malgré la grande acidité de ce milieu, y vivent en 
parfait état. 

Acidité du suc stomacal. — Que ce suc soit épais et visqueux ou 
qu'il constitue un liquide abondant au sein duquel flottent les ali- 
ments en digestion, il est toujours fortement acide. Laissant de côté 
la nature de l’acide qu’il contient et la question de savoir si cet acide 
y est libre ou combiné avec des substances organiques, je l’ai consi- 
déré comme étant de l'acide chlorhydrique (voir Richet, 446 et 44), 
et après avoir filtré le contenu de l'estomac, j'ai déterminé le degré 
d’acidité du liquide filtré au moyen d’une solution titrée de soude. 


Voici les chiffres obtenus en faisant usage de 20 centimètres cubes 


de liquides dans l’estomac ». Cependant, il nous est arrivé maintes fois de trouver 
l'estomac plein de liquide très acide, coulant facilement. Dans un Lamna cornubica, 
l'estomac en contenait 500 centimètres cubes. 


RECHERCHES SUR LA DIGESTION DES POISSONS. 179 


de ce liquide extrait aussi rapidement que possible de quatre indi- 
vidus de Scyllium. 

N°1 —7 de HCI pour 1000; n°2 — {1,5 pour 1 000; n°3 —7 pour 1 000; 
n° 4 — 8,2 pour 1000. La moyenne de ces quatre analyses donne 
8,4 pour 1000. Les circonstances dans lesquelles j’opérais ne m'ont 
pas permis de multiplier les analyses, mais les chiffres obtenus dans 
ces quatre cas se rapprochent de ceux obtenus par M. Richet et dé- 
montrent qu’à l’état normal, ainsi que l’a établi le savant physiolo- 
giste de Paris, le suc gastrique des Squales contient une dose d'acide 
de beaucoup supérieure à celle du suc gastrique des Mammifères. 
D'ailleurs, des causes probablement diverses et parmi lesquelles il 
faut, en tout cas, ranger la nature des aliments, font varier le degré 
de cette acidité. Je mentionnerai à ce propos les chiffres obte- :- 
nus dans l’analyse du suc gastrique de deux Acanthias de même 
taille et dont l'estomac renfermait, chez l’un, une pâtée de viande 
de Lançcons, et, chez l’autre, des débris divers de Poissons et de petits 
Crabes. Chez le premier, le suc contenait 6,8 pour 1000 d’acide ; 
chez le second, seulement 2,5 pour 1 000. Il serait intéressant d’étu- 
dier, sur un nombre important d'individus, les variations d’acidité 
en rapport avec la nature des aliments et le moment de leur diges- 
tion. Il est certain que vers la fin de celle-ci, la quantité d'acide sé- 
crété diminue rapidement. Un Scyllium, qui n'avait pas mangé depuis 
huit jours et dont l’estomac était vide d'aliments, avait l'estomac 
neutre, tant à la surface de sa muqueuse que dans le liquide muci- 
lagineux qui s’y trouvait en petite quantité. J'ajoute que, dans le cas 
où le jeûne n’a duré qu’un ou deux jours, l'estomac, quoique vide, 
offre encore une réaction acide. 

Action du suc gastrique sur la chitine. — Les Poissons digèrent-ils 
la chitine ? La question est fort controversée; M. Richet la résout 
sans hésitation par l’affirmative en se basant sur le fait que, chez les 
Squales, la carapace chitineuse des Crabes qui constituent une partie 
de leur alimentation, doit être, non seulement ramollie, mais dis- 


soute, pour pouvoir passer à travers l’étroit tube pylorique faisant 


180 ÉMILE YUNG. 

suite au sac stomacal. Il reconnaît cependant qu'il est difficile de réa- 
liser cette dissolution de la chitine dans des digestions arüficielles, 
sans relater d'expériences témoignant d’un commencement de dis- 
solution en pareil cas et sans fournir d’autres arguments d’ordre 
expérimental à l'appui de son opinion. Voici les raisons qui m’em- 
pêchent de partager cette dernière. Outre le fait bien connu que les 
Poissons d’eau douce se nourrissant presque exclusivement d’Ento- 
mostracés, en rejettent les dépouilles chitineuses avec les excré- 
ments, J'ai eu l’occasion d’observer que les diverses espèces du genre 
Blennius dont mon savant collègue, M. le docteur Guitel, étudiait les 
mœurs à Roscoff pendant l'été 1895, font de même. Ces petits Pois- 
sons s’alimentent surtout de Mysis; ils déposent leurs excréments 
sous forme de petits cylindres dans chacun desquels se trouve une 
carapace de ÂMys:s parfaitement nettoyée, mais intacte, entourée 
d'une enveloppe de mucus transparent. Grâce à la complaisance de 
M. Guitel, j'ai examiné quelques douzaines de ces Mysis digérés sans 
reconnaître la moindre trace d’altération de leur chitine. 

Maïs pour ne nous en tenir ici qu'à ce qui concerne les Squales, 
j'ajouterai qu'il est fréquent de rencontrer dans leur estomac des 
dépouilles de chitine, lesquelles sont ordinairement en fort mauvais 
état, il est vrai, par le fait de la trituration à laquelle les soumettent 
les mouvements du sac stomacal, mais qui cependant ne montrent 
pas d'indice de dissolution. J'ai recueilli des pattes de Crabes, des 
plumes et des becs de ZLoligo, des becs d’Octopus, isolés de leurs atta- 
ches musculaires, des tubes de Spürographis et d’autres formations 
chitineuses, non seulement dans l'estomac, mais aussi dans l'intestin 
moyen et le rectum. Elles avaient donc franchi le tube pylorique et 
étaient destinées à être rejetées avec les excréments. 

D'ailleurs, on ne voit pas pourquoi, si la chitine était digérée par 
le suc gastrique dans l’estomac, elle résisterait à son action in vitro. 
Je transcris ici le procès-verbal de deux expériences plusieurs fois 
répétées qui prouvent la résistance qu'offre la chitine à l’action du 
SuC gastrique. 


RECHERCHES SUR LA DIGESTION DES POISSONS. 181 


Expérience VII. — Le suc gastrique d’un Seyllium de grande taille 
(poids 780 grammes) est filtré. D'autre part, la muqueuse stomacale 
du même est raclée et triturée dans un mortier avec de l’eau. Le 
produit de la trituration est filtré, puis ajouté au suc stomacal, on 
obtient ainsi un liquide très actif sur l’albumine cuite. Vingt centi- 
mètres cubes de ce liquide sont mis en présence de la dépouille chi- 
tineuse de trois Mysis rejetée sous forme d’excréments par un Zlen- 
nus et que l’on a eu soin de débarrasser du mucus qui les envelop- 
pait par un lavage dans une solution faible de potasse. Le liquide 
gastrique n’exerce aucune action sur elles. Au bout de quatre heures, 
elles sont placées dans une étuve à 38 degrés, où elles passent la nuit, 
Le lendemain, elles sont retrouvées intactes au fond de la capsule 
dans un résidu de 17 centimètres cubes de liquide. 

Expérience VIII. — Je racle la muqueuse de deux estomacs de 
Scyllium, puis la triture dans de l’eau acidulée de HC]; j'obtiens de 
la sorte un liquide très digestif pour l’albumine cuite et qui cependant 
laisse intacte la carapace, préalablement traitée à l’acide HCI et à 
la potasse, d’un très jeune Crabe commun (C'. mænas), en contact 
de laquelle il est laissé pendant quatorze heures, Au bout de ce temps 
on renouvelle le suc gastrique autour d'elle et cette fois en faisant 
usage du liquide très actif extrait directement du sac stomacal d'un 
Scyllium fraîchement ouvert. Le lendemain, la carapace est retrouvée 
dans le liquide au même état où elle y avait été placée et sans aucune 
marque de dissolution. 

Cette dernière expérience a été renouvelée plusieurs fois à la tem- 
pérature ordinaire et à 37 degrés, dans l’étuve et en milieu très acide 
(jusqu’à 20 pour 1000 de HCI), sur des’ pièces chitineuses ayant une 
autre origine, notamment sur l'enveloppe des pattes natatoires et du 
telson d’une Crevette et sur des fragments de la plume d'un Calmar 
recueillis dans l'intestin d’un Scyllium et qui, par conséquent, avaient 
été déjà soumis à son suc gastrique. Les résultats ont été toujours 
négatifs. La chitine n’est pas dissoute par les produits de la muqueuse sto- 


macale ; elle subit de leur part une certaine modification physique 


182 _ ÉMILE YUNG. 
qui la rend plus souple, mais elle ne paraît pas être altérée dans sa 
constitution chimique. 

On peut dès lors se demander ce que deviennent les dépouilles 
chitineuses des grands Crabes dont la présence a été quelquefois 
constatée dans l'estomac des Squales. Je ne saurais le dire d’une 
façon positive, mais le problème ne me paraît pas aussi difficile à 
résoudre qu'il n’en a l’air de prime abord. Remarquons d’abord que 
les Tourteaux et Maias cités plus haut parmi les proies trouvées dans 
l'estomac de Scyllium, étaient tous des individus de pelite taille et 
que la quantité de substance qui reste d’eux après que l'acide du sue 
gastrique a dissous les sels calcaires incrustés dans leur carapace et 
que leurs muscles et leurs viscères ont été digérés par ce suc, n’est 
jamais très considérable. En outre, il faut tenir compte de la parti- 
cularité que cette substance, laquelle n’est autre que la chitine, ne 
se rencontre pas dans l'estomac en masse continue. Sous l'in- 
fluence des mouvements de l’estomac, elle est déchirée en lambeaux 
plus ou moins ténus et, par conséquent, il est très admissible que 
ces lambeaux traversent sans le dilater outre mesure le tube pylori- 
que pour être expulsés au dehors par les voies ordinaires. Je rappelle 
ici qu’il m'est arrivé à plusieurs reprises de rencontrer des débris 
chitineux dans l'intestin moyen et le rectum. 

Pourtant l'alternative que nous venons d'indiquer n’est probable- 
ment que rarement suivie, car, en fait, les substances excrémenti- 
tielles accumulées dans le rectum ne contiennent pas régulièrement 
de la chitine en quantité notable comme ce devrait être le cas si 
notre supposition était toujours juste. Si donc la chitine ne se dissout 
pas et si elle n’est expulsée qu'en petite quantité et par lambeaux 
minuscules par le rectum, il faut admettre encore l’existence d’une 
autre voie d'expulsion pour les masses de chitine trop volumineuses 
pour traverser le tube pylorique. Il me semble que cette voie peut 
être l’æœsophage et la bouche, non que j'aie élé témoin direct de vo- 
mition du contenu stomacal, mais pour les raisons que voici. L’esto- 


mac communique largement avec l’æsophage, lequel est, à son tour, 


RECHERCHES SUR LA DIGESTION DES POISSONS. 183 


grand ouvert sur la cavité buccale, en sorte que, dans le cas où il de- 
viendrait nécessaire à un Squale de rejeter par la bouche des ali- 
ments indigestes,ilnerencontrerait de ce côté aucun obstacle sérieux. 
D'autre part, dans les bassins cimentés du laboratoire de Roscoff où 
vivaient nos Squales soumis à la diète, il nous est arrivé de ramasser, 
un jour, un assez fort peloton arrondi d’une substance vomie sans 
doute par l’un d'eux et qui n’était autre que de la chitine de Crabes 
tassée sur elle-même. L'idée que ce peloton représentait le résidu 
d'une digestion qui n'avait pu franchir le pylore nous est naturelle- 
ment venue à l'esprit. ainsi que l'hypothèse que de pareils résidus, 
quand ils atteignent un tel volume, suivent normalement le même 
chemin. Dans le cas particulier, la provenance de la masse tassée de 
chitine ne nous a pas semblé pouvoir recevoir une autre explication ; 
mais il est clair qu’en l’absence d’autres observations du même genre 
et jusqu'au jour où l’on aura pu constater de visu que les Squales ont 
vraiment l'habitude de rendre par la bouche ce qu'ils ne parviennent 
pas à digérer dans leur estomac, tout doute sur ce mode de rejet 
pourra être conservé. 

A l’appui de la non-dissolution de la chitine dans l'estomac des 
Squales, et tout en reconnaissant que l’argumentn'est pas péremp- 
toire, car il s’agit là d’une chitine un peu différente de celle des Crus- 
tacés, je rappelle que l'estomac de ces animaux est habité par des 
légions de Nématodes que leur peau protège efficacement contre Île 
suc gastrique sans en subir d’altération. 

Action du suc stomacal sur l'empois d’'amidon. — Je ne puis que con- 
firmer ici les conclusions négatives auxquelles M. Ch. Richet a été 
conduit par ses recherches du sucre dans les liquides de l’estomac 
de Scyllium et Acanthias et par ses tentatives pour y déceler l’exis- 
tence d'un ferment saccharifiant l’amidon. J’ai répété ses expériences 
non seulement sur les deux genres qui viennent d'être mentionnés, 
mais encore sur Galeus et Lamna et je n’ai jamais constaté, ni en 
milieu neutre, ni en milieu acide, la présence de sucre dans le con- 


tenu de leur estomac. Dans aucun cas, non plus, l'addition du suc 


184 ÉMILE YUNG. 


gastrique, obtenu directement en le puisant dans l'estomac ou indi- 
rectement en l’extrayant de la muqueuse, à de l’empois d’amidon 
n’a été suivie de réduction de la liqueur de Fehling. Etant donné 
d’ailleurs que le fait lui-même n'est pas contesté, il serait superflu de 
rapporter le détail des expériences qui démontrent que la muqueuse 
stomacale de Scyllium (et des genres voisins) ne produit pas de dias- 
tase. 

Action du suc stomacal sur la fibrine et l'albumine. — J'ai procédé 
dans cette étude soit au moyen du liquide contenu dans l’estomac, 
liquide toujours acide et peptonisant, soit au moyen d’un suc gas- 
trique obtenu par la macération de la muqueuse stomacale (détachée 
par raclage de la couche musculaire) dans de l’eau acidulée ou dans 
la glycérine. Les expériences ont élé faites in vitro, tantôt à la tem- 
pérature ordinaire, tantôt à la température de l’étuve, oscillant de 36 
à 40 degrés. Pour le dire de suite, on peut se passer d’étuve, les ani- 
maux dont il s’agit ne présentant Jamais une température supérieure 
à celle de l’eau de mer dans laquelle ils vivent ; il en résulte qu'en 
faisant usage de l’étuve on s'éloigne des conditions thermiques dans 
lesquelles, normalement, s'effectue leur digestion. Mais une augmen- 
tation artificielle de la température d’un Squale qui l’élèverait à la 
température d’un Mammifère, loin de gêner sa digestion, l’activerait 
au contraire ; du moins, j'ai toujours vu que le séjour à l’étuve des 
récipients dans lesquels jJ'opérais,avait pour effet d'accélérer les trans- 
formations digestives. 

La fibrine employée provenait du sang de Porc et était conservée 
dans la glycérine. L’albumine provenait du blanc d'œuf de poule, cuit 
ou cru. | : 

Mes expériences ont porté principalement sur Scyllium et Acan- 
thias, précisément les deux genres étudiés par M. Richet; et comme 
les résultats obtenus sont, sur la plupart des points, conformes à ceux 
publiés par l’habile expérimentateur de Paris, je n’en rapporterai 
pas le détail, me bornant à les résumer brièvement pour insister seu- 


lement sur les points où j'ai poussé l’investigation plus loin que lui. 
P Jap P 


RECHERCHES SUR LA DIGESTION DES POISSONS. 185 


Le suc gastrique de Scyllium agit rapidement (dans l’espace de 
deux ou trois heures) sur la fibrine, un peu plus lentement sur 
l'albumine, surtout lorsque celle-ci est cuite. I agit grâce à un 
ferment semblable à la pepsine de l'estomac des Mammifères, car 
son action ne se manifeste dans les deux cas qu’en présence d’un 
milieu acide. La neutralisation du liquide gastrique arrête immédia- 
tement toute activité ultérieure sur les albuminoïdes. L’infusion de 
la muqueuse gastrique fournit le même ferment; dans aucun cas, il 
n’agit en milieu neutre ou alcalin; l’assertion de Krukenberg et Ri- 
chet, que cette muqueuse n’engendre pas de #rypsine, se trouve par 
là absolument justifiée. 

Le ferment est semblable à la pepsine, avons-nous dit. Sa non- 
identité avec la pepsine est cependant généralement admise : elle 
repose sur la conservation de son activité à des températures basses 
(voisines de zéro degré), auxquelles la pepsine des Mammifères n’agit 
plus ou presque plus, et, d’autre part, sur le fait signalé par Murisier, 
puis confirmé par Hoppe-Seyler, qu’elle agirait plus intensivement 
à + 10 ou + 15 degrés qu’à la température de + 37 degrés. Ne dis- 
posant pas d'appareil frigorifique, je n’ai pas observé quelle est la 
rapidité de son action aux températures voisines de zéro degré. En 
revanche, voici une expérience qui tend à diminuer la valeur de la 
seconde partie du caractère différentiel évoqué par nos auteurs. 

Expérience VIII. — On observe comparativement l’action de deux 
doses de 3 grammes chacune de muqueuse raclée de l'estomac d’un 
même Scyllium, et diluées l’une et l’autre dans la même quantité 
(30 c. c.) d'une solution de HCI à 7 pour 1000, à laquelle on ajoute 
2 grammes d'albumine cuite. La première agit à la température du 
laboratoire (17°); la seconde, à la température de l’étuve( 38°). 
Trois heures plus tard, l’albumine mêlée à cette dernière, et qui 
avait été divisée de petits cubes, est entièrement dissoute; tandis 
que les cubes d’albumine mêlés à la première ont sensiblement gon- 
flé, mais ne sont pas dissous. 


Cette expérience nous a engagé à user de la chaleur, ainsi que 


186 ÉMILE YUNG. 


nous l'avons indiqué plus haut, toutes les fois que nous avions be- 
soin d'augmenter la rapidité et l’intensité de l’action du suc gas- 
_trique des Poissons, notamment dans tous les cas où nous l’em- 
ployions à la digestion de l’albumine cuite, laquelle est rebelle à 
l’action du même suc à la température ordinaire. 

D'ailleurs, tout en convenant qu’il demeure vrai qu’à cette dernière 
température la pseudopepsine des Poissons se montre fort énergique 
sur la fibrine et les solutions d’albumine, nous avons noté qu'une 
température plus élevée, toutes choses étant égales d’ailleurs, favo- 
rise les transformations de ces substances en peptones ; nous ver- 
rons, en effet, plus bas que nous avons dû y avoir recours pour 
obtenir de vraie peptone en digestion artificielle. 

Le suc gastrique de ScYLLIUM peptonise-t-il vraiment les albuminoïdes ? 
— Je traiteral maintenant la question de la peptonisation qui, nous 
le verrons ultérieurement, paraît recevoir une solution différente 
selon le groupe de Poissons où on l’examine. Les auteurs qui ont 
étudié jusqu'ici la digestion des Poissons n’ont pas attaché, semble- 
t-il, beaucoup d'importance à noter avec précision la nature des 
produits résultant de la dissolution de la fibrine et de l’albumine 
par leur suc gastrique. M. Ch. Richet, dans ses recherches, s'est 
servi de la précipitation des albumines par l'acide azotique pour les 
distinguer des peptones, celles-ci ne précipitant pas quand on les 
traite par cet acide. J’ai fait usage dans le même but du sulfate 
d’ammoniaque qui précipite les albumines et les propeptones, mais 
n’agit pas sur la peptone proprement dite (peptone de Kühne). 
Pour décider de la présence de cette dernière après le traitement 
par le sulfate d'ammoniaque, j'ai eu recours à la réaction du biuret 
et, dans le cas où la peptone se trouvait en quantité notable, à sa 
précipitation par le tannin acétique. 

Expérience IX. — Je récolte dans un vase le contenu du sac sto- 
macal de deux Scyllium, formant un magma composé de débris ali- 
mentaires à demi digérés et de suc gastrique, et je lave le tout pen- 
dant une heure avec de l’eau acidulée à 7 pour 1000 de HCI. Le 


RECHERCHES SUR LA DIGESTION DES POISSONS. 187 


liquide agité et filtré, je fais immédiatement la recherche de la pep- 
tone sur une portion de 50 centimètres cubes de ce liquide, lequel 
est opalescent et jaunâtre (portion A). Neutralisé par le carbonate 
de soude, il se produit un abondant coagulum, témoignant de la 
présence de la syntonine (parapeptone). On filtre de nouveau. Le 
nouveau liquide est chauffé lentement jusqu’à 100 degrés ; il dépose 
des globulines à partir de 52-53 degrés. On le filtre, puis il est traité 
par un excès de sulfate d’'ammoniaque à chaud : nouveau précipité 
décelant l'existence de propeptone. Après refroidissement, le liquide 
est de nouveau filtré : ?/ ne donne pas la réaction du biuret. Donc, 
dans cette expérience, le contenu stomacal renfermait des albumines 
transformées en protéose, mais non encore en peptone. 

En revanche, le reste du liquide de macération du contenu sto- 
macal (portion B) est abandonné à lui-même pendant la nuit, et le 
lendemain, vingt-quatre heures après son extraction, il est soumis 
aux mêmes réactions que ci-dessus. Sa neutralisation provoque en- 
core un précipité de synlonine, mais notablement moins abondant 
que celui de la veille. La chaleur en coagule des globulines et, le 
sulfate d'ammoniaque, des propeptones. De plus, le liquide rési- 
duel, après la séparation des propeptones, fournit la réaction intense 
du biuret. En sorte que la digestion s’est continuée in vitro, pen- 
dant la nuit, et que la peptone, absente la veille, s’y est produite et 
y est manifestement présente. 

L'expérience ci-dessus ne permet pas de conclure à la non-pro- 
duction de vraie peptone à l’intérieur du sac stomacal. Répétée sur 
le contenu de ce sac sur plusieurs Scyllium et autres Squales, les 
résuliats ont montré, deux fois chez le premier, à deux reprises 
également chez Acanthias et une fois chez un grand exemplaire de 
Galeus canis, la présence de la peptone concurremment avec les pro- 
duits inférieurs de peptonisation. Il faut donc admettre que, chez 
ces animaux, le séjour des aliments dans l'estomac, quoique n’excé- 
dant pas vingt-quatre heures, et étant probablement même beaucoup 


plus court à l’ordinaire, suffit pour que les substances albuminoïdes 


188 ÉMILE YUNG. 


y soient transformées, au moins en partie, jusqu'à leur degré ultime 
de peptonisation. Il est vraisemblable que les produits de la diges- 
tion stomacale s’écoulent ainsi dans lintestin moyen, contenant 
parfois, sinon toujours, une certaine quantité de peptone mêlée à 
de l’albumine dissoute, mais non digérée (syntonine), et à de l’albu- 
mine partiellement transformée en propeptones ou protéoses. Ces 
dernières achèvent-elles ou non leur transformation au delà de 
l'estomac ? Nous reviendrons à cette question à propos du suc pan- 
créatique et nous verrons alors quelles sont les raisons qui nous 
autorisent à y répondre par l’affirmative. 

Mais si la peptone peut se trouver déjà dans le contenu du sac 
stomacal, il n’est pas surprenant qu’on la rencontre encore dans le 
tube pylorique et dans le contenu de l'intestin spiral ; nous l'y avons 
cherchée et trouvée à plusieurs reprises, ce qui prouve simplement 
que la formation de peptone se continue au delà de l'estomac et 
qu'il se passe à l’intérieur du Poisson le même phénomène que nous 
avons constaté in vitro. 

Expérience À. — Voulant savoir si, en partant de la pepsine con- 
tenue dans la muqueuse stomacale, il était possible d'obtenir une 
entière peptonisation de la fibrine, nous avons non plus ici fait usage 
du suc gastrique déversé autour des substances alimentaires, mais 
d’un suc gastrique artificiel obtenu en faisant infuser de la pulpe de 
la muqueuse raclée sur un estomac vide, dans une eau acidulée à 
8 pour 1000 de HCI. Quoique le Scylliunm sur lequel nous opérions 
n’eût pas mangé depuis quatre jours et que son estomac fût vide, 
la muqueuse soigneusement raclée présentait une réaction acide. 
Dans ces conditions, on obtient toujours, après avoir agité la mu- 
queuse dans la solution acide et l’y avoir laissé séjourner pendant 
quelques heures (ordinairement, nous l’y laissions une nuit entière ; 
le milieu étant acide, il ne s’y produit pas de microbes), un liquide 
contenant assez de pepsine pour digérer rapidement les albumines 
et, à plus forte raison, la fibrine. Si, au contraire, on prépare le suc 


artificiel avec la muqueuse enlevée d’un estomac en pleine diges- 


RECHERCHES SUR LA DIGESTION DES POISSONS. 189 


tion, il se fait assez souvent que le produit de l’infusion n’a pas de 
pouvoir digestif ou du moins n’a qu’un pouvoir digestif très faible. 
M. Richet a fait la même remarque et l'explique par l'hypothèse que, 
pendant la digestion, les couches superficielles de la muqueuse, 
chargées de pepsine, sont ramollies et dissoutes par l’acide HCI et 
entraînées avec lui sur les aliments à digérer, en sorte que, si l’on 
vient à tuer l’animal en ce moment, les couches profondes de la 
muqueuse n’ont pas encore régénéré de nouvelles quantités de pep- 
sine. Quoi qu’il en soit, nous avons constaté plusieurs fois la pau- 
vreté relative en pepsine de la muqueuse de l’estomac en digestion 
et préalablement lavé, pendant que — l’expérience précédente nous 
l'a fait voir — le contenu de l'estomac renferme alors une dose suf- 
fisante de pepsine non employée pour que le suc extrait par lavage 
de ce contenu possède un pouvoir digestif énergique. 

Ceci rappelé, nous avons donc extrait la pepsine de la muqueuse 

stomacale encore acide d’un Scyllium à jeun et nous en avons ob- 
tenu, au bout de quinze heures d’infusion dans l’eau acidulée à 
8 pour 1000 de HCI, un suc gastrique artificiel limpide et légèrement 
jaunâtre dont nous faisons deux parts de 60 centimètres cubes. 
Chaque part reçoit 15 grammes de fibrine humide ; l’une d'elles 
(vase À) est laissée à la température ordinaire, l’autre (vase B) est 
portée à l’étuve. 
_ Au bout de deux heures, la fibrine est dissoute dans les deux 
vases. Néanmoins, on agite et on laisse la digestion se poursuivre 
pendant quatorze heures; puis on cherche la peptone dans le con- 
tenu de chaque vase. Après la précipitation par le sulfate d’am- 
moniaque, la réaction du biuret ne se produit pas. Donc, pas de 
peptone. 

Dans un cas, nous avons prolongé la digestion à l’étuve pendant 
quarante-huit heures, en ayant soin de rajouter de temps en temps 
de la solution acide, de manière à maintenir le volume initial et de 
retarder la production des microbes, qui, dans les expériences de 


cette nature, troublent si souvent les résultats. Or, dans ce cas, le 


190 ÉMILE YUNG. 


produit de la digestion contenait encore des propeptones précipi- 
tables par le sulfate d’ammoniaque ; mais, en outre, de la peptone, 
manifestée par la réaction du biuret. 

Nous avons assez multiplié ces expériences pour conclure que 
le suc gastrique sécrété et contenu dans l'estomac est plus efficace 
pour conduire à une entière peptonisation de la fibrine que le suc 
gastrique artificiel fabriqué par l’infusion de la muqueuse dans la 
solution de HCI. Ces deux sucs ne sont point équivalents dans leur 
action sur la fibrine. Maïs l'intérêt d’un pareil résultat est,en somme, 
à peu près nul, car nous ne savons pas quelle est la nature des al- 
bumines digérées dans l'estomac; elles sont assurément diverses, 
puisque les aliments sont eux-mêmes si variés et que chacun d’eux, 
Crabes, Poulpes, Poissons, comportent plusieurs sortes d'albumines. 
Il se pourrait fort bien que, parmi ces dernières, il y en eût de plus 
peptonisables que ne l’est la fibrine du sang de Porc. Pour bien faire, 
il faudrait nourrir le Seyllium exclusivement de fibrine et rechercher 
la peptone dans le produit de la digestion de cette dernière. Nous 
n'avons pas fait de recherches dans cette direction, l'animal ne se 
prêtant pas à l'introduction de repas expérimentaux, qu'il rejette le 
plus souvent! ; mais il est clair que les comparaisons faites sur des 
termes qui ne se correspondent pas exactement n’ont que peu d’in- 
térêt. Ce que nous appelons npeptone, dans notre langage encore si 
imprécis, s'applique non à une espèce chimique, mais à plusieurs 
que nous ne savons pas distinguer les unes des autres, et il est infi- 
niment probable que la peptone ou, plus exactement, les peptones 
constatées dans le contenu stomacal au cours de notre expérience IX, 
sont autre chose que la peptone de fibrine obtenue dans un seul cas 
de notre expérience X, celle-ci démontrant d’ailleurs que, la plupart 
du temps, le suc gastrique artificiel est impuissant à l’engendrer, au 


moins dans l’espace de temps que nous avons indiqué. 


1 Nous avions réussi, non sans peine, à ingurgiter de l'huile dans l'estomac d’un 
Scyllium à jeun. Celui-ci, remis à l’eau, ne tarda pas à rejeter l'huile par où elle 
était entrée. 


RECHERCHES SUR LA DIGESTION DES POISSONS. 191 


Malgré l’imprécision de ces expériences, nous en concluons que 
l’on doit répondre affirmativement à la question que nous nous 
étions posée. Oui, le Scyllium (c’est le cas encore des autres Squales 
examinés) produit normalement de la vraie peptone dans son estomac, 
quoique la pepsine retirée de sa muqueuse stomacale ne peptonise 
que rarement et seulement au bout d’un temps assez long, la fibrine 
en digestion 2n vitro. 

Muqueuse du tube pylorique.— La disparition des glandes peptiques 
dans la portion tubulaire de l'estomac qui fait suite à sa portion sac- 
ciforme, c’est-à-dire dans ce que l’on est convenu de désigner sous 
le nom de tube pylorique, donnait un intérêt particulier à l’étude 
physiologique de sa muqueuse. Ce segment intestinal est facile à 
isoler du sac stomacal, dont il est séparé par la première courbure 
intestinale et de l’intestin moyen, dont il est séparé par le pylore. 
Cependant, comme c’est dans son voisinage immédiat que se trou- 
vent le pancréas et la rate, il faut prendre quelques précautions afin 
d’en éloigner ces organes avant de le couper. Nous avons opéré de 
la manière suivante. Nous débarrassions avec soin le tube pylorique 
de ses annexes avec le mésentère et les organes qui s’y rattachent et 
nous placions une forte ligature à ses deux extrémités, en arrière de 
la courbure et en avant du pyiore ; guis nous le coupions en dehors 
de ces ligatures. Alors, porté sur un liège après lavage, nous le fen- 
dions longitudinalement et l’étalions aussi complètement que pos- 
sible. Le contenu du tube pylorique est toujours acide, c’est le même 
que celui du sac stomacal, avec cette différence qu’il est plus pâ- 
teux, plus homogène et qu'on n'y rencontre que peu de corps so- 
lides ; c’est une masse complexe dans laquelle se trouvent des corps 
gras, des albumines à divers degrés de peptonisation (il n’y a pas 
de sucre) et de la pepsine non encore utilisée. Il faut donc absolu- 
ment, avant de détacher sa muqueuse, procéder à un lavage des 
plus complets. C’est là une première difficulté. Une seconde, qui rend 
l'étude de cette portion stomacale fort minutieuse, est son peu 
d’étendue (3 à 7 centimètres sur les Scyllium de grande taille). Il est 


192 ÉMILE YUNG. 


nécessaire, pour recueillir une quantité suffisante de sa muqueuse, 
d'opérer en même temps sur trois ou quatre individus de grande 
taille. On comprend, dès lors, que nous nous soyons borné à exa- 
miner si la muqueuse du tube pylorique contient de la pepsine. 
Après l'avoir détachée sur trois individus Scyllium (puis dans une 
expérience comparative sur quatre exemplaires d’Acanthias), nous 
l’avons laissé macérer, après trituration, dans l’eau acidulée par 
7 pour 4000 de HCI pendant plusieurs heures. Le liquide filtré ser- 
vit ensuite à des essais de digestion de la fibrine, digestion prolongée 
pendant quatorze heures dans un cas et pendant vingt-quatre heures 
dans l’autre. La fibrine ne tardait pas à gonfler sous l'influence de 
l'acide, puis à se dissoudre; mais, dans les deux cas, nous l'avons 
retrouvée sous forme de syntonine ; elle se précipitait par la neutra- 
lisation du liquide, et, ce dernier séparé du précipité, puis bouilli 
avec le sulfate d'ammoniaque demeurait transparent, sans aban- 
donner de propeptones, ni indiquer de peptones par l'examen au 
biuret. 

Nous eûmes alors l’idée de faire une expérience comparative en 
enlevant du sac stomacal, préalablement lavé, d’un Scyllium, un 
fragment de sa muqueuse sur une étendue de 5 centimètres de long 
sur À centimètre de large, corresvondant à peu près à la surface mu- 
queuse du tube pylorique. Cette petite quantité de muqueuse (prise 
non loin du cardia, et traitée comme ci-dessus) suffit pour digérer 
6 grammes de fibrine assez complètement pour permettre de con- 
stater la présence de la peptone au bout de sept heures. 

Nous pensons être autorisé, par conséquent, de conclure que la 
fabrication de la pepsine est limitée au sac stomacal, sur tout le terri- 
toire muqueux où l’histologie reconnaît la présence de glandes pep- 
tiques (fig. 6), mais qu'elle s'arrête après la première courbure de l'in- 
testin sur l'étendue du tube pylorique, dont la muqueuse est dépour- 
vue de ces glandes. Il y a donc lieu de considérer ces dernières comme 
les seules aptes à la production de la pepsine. 


Nous renvoyons à une publication ultérieure les résultats obtenus 


RECHERCHES SUR LA DIGESTION DES POISSONS. 193 


dans l'étude des fonctions de la muqueuse de l’intestin moyen; car, 


à partir du pylore, les aliments recoivent l'apport des sécrétions du 


foie et du pancréas, glandes dont la physiologie a fait l’objet d’une 


recherche spéciale qui ne peut être distraite de celle concernant la 


muqueuse même de l'intestin. 


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d. Wissensch. zu Berlin, 1842. Berlin, 1844). 

— Vergleichende Anatomie der Myxinoïden. Untersuchungen über die 
Eingeweide der Fische (Abk. d. K. Akad. d. Wissensch. zu Ber- 
lin, 1843. Berlin, 1845). | 


. NussBaum Moritz. Über den Bau und die Thätigkeit der Drüsen (une série 


de mémoires dans Archiv fur Mikrosk.. Anatomie, Bd. XIII, 1877; 
Bd. XV, 1878; Bd. XVI, 1879; Bd. XXI, 1882). 


68. 


69. 


40. 


44. 


42. 


#3. 


‘4. 


45. 


36. 
‘d'e. 
78. 


29. 
80. 


84, 
82. 
83. 
84. 


85. 


86. 


8". 


RECHERCHES SUR LA DIGESTION DES POISSONS. 1194 


Nusssauu Morirz. Beiträge zur Kenntniss des feineren Baues und der 
Funktion der Drüsenzellen (Zool. Anzeiger, V Jahrg., 1882). 

OPPEL (A.). Lehrbuch der vergleichenden mikroskopischen Anatomie der 
Wirbelthiere. 1 Theil : der Magen. léna, 1896; I Theil: Schlund und 
Darm. Jéna, 1897. | 

Owen (Richard). On the Anatomy of Vertebrates, vol. I, Fishes and Rep- 
tiles. London, 1866. 

PARKER (J.). On the intestinal Spiral Valve in the genus Raja (Proc. of 
Zool. Soc., London, 1879). 

Parker (W.-N.). Zur Anatomie und Physiologie des Protopterus annec- 
tens {Berichte d. naturforsch. Gesellsch. zu Freiburg i. B., Bd. IV, 
1889). 

— On the Anatomy and Physiology of Protopterus annectens (Proceed. of 
the Royal Soc., vol. XLIX, 1891). 

— On the Anatomy and Physiology of Protopterus annectens (Transact. of 
the Royal Irish Academy, vol. XXX, 1892). 

Pizcier (A.). Sur la structure du tube digestif de quelques Poissons de mer 
(Bull. Soc. zool. de France,t. X, 1885). 

— Sur l'évolution des cellules glandulaires de l’estomac chez l'Homme et 
les Vertébrés (Journ. de l'Anat. el de la Physiol., t. XXTIT, 1887). 

— Note sur l'estomac des Pleuronectes (C. R, de la Soc. de Biologie, 
JBSéR IX, 18993). 

— Recherches histologiques sur l'estomac des Poissons osseux [Pleuro- 
nectes]| (Journ. de l'Anat. et de la Physrol., t. XXX, 1894). 

RaTHke (H.). Ueber den Darmkanal der Fische. Halle, 1824. 

— Bemerkungen über den inneren Bau der Pricke oder des Pefromyzon 
fluviatilis des Linneus. Dantzig, 1826. 

— ur Anatomie der Fische (WMüller’s Archiv für Anat. und Physiol., 1836, 
1837, 1838 [sur l'intestin, voir le mémoire de 1837]). 

— Bemerkungen über den Bau des Amphiomus lanceotatus. Künigsberg, 
1841. 

Rerzius (A.-A.). Observationes in Anatomiam Chondropterygiofum, præ- 
cipue Squali et Rajæ generum. Lundæ, 1819. 

Rice: (N.). Intorno alla speciale forma e struttura dello stomaco di alcuni 
pesci (Rendic. dell A ccad. del Science di Napoli. Anno XIV, 1875). 

Rogin (Ch.). Mémoire sur l'anatomie des lymphatiques des Torpilles com- 
parée'à celle des autres Plagiostomes (Journ. de l'Anat. et de la Phy- 
S10/. te IN 48071). 

RoLLeTt (A.). Bemerkungen zur Kenntniss der Labdrüsen und der Magens- 
chleimhaut (Unfersuchungen aus d. Instit, für Physiol. und Histol, in 
Graz, 1871). 

Rucgert (J.). Ueber die Entwicklung des Spiraldarms bei Selachiern 


198 


88. 
89. 


99. 


23. 
24, 
Ds. 
26, 


D. 


28. 


99. 


ÉMILE YUNG. 


(Arch, für Entwicklungsmechanik d, Organismen. W, Roux, t. IV, 
1896). 

Sancris (L. pe). Morfologia delle appendici piloriche dei Pesci ossei 
(R. Accad. dei Lincei, 2° sér., vol. II, 1875). 

Sarpey (C.). Études sur l'appareil mucipare et sur le système lymphatique 
des Poissons (avec atlas). Paris, 1880. 

SCHÂFFER (J.). Ueber das Epithel des Kiemendarmes von À mmocœtes nebst 
Bemerkungen über intraepitheliale Drüsen (Arch. für Mikrosk. Anat., 
Bd. XLV, 1895). 


. SCHNEUDER (A.). Beiträge zur vergleichenden Anatomie und Entwicklungs- 


geschichte der Wirbelthiere. Berlin, 1879. 


. SCHULZE (F.-E.). Epithel und Drüsenzellen (Arch. für Mikrosk. Anat., 


Bd. IT, 1867). 
SreBozp und Srannius. Lehrbuch der vergleichenden Anatomie. 2 Theil ; 
Wirbelthiere von Stannius. Berlin, 1846. 
— Handbuch der Zootomie. 2 Theil : Wirbelthiere von Stannius. 2 Aufñl. 
I Buch : Fische. Berlin, 1854. 
SPROTT Boyp. Essay on the structure of the mucous membrane of the 
stomach (Edinburgh med. and surg. Journ., vol. XLVI, 1836). 
STIEDA (L.). Studien über den Aimphioxus lanceolatus (Mémoires de PA - 
cad. imp. de Saint-Pétersbourg, 1e sér., Bd. XIX, 1873). 
Tagsen (J.). Bidrag till tarmkanales histologi og physiologi hos torsken 
[Gadus morhua) (Archiv for Math, og Naturvideskab., Bd. XIV, 1890). 
VALATOUR (Martial). Recherches sur les glandes gastriques et les tuniques 
musculaires du tube digestif dans les Poissons osseux et les Batra- 
ciens (Ann. des Sc. nat., 4° sér., t. XVI, 1861). 
WaaLEWIN (H.-W.). Bijdrage tot de Histologie van den Vischdarm (A cade- 
mish Præœfschrift, Leiden, 1872). 


B, PHYSIOLOGIE. 


400. BErNarD (Claude). Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la 


&o4 


médecine, t. Il, 1856, p. 479-488. 

. — Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux 
végétaux, t. 11, 1879, p. 98, glvcogenèse des Poissons, et p. 350, pan- 
créas de la Raie. 


402. BLanxcHarD (Raphaël). Sur les fonctions de la glande digitiforme ou 


superanale des Plagiostomes (C. R. de l'Acad. des Sciences de Paris, 
t. XOV, 1882, et Bulletin de la Soc. Zool. de France, t. NII, 1882). 


103. — Sur les fonctions des appendices pyloriques (C. R. de l’'Acad. des 


Sciences’ de Paris, t. XOVI, 1883, et Bulletin de la Soc. Zool. de France, 
t. VIII, 4883). 


404. 


105, 


106. 


A0'7. 


4108, 


409. 


4110. 


414, 
442. 


413, 


414, 


415 


416 


44%, 


4148. 


419 


4720. 


124, 


RECHERCHES SUR LA DIGESTION DES POISSONS. 199 


Ficx (A.) et Murisier. Ueber das Magenferment kaltblütiger Thiere 
(Verhandl, d. Wiürzburger phys. med. Gesellsch., Bd. IV, 1873). 
HomBurGEer. Zur Verdauung der Fische (Centralbl. f. d. medic. Wis- 

sensch., 1871). 

Hoppe-SeyLer. Ueber Unterschiede im chemischen Bau und der Verdau- 
ung hôher und niederer Thiere (Arch. f. d. ges. Physiologie von 
Pflüger. Bd. XIV, 1877). 

KNAUTHE (X.). Zur Kenntniss des Stoffwechsels der Fische (Arch. f. d. 
ges. Physiologie von Pflüger, Bd. LXXIII, 1898). 

KRUkENBERG (O.-F.-W.). Versuche zur vergleichende Physiologie der 
Verdauung mit besonder Berücksichtigung der Verhältnisse bei den 
Fischen (Untersuchungen d. physiot. Instit. der Universität Heidel- 
berg, Bd. I, 1877). 

— Vergleichend. physiologische Beiträge zur Kenntniss der Verdauungs- 
vorgänge (/bid., Bd. II, 1878), 

— Notizen zur Litteratur über die vergleichende Physiologie der Nutri- 
tionsprocesse (Jhid., Bd. II, 1878). 

— Zur Verdauung bei den Fischen (/bid., Bd, IT, 1878). 

— Physiol.-chem. Untersuchungen an Luvarus imperialis (Vergl.-phy- 
siol. Studien. Heidelberg, 1881). 

— Grandzüge einer vergleichenden Physiologie der Verdauung (Vergl.- 
physiol. Studien. Heidelberg, 1882). 

MAœN(R.). Untersuchungen über dasphysiologische Verhalten des Schleien 
darms [Tinca vulgaris] (Arch. f. d, ges. Physiologie von Pflüger, 
Bd. LXXII, 1898). 

RABUTEAU et PAPILLON. Observations sur quelques liquides de l’organisme 
des Poissons, etc, (C.R. de l’'Acad. des Sciences de Paris, t. LXXVIT, 
1873). 

Ricuer (Ch.). Des propriétés chimiques et physiologiques du suc gas- 
trique chez l’homme et les animaux (Journal de l’Anat, et de la Phy- 
siol., t. XIV, 1878). 

— Sur l’acide du suc gastrique [en particulier chez Lophius, Scyllium 
et Raja] (C. R. de l'Acad. des Sciences de Paris,t. LXXXVI, 1878). 
Ricuer et MourruT. De quelques faits relatifs à la digestion gastrique des 

Poissons (C. R. de l'Acad. des Sciences de Paris, t. XC, 1880). 

Ricxer. De quelques faits relatifs à la digestion chez les Poissons (Arch, de 
Physiologie norm. et pathol., 1882, et Travaux du Laboratoire de 
M. Ch. Richet, t. II, 1893). 

— Faits relatifs à la digestion des Poissons. Diastases des Poissons (Bul- 
letin de la Société de Biologie, 1882, et Travaux du Laboratoire de 
M. Ch. Richet, t. IL. Paris, 1893). 

SPALLANZANI. Expériences sur la digestion de l’homme et de différentes 


& 


ÉMILE YUNG. 


espèces d'animaux, avec des considérations sur sa méthode de faire des 
expériences, etc., par Jean Senebier. Genève, 1783. 


. STIRLING (W.). On the ferment or enzymes of the digestive Tract in Fishes 


(Journ. of Anat. and Physiol., vol. XVII, 1884). 


. — On the chemistry and histology of the digestive organs of Fishes 


(Second annual Report of the fishery board of Scotland, Appendix 
F, no 1, 1885). 


.. TiÉpemanN et GMELIN. Recherches expérimentales sur la digestion consi- 


dérée dans les quatre classes d'animaux vertébrés, traduit de l’alle- 
mand par Jourdan. Paris, 1827, 2 vol. (voir en particulier le tome IT, 
ke mémoire). 


. Yonc (Émile). Sur l’évolution de la fonction digestive [C. R. de la 78 ses- 


sion de la Soc. helvét. des Sc. nat. à Zermatt] (Arch. des Sc. phys. 
et nat., 1895). 


426. — Sur les phénomènes de la digestion chez les Squales (/bid., 1895). 

429. — Sur la structure intime et les fonctions de l'intestin des Poissons 
[G. R. de la 81° session de la Soc. helvét. des Se. nat. à Berne] 
(Jbid., 1898). 

428. — De la digestion gastrique chez les Squales (C. R. de l'Acad. des 


Sciences de Paris, t. CXXVI, 1898). 


429. — Sur les fonctions du pancréas chez les Squales (C. R. de lAcad, des 
Sciences de Paris, t. CXXVII, 1898). 
489. — La digestion gastrique chez les Poissons (Revue scientifique, 4° sér., 


t. XI, janvier 1899). 


. Zonrz (N.). Ueber die Verdauung und den Stoffwechsel der Fische (d’après 


les recherches de Karl Knauthe) (Arch. für Anat. und Physiol. [Phy- 
siol. Abtheil.], 1898). 


Consulter en outre, pour la physiologie, les mémoires de Decker et de Luchhau 


dont les titres sont donnés plus haut en A, Histologie. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE IX. 


Toutes les figures de cette planche se rapportent à l’épithélium intestinal de Scyl- 
lium canicula et ont été dessinées au moyen de l'appareil à dessiner d’Abbe, adapté 
sur un microscope de Zeiss. 


Te 


1. Coupe transversale de la muqueuse buccale, portion appliquée à la voûte 


palatine (Oc. II, Obj. A). c, couche conjonctive ; {, lacune lymphatique; 
ep, épithélium profond cylindrique ; p, papilles ; cm, cellules muqueuses 
de l’épithélium ; es, épithélium pavimenteux superficiel. 

2. Fragment de la coupe précédente vu sous un plus fort grossissement 
(Oc. Il, Obj. F). ep, cellules cylindriques de l’assise profonde; m, mucus 
contenu dans les cellules muqueuses ; »#, noyaux de ces dernières. 


Fig. 3. 


10. 


RECHERCHES SUR LA DIGESTION DES POISSONS. 201 


Une crypte de l’æsophage prise sur une coupe transversale passant peu 
avant le commencement de l’estomac (Oc. IT, Obj. A). er, cavité de la 
crypte ; M, mucus accumulé au fond de la crypte ; e, cellules épithéliales 
ciliées ; c, cellules caliciformes. 


. Trois cellules ciliées de lépithélium œsophagien détachées du sommet 


d'une crypte de l'extrémité postérieure de l’œsophage (Oc. II, Obj. F). 


. Cellules ciliées et caliciformes basses de l’épithélium œsophagien prises 


sur une coupe passant au milieu de l’æœsophage (Oc.IT, Obj.F). n,noyaux 
ovoïdes des cellules ciliées ; #’, noyaux sphériques des cellules calici- 


formes. 


. Coupe longitudinale d’une glande peptique dessinée sur une coupe trans- 


versale passant vers le milieu de l'estomac, face ventrale (Oc. IT, Obj. C). 
ep, épithélium superficiel; c, col de la glande; cc, cellules du col; 
gl, corps de la glande ; cp, cellules peptiques ; n, double noyau dans 
l’une de ces dernières ; c’, cavité axiale du corps de la glande renflée à 
son extrémité inférieure ; /, enveloppe conjonctive du tube glandulaire ; 
ñ', noyaux conjonctifs. 


. Deux cellules de l’épithélium superficiel de l’estomac (Oc. II, Obj. DD). 
. Coupe transversale du corps d’une glande peptique passant vers le milieu 


de sa longueur (Oc. II, Obj. DD). c, canal axial ; cp, cellule peptique ; 
ñ, noyau conjonctif. 


. Portion d’une coupe transversale de l’extrémité inférieure d’une glande 


peptique largement excavée dans sa portion axiale (Oc. II, Obj. F). 

Portion d’une coupe transversale passant au milieu du tube pylorique. 
ep, cellules épithéliales tapissant les parois d’une crypte ; ce, cellules du 
fond de la crypte qui ne sont probablement autres que les précédentes 
coupées transversalement (Oc. II, Obj. DD). 


. Coupe verticale d’une villosité de l'intestin moyen au commencement de 


la valvule spirale. ce, cellules cylindriques de l’épithélium ; ca, cellules 
caliciformes déversant des masses de mucus, m (Oc. IT, Obj. D). 


. Deux cellules caliciformes de l’épithélium de l'intestin moyen. n, noyau; 


m, mucus débordant de l’ouverture de la cellule (Oc. II, Obj. F), 


LA CAUSE PRINCIPALE DE L'ASYMÉTRIE 


MOLLUSQUES GASTÉROPODES 


LOUIS BOUTAN 


Maître de conférences de zoologie à l’Université de Paris. 


INTRODUCTION. 


Quel lecteur, au courant des travaux de la zoologie, pourrait dire, 
en lisant les nombreux mémoires qui ont été publiés sur les causes 
de l’asymétrie chez les Gastéropodes : « Oui...c’est bien ainsi que les 
choses ont dû se passer! » 

Aucun sujet n’a été plus étudié, aucun ne reste plus obscur. 

Il est téméraire d'essayer, après tant d’autres, de donner une nou- 
velle explication de phénomènes en apparence si complexes et, au 
moment de tenter l'aventure, je me demande s’il existe réellement 
une cause simple pouvant s'appliquer à un groupe aussi étendu que 
celui des Gastéropodes, et donnant la clef des déformations que 
subissent de si nombreux animaux. 

Noire esprit nous porte à grouper les faits, à les synthétiser sous 
une forme schématique, mais rien ne prouve que la nature procède 
de même, et qu'on puisse faire tenir ses procédés dans le cadre étroit 
d’une loi d'apparence générale. 

Cependant, malgré ces réserves, en me basant sur l'examen atten- 
üf du développement des Mollusques, tel qu’il résulte des travaux 


des divers naturalistes et de mes propres recherches, il me semble 


204 L. BOUTAN. 


possible de mettre en lumière une cause mécanique très simple, qui 
est, selon moi, sinon la cause unique, du moins la cause principale 
_et déterminante de l’asymétrie des Gastéropodes. 

Le type mollusque, originairement symétrique et tel qu'on l’ob- 
serve normalement dans les Acéphales et les Céphalopodes, devient 
asymétrique chez les Gastéropodes sous l'influence d’une cause méca- 
nique résultant de l’antagonisme de croissance du pied et de la coquille: 


dans le cours du développement. 


Cet antagonisme dans la croissance du pied et de la coquille re- 
présente donc, selon moi, la cause principale de l’asymétrie des Mol- 
lusques gastéropodes, ainsi que je m'’efforcerai de le démontrer dans 
le cours de ce travail. 

Cette cause, en apparence unique, est d’ailleurs essentiellement 
variable dans ses effets, parce que l’antagonisme de croissance du 
pied et de la coquille ne se produit, ni avec la même intensité, ni aux 
mêmes époques de la vie, chez les Mollusques et dépend de la crois- 
sance variable de la coquille et du pied, à l’état larvaire et à l’état 


adulte. 


Je crois que l’on peut expliquer en outre, à l’aide du dévelop- 
pement plus ou moins considérable de la coquille et du pied, non 
seulement les phénomènes d’asymétrie, mais aussi les formes du 
système nerveux que nous observons dans les Mollusques et en par- 
ticulier dans les Gastéropodes. 


Ce travail comprend trois parties. 


Ao L’exposé critique des travaux les plus importants relatifs à la 
question ; 

2 L’exposé des faits sur lesquels est basée l'explication que j'essaye 
de donner. 

3° La discussion de ces faits et les conclusions qu'il me paraît 


nécessaire d'en tirer. 


1 Par le mot coquille, je sous-entends non seulement la coquille proprement dite, 
mais encore la partie du manteau qui la tapisse et qui lui a donné naissance. 


ASYMÈTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 205 


PREMIÈRE PARTIE. 


EXPOSÉ CRITIQUE DES PRINCIPAUX TRAVAUX RELATIFS A L'ASYMÉTRIE 


DES GASTÉROPODES 


[ 


Dans l'historique de la question de l’asymétrie des Gastéropodes, 
on peut procéder immédiatement à une coupe et mettre, d’une part, 
un certain nombre d'auteurs tels que Carus, Souleyet, Companyo, etc., 
qui ont émis des hypothèses hasardeuses sans les baser sur des faits 
précis, et d'autre part, les auteurs qui ont mis à profit leurs re- 
cherches personnelles et les données actuelles de la science pour 
essayer de fournir, au moins en partie, une explication rationnelle. 

Pour les premiers, nous nous contenterons de renvoyer au savant 
mémoire de M. Fischer et Bouvier! dans lequel on trouvera un 
historique très complet ; nous analyserons seulement les travaux des 
auteurs dont les opinions peuvent être, encore actuellement, ultile- 
ment discutées. 


En France, Milne Edwards et surtout M. de Lacaze-Duthiers ont 
fourni d'importants documents sur la question. 

M. de Lacaze-Duthiers en particulier à, dans une série de mono- 
graphies, exposé des faits certains donnant le point de départ indis- 
pensable (monographie du Dentale ?, de l’Anomie et du Pleuro- 
branche *; système nerveux de l’Haliotis *, de l’Aplysie, etc.). 

Ses études sur les Mollusques lui ont permis de les grouper utile- 

1 FiscHer et Bouvier, Recherches et Considérations sur l’asymétrie des Mollusques 
univalves, Crosse, Paris, 1892. 

? De Lacaze-Duruiers, Histoire de l’organisation et du développement du Dentale 
(Annales des sciences naturelles, quatrième série, t. VI et VII). 

3 Histoire anatomique ct physiologique du Pleurobranche orangé (Annales des sciences 


naturelles, 2e sér., 1859, t. XI). 


* Mémoire sur le système nerveux de l’Haliolis (Annales des sciences naturelles, 1859, 
(Cl). 


206 L. BOUTAN. 


ment au point de vue du système nerveux !, et de dégager plusieurs 
lois morphologiques importantes *. 

Cependant, systématiquement, le savant auteur qui se refuse aux 
hypothèses hâtives, a évité de donner une explication générale de 
l’enroulement dans les Gastéropodes. Il s’est contenté de montrer 
l'importance des connexions chez les Gastéropodes et de redresser à 
ce sujet les erreurs commises par d’autres auteurs. 

Il a eu cependant le mérite, au point de vue de l'explication géné- 
rale, de montrer, dès 1859, l'importance du croisement de la com- 
missure du centre asymétrique qui rejette à gauche une partie du 
système nerveux par suite d’une torsion que l’on constate chez tous 
les Gastéropodes chiastoneures. Comme conclusions de ses savantes 
études, il a maintes fois professé dans ses cours publics à la Sor- 
bonne : Dans les formes dextres, le corps du Mollusque verse à gauche, 
ce qui produit l'atrophie des organes correspondants. Dans les formes 
senestres, le corps du Mollusque verse au contraire à droite. 

Dans un mémoire sur l’Æ/aliotis qui a donné naissance à de nom- 
breuses controverses, mais dont les conclusions se trouvent actuel- 
lement vérifiées par les recherches les plus récentes *, il a montré 
— ce qui sera pour nous le point de départ de constatations impor- 
tantes — qu’autour du pied des Gastéropodes archaïques, il fallait 
distinguer un organe périphérique indépendant du pied et se ratta- 
chant au manteau, la collerette. 

Cet organe, confondu, par beaucoup d'auteurs, sous le nom d’epi- 
podium, avec des parties du pied très développées chez certains Gas- 
téropodes, nous servira, en effet, à interpréter la forme bizarre du 
système nerveux des Mollusques considérés généralement comme 
les plus primitifs. 

1 La Classification des Gastéropodes basée sur les disposilions du système nerveux 
(Comptes rendus de l’Académie des sciences, 12 mars 1888). 

2 Mémoire sur les otocystes des Gastéropodes (Archives de zoologie expérimentale et 
générale, 1re sér., t. I, 1872). 


$ E.-L. Bouvier et H. Fiscuer, Elude monographique des Pleurotomaires actuels 
(Archives de zoologie expérimentale et générale, 3° sér., t, VI, 1898). 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 207 


Enfin, il a établi que, chez l’Anomie, la symétrie normale de 
l’Acéphale se trouvait détruite par suite de l'énorme développement 
d’une dépendance du pied, le byssus. 

Ce sont ces constatations importantes qui ont servi de point de 
départ aux tentatives d'explications ultérieures. 


Beaucoup plus tard, en 4877, parut l'important mémoire de 
H. von Ihering ‘ sur la philogénie des Mollusques. 

Pour cet auteur, l’origine des Gastéropodes serait double : d’une 
part, les Prosobranches dériveraient d’une forme analogue aux Mol- 
lusques symétriques, les Amphineures ; d'autre part, les Opisto- 
branches et les Ptéropodes, d’une forme ancestrale tout à fait diffé- 
rente. Pour justifier cette double origine, l’auteur nie la torsion du 
corps et des organes chez les Prosobranches, opinion inconciliable 
avec les faits. 

Cette opinion, qui a eu beaucoup de vogue, est maintenant à peu 
près délaissée par les auteurs récents. 


Quelques années après (1881), Spengel ? admit que tous les Mol- 
lusques gastéropodes dérivent d’une forme ancestrale commune. 

Cette théorie ayant été déjà maintes fois exposée, je me conten- 
terai de citer le résumé magistral que MM. Fischer et Bouvier en 
ont présenté dans le mémoire sur lequel j'aurai fréquemment l’occa- 
sion de revenir dans cet exposé préliminaire. 

« Pour Spengel, tous les Mollusques Gastéropodes et Ptéropodes 
dérivent d’une forme ancestrale assez analogue au Chiton, mais à 
un Chiton qui aurait deux branchies péri-anales et une commissure 
orthoneure sous-intestinale dont chacune des branches se rattache- 


rait par un nerf à la branchie du même côté. Si l'anus de la forme 


1 H. von IHeRING, Vergleichende Anatomie der Nervensystems und Phylogenie der 
Mollusken, Leipzig, 1877. 


2 SPENGEL, Die Geruchsorgane und das Nervensystem der Mollusken (Zeits. Wiss. 
Zoo!., t. XXXV, 1881). 


3 Fiscuer et BoUvIER, loc, cit., p. 165, 


208 L. BOUTAN. 


ancestrale est ramené, d’arrière en avant, dans le plan médian du 
corps, et si les organes pairs voisins de l’anus, les branchies notam- 
ment, exécutent autour du rectum une rotation de 180 degrés, on 
aura un Prosobranche à deux branchies tel qu’une AHaliotis ou une 
Fissurella ; et de ces Prosobranches dibranchiaux dériveront à leur 
tour les Prosobranches monobranches par disparition des organes 
situés à gauche chez la forme ancestrale et à droite chez les Proso- 


branches dibranchiaux. » 


Je ferai simplement remarquer que l'explication de Spengel ne 
correspond pas aux données actuelles de l’embryogénie et j'insis- 
terai surtout sur ce fait, c'est que l’auteur ne tient nul compte de 
l’ordre d'apparition des organes. 

L'apparition des branchies est secondaire et ne se produit chez la 
Fissurelle, par exemple, que lorsque l'adulte a pris sa forme définitive. 

Les branchies, dans les divers Gastéropodes, ne sont, d’ailleurs, 
pas des organes homologues (cténidies, branchies circumpalléales, 
pseudo-poumons). 

Au lieu de dire que les branchies exécutent autour du rectum une 
rotation de 180 degrés, on peut dire plus justement que les branches se 
développent sur des points déplacés par suite de la rotation primitive de 
l'embryon. 

Ce sont là, d’ailleurs, des considérations que nous développerons 


plus longuement dans le cours du mémoire. 


Bütschli! est parti du même point de départ théorique que Spen- 
gel, mais en se préoccupant davantage des faits bien observés. Comme 
précédemment, je cilerai le résumé si clair et si méthodique, donné 
par MM. Fischer et Bouvier *, des idées de Bütschli. 

« Bütschli accepte l'hypothèse de Spengel, maïs il la rend plus con- 


forme à la marche naturelle des faits, en supposant un déplacement 


1 BürscnLr, Bemerkungen über die Wahrscheinliche Herleilung der Asymmetrie der 
Gasteropoden (Morpholog. Jahrb., t. XII, 1887). 
? Fiscner et Bouvier, loc. cit, p. 166 et 167. 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 909 


tout autre de l’anus. Il est impossible d'admettre, dit-il, que l’anus 
se déplace dans le plan médian du corps, car l’anus et ia branchie 
restent, chez tous les Mollusques connus, dans la gouttière palléale, 
et il ne saurait évidemment en être ainsi dans l'hypothèse imaginée 
par Spengel. Au reste, l'exemple des Tectibranches, où l’on voit 
l'anus et la branchie à droite, mais encore assez en arrière, montre 
bien que l’anus, dans son déplacement, n’est pas resté dans le plan 
médian du corps, mais qu'il a suivi la gouttière palléale. Partant 
dès lors d’une forme ancestrale à peu près identique à celle imagi- 
née par Spengel, Bütschli admet que dans cette forme, à un certain 
stade du développement, se produit une croissance inégale des tissus 
de la gouttière palléale. La zone droite interrompt sa croissance de- 
puis la bouche jusqu’au niveau de la branchie gauche ; la zone 
gauche, au contraire, prend un développement d’autant plus consi- 
dérable, et le résultat de cette inégalité de croissance est le dépla- 
cement du complexe anal (anus, branchies, orifices urinaires et gé- 
nitaux) en avant et sur le côté droit du corps. Si le déplacement en 
avant reste très peu prononcé, on a le stade correspondant aux Tec- 
tibranches ; mais la branchie, le rein et l’oreillette gauche de la forme 
ancestrale ont disparu ; si, au contraire, le déplacement se poursuit : 
sans modification du complexe anal, l’anus arrive bientôt en avant 
au côté droit du corps, et ce stade, qui ne correspond à aucune 
forme connue, est marqué par l'apparition d’un nouveau processus 
qui à pour résultat de transporter l’anus sur la ligne médiane 
dorsale, 

« Ce processus est celui qui correspond à la formation de la ca- 
vité palléale; c’est alors, du moins, qu’il se manifeste avec la plus | 
grande intensité, car les premiers indices d’une chambre palléale 
apparaissent beaucoup plus tôt, comme le prouve manifestement 
l'exemple des Tectibranches. 

« Pendant une première partie du phénomène, le fond de la gout- 
tière palléale, dans la partie qui renferme le complexe anal, se pro- 
longe et se développe beaucoup en arrière et à gauche, et l’anus 


ARCH, DE ZOOL, EXP. ET GEN, — 3€ SÉRIE. — T, VIil, 1899, 14 


210 L. BOUTAN. 


finit par atteindre la ligne médiane dorsale; il occupe alors le fond 
de la chambre palléale, la branchie ancestrale gauche se trouvant 
maintenant du côté droit, et la droite du côté gauche, si bien que la 
_commissure viscérale est croisée. 

« De Prosobranches ainsi faits, nous n’en connaissons pas encore ; 
mais il suffit d'admettre, pour arriver aux types dibranchiaux du 
groupe, que le développement de la chambre palléale se poursuit en 
arrière de l’anus et des branchies, tandis qu'il s'arrête partout ail- 
leurs et notamment sur le plafond de la chambre palléale, et où les 
branchies se terminent en avant par un point libre qui correspond 
à la branchie ancestrale, la partie basilaire et fixée au manteau 
correspondant à des formations branchiales nouvelles. Les Proso- 
branches munis d'une seule branchie dérivent des types dibran- 
chiaux, par atrophie de la branchie ancestrale gauche ; cette bran- 
chie ayant disparu et la chambre palléale se développant fortement 
à gauche, l’anus et le rectum ont été rejetés sur la droite, comme 
on l’observe chez tous les Prosobranches monobranches. 

« Bütschli observe, à juste titre, qu’on obtiendrait le même croi- 
sement de la commissure et la même asymétrie des Prosobranches, 
en admettant que les deux zones de croissance inégale, au lieu 
d’être localisées, ont frappé dans toute leur étendue les côtés cor- 
respondants du corps; mais, alors, l’asymétrie s’étendrait au man- 
teau et au pied, qui sont cependant innervés d’une manière tout à 
fait symétrique par les ganglions palléaux et pédieux, et cela suffit 
pour faire rejeter cette seconde hypothèse. 

« Bütschli établit, d'autre part, que les Prosobranches mono- 
branches doivent être considérés comme des Prosobranches dibran- 
chiaux à branchies droites atrophiées, et non comme des Tecti- 
branches dont l’anus se serait déplacé un peu plus en avant; chez 
eux, en effet, la commissure viscérale est croisée aulant au moins 
que celle des Prosobranches dibranchiaux, et les parties profondes 
de cette chambre sont asymétriquement innervées par des nerfs issus 


de la branche commissurale la plus voisine. » 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 211 


Cette savante et laborieuse explication de Bütschli prouve une 
connaissance profonde des Mollusques, mais elle a, selon moi, un 
grave défaut. C'est une heureuse exposition de faits tirés de l’anato- 
mie comparée, la constatation méthodique de faits bien observés, 
mais c'est une explication insuffisante et, malgré soi, on est amené 
à se demander pourquoi se produisent cette inégalité de croissance et ce 
déplacement du complexe anal. 

Il n’est pas douteux que cet arrêt de développement d’un côté du 

corps suivant cette zone étroite représentée par la région infra- 
palléale, située entre la bouche et l’anus, puis ce déplacement de la 
chambre palléale d’arrière en avant et de droite à gauche, corres- 
pondent, comme le font remarquer MM. Bouvier et Fischer, à des 
faits embryogéniques constatés, non seulement par Bütschli, mais 
confirmés également dans les grandes lignes par le beau travail 
d'Erlanger ‘ sur la Paludine; cependant, cette constatation impor- 
tante de faits indéniables ne constitue pas une explication suffi- 
sante. 
. Mieux qu'aucun autre de ses devanciers, Bütschli a observé et 
groupé des faits, mais il ne me paraît pas avoir dégagé la cause 
efficiente de cet arrêt de développement et de ce déplacement de 
l'anus. 


Il 


THÉORIE DE LANG SUR L'ASYMÉTRIE CHEZ LES GASTÉROPODES. 


Lang a publié un important mémoire sur l’asymétrie chez les Gas- 
téropodes ? et il a le mérite d’avoir cherché le premier à expliquer 
cette asymétrie par une cause purement mécanique. 

Cette théorie a eu trop de retentissement pour que nous ne l’ex- 


posions pas dans ses grandes lignes *. Cela nous permettra ensuite 


1 ERLANGER, Zur Enlwicklung von Paludina vivipara(Morph.Jahrb.,t. XVII, 1891). 

2 Lan@ (Arnold), Versuch einer Erklärung der Asymmetrie der Gasteropoden (Vier- 
teljahrs. der Natur. Zürich, 1892). 

$ Je suivrai, pour le développement de la théorie de Lang, l'excellent exposé 
fourni par Litz dans Carus, 1892. 


912 L. BOUTAN. 


d'indiquer les objections qu’elle a soulevées et de la réfuter à notre 
tour par des arguments qui n’ont pas encore été présentés. 

Lang recherche la raison d’être de la migration du complexe 
palléal du côté droit et en avant, telle que Bütschli l’a décrite. 

Comme point de départ de ses observations, il se sert d'un animal 
qui ressemble à la Patelle et qui a le complexe palléal et l'ouverture 
de la coquille piacés sur son extrémité postérieure. 

Dans le but d'amener une augmentation dans ia protection du 
corps, lorsque la faculté de ramper est augmentée, la masse intes- 
tinale s’est allongée et à sa suite la coquille. 

Comme celle-ci, abstraction faite des habitants de régions maré- 
cageuses (Dentalium), ne pouvait pas, pour des raisons pratiques, 
rester droite et perpendiculaire à l’axe du corps, elle devait pencher 
vers un côté quelconque. 

Ceci ne pouvaitse faire ni du côté antérieur, ni du côté postérieur. 
En effet, dans le premier cas, la bouche et les organes sensoriaux 
auraient été gênés dans leur fonctionnement et la locomotion s’en 
serait forcément ressentie ; dans le deuxième cas, la même difficulté 
aurait eu lieu vis-à-vis du complexe palléal. 

La coquille ne pouvait donc pencher qu’à droite ou à gauche. 

Par son poids, elle déplaça par poussée le complexe palléal, ce qui 
lui fournit la possibilité de se tourner vers le côté postérieur et de 


gagner ainsi une position plus favorable à la locomotion. 


La chiastoneurie typique et la situation inverse du complexe pal- 
léal se trouvent réalisées, lorsque le complexe palléal est arrivé à se 
placer en avant et la coquille à se placer en arrière. 

À la suite de la traction qui en résulte, la masse intestinale de la 
coquille finit par croître plus fortement dans le sens de la hauteur, de 
manière que la coquille se recourbe en avant et en dessous; si bien 
que finalement, aussi longtemps que le point maximum et le point 
minimum de la croissance restent dans le même plan symétrique, 


la coquille s’enroule symétriquement sur un plan. 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 213 


Si par contre, les deux points mentionnés sortent du plan symé- 
trique, l’ensemble de leurs parties formera des lignes courbées en 
spirale et la coquille s’enroulera asymétriquement à droite ou à 
gauche en pas de vis. 

Ce déplacement s'explique par la croissance de la coquille du côté 
gauche ou du côté droit, vers l’arrière, mais à condition que la 
coquille s’agrandisse à partir du bord du manteau et que le bord du 
manteau maintienne sa position vis-à-vis du corps tout entier. 

Ces changements ont lieu naturellement en même temps. La forme 
des Fissurelles adultes, d’après Lang, ne s’oppose pas à cette ma- 
nière de voir, car on doit les faire descendre de formes dont les 
coquilles sont contournées en spirale, 


Par suite de l’inclinaison de la coquille vers le côté gauche, la 
moitié primitivement à gauche du complexe palléal est exposée à 
des conditions qui lui sont peu favorables, en raison de la pression, 
et elle s’atrophie. 

Là où ce fait ne se réalise pas complètement (Diotocardiens), ilest 
évident que la branchie droite doit représenter un état réduit (celle 
qui est primitivement la branchie gauche); cependant, dans ce cas, 
l'asymétrie peut, plus tard, arriver à s’effacer (Fissurella, Sub-emar- 
ginula). 

La coquille, même alors qu’elle a déjà atteint l'extrémité posté- 
rieure de l’animal, continue sa croissance asymétrique, car l’asy- 
métrie du complexe palléal reste constante, parce que la cavité du 
manteau est plus fortement développée sur le côté gauche (pri- 
mitivement droit) que sur le côté droit. | 

Ce n’est que dans le cas où la croissance en hauteur est relative- 
ment minime et où la croissance périphérique est, par contre, forte- 
ment augmentée que l’on constate l'effacement complet de cette 
asymétrie et que la coquille prend la forme d’un godet. 


La chiastoneurie ne se produit que dans les cas où le complexe 


214 L. BOUTAN. 


palléal franchit, sur le côté antérieur, la ligne médiane (Prosobran- 
ches) ; les autres formes restent orthoneures (Opistobranches, Pul- 
monés). 

Chez des animaux nageurs, la coquille peut également s’enrouler 
en avant (Vautilus), surtout lorsque la coquille sert d'appareil hy- 
drostatique. 

IL est vrai que Spirula a également une coquille de ce genre, mais 
elle est rudimentaire, intérieure et n’a pas du tout, pour la position 
postérieure de la cavité du manteau, l'influence qu'aurait une 


coquille extérieure. 


Telles sont dans les grandes lignes les causes de l’asymétrie in- 
terne des Gastéropodes, d’après Lang. 

Comme le font remarquer MM. Bouvier et Fischer ‘, « Arnold Lang 
accepte complètement les idées de Bütschli, mais essaye de remonter 
aux causes premières et se demande le pourquot des faits constatés. 

« Pourquoi le complexe palléal a-t:il quitté le côté postérieur de la 
forme ancestrale pour s’avancer à droite, et pourquoi ont disparu, 
dans un très grand nombre de formes, ies organes qui occupaient le 


côté gauche de l’anus avant le déplacement de ce dernier ? » 


Lang a posé nettement ces questions, mais y a-t-il heureusement 
répondu ? | 

MM. Bouvier et Fischer ? semblent le croire pour la première et ils 
apportent même quelques indications à l'appui. 

« Réduite aux proportions que nous lui donnons ici, l'hypothèse 
de Lang apparaît comme très rationnelle et conforme aux faits jus- 
qu'ici connus. On sait, en effet, que les Gastéropodes les plus anciens, 
les Pleurotomaires, possèdent une coquille conique et enroulée en 
Spirale ; d'autre part, les recherches embryogéniques ont montré 

1 Bouvier et Fiscuer, Recherches et considérations sur l’'asymélrie des Mollusques 


univalves, Crosse, Paris, 1899, p. 475). 
? Bouvier et FiscHeR, loc. cit., p: 176: 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 215 


depuis peu que les Gastéropodes à coquille courte et symétrique, les 
F'issurella et les Patella notamment, commencent d’abord par avoir 
une coquille allongée et spirale. Le développement de la Paludine 
nous apprend en outre que la coquille primitive est d’abord large et 
peu convexe, et franchement dorsale, qu'elle s’allonge de plus en 
plus à mesure que l’anus se déplace en avant et en dessous; enfin 
qu’elle commence à loger un sac viscéral encore très réduit, quand 


l’anus s'élève sur le côté droit, en même temps que la chambre pal- 


léale. » 


Ils font cependant quelques réserves qui diminuent singulièrement 
l'importance de la force mécanique mise en évidence par Lang. 

Ils pensent qu’en attribuant à la pression seule la disparition des 
parties gauches du complexe palléal primitif, Lang est dans l'erreur 
et que « la cause essentielle de la disparition de la partie gauche du 
complexe chez les Opistobranches est précisément le faible déplace. 
ment en avant et à droite du complexe lui-même. » 

La disparition de la branchie droite (branchie gauche dela forme 
ancestrale) des Prosobranches est due, d’après eux, à l’enroulement 
dextre de la coquille, enroulement qui a pour résultat de réduire 
considérablement le côté droit de la chambre palléale et par consé- 
quent d’atrophier plus ou moins les organes qui s’y trouvaient ren- 
fermés. 

Pour ce qui a rapport à l’enroulement de la coquille, MM. Fischer 
et Bouvier se prononcent nettement contre l'explication de Lang. 

Voici, en effet, les remarques qu'ils font à propos des explications 
que fournit Lang sur l’enroulement des coquilles asymétriquement 
spirales : 

« L'hypothèse phylogénétique de Lang n’est pas rationnelle, parce 
qu'elle subordonne à tort, nous le verrons plus loin, l’asymétrie des 
organes à l’asymétrie de la coquille ; quant à l'hypothèse ontogéné- 


tique, elle ne nous paraît pas reposer sur des bases beaucoup plus 


1 Fiscer ef, BOUVIER, loc. cit, p. 177 


216 L. BOUTAN. 


sérieuses. Dans l'explication donnée par Butschli de l’enroulement 
de la coquille, on sait que le déplacement vers la gauche de l’axe 
de croissance asymétrique est la conséquence nécessaire de cette 
croissance asymétrique; dans l'hypothèse ontogénétique de Lang, 
au contraire, on doit admettre que la croissance en longueur reste 
constamment symétrique par rapport à un axe, et qu’en outre il y a 
indépendance absolue entre cette symétrie de croissance et le dépla- 
cement de l’axe. Or, d’une part, la croissance en hauteur du bord 
palléal et de la coquille n’est nullement symétrique; et, d'autre part, 
même en admettant que l'axe de croissance asymétrique soit réelle- 
ment un axe de symétrie, on se demande pour quelle raison se 
déplacerait cet axe. Lang ne paraît pas avoir répondu à celte ques- 
tion, à moins qu'il ne considère le déplacement de l'axe comme la 
conséquence, et pour ainsi dire la condensation, dans un seul indi- 
vidu, du déplacement qui, d’après lui, a phylogénétiquement produit 
l’enroulement de la coquille. » 


Les auteurs précédents n’ont pas été les seuls à montrer les points 
faibles de l'explication de Lang. 

Dans un mémoire très récent !, Ludwig von Plate, après avoir ana- 
lysé l'hypothèse de Lang et avoir reconnu le mérite réel de la tenta- 
tive d'explication formulée par l’auteur, dit nettement qu'il estime 
que les prémisses de l'hypothèse de Lang sont fausses et que les faits 
n’y sont pas présentés d'une manière satisfaisante. 

Il divise la réfutation de l'hypothèse de Lang en quatre points 
principaux. 

D’après lui, Lang part de données qui, au point de vue physiologique, 
ne sauraient exister. 

Il semble, à Plate, impossible d'admettre physiologiquement que, 


dans la forme généalogique primitive, la coquille symétrique, en 


1 LupwiG von PLATE, Remarques sur la phylogénie el sur le développement de l’asy- 
mélrie chez les Mollusques, Berlin, 1898, 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 217 


forme de godet, puisse prendre une forme conique comme une 
coquille de Dentale et s’incliner ensuite vers la gauche. 

Voici les raisons qu'il en donne : 

Le sac intestinal de tout Mollusque ne se moule pas exactement 
dans l’intérieur de la coquille, du moins, lorsque l’animal n’est pas 
contracté dans l’intérieur de sa coque. Il y a du jeu et un certain 
espace libre. 

Si la masse intestinale s’arrondit en avant et dans la direction 
médiane, elle doit être immédiatement refoulée vers l'arrière, parce 
que l’eau, pendant la reptation, presse d'avant en arrière sur la 
coquille et par conséquent sur la masse intestinale. 

Il doit donc y avoir une traction sur le bord antérieur du manteau, 
qui doit stimuler la croissance et l’activité des glandes, ce qui amène 
une sécrétion plus considérable de substance coquillière en ce 
point. 

Il en résulte forcément que la coquille doit se mouler, en ce point, 
contre la masse intestinale et former un apex symétrique et un peu 
incliné en arrière. 

Si cette action continue, il doit se produire une coquille symé- 
trique et dirigée en arrière et, en fin de compte, dans les cas pro- 
pices, la coquille aura un enroulement discoïde ou nautiloïde. Jamais 
le Mollusque rampant ne peut prendre une forme semblable à celle 
représentée par Lang, dans laquelle la coquille conique est sem- 
blable à celle des Dentales, et s'incline sur le côté, à partir du milieu 
du dos. 

Même en négligeant la position extrême où la coquille se dresse- 
rait perpendiculairement à l'axe longitudinal, déjà, le cas où la 
coquille formerait un angle droit avec le plan symétrique est im- 
possible à admettre, pour la bonne raison que la même force qui, 
selon Lang, replacera plus tard la coquille sur la ligne médiane, est 
en activité depuis l’origine et ne permettrait, en aucun moment, une 
inclinaison latérale. 


218 L. BOUTAN. 


L'erreur de la déduction de Lang consiste donc, tout d’abord, 
d'après Plate, en ce que Lang veut faire provenir d’une masse in- 
‘testinale qui s’est symétriquement développée la cause des forma- 
tions asymétriques ultérieures. Plate constate que, dans le cas le 
plus favorable, il pourrait en résulter un enroulement discoïde et 
symétrique. Il constate, en outre, que si la coquille nautiloïde deve- 
nait tellement lourde, que la cavité du manteau fût gênée dans son 
fonctionnement, il n’y aurait d’autre issue pour la forme en ques- 
tion que de périr ou de vivre à la façon des Chitons par la forma- 
tion de branchies circumpalléales. 

Il concède cependant qu’à la rigueur il pourrait se produire un 
déplacement de la branchie et de l’anus, ce qui amènerait une cer- 
taine asymétrie mais insuffisante pour expliquer le développement 


des Zeugobranchiens et des autres Prosobranchiens. 


Voici le premier argument de Plate contre l'explication de Lang. 

A cette première objection, il en ajoute une seconde et constate 
que Lang tire ses prémisses de conclusions dont l'exactitude ne 
saute pas aux yeux et qu'il faudrait, par conséquent, étayer par une 
démonstration logique. 

Si nous admettons, dit Plate, que la coquille en forme de cône 
allongé s’est penchée en arrière et obliquement par rapport à l’axe 
longitudinal du corps, en faisant un angle de 45 degrés à peu près, 
Lang a raison de dire qu’un tel animal, à moins d'être voué à une 
disparition certaine, doit redresser petit à petit sa coquille dans le 
plan symétrique. Gette action ne peut se produire que si l'animal la 
fait tourner en arrière et vers la droite dans un mouvement de re- 
tour. Il se produirait donc une traction asymétrique sur la moitié 
gauche du bord antérieur du manteau qui occasionnerait une légère 
torsion de la masse intestinale et de la coquille. 

Par ce procédé, la coquille serait ramenée du côté droit, et, dans les 
cas tout à fait favorables, passerait mêmesur le côté droit, mais alors, 


se trouverait réalisé un état d'équilibre, comme il se présente effecti= 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 219 


vement chez beaucoup de Tectibranches ; dès lors il n’y a pas de 
raison pour que le complexe palléal ne demeure, dès ce moment, 
dans une position stable. 

Il faut remarquer en effet qu’il n’y a plus de tractions asymétriques 
exercées, ce qui doit amener la suppression de toute croissance 
asymétrique, et cependant, Lang prétend que cette croissance conti- 
nuerait dans la suite, quoique la cause efficiente ait disparu. 

Plate conclut de ce second argument que, même si les prémisses 
de la théorie de Lang étaient justifiées, elles ne pourraient servir qu'à 
expliquer la formation des Gastéropodes chez lesquels la cavité du 
manteau est latérale. 

L’explication fournie par Lang de l’enroulement en pas de vis de 
la masse intestinale ne paraît pas plus satisfaisante à Plate; il fait 
remarquer que l’enroulement ne dépend aucunement de la forme 
de la cavité du manteau, mais seulement de l'intensité de la crois- 
sance vers le haut sur les différents points du bord du manteau. Chez 
Planorbis, la cavité du manteau est asymétrique, et l’enroulement, 
à peu de chose près, symétrique. Dans Siphonaria, la cavité du man- 
teau est fortement asymétrique et la coquille presque entièrement | 
symétrique. 

Le troisième argument présenté par Plate contre la théorie de 
Lang peut se résumer plus rapidement que les deux premiers, il 
n'en estpas moins convaincant—au contraire — et me paraît même le 
plus concluant. Il fait observer que la forme de la coquille des Mol- 
lusques ne s'accorde pas avec celle qu’on devrait trouver d’après la 
théorie. 

Le nucléus (coquille larvaire), dit-il, montre, dans toutes les co- 
quilles de Mollusques où il est conservé, une direction tournante très 
nette et cet enroulement se produit de si bonne heure qu'on à 
parfois besoin de l’agrandissement au vingtième pour le bien distin- 
guer. Or, d’après la théorie de Lang, toute coquille de Mollusque 
devrait débuter par une petite pointe droite qui correspondrait au 


petit cône primitif, par la rotation duquel l’enroulement aurait lieu. 


290 LÉ L. BOUTAN, 


Enfin, comme dernier argument, Plate essaye d'établir que les 
faits fournis par l’ontogénie ne concordent pas avec la théorie de 
‘Lang. 

Le plan dorsal de l’embryon, remarque l’auteur, se soulève, en 
effet, en forme de voûte et pourrait à la rigueur se comparer avec 
le prolongement conique dont parle Lang, mais cette voûte ne s’ac- 
croît pas en ligne droite et ne s'incline pas non plus vers le côté 
gauche. Elle forme dès l’origine une courbe spirale, ce qui s'explique 
d’ailleurs par la torsion du nucléus. 

Il semble qu'après la longue analyse que je viens de présenter, 
d’après Ludwig Plate, il n’y ait plus rien à ajouter aux objections 
que soulève l'hypothèse de Lang. Je crois cependant que le sujet 
n’est pas épuisé et que l’on trouve une réfutation bien plus claire et 
bien plus facile en la soumettant au truchement des faits biologiques. 

L'hypothèse de Lang pour expliquer l’asymétrie des Mollusques a 
pour facteur principal une cause mécanique. En effet, pourquoi, 
d’après lui, la coquille ne peut-elle pas se maintenir en place dans 
le plan symétrique? 

C'est pour une raison d’équilibre, c’est parce que la pesanteur agit 
et la fait dévier. 

La cause mécanique de Lang, dégagée de tous les accessoires de mots, 
est dons ici la pesanteur de la coquille et de ce qui la remplit. 

Or, cela suppose que les Mollusques, au moment où l’asymétrie 
se produit, rampent sur le pied, la coquille tournée vers le haut, 
comme le font la plupart des Mollusques adultes. Cette supposition 
n’est pas fondée et les larves des Mollusques occupent une position 
tout à fait différente de celle des adultes. C’est à cela que les parti- 
sans de la théorie de Lang n’ont pas songé jusqu'ici et c’est ce qui 
me permet de montrer en quelques mots linanité de l'explication 
de Lang. 

Par suite de la position dans laquelle les larves de Mollusques 
nagent et évoluent, il se trouve que l’asymétrie du Mollusque peut 


ASYMÈËTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 291 


se produire, non seulement indépendamment de l’action de la pesan- 
teur de la coquille, mais en sens contraire de cette action, alors que 
la pesanteur devrait au contraire empêcher l’asymétrie de se pro- 
duire. 

Pour prendre un exemple, beaucoup de larves que j'étudierai 
plus loin nagent le voile en haut et la coquille pendant en arrière, 
et elles deviennent asymétriques et se tordent de 180 degrés, alors 
que le poids de la coquille devrait au contraire s’opposer à cette 
action. 

Nous pouvons en conclure, avec une certitude absolue, que la 
cause principale de l’asymétrie et de la torsion du corps du Mol- 
lusque ne réside pas dans la cause mécanique indiquée par Lang. 


ITI 


RECHERCHES ET CONSIDÉRATIONS DE MM. FISCHER ET BOUVIER 


SUR L’ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES. 


MM. Fischer et Bouvier ont publié un important mémoire sur 
l’asymétrie des Mollusques ‘. 

Ainsi que nous l’avous indiqué en exposant la théorie de Lang, ces 
savants adoptent les principales idées de cet auteur. Ils cherchent à 
les rendre acceptables, en introduisant quelques causes secondaires, 
pour suppléer à l'insuffisance de la cause mécanique principale à 
l’aide de laquelle Lang explique l’asymétrie des Mollusques. 

Selon MM. Fischer et Bouvier, en effet, les Gastéropodes dérivent 
tous d’une forme symétrique primitive qui possédait en arrière, 
de chaque côté de l’anus, des branchies, des reins, des oreillettes, 
groupés en un complexe anal. 

Chez les Mollusques rampants, la coquille se développa de plus 
en plus en hauteur et finit par se trouver en équilibre instable ; elle 


1 Fiscner et Bouvier, Recherches et considérations sur l’'asymétrie des Mollusques 
univalves, loc, cil., 1872, 


222 L. BOUTAN. 


prit une position inclinée latéralement pour ne pas gêner le fonc- 
tionnement des organes céphaliques et du complexe anal, du côté 
gauche pour les formes dextres, du côté droit pour les sénestres. 

Cette position inclinée de la coquille amena le déplacement du 
complexe anal du côté opposé; et la coquille, dont la position laté- 
rale était peu favorable à la progression de l’animal, s’inclina de 
plus en plus en arrière. Le complexe anal s'arrêta assez en arrière 
chez les Opistobranches, un peu plus en avant chez les Pulmonés et 
atteignit, chez les Prosobranches, la partie antérieure et dorsale du 
Corps. 

La coquille primitive conique et symétrique fut déplacée en ar- 
rière dans l'axe du corps, grâce à l’action du muscle columellaire, 
et il se forma progressivement, par suite de la compression de la 
parte ventrale du péristome, une coquille symétrique, mais enroulée 
en spirale. 

Enfin, lorsque le déplacement du complexe se fit sentir sur 
le manteau et la coquille, cette dernière s'inclina plus ou moins 
du côté droit, sa bouche comprima le bord correspondant du man- 
teau, rendit asymétrique la croissance en longueur et donna nais- 
sance à une coquille hélicoïde. 


On retrouve là, au moins dans les lignes priucipales, les idées de 
Bütschli et de Lang, et si le mémoire ne comprenait que ces idées 
théoriques, nous n’aurions aucune raison pour l’analyser longue- 
ment comme un travail de première importance ; mais il est doublé 
par l’exposé de recherches qui en augmentent singulièrement la 
valeur. 

Dans la première partie du mémoire, les auteurs étudient, en 
effet, plusieurs questions importantes : l’enroulement des coquilles, 
l'influence régionale sur le mode d’enroulement des coquilles et, 
surtout, les relations entre le mode d’enroulement de la coquille et 
la position de l’orifice de l’animal. 


Ce dernier chapitre me paraît particulièrement intéressant. Les 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 293 


auteurs y constatent que, les observalions morphologiques relatives 
aux Mollusques pulmonés à coquilles turbinées dextres ou sénes- 
tres ayant montré une concordance entre le mode d’enroulement 
et la position des principaux orifices de l'animal, le pneumostome, 
l’anus, la verge, etc., on s’est trop hâté de conclure et de considérer 
ceci comme une loi générale s'appliquant à tous les cas,et pouvantse 
résumer ainsi : « Chez les Gastéropodes à coquille dextre, les ori- 


fices sont placés à droite; chez les Gastéropodes à coquille sénestre, 


les orifices sont placés à gauche.» 


La loi ainsi formulée n’est pas vraie, d’après MM. Bouvier et Fis. 
cher, et, s’il y a une concordance générale, il y a aussi des excep- 
Lions à cette loi. 

Pour le démontrer, ils citent les observations déjà faites soit par 
d’autres auteurs, soit par eux-mêmes, el examinenf£ successivement 
les coquilles adultes, la position des orifices chez les Mollusques sans 
coquille, l’enroulement de la protoconque chez les Mollusques à 
coquille persistante et chez les Mollusques à coquille caduque, en- 
fin, les relations entre l’enroulement de la coquille et celui de l’oper- 
cule. 

Ils résument ensuite leurs conclusions dans un tableau où se 
trouvent exposés les divers cas de l’enroulement de la coquille avec 


la position correspondante des principaux orifices. 


Dans une deuxième partie de leur travail, MM. Fischer et Bouvier 
étudient ensuite les relations entre le mode d’enroulement des 
coquilles et l’organisation interne. 

Ils passent d’abord en revue les principales formes chez lesquelles. 
l'asymétrie de la coquille est de même sens que l’asymétrie interne. 

« C’est chez les Pulmonés, disent-ils, qu'on a constaté d’abord, 
grâce aux travaux de M. de Lacaze-Duthiers', une concordance 


1 DE Lacaze-Duriers, Du système nerveux des Gastéropodes pulmonés aquatiques 
et d'un nouvel organe d'innervation (Archives de zoologie expérimentale, t, I, 1872), 


294 L. BOUTAN. 


remarquable entre les asymétries interne et externe, et c’est après 
avoir étudié un certain nombre d’animaux de ce groupe qu'on a 
voulu considérer cette concordance comme applicable à tous les 
Mollusques asymétriques. 

« Chez la plupart des Gastéropodes pulmonés, les divers orifices 
(anus, orifice rénal, pneumostome, orifice génital) sont situés à 
droite dans les formes dextires, à gauche dans les formes sénestres, 
et un examen anatomique, même superficiel, permet de constater 
que les organes auxquels correspondent ces orifices se déplacent 
dans le même sens que ces derniers. Ces faits sont trop connus 
pour qu'il y ait lieu d'insister ici. 

« Quoique moins frappante au premier abord, l’asymétrie existe 
aussi dans le système nerveux et reste soumise aux mêmes lois. Des 
trois ganglions qui se trouvent sur la commissure viscérale ortho- 
neure de ces animaux, c’est le ganglion antérieur droit qui innerve 
le pneumostome chez les formes dextres (Limnæa, Auricula, Helix) 
et c’est celui du côté opposé chez les formes sénestres. Les Pulmo- 
nés aquatiques se prêtent mieux que les Pulmonés terrestres à la 
constatation et à l'étude de cette asymétrie interne, car leurs cen- 
tres nerveux viscéraux sont très distincts sur la commissure viscé- 
rale et ils sont en relation, sur le bord du pneumostome, avec un 
organe sensoriel spécial ; cet organe est rattaché, par le gros nerf du 
pneumostome, avec le ganglion droit correspondant, et ce dernier 
est beaucoup plus gros que celui du côté opposé. Chez les Pulmonés 
terrestres, au contraire, les centres viscéraux sont très condensés 
et l’organe sensoriel spécial fait défaut; mais une étude compara» 
tive des nerfs et des ganglions montre que l’asymétrie du système 
nerveux ne diffère pas, au fond, de celle des Pulmonés aquatiques. 

« Quoique admis depuis longtemps dans le domaine scientifique, 
ces faits nous ont paru dignes d’être vérifiés chez certaines espèces 
jusqu'ici peu connues ou incomplètement étudiées. » 

MM. Fischer et Bouvier constatent ensuite la même concordance 
entre l’asymétrie de la coquille et l’asymétrie interne chez les Pro- 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 295 


sobranches, en s'appuyant sur les recherches de Ihering, sur quel- 
ques exemplaires sénestres de Buccinum undatum et sur leurs pro- 
pres recherches, qui ont porté sur le Chrysodomus contraria et le 
Fulqur perversum. 

Ils étudient ensuite les formes chez lesquelles l’asymétrie de la 
coquille ne concorde pas avec l’asymétrie interne, d’abord chez les 
Opistobranches. 

« Leur coquille embryonnaire est nautiloïde ou sénestre ; mais 
plus tard, chez les formes qui conservent leur coquille, cette der- 
nière devient rigoureusement dextre. 

« Chez tous les Opistobranches d’ailleurs, qu'ils soient nus ou 
protégés par une coquille, l’asymétrie des organes internes est 
dextre, comme le prouvent les caractères, depuis longtemps connus, 
du système nerveux, du tube digestif et des organes génitaux. 

« Chez les Pulmonés, les Oncidiella possèdent une coquille em- 
bryonnaire symétrique ou sénestre, et cependant présentent une 
asymétrie interne dextre, comme le prouvent les recherches de 
Joyeux-Laffuie sur l’Oncidiella celtica. Quelques autres Pulmonés à 
coquille dextre persistante présentent une asymétrie interne sé- 
nestre en rapport avec la position remarquable de leurs divers ori- 
fices ;, nous avons vu plus haut, en effet, que le Pompholyx effusa, 
Dall, et le C'hoanomphalus Maacki, Gerstfeldt, ont les orifices anal et 
génitaux du côté gauche. » 

La preuve ne paraît pas bien concluante, puisque, selon les au- 
teurs, la coquille est successivement sénestre et dextre. 

Les exemples qu'ils citent, chez les Pulmonés et les Ptéropodes, 
he sont guère plus concluants. 

Enfin ils citent parmi les Prosobranches les Ampullarüdæ. 

« Tousles Prosobranchessénestresne se fontpasremarquer,comme 
le Chrysodomus contraria et le Fulqur perversum, par une concordance 


absolue entre l’asymétrie de la coquille et l’asymétrie interne ; les 


1 J. Joyeux-Larrute, Organisation et développement de l’Oncidie (Archives de 300- 
logie expérimentale, t. X, 1882), 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN, == 3° SÉRIE, -— T, Vil, 1809, 15 


226 | L. BOUTAN. 


Ampullaridæ sénestres, comme l’un de nous l'a montré’, présentent, 
en effet, la même asymétrie interne que les Ampullaria dextres. » 

Ces dernières observations les ont amenés à formuler dans leurs 
conclusions les remarques suivantes : 

« Dans la plupart des cas observés jusqu'ici, les coquilles réel- 
lement dextres correspondent à des animaux dextres et les coquilles 
sénestres à des animaux sénestires. Mais, chez les animaux dextres 
comme chez les animaux sénestres on peut trouver, soit une coquille 
absolument symétrique dès le début de la vie embryonnaire, soit une 
coquille dont l’asymétrie est inverse de celle de l'animal (animaux 
ultra-dextres et ultra-sénestres). 

« En d’autres termes, l'asymétrie de la coquille n'exerce aucune 
influence sur l'asymétrie interne de l'animal, maïs l'asymétrie de l'animal 
exerce le plus souvent une influence sensible sur l'asymétrie de la co- 
quille. Cette influence est d’ailleurs très légère, et comme il suffit 
que la coquille s’inchHne à droite ou à gauche pour devenir asymé- 
trique, il n’est pas étonnant de constater qu'il existe des Mollusques 
univalves dont l’asymétrie interne n’est pas de même sens que 
l’asymétrie externe. » 

MM. Fischer et Bouvier établissent donc une différence entre deux 
ordres de faits que je crois également absolument différents : d’une 
part l’asymétrie de la coquille et d’autre part l’asymétrie de l’ani- 
mal; mais j’arriverai à la même conclusion dans le cours de ce tra- 


vail par des considérations tout autres. 


Dans le mémoire que je viens d'analyser, les auteurs se ralliaient 
à l'hypothèse de Bütschli au point de vue de l’origine commune des 
Prosobranches et des Opistobranches, et admettaient que les Opis- 
tobranches se distinguaient des Prosobranches par suite d’une tor- 
sion moins considérable du complexe anal qui se serait arrêté sur le 
côté droit, de façon à ce qu’au lieu d’un système nerveux à com- 


1 E.-L. Bouvier, Sysième nerveux, morphologie générale et classification des Gas- 
téropodes prosobranches (Annales des sciences naturelles,1e sér.,t. IIT, p.100-102, 1887). 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 997 


missure croisée, on avait seulement un système nerveux euthy- 
neure,. | 

Mais M. Bouvier‘ a, plus tard, modifié cette facon de voir en étu- 
diant l’Actæon. 

Il cherche à démontrer que l’Acéæon présente des caractères de 
transitions entre les deux groupes et dit: 

« L'Actæon nous montre que les Euthyneures ont été d’abord Strep- 
toneures comme les Prosobranches et que l’euthyneurie qui les ca- 
ractérise est le résultat d’un déplacement secondaire de gauche à 
droite. Etant Prosobranches, les ancêtres des Euthyneures ont été 
caractérisés par un déplacement de 180 degrés de l’appareil bran- 
chio-anal; chez leurs descendants, un mouvements’estproduit ensens 
inverse, ramenant la branchie et l’anus à droite et détruisant en 
même temps la torsion en 8 de chiffre du système nerveux. » L’au- 
teur remarque, en outre, que ce déplacement rétrograde a été lié à 
une réduction progressive de la coquille chez les Opistobranches, et 
il termine en disant « qu'il ne voit pas encore quelle est la raison 
du déplacement rétrograde de l’appareil branchio-anal chez les Eu- 
thyneures, mais qu'il est fort possible qu'il ait été occasionné par 
l’hermaphroditisme de l'animal ». 

Cette conception que les Euthyneures ont d’abord été des Strep- 
toneures est généralement adoptée par les auteurs les plus récents. 
Je ne crois pas, pour mon compte, qu’elle corresponde à la réalité 
des faits et je m’efforcerai de le démontrer dans le courant de ce tra- 
vail, en me basant sur l’embryogénie. 

Même si l’Actæon, ce qui me paraît insuffisamment démontré, était 
un ex-Chiastoneure devenu par détorsion un Orthoneure, cela ne 
suffirait pas à prouver que tous les Opistobranches sont des ex-Chias- 
toneures et il y aurait lieu de se demander si l’on ne se trouve pas 
en face d’un fait de régularisation exceptionnelle. 


Je ne crois pas, pour des raisons tirées de l’étude du développe- 


1 Bouvier, Observations sur les Gastéropodes opistobranches de la famille des Ac- 
{æonides (Bulletin de la Société philomatique, Paris, 8° sér., t. V). 


228 L. BOUTAN. 


ment, que les Opistobranches et les Pulmonés puissent être consi- 
dérés comme des Chiastoneures détordus. 

Pour que les Opistobranches soient des détordus, au moins à la 
façon dont l’entendent les auteurs, il faudrait que leur torsion lar- 
vaire soit plus complète que la torsion de l’adulte. Or l’étude atten- 
tive du développement me semble prouver le contraire. 

M. Bouvier, dans son beau travail sur le système nerveux des Pro- 
sobranches ‘, avait cru trouver le passage * entre les Prosobranches 
et les Opistobranches, séparés selon moi par un fossé profond, à 
l’aide du groupe des Orthoneuroïdes qu’il avait créé ; j'ai démontré 
qu'il y avait là une erreur et que l’orthoneuroïde ÂVerita restait un 
Chiastoneure. M. Bouvier s’est d’ailleurs rallié à cette opinion. 

Il voudrait maintenant se servir de l’Acéæon pour passer du Proso- 
branche à l’'Opistobranche, je crois que ce pont est aussi fragile que 
le premier. 

J'essayerai de démontrer plus loin que le Chiastoneure et l’Ortho- 
neure dérivent d’une forme larvaire symétrique, mais qu'ils diffèrent 
fondamentalement, parce que le Chiastoneure subit une forsion lar- 
vaire complète, tandis que l’Orthoneure subit une simple déviation 


larvaire. 


IV 


L'ASYMÉTRIE DES GASTÉROPODES, D'APRÈS M. PELSENEER. 


M. Pelseneer a traité de l’asymétrie des Gastéropodes dans plu- 
sieurs de ses mémoires et a récemment résumé son opinion à ce 
sujet. 

Il constate tout d’abord un fait sur lequel j’insisterai tout particu- 
lièrement dans ce travail : jusqu’au stade trochosphère, la larve des 


Gastéropodes est strictement symétrique, et ce n’est qu'ultérieure- 


1 E.-J. Bouvier, Système nerveux, etc., loc. cit. 
2 Louis Bouran, le Système nerveux de Nerita polita (Arehives de zoologie expéri- 
mentale et générale, t. III, 1893). 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 229 


ment que commence la torsion d’où résulte l’asymétrie caractéris- 
tique des Gastéropodes adultes. 

Il distingue également une première torsion ou torsion ventrale 
« qui, dit-il, est un phènomène général dans l’embranchement des 
Mollusques ». Elle a pour résultat de rapprocher les deux extrémités 
du tube digestif. 

« En effet, dit-il ‘, dans le développement des Gastéropodes, l’ou- 
verture de la cavité palléale est toujours d’abord postérieure, 
comme dans les Mollusques symétriques; puis, elle est ramenée 
en avant ventralement, comme dans les Géphalopodes, Scaphopodes 


et nombreux Lamellibranches. » 


Malgré les critiques mal fondées, selon moi, auxquelles a donné 
lieu la mise en lumière de ce fait important, je crois qu'il était très 
nécessaire de le préciser comme l’a fait l’auteur. Cependant, à mon 
avis, pour rendre les choses plus claires, il vaut mieux substituer au 
mot de torsion celui de flexion proposé par M. Amaudrut?, car, ici, 
il y a simplement flexion ou courbure dans un même plan. 

« Pendant cette torsion ventrale, ajoute M. Pelseneer, se produit 
l’'enroulement du sac viscéral et de la coquille. Primitivement, cette 
dernière était en forme d’écuelle ; mais la torsion ventrale (rappro- 
chant les deux extrémités du tube digestif) ayant donné à la masse 
viscérale, et au manteau qui la recouvre, la forme d’un dé à coudre 
ou d’un cône plus ou moins aigu, la coquille a pris également cette 
forme. » 

Ici, à mon avis, M. Pelseneer prend l'effet pour la cause ; si l’anus 
s'est rapproché de la bouche, c’est vraisemblablement une consé- 
quence de l’évagination conchylienne, et du développement de la 
coquille et du manteau. 


Il ajoute ensuite : « La coquille s’est ensuite enroulée sur le dos 


1 PAUL PELSENEER, Trailé de zoologie, Rueff, Paris, 1897, fasc. XVI, Mollusques. 
2 A, AMAUDRUT, {a Parlie antérieure du tube digestif, Masson, 1898. 


230 L. BOUTAN. 


ou en avant, c’est-à-dire que son enroulement est exogastrique, 
ainsi qu’on l’a constaté dans Patella et Fissurella. » 

M. Pelseneer fait probablement allusion ici au travail de Patten sur 
le développement de la Paielle et à nos propres recherches sur la 
Fissurelle ; je crois qu’il a mal interprété les faits, ainsi que j’es- 
sayerai de le démontrer dans le cours de ce mémoire. 

A la suite de ce qu’il a appelé la torsion ventrale, M. Pelseneer, 
adoptant les idées de Bütschli, signale une torsion latérale, subsi- 
diaire à la torsion ventrale primitive, devenue insuffisante pour 
rapprocher les deux extrémités du tube digestif. 

« En effet, dit-il, le développement en longueur de la face ven- 
trale reptatrice (primitivement très courte) fait ultérieurement 
obstacle à ce rapprochement, car il tend de nouveau à écarter de la 
tête l’ouverture palléale avec les orifices anal, rénaux et les organes 
respiratoires. Ce rapprochement se fait donc forcément par une 
torsion latérale, dans un plan sensiblement perpendiculaire au plan 
de la première torsion. C’est alors cette seconde torsion latérale, 
exécutée par toute la partie contenue dans la coquille (la masse 
céphalo-pédieuse étant fixe), qui amène l’ouverture palléale et l’anus 
d’arrière en avant.» 

Je me rallie pleinement à cette interprétation de M. Pelseneer ; en 
indiquant le pied comme l'obstacle qui amène la torsion latérale, 
il me paraîl avoir entrevu la cause principale de la torsion du corps 
chez un grand nombre de Mollusques. C’est, en effet, l’antagonisme 
de croissance entre la coquille et le pied, qui me paraît être la cause 
principale des phénomènes d’asymétrie constatés chez les Gastéro- 
podes. 


Comme MM, Fischer et Bouvier, il explique ensuite que les Qpis- 
tobranches et les Pulmonés ont subi une détorsion, ce que je ne 
puis admettre pour des raisons données plus haut. 

« Par détorsion en sens contraire, dit-il, l'anus et le complexe 


circum-anal, sauf l’orifice génital, peuvent se reporter secondaire- 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 231 


ment en arrière. Cette tendance à la détorsion peut s’observer excep- 
tonnellement parmi les Streptoneures; mais elle est surtout carac- 
téristique pour l’ensemble desEuthyneures où, lorsqu'elle est poussée 
à l'extrême comme dans P{erotrachea, elle est également accompa- 
enée de réduction ou disparition du manteau et de la coquille, et 
d’opistobranchialisme. Dans les Opistobranches et Pulmonés les 
moins spécialisés, la détorsion n'est pas tout à fait complète et l’ou- 
verture palléale n’est reportée que sur le côté ; mais, dans les formes 
plus spécialisées, l’anus, avec la cavité palléale si elle est conservée, 
se trouve entrainé à l'extrémité postérieure. Une symétrie extérieure 
secondaire est ainsi reconstituée. La commissure viscérale subit 
également la détorsion chez les Euthyneures, et n’est plus manifes- 


tement croisée que chez les Aciæon. » 


En terminant ce résumé des idées de M. Pelseneer sur la question, 
- Je rappellerai que la torsion ventrale constatée par lui et que je dé- 
signe sousle nom de flexion ano-pédieuse, n’a pas été admise par tous 
les auteurs, et que Gætte en particulier a vivement critiqué cette ma- 
nière de voir. 

Gætte s'appuie, pour combattre la généralité de la torsion laté- 
rale, sur l'exemple de Patella et de Fissurella; mais je crois qu’il à 
mal interprété les faits et qu'il a oublié de tenir compte de la date à 
laquelle se produisent ces phénomènes. 

Évidemment, la torsion ventrale (flexion ano-pédieuse) n’est pas 
également prononcée chez tous les Mollusques. Quelquefois, l'anus 
ou les cellules anales, qui indiquent la place de l'anus, se forment 
très près du pied, mais on ne doit pas perdre de vue que la position 
de l’anus dans la jeune larve dépend de la quantité de réserve nutri- 
tive que contient l'œuf. Lorsque l’anus naît près du pied, il est évi- 
dent que l’anus ne peut guère se rapprocher du pied, puisqu'il en 
est déjà presque au contact de l’organe en voie de formation; mais 
le phénomène de flexion, pour être virtuel, n’en existe pas moins, 
par suite du développement relatif des autres organes. 


232 L. BOUTAN. 


Cependant le travail de Gœætte a le mérite d’avoir attiré l'attention 
sur ce fait que, chez Paludina, Nassa et Planorbis, le rapprochement 
de l’anus vers la bouche peut se produire en même temps qu’une 
poussée asymétrique de l'anus vers la droite ou vers la gauche, alors 
que l’anus semble encore assez loin du pied. Mais ce fait, qui paraît 
contraire à l’idée de l'intervention du pied et de la coquille dans le 
déplacement de l’anus, correspond à une apparence et non pas à 


une réalité, ainsi que nous essayerons de le faire voir plus loin. 


v 


ÉTUDE DE LA TORSION CHEZ LES GASTÉROPODES PAR M. A. AMAUDRUT. 


M. A. Amaudrut!, dans un important travail sur la partie anté- 
rieure du tube digestif chez les Mollusques gastéropodes, a consacré 
le dernier chapitre de son mémoire à l’étude de la torsion et de la 
détorsion chez ces animaux. 

I commence avec raison par préciser les termes qu'il va employer: 

« Nous prenons, dit-il, une jeune tige de bois flexible, nous la plions 
de manière à lui faire prendre la forme d’un Ù et nous maintenons 
cette forme à l’aide d’un fil qui réunit les deux extrémités. Après 
avoir orienté la tige dans un plan vertical, nous fixons l'extrémité B 
de la branche supérieure. Saisissant ensuite la tige avec des te- 
nailles en un point de cette branche supérieure, nous faisons exé- 
cuter aux tenailles un mouvement de rotation de 480 degrés en sens 
inverse du mouvement des aiguilles d’une montre; nous tordons 
ainsi la branche CB de 180 degrés et nous remarquons que la 
branche inférieure CA exécute un mouvement de rotation de 180 de- 
grés et vient se placer dans le même plan vertical, mais au-dessus 
de CB. Répétons l'expérience en plaçant un poids convenable en un 
point P de la branche CA : nous constaterons qu'après avoir tourné 

1 M.-A. AMAUDRUT, la Partie antérieure du tube digestif et la torsion chez les Mol- 


lusques gastéropodes, Paris, thèse présentée à la Faculté des sciences de Paris, 
Masson, 1898. 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 233 


les tenailles de 180 degrés, la branche CA n’est pas revenue dans le 
plan vertical. Elle a pris une direction irrégulièrement oblique d’ar- 
rière en avant, de bas en haut et de gauche à droite, la région voi- 
sine du point P s’étant rapprochée de CB. Cette disposition BCPA est 
précisément celle que présente le tube digestif de la majorité des 
Prosobranches. 

«Le point G marque la limite extrême de la torsion ; il correspond 
à la partie postérieure des poches æsophagiennes ou de leurs homo- 
logues, et, comme l’examen de ces organes nous a montré que leur 
torsion à été de 180 degrés, nous en concluons que tout point situé 
en avant de C a subi une torsion de moins de 180 degrés, que ce 
point appartienne au contenant ou au contenu. » 

Après cette constatation importante et nécessaire, M. Amandrut 
se rallie à l’idée de la torsion ventrale de Pelseneer et à celle de la 
torsion latérale ; conformément à sa définition, il emploie le mot de 
flexion ventrale pour la première et conserve le nom de forsion pour 
la seconde. Il y a avantage à adopter le terme de flexion, proposé par 
M. Amaudrut pour remplacer le mot impropre de forsion ; mais, 
comme je l’ai indiqué dans l'exposé des idées de M. Pelseneer, je 
crois qu'il est préférable d'employer le terme de flexion ano-pédieuse 


au lieu de flexion ventrale*. 


M. Amaudrut fait ensuite une remarque très importante à propos 
de la torsion latérale, qui lui paraît avoir été mal comprise par les 
auteurs : 

«Dans les différentes théories que je viens de passer en revue, les 
auteurs n’ont envisagé que le complexe anal et la commissure viscé- 
rale, et n’ont tenu aucun compte des organes contenus dans la ca- 
vité antérieure du corps et des parois mêmes de cette cavité. Nous 


avons vu, dans les différents chapitres de ce travail, que la partie 


1 La flexion porte en effet sur une partie qui peut devenir complètement dorsale. 
Le mot ventrale est donc impropre pour la désigner et peut établir une confusion 
qu’il importe d'éviter. 


234 L. BOUTAN. 


antérieure du tube digestif présente toujours une torsion de 180 de- 
grés, qu'il en est de même des glandes salivaires; dans tous les cas 
où ces organes sont restés en arrière des centres nerveux, et que 
l’aorte antérieure passe obliquement de gauche à droite sur l’œso- 
phage, en arrière des poches œsophagiennes ou de leurs homo- 
logues. Tous ces faits constituent un facteur important dont on doit 
tenir comple pour expliquer l’asymétrie des Mollusques, et on peut 
se demander, dès maintenant, si le déplacement du complexe anal est 
la cause de la torsion des organes de la cavité antérieure, ou si, au con- 
traire, iln'en est que la conséquence. » 

Si les conclusions du travail que je présente sont justes, je puis 
répondre à l’auteur que le déplacement du complexe anal n’est pas 
plus la cause de la torsion des organes de la cavité antérieure, qu'il 
n’en est la conséquence; il y a là deux phénomènes en quelque sorte 
parallèles, résultant d’une cause mécanique indépendante de ces 
phénomènes. 


Je crois nécessaire d’insister particulièrement sur la façon dont 
M. Amaudrut pense que le type Prosobranche à été réalisé ; car il a, 
selon moi, mieux qu'aucun autre auteur, entrevu la cause princi- 
pale et a été tout près de l’élucider, sans cependant être arrivé 
complètement à la dégager : 

Le type Prosobranche aurait été réalisé, d'après lui : 

«1° Par une flexion ventrale d’arrière en avant ayant pour consé- 
quence de faire prendre au corps et au tube digestif la forme d’un U, 
dont les deux branches seraient dans un même plan vertical (stade 
Céphalopode); 

«2° Par une torsion de la branche supérieure de l'U, c’est-à-dire de 
la région qui correspond actuellement à la cavité antérieure du 
corps. La cause de cette torsion ne devant être cherchée que dans 
l'effort que fait l'animal pour dégager son anus et ses branchies de 
la position défavorable dans laquelle les a placés le développement 
de la région postérieure du pied, elle ne saurait être attribuée à un 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 235 


accident fortuit; mais, comme le fait remarquer M. Perrier’, au be- 
soin de respirer, besoin qui a fait naître l’effort, et, par suite, fait 
intervenir la volonté de l’animal. La région antérieure du corps 
étant innervée par des nerfs volontaires, les premières manifesta- 
tions de la volonté, et par suite, de la torsion, ont dû porter sur 


elle. » 


Je crois que M. Amaudrut a raison de chercher la cause de cette 
torsion dans un effort de l’animal; mais que ce soit un effort volon- 
taire, ceci me semble plus discutable (la volonté d’un embryon de 
quelques heures, je ne sais pas trop ce que c’est). Quant à dégager 
ses branchies, ceci me paraît peu soutenable; car, au stade où la 
torsion se produit, les branchies n'existent pas même à l’état de ru- 
diments, et, malgré la remarque de M. Perrier, il me semble im- 
possible de faire intervenir le besoin de respirer, puisqu'il n’y a pas 
eu ce stade d’organes respiratoires localisés au niveau de l’anus. 

Revenant ensuite sur l'hypothèse de Bütschli, M. Amaudrut fait 
remarquer très Justement que l’accélération de croissance du côté 
gauche du corps est la conséquence de la torsion au lieu d’en être la 
cause ; selon lui, le côté gauche de la forme ancestrale représente le 
côté droit de la forme ancestrale et réciproquement, à partir seule- 
ment d’une région assez éloignée de la tête; cette tête, ainsi que le 
pied, n'ayant pas pris part à la torsion. Cette remarque me paraît 
tout à fait conforme à la réalité, 

Dans la dernière partie de son chapitre, l’auteur étudie ensuite la 
commissure viscérale et cherche à démontrer géométriquement que 
les ganglions palléaux de la forme hypothétique primitive devaient 


1 Ed. Perrier, Trailé de zoologie, 1897, p. 2072 : « Tout se passe comme si l’ani- 
mal, stimulé par le besoin de respirer, contractait disymétriquement ses muscles 
en prenant sa sole pédieuse et sa région céphalique comme points d’appui, pour 
amener l’ouverture de sa chambre brachiale à la position la plus favorable, On 
remarquera avec quelle netteté la doctrine de Lamarck explique les phénomènes de 
torsion si singuliers au premier abord et la dissymétrie si accusée que présentent les 
Gastéropodes. » 


236 L. BOUTAN. 


coïncider avec la partie supérieure des cordons palléaux du Chiton. 
En se basant sur ses études de l'aorte, il conclut que la forme ances- 
_trale devait être pourvue de deux cœurs et devait avoir aussi deux 
aortes, une à droite et une à gauche. 

Chez les Prosobranches actuels, l'aorte gauche aurait disparu en 
arrière et se serait fusionnée avec l'aorte droite dans sa région 


moyenne. 


Dans la deuxième partie de son étude, M. Amaudrut cherche à 
expliquer le phénomène de détorsion qui aurait produit l’Opisto- 
branche. 

Il se rallie à l'opinion de Bouvier, que nous avons analysée pré- 
cédemment, et il ajoute : 

« L'opinion de Bouvier est admise par le plus grand nombre des 
malacologistes ; mais 1l n’est pas à ma connaissance qu’une tentative 
ait été faite pour expliquer la cause de cette détorsion. C’est le but 
que je me propose dans ce qui suit. 

« Chez les Opistobranches à système nerveux incomplètement 
détordu, à anus et à branchie situés latéralement à droite, il reste 
encore des organes qui ont conservé la place qu'ils ont acquise par 
la torsion. Le gésier, les glandes salivaires, l’aorte, sont encore aussi 
nettement tordus chez Bulla, Scaphander et Aplysia, que chez les 
Prosobranches typiques. Cette division des organes en deux groupes 
me servira de point de départ pour expliquer les causes probables 
de la détorsion. 

« Quelle que soit la théorie admise pour la torsion, on comprendra 
difficilement qu'ayant réussi, après une longue évolution, à placer 
ses organes dans d'excellentes conditions pour l’accomplissement de 
leurs fonctions, l’animal se soit repris brusquement à les ramener 
dans les conditions primitivement défavorables, La cause nous ap- 
paraît donc comme accidentelle, en tout cas, indépendante de la 
volonté de l’animal. 


« Du reste, la position des organes détordus des Tectibranches ne 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 237 


. nous permet pas de les considérer, avec Pelseneer!, comme les con- 
séquences « d’un mouvement de sens contraire à la torsion ». 

« En effet, dans Bulla, Scaphander, Aplysia, le ganglion sous-intes- 
tinal occupe toujours, à droite de l’œsophage, la position normale 
qu'il présente chez les Prosobranches; le ganglion sus-intestinal seul 
s’est déplacé pour venir occuper le côté droit, ce qui nous permet 
de dire aussi que, seule, la branche sus-intestinale de la chiasto- 
neurie est détordue. » 

Si j'ai bien compris la pensée de M. Amaudrut, la détorsion dont 
il est question ici ne correspondrait pas à un mouvement en sens in- 
verse de celui qui avait causé l’asymétrie, mais à un déplacement 
progressif de certains organes seulement, et voici comment il ré- 
sume les phases successives par lesquelles le Prosobranche se serait 
transformé en Opistobranche : 

« On peut résumer en quelques mots les phases successives par les- 
quelles le Prosobranche s’est transformé en Opistobranche : atrophie 
du sommet de la coquille, élargissement et aplatissement du der- 
nier tour, tassement des organes du tortillon, leur tendance à en- 
vahir la base de la coquille et à refouler, d’arrière en avant, le cœur, 
la branchie, le rein. Déformation et atrophie de la cavité respira- 
toire, qui, peu à peu, a été remplie par les organes postérieurs. Le 
remplissage intéressant d’abord le fond et le côté gauche de la 
cavité, où elle ne rencontrait pas d'obstacle, grâce à l’aplatissement 
de la coquille. L’anus, l’orifice génital et la partie antérieure non 
atrophiée de la branchie se sont déplacés d'avant en arrière, en lon- 
geant le côté droit ; attirés, d'une part, par le déplacement de la ca- 
vité respiratoire et refoulés, d’autre part, par les organes qui ten- 
daient à prendre leur place. Sous la double influence de la poussée 
des organes du tortillon et du déplacement de la branchie, l’axe 
auriculo-ventriculaire du cœur a exécuté simultanément un mouve- 


ment de translation d’arrière en avant vers la droite et un mouve- 


1 PELSENEER, loc. cil., p, 132. 


238 L. BOUTAN. 


ment de rotation de 180 degrés dans le sens des aiguilles d’une 
montre, ce dernier ayant pour conséquence la transformation du 


_type Prosobranche en Opistobranche. » 


Je n'insisterai pas longuement sur cette explication de M. Amau- 
drut de la détorsion, puisque je ne crois pas à ce phénomène, ainsi 
que je l'ai indiqué précédemment; cependant, je ferai remarquer 
que si l’atrophie du sommet de la coquille et le tassement des or- 
ganes du torlillon était la cause réelle de la formation de l'Opisto- 
branche, ces phénomènes auraient dû transformer la Patelle et tous 
les animaux à coquille patelliforme en Opistobranches, ce qui n’a 


pas eu lieu, à ma connaissance. 


VI 


LE DÉVELOPPEMENT DE LA CREPIDULA, PAR E.-G. CONKLIN. 


E.-G. Conklin ‘ a publié plusieurs travaux sur le développement 
de la Crepidula et, enfin, un gros mémoire résumant ses recherches 
de plusieurs années. 

Dans ce remarquable travail, l’auteur s’est proposé d'étudier la 
généalogie des cellules produites par la segmentation de l’œufet de 
déterminer ce qu’il appelle heureusement les lignées cellulaires. 

Partir de la première cellule, suivre pas à pas leurs divisions et 
voir quels groupes de cellules constituent les rudiments d'organes, 
ce n'était pas seulement un travail de patience, mais en même 
temps une œuvre dont on pouvait attendre les renseignements pré- 
cieux et la solution d’un grand nombre de questions encore dou- 
teuses. 

Nous avons le regret de constater qu'il n’en est pas ainsi, et il est 
à craindre que l’auteur n'ait été égaré dans ses conclusions par des 
idées préconçues. 


À la suite de la segmentation se produit un premier plan trans- 


1 E.-G. Conklin, The embryvlogy of Crepidula, Boston, 1897. 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 239 


versal, puis un second à peu près perpendiculaire au premier. Il se 
forme ainsi quatre blastomères : À, B, C, D, dont chacun fournit des 
groupes successifs de quatre macromères, les quartettes de Conk- 
lin. Au stade 16, il y a donc quatre macromères et trois lots de 
quatre micromères représentant la couche ectodermique (les trois 
premiers quartettes). Le premier de ceux-ci forme la vésicule su- 
périeure ou hémisphère supérieur de la larve (cerveau, organe sen- 
sitif apical, partie du voile). Le second forme la plus grande partie 
du voile, la glande coquillière et une portion du pied. Le troisième, 
dont l’auteur n’a pu suivre la destination d’une manière aussi pré- 
cise, forme la plus grande partie de l'hémisphère inférieur. 

Après l'exposé des faits cités plus haut, M. Yves Delage !, dans 
une analyse du travail de Conklin, écrit les lignes suivantes : 

« Tout cela, on l’avouera, n’est guère en faveur de la mosaïque 
vers laquelle penche l’auteur. Pour que celle-ci fût vérifiée, il fau- 
drait que chaque groupe cellulaire provenant d’un blastomère donné 
correspondit à un organe donné ou à un groupe d'organes; il fau- 
drait que les plans de segmentation séparassent, en même temps 
que les blastomères, les organes principaux de l'adulte. Or, il n’en 
est rien, les masses cellulaires qui forment les organes ne corres- 
pondent pas du tout aux blastomères des stades jeunes; les surfaces 
de réparations des organes ne correspondent nullement aux plans 
de segmentation : le velum, par exemple, emprunte ses éléments au 
premier quartette, partie au second ; le pied provient partie du pre- 
mier, partie du second, et ainsi des autres. » 

Cette partie du mémoire, ainsi que les considérations sur le ca- 
raCtère alternativement dexiotrope et léiotrope de la segmentation, 
ne rentrant pas dans notre sujet, nous renverrons, pour cette partie, 
au mémoire de l’auteur ou, pour le résumé, à l'Année biologique ; 
mais ce qu'il est important pour nous de noter, ce sont les consta- 


tations de Conklin à partir du stade gastrula : 


1 Année biologique, 1898, t, XXII], Schleicher, éditeur, Paris. 


240 L. BOUTAN. 


a La gastrula est d'abord entièrement symétrique. C’est seulement 
au moment de la formation du cinquième quartette, lorsque les trois 
premiers quartettes ont déjà donné de très nombreuses cellules, que 

l'asymétrie typique du Gastéropode turbinése montre par le fait que, 

les micromères fournis par les macromères antérieurs À et B étant 
égaux entre eux comme tous ceux des stades précédents, ceux des 
macromères postérieurs B et G sont inégaux, celui de droite étant 
plus grand ou moins ventral, en sorte que le côté gauche de la gas- 
trula est, à partir de ce moment, plus court que le droit, et c’est là 
le point de départ de l’asymétrie future de l’animal. » 

Sans aucun doute, si les observations de Conklin se vérifient pour 
d’autres Mollusques, les auteurs qui voudront démontrer que je me 
suis trompé en considérant comme la cause mécanique principale 
de l’asymétrie des Gastéropodes l’antagonisme de croissance de la 
coquille et du pied, trouveront là leur meilleur argument. On doit 
observer en effet que, si l’asymétrie se prononce chez les Mollusques 
avant que l’antagonisme de la coquille et du pied se soit établi, 
celte action réciproque du pied et de la coquille passe au rang de 
cause secondaire ; c’est tout au plus un adjuvant, mais ce n’est plus 
le facteur principal de la torsion du Mollusque. 

J'aurais donc renoncé à considérer comme cause mécanique prin- 
cipale l’action réciproque du pied et de la coquille, si je pensais que 
l'observation de Conklin ne pouvait s’interpréter, dans le cas où elle 
serait entièrement confirmée, comme un caractère acquis par un 


retour en arrière, par un rappel ontogénétique. 


VII 
HYPOTHÈSE DE LUDWIG VON PLATE. 
Ludwig von Plate! à fait, récemment, un important mémoire sur 
la phylogénie et sur le développement de l’asymétrie chez les Mol- 


1 Lupwi1iG von PLATE, Phylogénie et développement de l'asymétrie chez les Mollusques 
(Sitzung. der Berliner gesellschaft. der Natur. Freunde, 1898). 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 241 


lusques. Quoique je ne puisse me rallier à ses conclusions, je me 
plais à reconnaître qu’on se trouve en face d’un auteur qui a certai- 
nement observé autre part que dans son cabinet de travail et qui 
cherche à tirer ses conclusions de faits bien observés. 

C’est ainsi qu'après avoir énuméré et discuté les caractères qui 
lui semblent primitifs dans le Chiton, il constate un certain nombre 
de modifications secondaires dues à l’habitat. 

Pour ce qui est des Gastéropodes, deux faits, d’après l’auteur, 
doivent être pris en considération : d’une part, l'intensité du flot et, 
d'autre part, la souillure de l’eau, qui peut se produire à la suite du 
brassage de l’eau avec les sables, les terres et les débris organiques, 

Le développement d’un large pied à ventouse est dû, chez le Chi- 
ton, à l'intensité du flot, l’animal s'étant mis en état de résister au 
choc des vagues. En même temps s’est réalisée la forme aplatie du 
corps tout entier. 

L'auteur craint que la cause indiquée ne paraisse, à première vue, 
un peu forcée et peu naturelle ; « mais, dit-il, celui qui a pataugé 
pendant de longues heures, avec de grandes bottes imperméables, 
dans la zone en question en y retournant des milliers de pierres, 
celui-là me donnera raison. La côte chilienne est presque partout 
fort escarpée, et la meilleure récolte que je faisais avait toujours lieu 
aux endroits où le rocher est lavé directement par les vagues de 
l'Océan et aux endroits où le choc régulier autant que puissant de 
la houle a fini par creuser profondément la falaise. 

« [1 se forme ainsi de petites baies, aux rivages de sable, dans les 
endroits où, par la force du choc, le roc dur s’est effrité en de pe- 
tites parcelles; c’est dans ces baies qu’on rencontre la vie la plus 
intense et une richesse qui contraste souvent avec la pauvreté qui 
existe à quelque distance de là. Ce sont des plates-bandes d’Actinies 
ornant le rocher, de Vers qui serpentent, des Éponges et des Ascidies, 
qui rivalisent pour accaparer le terrain. Gà etlà rampent des Patelles, 
des Chitons, des Siphonariens, des Fissurelles, des Calypirées, qui 
broutent en nombreux exemplaires le tapis d'algues environnant, » 


ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GEN. — 3€ SÉRIE, == T, VII, 1899, 16 


242 L. BOUTAN. 


J'ai tenu à citer ce passage, à cause de sa saveur originale, et 
parce que de telles observations sont justes non seulement au Chili, 
_ mais dans toutes les parties du monde. 

L'auteur, après avoir montré combien les Mollusques sont sensi- 
bles à toutes les souillures de l’eau dans laquelle ils vivent, y voit la 
raison du développement si prononcé de l'organe olfactif. 

« Ainsi s'expliquent, dit-il, les transformations que subissent la ca- 
vité du manteau et l’appareïl branchial dans les formes qui habitent 
la zone où la vague déferle. 

« Chez les Siphonariens et chez les Gadiniens, la cavité du man- 
teau se ferme et ne laisse plus subsister qu’une petite ouverture res- 
piratoire. 

« Chez les Patellides, la cavité du manteau devient très petite, et 
les branchies s’atrophient et sont remplacées par de nouveaux or- 
ganes de respiration. 

« Les Chitons subissent une transformation identique. Les deux 
branchies ont disparu ; la cavité du manteau s’est atrophiée, à cause 
du développement d’un pied large et étalé. 

« Au bord du manteau, de nouvelles branchies se sont installées, 
analogues seulement aux branchies primitives. En effet, si les bran- 
chies circumpalléales s'étaient formées par multiplication des bran- 
chies primitives, les oreillettes se seraient multipliées comme chez 


le Nautile. » 


Quoique les cordons'pleuro-viscéraux des Chitons se rejoignent 
au-dessus de l’anus, l’auteur pense que, puisqu'ils innervent la 
glande génitale, le cœur, les reins, les circonvolutions intestinales, 
on ne peut admettre, avec Bütschli, que la commissure viscérale ne 
s’est formée qu'après les Chitons. 

« Très probablement, dit l’auteur, les Chitons descendent d'an- 
cêtres ressemblant aux Polyclades et leurs cordons pleuro-viscéraux 
proviennent des cordons latéraux des Platodes. 

« Ces cordons se sont réunis secondairement au-dessus de l’anus. » 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 243 


Nous avons montré, dans l’exposé de la théorie de Lang, par quelle 
série d'arguments Ludwig von Plate la combattait; il nous reste 
maintenant à exposer sa propre théorie. 

Plate prend, comme point de départ, une forme hypothétique 
adoptée déjà par plusieurs auteurs, le Præ-rhipidoglosse, sur la- 
quelle nous aurons occasion de revenir (fig. 3). 

« Chez les Ghitons, dit-il, à côté de la symétrie parfaite qui existe 
pour les différents organes, le foie montre une inégalité marquée 
pour les deux côtés du corps. Le foie gauche est volumineux, tandis 
que le foie droit est beaucoup plus petit. 

« La position est également différente, le foie gauche ayant une 
position plus ventrale que le foie droit. 

« C'est là, dit l’auteur, le point de départ de mes réflexions, et je 
pense qu’une semblable asymétrie a dû se développer progressive- 
ment dans les glandes du foie des Præ-rhipidoglosses. 

« Chez les Præ-rhipidoglosses, le foie gauche a dû s'étendre dorsa- 
lement, parce qu'il était hors d'état de refouler la sole du pied et 
trouvait moins de résistance dans la peau molle du dos, Le foie, 
dans la direction indiquée, a dû passer au-dessus de l’organe génital 
gauche et le comprimer.contre la sole du pied. C’est ainsi que la 
partie gauche de l'organe génital est devenue ventrale à peu d’ex- 
ception près. » 

Pendant l'agrandissement progressif du foie gauche, il s’est pro- 
duit, selon l’auteur, une hernie sur la moitié postérieure gauche 
du dos, qui, pour une raison d'équilibre, se courba un peu vers 
la droite. C'est ainsi que, selon Plate, s’est constituée la première 
ébauche de la masse intestinale ; ébauche asymétrique dès le début, 
parce qu’elle était l’expression d'une asymétrie interne. La pression 
de l’eau devait, bien entendu, la reporter en arrière, puisque ces 
animaux rampent la tête en avant. 

Quoique l’auteur donne deux figures très claires pour préciser 
sa pensée (fig. 1), je n’en reste pas moins dans le doute sur l'existence 
d’une pareille forme de Mollusques. 


244 L. BOUTAN. 


La présence de cette masse intestinale asymétrique, faisant her- 
nie, devait amener une traction bien plus forte sur le bord gauche 
_du manteau que sur le bord droit, et, par suite, la croissance de- 
vait être considérablement augmentée sur le bord gauche. Plate en 
conclut que la masse intestinale 
devait se mouler exactement sur 
la forme de la coquille, qui se 
trouvait ainsi munie d’un som- 
met courbé vers la droite. Il en 
conclut également que la erois- 
sance en longueur du bord gau- 
che du manteau doit être bien 
plus forte que celle du côté op- 
posé, et il explique ainsi le dé- 
placement du complexe anal ob- 
servé par Bütschli. 


La théorie émise par Plate 


est, sans contredit, fort ingé- 


nieuse et il l’appuie sur un cer- 


ARE tain nombre de faits bien obser- 
Figure théorique empruntée au mémoire 


de Plate et destinée à faire comprendre vés : 
le rôle du foie dans la déformation des 
Gastéropodes. 

to, estomac ; hpr et hpl, lobes du foie ; gl, que, chez les Mollusques, cha- 
glande génitale; »r et rl, reins; per, péri- 
carde. (Le Mollusque est supposé vu de dos et 
vu de profil.) 


« C'est un fait avéré, dit-il, 


que fois qu'un enroulement en 
spirale de la masse intestinale 
a lieu, le foie forme la portion de beaucoup plus ‘considérable. 

« Là où deux glandes hépatiques existent, c’est la glande gauche 
qui remplit la coquille quand l’animal vire vers la droite ; cest la 
glande droite, quand l'animal vire vers la gauche. » 

Tout ingénieuse qu’elle me paraisse, cette théorie me semble 
pourtant inacceptable et nullement prouvée par les faits. 

En effet, l’auteur constate que, dans les animaux asymétriques, 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 245 


un lobe du foie est plus développé que l’autre, et il interprète 
cette augmentation du foie comme la cause de l’asymétrie, sans se 
demander si, au lieu d’être la cause, ce n'est pas simplement un 
effet. 

Il me semble aussi imprudent de dire sans preuves plus con- 
cluantes que le foie de Mollusque peut déformer la coquille, que de 
prétendre que, chez un Bernard-l’Hermite qu’on trouve logé dans 
une vieille coquille, c’est le foie de cet animal qui a déformé la 
vieille coquille. 

Je crois que, chez aucun animal connu, une glande, quelles que 
soient sa grandeur et sa position, ne peut être la causeefficiente d’une 
déviation complète de la symétrie, sauf dans les cas pathologiques. 
Toute glande est un organe mou, plastique, qui se moule sur les 
organes voisins, s'insinue entre eux et prend la forme que lui laissent 
prendre les corps environnants. C’est lu matière plastique qui peut 
remplir le moule, mais qui ne saurait en constituer un. 

D'ailleurs, voici l’objection irréfutable qu’on peut faire à la théorie 
de Plate : vous prétendez que le foie est la cause de l’asymétrie du 
Gastéropode : or, cette asymétrie peut se produire, complète, avant 
le développement du foie, ainsi que le prouve le développement de 


l'Acmæa et de plusieurs autres Gastéropodes. 


VIN 


SUR LA PHYLOGÉNIE DES GASTÉROPODES, PAR LE D' GUIART. 


M. le docteur Guiart! a publié récemment une note intéressante 
sur la phylogénie des Gastéropodes et en particulier des Opisto- 
branches, d’après la disposition du système nerveux. C'est par l’ana- 
lyse de ce travail que je terminerai l'historique de la question, en 


soulignant un point que je considère comme particulièrement im- 


1 Docteur GuraArT, Contribution à la phylogénie des Gastéropodes et en particulier 
des Opistobranches, d’après les dispositions du système nerveux [Bulletin de la Société 
zoologique de France, t. XXIV, 1898). 


246 L. BOUTAN. 


portant. L'auteur indique tout d’abord le plan général du système 
nerveux : 

« Le système nerveux des Gastéropodes, dit-il, peut se ramener 
schématiquement à deux centres : une masse sus-œæsophagienne 
pour l’innervation des organes des sens et une masse sous-æsopha- 
gienne pour l'innervation des téguments (pied et manteau). Ces 
deux centres correspondent, du reste, à la plaque céphalique et à la 
plaque médullaire de la larve Trochophore (Roule). Ils sont réunis 
entre eux par deux connectifs constituant ainsi un anneau œsopha- 
gien, et émettent latéralement deux nerfs qui viennent se réunir, 
les uns au-dessous de la bouche (commissure buccale), les autres au- 
dessous de l'intestin (commissure viscérale), et destinés à l’innervation 
des organes de la vie végétative. 

« Quand se produit l'orientation bilatérale de la larve, chacun 
des centres va tout d’abord se subdiviser en deux ganglions situés 
l’un à droite, l’autre à gauche, ganglions qui resteront unis par une 
commissure pour maintenir leur unité. Nous avons donc deux 
ganglions sus-æsophagiens ou cérébroides et deux ganglions sous- 
œsophagiens. Or, ceux-ci, avons-nous dit, innervent le pied et le 
manteau; mais ce dernier, d’abord rudimentaire, prend un dévelop- 
pement de plus en plus considérable, si bien que chaque ganglion 
sous-æsophagien va bientôt se dédoubler en deux ganglions : l’un 
destiné au pied et l’autre au manteau, d’où les ganglions pédieux et 
pleuraux. C’est ce qui nous explique pourquoi ces centres peuvent 
se trouver encore fusionnés chez les formes les plus ancestrales 
(Haliotis, Fissurella). En même temps, le connectif qui unissait le 
ganglion sous-æsophagien au ganglion cérébroïde correspondant se 
dédouble en deux connectifs cérébro-pédieux et cérébro-pleural, 
pour les deux nouveaux ganglions. Ainsi se trouve constitué dans 
ses grandes lignes le système nerveux des Gastéropodes. » 

Je ne partage nullement l'opinion de M. Guiart sur le plan général 
du système nerveux chez les Mollusques. Elle me paraît contraire aux 


faits embryogéniques. 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 247 


Dire, en effet, que les ganglions pleuraux et pédieux proviennent 
du dédoublement d’un ganglion sous-æsophagien issu lui-même 
d’une plaque médullaire, c’est dire que tous ces ganglions sont issus 
d’une même masse nerveuse et ont une origine commune. Or, n'en 
est pas ainsi, et dans les Mollusques que j'ai pu étudier, j'ai constaté 
que les ganglions pédieux et pleuraux naissaient isolément. 

Représenter la larve du Mollusque comme une larve trocho- 
phore, avec une plaque céphalique et une plaque médullaire réunies 
entre elles par deux connectifs, me paraît donc une hypothèse sans 
fondement. La larve du Mollusque, dès que le système nerveux 
devient visible sur les coupes, montre (dans les types que j'ai 
étudiés) deux ganglions cérébroïtles, deux ganglions pédieux, très rap- 
prochés, il est vrai, et deux ganglions palléaux qui se forment séparé- 
ment, indépendamment, les uns des autres, aux dépens de l’ectoderme. 
Ce n’est que beaucoup plus tard qu'ils s'unissent, d’une part, par 
des commissures, et d'autre part, par des connectifs. Pour repré- 
senter le système nerveux du Gastéropode aussi schématiquement 
que possible, je crois donc qu'il faut figurer isolément les ganglions 
pédieux et pleuraux, et que nous n’avons pas le droit de les con- 
fondre en une masse commune. 

C'est évidemment fâcheux au point de vue de la comparaison des 
Mollusques et des Vers, mais la théorie ne doit pas nous faire perdre 
de vue la réalité des faits. 


Tel est le point sur lequel je désirais insister. M. Guiart fournit 
ensuite un exposé très clair et très méthodique des principales dis- 
positions du système nerveux dans les Opistobranches, mais là 
encore j'ai le regret de ne pouvoir être entièrement de son opinion, 
car il explique la forme opistobranche par la détorsion de la com- 
missure viscérale, opinion que j'ai déjà signalée dans les chapitres 
précédents et que je me propose de combattre dans le courant de 
ce travail. 


248 L. BOUTAN. 


DEUXIÈME PARTIE. 


EXPOSÉ DES FAITS. 


IX 


CONSTATATIONS PRÉLIMINAIRES. == DÉFINITIONS, — LE PRÆ-RHIPIDOGLOSSE. 


PAR QUOI ON PEUT REMPLACER LE MOLLUSQUE PRIMITIF HYPOTHÉTIQUE. 


De l'étude rapide de l'historique de la question que j'ai présentée 
dans la première partie de ce travail, il me paraît ressortir que le 
défaut des principales théories que j'ai exposées est l'absence de 
toute chronologie systématique dans les phénomènes. Quand on 
parle, par exemple, de la torsion ou de l’enroulement, on ne paraît 
nullement se préoccuper de ce fait, que ces phénomènes ont pu se 
passer dans les différents Mollusques à des stades très divers. 

Cette absence de chronologie dans l'exposé des phénomènes, je la 
retrouve également dans la façon dont la plupart des auteurs décri- 
vent le déplacement des organes pour expliquer l’asymétrie des 
Gastéropodes. 

On parle, par exemple, du complexe anal et, dès l’origine, on y 
fait figurer toute une série d'organes, non seulement la cavité du 
manteau, l’orifice de l’anus, des reins, mais aussi les branchies, sans 
se préoccuper de leur ordre d'apparition, en supposant que toutes 
ces parties préexistent au moins à l’état d’ébauche. 

Or, cela est une pure hypothèse. En particulier pour les bran- 
chies, je suis porté à croire qu'on se trouve en présence d'organes 
en quelque sorte occasionnels,, qui se constituent par suite de la 
localisation d’une fonction (dans l’espèce, la fonction respiratoire), 
fonction qui, si elle se localise ailleurs, amènera ailleurs la forma- 


tion d'organes analogues. 


Il y a donc lieu d'établir, en vue de l’exactitude de l'explication, 
une chronologie sérieuse dans l’ordre d'apparition des organes et de 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 249 


considérer, tout d’abord, que les orifices du tube digestif, les centres 


nerveux, l'organe loco- 
moteur avec ses muscles, 
le manteau avec son re- 
vêtement coquillier, font 
leur apparition avant les 
organes excréteurs, les 
appareils circulatoires et 
respiratoires, et d’envi- 
sager les cas possibles 
où la symétrie pourra 
être modifiée avant l’ap- 
parition de ces organes 
que j’appellerai de secon- 
daire formation dans le 
sens chronologique du 
mot. 


Il y à lieu aussi d’in- 
troduire le plus de clarté 
possible dans les termes 
employés. Quand, dans 
l'embryon, l’anus tendra 
à se rapprocher du pied 
et de la bouche, j’em- 
ploierai, pour désigner 
ce phénomène, le mot 
de flexion ou de courbure 
ano-pédieuse, au lieu du 
terme de torsion ventrale, 


employé par Pelseneer; 


Dépiation larvaire (Orthoneures ) 


Enroulement D 


Fig. 2. 


Schéma destiné à représenter d’une manière précise : 
10 Ja flexion ano-pédieuse ; 
20 la torsion larvaire ; 
30 [a déviation larvaire ; 
40 l’enroulement. 

À, cellules anales ou anus; 2, bouche; C, coquille ; 
M, manteau; P, pied ; 7, tortillon de la coquille; V, voile. 
(Tous les Mollusques sont représentés de profil.) 


l’action de tordre implique, en effet, un déplacement latéral et le 


mot ventral ne saurait être appliqué dans ce cas, puisqu’à des stades 


250 L. BOUTAN. 


ultérieurs, la partie désignée comme ventrale peut devenir dorsale 
et la partie dorsale, ventirale (fig. 2). 

Je désignerai ensuite sous le nom de torsion larvaire la torsion 
Jatérale du corps soit à droite, soit à gauche, que peut subir un 
embryon à un stade larvaire : elle a pour effet de tordre une partie 
du corps de 180 degrés au moins, de transporter brusquement le 
côté jusque-là ventral de la coquille au côté dorsal. Elle change 
donc la disposition primitive de la coquille et du pied (fig. 2). 

Je désignerai également sous le nom de déviation larvaire la dévia- 
lion latérale de l’anus que peut subir un embryon à un stade lar- 
vaire, et qui a pour effet de déplacer une partie du corps de moins 
de 180 degrés, sans changer la disposition relative de la coquille par 
rapport au pied (fig. 2). 

Je conserverai, enfin, le nom d’enroulement aux courbures ou aux 
torsions que peut subir la coquille aux divers stades de l’évolution 
du Mollusque (fig. 2), en considérant que les coquilles des Gasté- 
ropodes, même les plus aplaties, représentent cependant des co- 
quilles enroulées, dont la spire est une courbe à très grand rayon. 


Après ces définitions nécessaires, il nous reste à établir le point 
de départ commun d’où nous partirons pour étudier l'asymétrie 
dans les différents Gastéropodes. 

Ce point de départ commun ne sera pas un Mollusque hypothé- 
tique. | 

En voici la raison : 

J'avoue ne pas savoir ce que c’est qu’un Pro-rhipidoglosse (Pel- 
seneer) ou un Præ-rhipidoglosse (Plate), voire même un Pro-gasté- 
ropode, quoique Plate ‘ fasse observer que la conception que les dif- 
férents naturalistes modernes se font de ce vénérable ancêtre soit 


remarquablement... homogène. 


{ Plate dit, en effet : « Quoique les données sur le Præ-rhipidoglosse n’aient qu'un 
caractère théorique, les différents auteurs, dans leurs appréciations sur là forme 
extérieure et les traits caractéristiques de l’organisation de ce Mollusque primitif, 
se son£ rencontrés et arrivent à une heureuse entente. » 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 251 


« Ce petit être, d’après Plate, était, extérieurement comme inté- 


rieurement, parfaitement symétrique et recouvert d’une coque en 


godet semblable à celle 
de Patella, et dont l’a- 
pex était probablement 
penché un peu en ar- 
rière. 

«L'animal vivait dans 
une eau peu profonde. 
Le pied était rampant, 
mais n'avait point la 
forme bien prononcée 
_ d’un disque à ventouse. 

« La cavité du man- 
teau au pôle postérieur 
du corps n’avait qu’une 
profondeur médiocre, 
parce que les deux po- 
ches génitales qui 
étaient situées dorsa- 
lement devant le cœur 
dans la cavité du corps 
et qui étaient proba- 
blement très volumi- 
neuses, devaient, pen- 
dant la reptation en 
avant, exercer une 
pression sur les parties 


postérieures. Cette 


Le Præ-rhipidoglosse, d’après Plate, vu de profil 
et vu de dos. 


a, anus; br, branchie; cer, ganglions cérébroïdes ; pd, pé- 
dieux ; pl, palléaux ; gr et gl, glande génitale; go et gor, 
orifice génital ; rr, rl, rein; per, péricarde ; sch, coquille ; 
sto, estomac: hpr, lobe du foie; rad, radula. 


pression s’opposait à un développement plus considérable de la 


cavité branchiale vers le haut. » 


On voit à quelle précision on peut arriver; il est vrai qu'il y 


a quelques divergences dans les détails : Grobæœn ne concède à la 


252 L. BOUTAN. 


cavité du manteau qu’une profondeur médiocre, mais il dessine une 
déchirure dans le manteau. 

Bütschli et Ray Lankaster ne mentionnent pas une cavité véri- 
table du manteau, mais seulement un sillon du manteau qui envi- 
ronnerait tout le corps et dans lequel seraient nichées les branchies, 
aux environs de l'anus. 

Mais ce sont là des points secondaires, et Plate répond, du reste, 
victorieusement que la cavité du manteau est tellement caractéris- 
tique pour tous les Mollusques typiques, que nous sommes autorisés 
à en doter déjà la forme primitive (fig. 3). 

Plate complète ainsi l’organisation de son Mollusque primitif : 

« L’anus du Præ-rhipidoglosse s’ouvrait exactement au centre de 
la cavité du manteau au point le plus élevé de son arrière-plan. Les 
deux reins avaient la forme d’une sacoche, et n'étaient plus diffus, 
ils provenaient probablement de l’amplification postérieure du con- 
duit rénal principal de Chiton, tandis que les autres canaux des reins, 
avec leurs ramifcations, se sont reformés en arrière. 

« On peut déjà, dans le genre Chiton, suivre une concentration 
progressive du rein. 

« Les deux organes génitaux du Præ-rhipidoglosse s’ouvraient dans 
les reins, aux côtés correspondants. Le foie droit et le foie gauche 
étaient d’une grandeur moyenne et symétriquement construits. De 
chaque côté, vers l'extérieur, à partir de l’ouverture du rein, se trou- 
vait une branchie en forme de peigne, dont le point d'attache était 
situé dans l’arrière-plan de la cavité du manteau, un peu ventrale- 
ment à l’anus (fig. 3). 

« Le système nerveux était complètement orthoneure, mais repré- 
sentait déjà un échelon un peu plus élevé que dans le Chiton, car les 
ganglions cérébraux, pleuraux, pédieux, branchiaux et probable- 
ment encore deux des ganglions abdominaux, s'étaient déjà plus ou 
moins nettement isolés des cordons nerveux. 

« Les nerfs pleuroviscéraux avaient passé, de la paroi de la cavité 
du corps, dans cette dernière même. 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 253 


« Pour représenter les ganglions pédieux, deux cordons nerveux 
en échelle se continuaient jusque dans la sole pédieuse. 

« Primitivement, il est probable que, chez les Præ-rhipidoglosses, 
une connexion des deux cordons pleuroviscéraux ne s’était pas en- 
core établie, et que chaque cordon se terminait librement dans les 
organes correspondants. Ce n’est que plus tard que se forma cette 
anastomose, et cette anastomose devait alors, naturellement, se faire 
sous l’anus, puisque les ganglions branchiaux se trouvaient situés 
ventralement par rapport à l'intestin. C’est ainsi que se forma cette 
commissure viscérale qui existe chez tous les Mollusques, à l’excep- 
tion des Amphineures. » 

J'ai tenu à reproduire cette description amusante de l’ancêtre Præ- 
rhipidoglosse et les deux dessins que nous en fournit Plate (fig. 3). 


J'admets très bien qu’on fasse de cette hypothèse du Præ-rhipido- 
glosse un moyen d'investigation, qu’elle serve en quelque sorte de 
synthèse aux caractères que les auteurs regardent comme les plus 
primitifs dans les Mollusques, mais je me refuse, pour mon compte, 
à en faire le point de départ d’un mémoire réellement scientifique. 

La coquille en forme de godet du Præ-rhipidoglosse me paraît 
constituer une voûte trop fragile pour supporter le poids d’un édifice 
durable. La science zoologique a déjà une de ses bases assez bran- 
lante avec l'espèce que l’on admet, ou du moins que l’on utilise faute 
de mieux, sans pouvoir la définir, sans adopter encore, sans une 
nécessité absolue, d’autres points de départ absolument hypothé- 
tiques. 

On dira peut-être que je me bats contre des moulins à vent, et que 
les auteurs du Præ-rhipidoglosse n’attachent, à cet animal hypo- 
thétique, qu’une idée théorique, et ne songent nullement à en faire 
une entité; qu’on examine leurs déductions et l’on changera d'avis. 

Chacun d’eux, après avoir déclaré bien haut que le Præ-rhipido- 
glosse est une conception purement imaginaire, ne tarde pas à 
perdre de vue ces prémisses et en arrive rapidement à dire : « Ceci 


254 L. BOUTAN. 


s’est passé comme ceci ou comme cela chez tel animal, parce que 
c'était comme ceci ou comme cela chez le Præ-rhipidoglosse. » 
Dès lors, sans qu’il s’en doute, l’animal hypothétique théorique 


prend à ses yeux la valeur d'un être concret. 


Par quoi remplacer l'hypothétique Præ-rhipidoglosse ? 

Il se trouve, ainsi que l’a noté Pelseneer, dans l’évolution de tous 
les Mollusques, des formes larvaires très semblables si l’on consi- 
dère les stades les plus jeunes; je crois que c'est à ces formes, homo- 
logues dans leurs parties principales, qu’il faut recourir, si l’on veut 
renoncer aux notions purement hypothétiques et partir de données 
certaines. 

Jusqu'au jour où la paléontologie pourra nous renseigner sur la 
forme réelle du type primitif, je crois qu'il sera prudent, conscient 
de notre ignorance sur la forme réelle du type primitif, de dire que 
ces stades représentent, non pas la forme adulte du Mollusque pri- 
mitif, mais une phase qu'il a, lui aussi, traversée, et qui le représente 
donc à un de ses états. On aura ainsi la seule notion certaine que 


l’on puisse avoir actuellement sur le Præ-rhipidoglosse. 


Peut-on dire, cependant, qu’il existe une forme larvaire commune 
à tous les Mollusques ? 

Non. AU 

[n’y a pas de larves identiques communes à tous les Mollusques, mais 
des larves semblables au point de vue de la symétrie et de la disposition 
des principaux organes. 

Ceci mérite d’être examiné d’un peu plus près, car ce n’est nulle- 
ment évident a priori. 

Si l’on examine, en effet, un stade jeune de Dentale (fig. 4) et un 
stade jeune de Céphalopode (fig. 4), loin de constater une ressem- 
blance, on est porté, au premier coup d'œil, à dire que tout est dis- 
semblable dans le développement de ces deux types extrêmes. 


Gependant, ces différences si apparentes s'expliquent facilement si 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 209 


l'on tient compte de ce fait que l’œuf de ces deux animaux contient 


JP 
LU D) } 
ill WW 
\ Vu 1 


KM 


Représentation schématique de la forme extérieure des principaux types de Mol- 
lusques, au stade larvaire symétrique. (Toutes les larves sont représentées de profil.) 


A, cellules anales; 2, bouche ; À, coquille ; 47, manteau; P, pied: V, voile. 


une proportion très différente de réserve nutritive; ce fait, qui a une 


grande importance sur le fractionnement, n’influe que sur les pre- 


256 L. BOUTAN. 


miers stades larvaires, et nullement sur la forme définitive, si bien 
que, dans des formes relativement voisines, la proportion de matière 
nutritive étant différente, l’aspect de la larve peut différer également 


beaucoup, ainsi que l’allure du fractionnement. 


Le nombre et le développement de la ou des couronnes ciliaires 
constituant l’organe locomotieur, est également sous la dépendance 
indirecte de la plus ou moins grande quantité de matière nutritive 
contenue dans l’œuf. Si les réserves nutritives sont peu abondantes, 
l'embryon est appelé à se déplacer presque immédiatement après le 
commencement de son évolution, il aura des cils vibratiles déve- 
loppés ; si les réserves nutritives sont abondantes, il peut vivre long- 
temps à l’abri du monde extérieur dans l’immobilité et le repos, les 
cils vibratiles seront réduits et la couronne ciliaire pourra dispa- 
raitre. 

J'ai représenté d'une manière schématique les formes larvaires les 
plus saillantes paraissant correspondre à cette forme symétrique des 
Mollusques. Les dessins (fig. 4) peuvent suppléer à de longues con- 
sidérations à ce sujet. 


En jetant un coup d'œil sur les dessins, tous de profil, on voit 
qu'à un stade jeune, les Mollusques présentent une symétrie bilaté- 
rale bien nette, dont le plan passe par le milieu du voile, de la bouche 
future, du pied, de l'anus en formation et de la coquille. Toutes les 
transitions existent entre l'absence de couronne ciliaire et la cou- 
ronne ciliaire à plusieurs étages. 

On pourrait objecter que, dans ces dessins schématiques, on n’a 
représenté que l’extérieur de la larve sans tenir compte de l’organi- 
sation interne. 

Il m’a paru, en effet, inutile de compliquer le dessin en y intro- 
duisant les organes internes qui peuvent s’ébaucher, du reste, plus 
ou moins tôt, selon la quantité de matériaux nutritifs emmagasinés 


dans l'œuf. Il me suffit de dire que ce que nous savons sur l’organi- 


ASŸMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 957 


sation interne des Mollusques à ce stade très jeune nous indique que 
les ébauches déjà existantes, tube digestif, système nerveux, sont 
paires ou symétriques. 

De même que personne ne conteste que le Mammifère soit, à l'o- 
rigine, un animal symétrique, quoique le foie et le cœur soient asy- 
métriques chez l'adulte, de même, il ne nous est pas plus permis de 
considérer que la larve jeune de certains Mollusques présente une 
asymétrie originelle, parce que le système nerveux, le foie, le cœur, 
les reins, les branchies, seront asymétriques chez l'adulte. Il nous 
suffit de considérer que les ébauches (système nerveux) sont paires 
à l’origine, ou que les ébauches (foie, cœur, etc.) ne commencent à 
apparaître que lorsque la cause de l’asymétrie a déjà agi pour défor- 
mer la larve originairement symétrique. 

Toutes les larves de Mollusques ne sont pas absolument identi- 
ques. Elles sont semblables au point de vue de la symétrie bilatérale et 
de la disposition relative de la bouche, du pied, de l'anus et de la coquille. 


Partant de ces données, il reste à démontrer que l’asymétrie des 
Gastéropodes est Le résultat de l’antagonisme de croissance du pied 
et de la coquille, et le point de départ, que me fournit la larve 
symétrique du Mollusque, me paraît beaucoup plus solide que 
l’hypothétique Præ-rhipidoglosse. 

Je croirais, pourtant, absurde de prétendre que si l’on supprimait 
cet antagonisme du pied et de la coquille, et si l’on donnait à ces 
organes un développement identique, chacune de ces larves symé- 
triques convergeraient vers un type unique. Je prétends seulement 
qu'elles resteraient symétriques. 

Pour expliquer l’asymétrie des Gastéropodes, je partirai donc de ce R 
stade larvaire commun; puis, dans chaque grand groupe, je suivrai 
les modifications principales qui nous conduiront à l’adulte, pour 
essayer de déduire, de l’ensemble des faits, des conclusions précises. 

1 11 y a lieu cependant de faire une réserve se rapportant aux observations de 
Conklin. Voir l'historique. 


ARCH, DE ZOOL, EXP. ET GÉN;, — 30 SÉRIE, — T. Vit, 1899, 17 


258 L. BOUTAN. 


X 


LE DÉVELOPPEMENT DE L'ACMŒA VIRGINEA. 


L'Acmæa virginea est un Gastéropode docoglosse, voisin des Pa- 
telles, qui, au lieu d’être munie de branchies circumpalléales, pos= 
sède une grande branchie cervicale dirigée de gauche à droite. Cest 
donc une forme très intéressante, cyclobranche par l’organisation, 
aspidobranche par la branchie. 

On la trouve en grande abondance au laboratoire de Roscoff. Elle 
habite dans les gisements de vieilles coquilles. 

Nous laisserons de côté, dans l’étude du développement de l’'Acmæa, 
tout ce qui ne me paraît pas se rattacher directement au sujet que 


je me suis proposé de traiter dans ce mémoire . 


FLEXION ANO-PÉDIEUSE. 


Après le stade gastrula, la petite larve de l'Acmæa nage librement 
dans l’eau (douze heures après le commencement de la segmenta- 
tion) et a la forme d’une petite toupie; en comparant cette larve 
avec celle de la Patelle étudiée par William Patten ?, on est frappé 
de leur ressemblance extérieure (fig. 4). 

La larve de l’Acmæa est tapissée extérieurement (fig. 5) par les 
cellules de l’ectoderme, dont le contour n’a été indiqué qu’au niveau 
du cercle cilié du voile; les cils sont supportés par un cercle de cel- 
lules beaucoup plus grosses que les voisines, et qui indique nette- 
ment la limite de la calotte du voile. Cette calotte porte, comme 
pompon, un bouquet de cils raides et, latéralement, une paire de 
petites éminences ciliées; son extrémité inférieure, tronquée presque 
carrément, est pourvue également d’une houppe de cils raides. 

Toute la surface du corps est finement ciliée et, au-dessus du 

1 J’espère présenter plus tard un mémoire d'ensemble sur le développement de 


l’Acmæa pour compléter les points que je ne puis traiter ici. 


* WiLLIAM PATTEN, The Embryology of Patella (Arch. zool. Institut. Univ. Wien, 
6, Bd. 1886). 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 259 
grand cercle du voile, on distingue un autre rang de cellules plus 
petites, qui semblent former le rudiment d’un second cercle ciliaire. 

Un certain nombre d'organes ont fait leur apparition et nous per- 


mettent de nous orienter. 


| \ \ 
J 0 = 

fl rl Nr 4 
--Bourrelet.-L RTL, 


) 


£ (l k J 


1] 
/ c 
275 


LE LARNONE 


Fig. 5. 


Jeunes larves d'Acmæa virginea, dessinées vivantes après coloration physiologique. 


1, 2, 3, une larve, après le stade gastrula, vue, par la face opposée au pied, de profil et par la 


face pédieuse. 
4, 5, une larve plus âgée, après l’évagination de la glande coquillière et le commencement de la 


flexion ano-pédieuse, vue par la face opposée au pied et de profil. 


Sur la face qu'on serait tenté d'appeler la face dorsale, mais que 
nous nous contenterons, pour des raisons données plus loin, d’in- 
diquer comme la face opposée au pied, on distingue l’invagination 
coquillière. Dans les larves colorées vivantes au bleu de méthylène, 
les cellules glandulaires et, en particulier, le noyau, se colorent en 
bleu intense, et cette région coquillière prend un aspect en étoile 


960 | L. BOUTAN. 
très caractéristique, comme je l’ai figuré (fig. 5) d'après nature. 
Quand on observe les larves à un moment favorable, il arrive que 
les éléments glandulaires étant seuls colorés, se détachent avec une 
grande nettelé au milieu des éléments périphériques teintés en 
jaune pâle. 
Auprès du bouquet terminal inférieur se trouve l’ancienne ouver- 
ture du blastopore, avec deux cellules anales, déjà refoulées par 
suite du développement de l’invagination coquillière du côté du 


pied, ainsi que cela se voit nettement de profil (fig. 5, 2 et 3). 


La même larve vue par la face pédieuse est également très in- 
structive, et sur les échantillons éclaircis par le procédé de Conklin !, 
on distingue une éminence double entourée d’un repli assez pro- 
fond, dont le contour a d’ailleurs été exagéré sur la figure 5 (2, vue 
de profil). Cette éminence double est le pied, qui va s’agrandir con- 
sidérablement dans les stades ultérieurs. | 

Ainsi, déjà à ce stade jeune, très voisin de la gastrula, on peut 
reconnaître, dans la larve de l’Acmæa, plusieurs régions nettement 
distinctes : la région coquillière, constituée par l’invagination co- 
quillière ; la région anale, marquée par la touffe de poils terminaux; 
la région pédieuse, formée par l’éminence double, et, enfin, la ré- 
gion du voile, limitée par le grand cercle cilié (fig. 5 [4, 2, 3]). 

L'organisation interne de la larve est encore cependant très 
simple; le mésoderme est réduit à quelques cellules, et la cavité 
digestive primitive communique seulement avec l'extérieur par le 
blastopore qui va donner naissance à l’anus, la bouche n'étant pas 


encore ouverte. 


Bientôt l’invagination coquillière s’étale et donne naissance à la 
coquille qui garnit la face opposée au pied, tandis que l’anus se rap- 
proche du pied (fig. 5 [4 et5]}). 


! L. BourTan, Note sur la fixation des embryons entiers, d'après Conklin (Archives 
de zoologie expérimentale et générale, Notes et revue, 3° série, t. VI). 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 261 


C'est la phase de /a flexion ano-pédieuse, correspondant à ce que 
Pelseneer a appelé, dans d’autres types, la torsion ventrale. Cette 
flexion est encore à peine ébauchée dans la figure 5 ; mais elle va 
s’accentuer de plus en plus aux stades suivants. 

Tout autour de la coquille existe un large bourrelet formé de 
cellules nombreuses et visible aussi bien sur la face opposée au pied 
que de profil. Il représente le manteau et est constitué par la por- 
tion périphérique de l’invagination coquillière qui s'étale de plus en 
plus (fig. 5 [4 et 5|). 

Comme au stade précédent, la larve n’a encore subi aucune torsion 
et est parfaitement symétrique par rapport à un plan passant par le 
milieu du pied, de l'anus, du voile et de la coquille. 

La symétrie bilatérale va être encore complétée par l'apparition, 
entre le voile et le pied, de l'ouverture buccale, et l’on aperçoit déjà 
les premiers indices de la formation de l’œsophage, mais non de la 
partie antérieure au tube digestif; la bouche proprement dite et la 
radula, en effet, ne se forment que beaucoup plus tard. 

Dans l’intérieur de l’animal, l’estomac commence à se délimiter 
et est nettement distinct de la cavité cœlomique, mais n’est pas 
encore tapissé d'un épithélium continu. La plus grande partie de sa 
paroi est, en effet, formée par de grosses cellules encombrées d’élé- 
ments nutritifs. Il m'a été impossible, à ce stade, de trouver le 


moindre rudiment du système nerveux. 


Peu à peu, la flexion ano-pédieuse se complète et, par une 
série d'étapes rapidement franchies (trente-six à quarante heures 
après le commencement de la segmentation), on arrive au stade 
figuré (fig. 6) où la flexion ano-pédieuse a atteint son maximum. 

Vue de profil (fig. 6), la larve, par suite de la croissance de la 
coquille du côté du pied, ressemble à une personne qui aurait un 
goitre énorme et serait obligée de pencher la tête en arrière; le 
goitre qui oblige la larve à prendre cette attitude, c’est le pied (fig. 6). 
- Vue par la face opposée au pied, on voit que la coquille n’a pas 


262 L. BOUTAN. 


pris, vers le haut {fig. 6, à gauche), un très grand développement, et 
cependant le bourrelet palléal est saïillant et recouvre en partie la 
bande ciliée du voile. 

En avant, au contraire (fig. 6, profil et face pédieuse), la coquille 
a pris un développement considérable amenant au maximum le 
rapprochement de l’anus et du pied. Ce dernier organe, gêné visi- 
blement dans son extension par la coquille, est rabattu contre le 


voile et masque l’orifice de la bouche (fig. 6, à droite). 


La même larve d’Acmæa virginea, vue au stade de la flexion ano-pédieuse maximum 
(à gauche, par la face opposée au pied; au milieu, de profil et par le côté droit ; 
à droite, par la face pédieuse). 


À ce stade, l’organisation interne de la larve est plus complète 
que précédemment ; deux organes des sens ont fait leur apparition : 
les otocystes, placés à la base du pied, et les deux taches oculaires, 
situées de part et d'autre de la touffe de poils qui couronne le voile, 

Cependant les centres nerveux ne sont pas encore neltement dis- 
tincts. On constate seulement la formation d’épaississements pairs 
de l’ectoderme au niveau des deux taches oculaires (ganglions céré- 
broïdes) et autour des otocystes (ganglions pédieux); il ne m’a pas 
été possible de reconnaître, à ce stade, des épaississements corres- 
pondant aux ganglions du centre asymétrique (pleuraux, sus- et 
sous-inteslinal et viscéral). 


Ce fait ne doit pas surprendre outre mesure, car à ce stade les 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 263 


cellules nerveuses ne sont nullement différenciées des cellules ecto- 
dermiques, et aucun caractère histologique précis ne permet de leur 
attribuer leur rôle futur. Il est donc possible que le centre asymé- 
trique existe déjà à l’état de rudiments, sans qu’il m’ait été donné 
de le trouver. Ce n’est qu'à un stade ultérieur, alors que les tenta- 
cules sont déjà formés, que l’on distingue, au-dessous des tenta- 
cules, les épaississements d’où dérivent les ganglions palléaux !. 


La même larve d'Acmæa virginea, vue immédiatement après la torsion larvaire 
(à gauche, par la face opposée au pied ; au milieu, de profil et par le côté droit ; 
à droite, par la face pédieuse). 


Nola. — En comparant avec la figure 6, on constate que non seulement l’anus, mais 
la coquille tout entière ont tourné de 180 degrés, par rapport au pied. 


ITORSION LARVAIRE. 


Quoi qu'il en soit, à ce stade critique, un brusque changement va 
survenir dans la position relative des organes de la larve de l’Acmæa; 
elle va brusquement subir ce qu’on peut appeler la {orsion larvatre 
primitive complète ou plus simplement la torsion larvaire. 

En effet, dans un temps très court (deux ou trois minutes), la 
larve, qui nage activement avec les cils du voile, sort en partie de 
la coquille à laquelle elle est reliée par un muscle; puis, brusque- 

1 Je ne saurais affirmer que les ganglions palléaux dérivent d’un épaississement 


de l’ectoderme ; je suis porté à penser, d’après quelques-unes de mes préparations, 
qu’il y a une véritable invagination du feuillet externe. 


264 L. BOUTAN. 


ment, elle tourne dans l'intérieur de la coquille de manière à décrire 
un arc de cercle de 180 degrés. 

Ce mouvement peut se comparer à celui de la tête d’un oiseau 
qui regarde en arrière; l'oiseau ne tord pas sa tête, ne tord pas son 
corps, et cependant la tête tourne de 180 degrés par rapport au corps, 
par suite de la torsion du cou. 


De même, dans la larve de l’Acmæa, le voile et le pied (tête de l’oi- 


ay 
Abies anus. 29° 


\ j li D} TE Tortillon = À = 


Ÿ RS \ Ne 
TT X Ÿ 74 
( 


rectum 


Fig. 8. 


Figure théorique destinée à faire comprendre en quoi consiste la tortion larvaire 
et le résultat ultérieur de cette torsion chez les Chiastoneures. 


B, bouche et partie antérieure du tube digestif, y compris la radula ; 
ge, ganglions cérébroïdes ; gp, ganglions pédieux ; &4, a, ganglions palléaux; as, dy; 86, BAN* 
glions du centre asymétrique. 
seau) tournent de 180 degrés par rapport à la coquille et à ce qu’elle 
renferme, manteau, anus, que je compare au corps de l'oiseau. 
Pour mieux faire comprendre ce qui se passe, on peut comparer 
encore le corps tout entier de la larve à deux boules, l’une formée 
par la tête et le pied, l’autre formée par la coquille et ce qu’elle 
renferme, boules réunies par un anneau de caoutchouc épais, repré- 
senté par le bord du manteau et traversé par l'intestin antérieur. Il 
se produit, chez l’Acmæa, ce qui se produirait si l’on tournait l’une 
des boules de 180 degrés, en maintenant l’autre fixe. Les boules ne 


changent pas de forme, et le caoutchouc seul se tord (fig. 8). 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 265 


J'insiste donc tout particulièrement sur ce fait, c'est que la symétrie 
« extérieure » du corps de la larve est rigoureusement conservée à la suite 
de la torsion primitive, le voile, le pied et la coquille n’ayant subi aucune 
déformation extérieure appréciable, tandis que la symétrie interne est 
détruite complètement. 

Ceci se voit très nettement dans les stades ultérieurs et en parti- 
culier pour la coquille, qui va prendre un grand accroissement. 

Cette dernière reste symétrique, comme elle l’avait toujours été 
depuis l’origine du développement, comme elle l'est ensuite chez 
l'adulte (fig. 9 et suivante). 


Il est fort difficile, à ce stade, de se procurer des larves en bon 
état ; cependant, grâce à l’habileté de Marty, le dévoué gardien du 
laboratoire, j'ai pu avoir à ma disposition un matériel suffisant pour 
l'étude de l’organisation interne ‘. 

On peut en résumer ainsi les principales particularités : 

Le bulbe radulaire se forme par une invagination de la partie 
ectodermique, la lèvre se dessine, tandis que le voile se résorbe. 

Cette invagination tardive, qui donne naissance à la bouche pro- 
prement dite et à la radula, est importante à constater. Elle nous 
explique pourquoi le tube digestif n’est tordu qu’au-dessous du bulbe 
radulaire et confirme le résultat des recherches de M. Amaudrut, 
dont nous avons parlé dans l’historique. 

Le tube digestif n’est tordu qu'au-dessous du bulbe radulaire, parce 
que, au moment de la torsion larvaire, qui imprime à la larve ses carac- 
tères d'asymétrie interne, la partie non tordue chez l'adulte n'existe pas 
encore. 

L’estomac se délimite à l’aide de cellules ciliées de taille à peu 


près égale et se sépare de la masse vitelline et du foie, qui se forme 


1 Les Acmæa, qui vivaient en grande abondance dans les bacs-filtres que j'ai 
décrits dans les Notes et Revue des Archives de zoologiïe, t. VI, 1898, se fixent rapi- 
dement après la torsion larvaire, mais il est fort difficile de les recueillir sur les 
parois, à cause de leur petite taille. 


266 L. BOUTAN. 


à ses dépens. Il faut noter, comme un point également important, 
que l’évagination qui donne naissance aux lobes du foie ne se déli- 
mite qu'après la torsion larvaire, ce qui montre que le foie ne joue 
aucun rôle dans la formation de l’asymétrie interne. 

Les anses intestinales augmentent, et l’anus, devenu dorsal depuis 
la rotation primitive complète, remonte vers la nuque à mesure que 
la coquille s'agrandit. 

Le cœur s'est formé dorsalement et, s’il est difficile à retrouver 
sur les coupes, on le distingue parfois par transparence sur les ani- 


maux vivants. 


Je laisse de côté les organes rénaux dont je n’ai pu élucider 
complètement la formation, pour décrire seulement le système 
nerveux. 

Après la torsion larvaire, les ganglions, toujours en contact avec 
la couche ectodermique, se différencient nettement. 

Les deux ganglions cérébroïdes sont nettement séparés des gan- 
glions pédieux, qui sont eux-mêmes très distincts des deux premiers 
ganglions du centre asymétrique (ganglions palléaux); en outre, les 
ganglions stomatogastriques (ganglions labiaux) se laissent voir dans 
leur position typique au niveau du bulbe de la radula et de l’œso- 
phage. Au stade velligère avancé, il m'a été impossible de mettre 
nettement en évidence le ganglion viscéral; mais les deux autres 
ganglions du centre asymétrique (ganglions sus- et sous-intestinal) 
sont, au contraire, relativement plus gros que chez l'adulte et situés 
latéralement dans l'épaisseur du manteau. 

Ce n’est qu'assez tard, sur des animaux tels que ceux figurés 
(fig. 9), que l’on peut constater nettement la chiastoneurie du sys- 
tème nerveux, après que les ganglions pédieux se sont allongés dans 
l’intérieur du pied devenu rampant. Les ganglions palléaux, relative- 
ment éloignés des ganglions pédieux, ne prennent aucune part à cet 
allongement. 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 267 


En même temps que nous constatons ces modifications internes, 


Alley 


HE 
1 . 44 
CRE 


4 se 57 
br. ; 


t/ 


Fig. 9. 

Larves âgées d’Acmæa virginea au moment de la résorption du voile, lorsque l'ani- 
mali commence à ramper. Sur les trois lignes sont représentés trois stades diffé- 
rents. En haut, une larve d’Acmæa avec sa coquille larvaire, vue de dos, de profil 
et de trois quarts ; au milieu, une larve d’Acmæa dont le péristome s’élargit pour 
former la coquille de l’adulte; en bas, la même larve un peu plus âgée. 


il se produit des modifications externes plus faciles à saisir (fig, 9). 


268 L. BOUTAN. 


La première larve représentée figure 9 est encore très jeune, elle 
se colle déjà sur les objets et rampe à l’aide de son pied ; cependant 
elle est capable de nager à l’aide des cils qui subsistent encore sur le 
voile en voie de résorption. 

A ce stade, le pied est operculé et l’animal peut s’enfermer com- 
plètement dans la coquille en appliquant l’opercule sur l’ouverture. 

Bientôt le bord de la coquille s’élargit et s’évase comme l'indique 
la figure 9. 

Les tentacules n’ont pas encore pris l'apparence qu’ils auront chez 
l'adulte, ils ont la forme de bâtonnets coupés carrément et munis de 
loin en loin de cils raides. Le voile a presque complètement disparu. 

La coquille s’évase de plus en plus et, dans l’intérieur du manteau, 
on distingue par transparence de grosses glandes en forme de goulot 
qu'on serait tenté, au premier abord, de prendre pour des glandes 
de la coque et que je considère comme des organes défensifs. Ces 
glandes me paraissent homologues à celles que Bela Haller‘ a décrites 
chez Lottia adulte en leur donnant une fausse interprétation, et elles 


sont extrêmement nombreuses chez l’adulte. 


Dans la plus jeune larve d'Acmœa figurée (fig. 10), la forme adulte 
est déjà presque atteinte, quoique la taille ne soit encore que de 
02,65, le péristome a continué à s’étaler et la coquille larvaire ne 
forme plus qu’une sorte de coiffe apicale où l’on retrouve les traits 
principaux de la coquille larvaire, le bord étalé n’a plus la teinte 
blanchâtre de la coquille larvaire et prend les couleurs lavées de rose 
caractéristiques de l'adulte. 

Un peu plus tard, quand l’animal aura grossi suffisamment, la 
coquille larvaire est devenue très fragile et sa chute amène (fig. 10) 
la formalion du crochet terminal de la coquille. L'organisation in- 
terne est à peu près identique à celle de l’adulte, les glandes péri- 
phériques du bord du manteau se sont multipliées et il s’est cons- 


titué tout autour du manteau de très curieux organes sensoriels, 


. Beza HazLer, Studien über Docoglosse und Rhipidoglosse. Leipzig, 1894. 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 269 


représentés également chez l’adulte. Ils sont visibles extérieurement 


Fig. 10. 


Larves très âgées d’Acmæa virginea au moment de la formalion de la coquille adulte 
et de la disparition de la coquilie larvaire. (Les chiffres indiquent la taille de l’ani- 
mal en partant du mètre). La larve représentée en bas de la figure a 1mm,9, 


sous la forme de touffes de poils raides, disposés régulièrement sur 
le pourtour du manteau (fig. 10, dernière figure). À 


270 L. BOUTAN. 


Le crochet terminal qu’on observe sur l’Acmæa adulte se produit 
donc secondairement après la disparition de la coquille larvaire. 

Il est bon de remarquer que ce crochet est tourné en avant, tandis 
| que dans d’autres Gastéropodes, il est tourné en arrière(Emarginule), 
quoique le processus de formation soit sensiblement le même. 

La seule différence, c’est que dans l’Emarginule, la pointe du cro- 
chet est formée par la coquille larvaire elle-même, qui dans l’Acmæa 
se désagrège. 

La particularité remarquable sur laquelle j’insiste particulièrement 
est celle-ci : 

L'animal asymétrique s’est transformé en adulte, sans qu’à aucun 
moment, la coquille se soit déformée et ait pris une disposition 
asymétrique : 

D'un bout à l'autre de l’évolution larvaire jusqu'a la formation de la 
coquille de l'adulte, la coquille de l'Acmæa reste symétrique, et l'asymé- 
trie interne doit être attribuée tout entière à la torsion larvaire que nous 


avons éluliée. 


XI 


DÉVELOPPEMENT DE L'ZALIOTIS. 


Les détails que nous avons donnés sur le développement de l’Ac- 
mæa nous permettront d'être plus bref sur celui de l'Haliotis. 

La larve symétrique qui succède à la gastrula est une petite larve 
en toupie comme celle de l’'Acmæa, elle ne diffère de cette dernière 
que par les proportions relatives du voile et du reste du corps, le 
moindre développement des cils du grand cercle qui limite le voile 
et l'absence des houppes terminales. 

La figure 11 nous montre l'apparition de la coquille et du pied 
dont on distingue nettement la position relative sur les larves vues 
de profil. , 

Très rapidement, la coquille s'agrandit, en augmentant vers le 
pied et nous atteignons la phase que nous avons caractérisée chez 


l’Acmæa sous le nom de flexion ano-pédieuse (fig. 11, en 2 et en 8). 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 271 


La larve vue de profil indique qu’au moment de la flexion anale 
le bourrelet pailéal est beaucoup plus développé que chez Acmæa 
et que la coquille remonte moins haut du côté du voile, tandis 
que le pied est aussi volumineux que dans la larve correspondante 
d'AcmϾa. 

A cette différence près, le processus du développement est le 


même. 


Comme chez l’'Acmæa, nous voyons que le pied est peu à peu 


He vite 


Trois larves d’Haliotis tuberculata. 


1, 2, jeune larve, vue par la face opposée au pied et de profil, au moment de la différenciation 
de la coquille et du pied ; : 


3, jeune larve arrivée au maximum de la flexion ano-pédieuse ; 
4, jeune larve immédiatement après la torsion larvaire. 


Nota. — Les figures 2, 3, 4 sont vues de profil, mais la figure 2 est vue par le côté 
gauche et les figures 3 et 4 par le côté droit, il faut donc supposer la figure 2 dans 
sa position symétrique pour la rendre comparable aux deux autres figures. 

redressé vers le voile par suite de la croissance de la coquille. Comme 

dans l’Acmæa, la courbure anale atteint son maximum et la torsion 
larvaire va se produire. 

Elle a lieu presque aussi rapidement que chez Acmæa; cependant 
dans les nombreuses larves que j’ai observées après coloration phy- 
siologique au bleu de méthylène, j'ai souvent surpris des larves au 
commencement de la torsion primitive, au moment où le pied était 
placé à angle droit avec le plan médian de la coquille. 

Très rapidement on arrive au stade (fig. 41, en 4) où, par suite de la 
torsion primitive, la coquille et les organes qu’elle protège ont décrit, 
par rapport au voile et au pied, un arc de cercle de 180 degrés. 


272 L. BOUTAN. 


L'homologie des phénomènes que nous venons de décrire chez 
l’'Acmæa et chez l’Aaliotis paraît complète. La torsion primitive semble 
cependant se produire chez cette dernière à un stade relativement 
_ plus jeune et le pied atteint des proportions plus grandes que dans 
le cas précédent. 

Il faut remarquer que, comme chez l’Acmæa, la coquille a une 
forme symétrique, aussi bien avant qu'après la torsion primitive. 


L'examen des nombreuses coquilles embryonnaires que je trouvais 


Fig. 192. 


Larves d'Haliotis au moment où le voile se résorbe et où la coquille commence à 
prendre la disposition qu’elle a chez l’adulte. 


A, anus ; B, bouche ; op, opercule ; 0, œil ; P, pied ; coe, collerette (épipodium palléal). 


Nota. — La grandeur relative de ces diverses larves n’a pas été représentée exacte- 
ment, la taille va en croissant de gauche à droite et la partie correspondant à la 
coquille larvaire aurait dû être figurée de la même grosseur dans les quatre échan- 
tillons. 


en très grande abondance dans le bac-filtre où j'ai fait ces observa- 
tions ne m'a laissé aucun doute à ce sujet. ; 
Je n’ai pu déterminer exactement le temps qu'il faut à ces ani- 
maux pour abandonner la vie pélagique, perdre le voile et com- 
mencer à ramper à l’aide de leur pied. Pour augmenter l'abondance 
du matériel, j'avais, en effet, mis successivement plusieurs pontes 
dans les bacs-filtres et je n'ai pu apprécier avec certitude l’âge des 


jeunes embryons, äu moment où ils commencent à ramper!. 
4 Comme précédemment, c’est aux recherches patientes de Marty, le dévoué gar- 


dien du laboratoire de Roscoff, que j'ai dû de pouvoir étudier les principaux stades 
qui suivent la fixation de la larve et l'abandon de la vie pélagique. 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 973 


Dans le premier dessin que je donne de la forme larvaire péla- 
gique d’Aaliotis (fig. 12), au lieu de représenter l'animal contracté 
dans l’intérieur de la coquille larvaire, j'aurais voulu reproduire 
la forme exacte de l'embryon, au moment où il nage; malheureu- 
sement, je n'ai pu y réussir. Ces petites larves sont, en effet, très 
impressionnables; pour le moindre motif, elles rentrent dans leur 
coquille et, peu satisfaites des conditions de milieu que leur offre 
la goutte d’eau étalée sur le porte-objet, elles restent des heures 
entières sans bouger; puis, si elles se décident à évoluer, elles 
abaissent rapidement l’opercule; c’est la durée d’un éclair, et déjà 
la petite larve tourbillonne dans tous les sens avec une rapidité ver- 
tigineuse, ce qui rend l’observation fort pénible et très incomplète. 

Les coupes permettent d'étudier avec moins de fatigue l'organi- 
sation interne, mais elles ne donnent que des renseignements sans 
valeur sur la forme exacte de l’animal étalé. Quelque rapide, en effet, 


que soit la fixation, les animaux sont toujours fortement contractés. 


Ces réserves faites, la première et la deuxième figure (fig. 12) 
indiquent la forme générale de l’animal, sans que j'aie pu déter- 
miner exactement si le voile restait entier jusqu’à la fin de l’évolu- 
tion et ne s’échancrait pas légèrement, comme celui de la Fissurelle. 

En ce qui concerne l’organisation interne, le développement du 
tube digestif paraît s’opérer comme chez l’Acmæa, Il n’y à donc rien 
de particulier sur ce point, mais les coupes m'ont montré un fait 
important au point de vue du développement du système nerveux : 
les ganglions palléaux et les ganglions pédieux, quoiqu'ils se déve- 
loppent séparément, ne tardent pas à se confondre en une masse 
commune, et cette masse, en apparence unique, se prolonge dans 
l’intérieur du pied beaucoup plus loin que chez l'Acmœu. 

En tenant compte de la contraction excessive causée par les réac- 
tifs, je suis porté à croire que cette élongation de la masse pédieuse 
et palléale est en réalité très considérable. 

Au moment où la larve commence à ramper avec son pied, on 


ARCH, DE ZOOL, EXP, ET GÉN, — 3® SÉRIE, — T, Vil, 1899, 18 


274 L. BOUTAN. 


distingue également de chaque côté de l'organe locomoteur de 
petites éminences ciliées que j'avais déjà observées dans la Fissurelle, 
_et qui sont les premiers indices de la collerette ou de l’épipodium 
palléal, si développé chez l’adulte. 


À ce moment, la coquille présente des proportions qu’il est bon 
de noter. 
Si nous considérons les trois dimensions : en hauteur, depuis 


l'ouverture de la coquille jusqu’au bord opposé ; en largeur, depuis 


Fig. 13. 


Larve âgée d’Haliotis tuberculata après la chute du voile et le commencement de la 
formation de la coquille de l’adulte. (A gauche, l’embryon est vu par la face dor- 
sale un peu sur le côté droit; dans la figure de gauche, l'embryon est vu par la 
face ventrale, la sole du pied dirigée vers l’observateur.) 


le bord ventral jusqu’au bord dorsal ; en épaisseur, de flanc à flanc, 
nous constatons que les deux premières dimensions sont sensible- 
ment égales, tandis que l'épaisseur est faible. 

En d’autres termes, cette petite coquille symétrique est relative- 
ment aussi longue que large et très peu épaisse, il en résulte que 
lorsque l'animal commence à ramper, il lui est difficile de maintenir 


sa coquille en équilibre, comme le montre la figure 12. 


Les figures 13 et 14, qui représentent des larves plus âgées, suf- 
fisent pour faire comprendre ce qui se passe par la suite; comme 
chez l’Acmæa, le manteau s'étale et sécrète de la coquille (le com- 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 275 


mencement de la coquille de l'adulte) sur tout son pourtour, mais 
particulièrement sur la droite; peu à peu, par suite de cette sécré- 
tion inégale de la matière calcaire, la coquille larvaire, d’abord 
placée de champ, s'incline progressivement sur le côté, ce qui donne 
faussement à la coquille larvaire, parfaitement symétrique, l'apparence 


d'une coquille à enroulement latéral. 


Fig. 14 


Jeune Haliolis de 1nm,5 de longueur, vue par la face dorsale et par la face 
ventrale. Coquille d’un exemplaire de 3 millimètres. 
(Ces animaux ont été recueillis en scaphandre dans le port de Port-Vendres.) 


Peu à. peu, la coquille gagne de plus en plus sur la droite et la 
forme définitive de l’Haliotis est obtenue par cette inégalité de crois- 
sance sur la droite. 

Un coup d'œil sur les figures dessinées d’après nature fera com- 
prendre le phénomène, beaucoup mieux que de longues expli- 
cations. | 


Nous assistons ainsi (fig. 13 et 14) à la formation d'une coquille 


276 L. BOUTAN. 


adulte asymétrique continuant une coquille larvaire symétrique, mais 


qui s’est progressivement couchée sur le côté gauche. 


En résumé, après la flexion ano-pédieuse et la torsion larvaire de 
la larve symétrique, la jeune Haliotide résorbe son voile. L’embryon 
commence à ramper, la coquille larvaire symétrique est déviée obli- 
quement par rapport à l’axe du corps; elle perd son orientation 
primitive, a une tendance à se coucher sur le côté gauche, et les 
nouvelles formations, qui se constituent sur la périphérie pour cons- 
tituer la coquille de l’adulte, prennent leur développement principal 
du côté droit, comme l’indiquent les figures 12, 13 et 14. 

Dans cette période du développement, la cause mécanique invoquée par 
Lang semble trouver son application, et le défaut d'équilibre de la coquille 
parait entrer en jeu pour amener l'asymétrie finale de l'Haliotis; mais 
nous voyons qu'il ne produit nullement les effets indiqués par l’au- 
teur, puisque, à ce stade, la cavité branchiale ainsi que le complexe 
anal se trouvent constitués et occupent déjà en avant leur position 
typique. 

Nous verrons d’ailleurs, dans la discussion des faits, qu'il faut faire 
entrer en ligne de compte non seulement le défaut d'équilibre de la 
coquille, mais surtout l’action directe du pied pour expliquer, dans 
ce cas, l’asymétrie extérieure de la coquille du Gastéropode. 


XII 


ÉTUDE DE LA TORSION LARVAIRE DANS QUELQUES AUTRES FORMES 


DE GASTÉROPODES CHIASTONEURES. 


Nous avons constaté, dans le chapitre précédent, le phénomène 
de la torsion larvaire chez l’Acmæa et l’Haliotis. Nous pouvons nous 
demander maintenant si le fait de la torsion larvaire est général 
chez les Chiastoneures ? 

Les formes voisines de l’'Acmæa et de l’Aaliotis paraissent toutes 
présenter, dans leurs formes larvaires, les mêmes phénomènes que 


nous avons signalés plus haut, 


ASYMETRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 271 


C’est ainsi que, dans la Fissurelle, j'avais, dans un travail déjà 
ancien, constaté la torsion larvaire primitive sans en comprendre 
d’ailleurs toute la signification 1. 

Je disais, en effet : 

« Tel est l’aspect de la larve de la Fissurelle au moment où ses 
principaux organes larvaires viennent de se caractériser ; on recon- 
naît déjà nettement que l’on est en présence d’un embryon de Gas- 
téropode : la coquille enroulée et le voile ne peuvent laisser aucun 
doute à cet égard. Notre larve présente donc tous les traits caracté- 
ristiques d’une larve de Gastéropode. Est-elle cependant, à cet état, 
une larve absolument semblable à la larve typique du Gastéropode? 
Non, car elle présente une anomalie très bizarre et qui a déjà cer- 
tainement frappé ceux de mes lecteurs qui ont examiné les planches 
où sont dessinées ces formes larvaires. 

« Le pied, ou mieux toute la partie supérieure de l'embryon, occupe 
une position absolument contraire à celle qu’elle affecte chez les 
autres Gastéropodes par rapport à la coquille. 

« Au lieu d’être placé au-dessus de l’enroulement du tortillon, le 
pied se trouve au-dessus du manteau et du bord dorsal de la coquille. 
Il occupe donc, par rapport au manteau et à la coquille, une posi- 
tion tout à fait anormale. 

« Les premières fois que j'eus l’occasion d'examiner cette forme 
larvaire sous le microscope,je crus avoir affaire à des embryons ma- 
lades ; je renouvelai l'inspection sur d’autres larves, puis sur d'autres 
encore, et je constatai toujours les mêmes rapports à cette période 
du développement, bien entendu, entre la coquille et l'embryon. 

« Les premières observalions faites vers le milieu de 1885 ont été . 
reprises, à la fin du même mois, sur des pontes forcément très diffé- 
rentes, puisqu elles avaient été obtenues beaucoup plus tard; et j'ai 
retrouvé identiquement la même forme coïncidant avec la même 
période de développement. | 


1 L. Bouran, Recherches sur l'anatomie et le développement de la Fissurelle (Archives 
de zoologie expérimentale et générale, t. III supplémentaire, 2e sér., 1885). 


278 L. BOUTAN. 


« D'ailleurs, quelque bizarre que soit cette disposition, elle ne doit 
pas être regardée comme ayant une importance primordiale. Elle ne 
persiste pas longtemps, en effet, et les organes de la larve repren- 
nent peu à peu leur position normale. 

« Ce changement de rapport entre la partie supérieure de l’em- 
bryon, la coquille et le manteau s’effectue par une sorte de torsion 
progressive ou de pivotement de toute sa partie supérieure. Il m'est 
arrivé fréquemment de trouver des larves dans la période transitoire, 


qui subissaient cette modification et dont le pied n’était plus exac- 


Fig. 15. 


Principaux stades larvaires de la Fissurelle correspondant à la flexion ano-pédieuse 
et à la torsion larvaire. 


A gauche, très jeune larve avec l’invagination coquillière. 

La deuxième larve est arrivée à la flexion ano-pédieuse maximum. 

La troisième larve vient de subir la tortion larvaire. 

Enfin la quatrième larve, à droite, représente la fin du stade velligère. 


À, anus; B, bouche; (, coquille; D, côté opposé au tortillon d’abord ventral puis dorsal ; 
M, manteau ; P, pied ; col, collerette ; op, opercule. 


tement superposé à la partie dorsale de la coquille et se trouvait 
déjà sensiblement reporté vers la face latérale. 

« Quand la larve dela Fissurelle a achevé cette évolution partielle, 
et que le pied se trouve ainsi reporté au-dessus du tortillon, la larve 
a acquis définitivement tous les caractères d’une larve typique de 
Gastéropode. Son voile n’a pas encore pris tout son développement 
et n’est pas encore nettement bilobé, mais l’on voit que ce n’est là 


qu’une affaire de proportions. » 


Évidemment, tout en observant et en signalant les faits, je les ai 


décrits dans la Fissurelle d’une façon insuffisante; telle quelle, cepen- 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 279 


dant, cette observation confirme dans ses traits principaux que nous 
avons signalés dans l’Acmæa et |’ Æaliotis. 

William Patten ', dans son beau mémoire sur le développement de 
la Patelle, a également dessiné la torsion primitive sans en com- 
prendre la véritable signification. 

Enfin, M. Robert *?, dans une monographie du Troche, a donné des 
figures très démonstratives, et son texte ne peut laisser aucun doute 
à ce sujet. 


Fig, 16. 


Phases du développement du Troque correspondant aux stades de la tortion larvaire, 
d’après M. À. Robert. 


Voici, du reste, ce qu’il dit à ce sujet dans cet intéressant travail : 
« Le fait le plus important du développement est qu'il permet de 
suivre sur le vivant la torsion si caractéristique dont le système ner- 
veux et même le tube digestif et l’aorte nous ont montré des traces. 
« Après une segmentation et une gastrulation incomplètement 
étudiées, le voile, le pied, la glande coquillière, apparaissent. Alors. 
se produit une courbure exogasirique; l'extrémité postérieure de 
l'embryon (futur sac viscéral) commence à se courber vers le dos. 
Ce n’est que lorsque la coquille a déjà pris une forme légèrement 
1 WILLIAM PATTEN, the Embryology of Patella(Arb. 2001. hist. univers. Wien, 1886). 


2 À. ROBERT, le Troque (Trochus Turbinatus Born), article publié dans la Zoologie 
descriptive des formes typiques d’Invertébrés. Paris, Octave Doin, éditeur, 1899. 


280 L. BOUTAN. 


nautiloïde indiquant un commencement d’enroulement, que la tor- 
sion se produit de droite à gauche (fig. 16). £lle a lieu en quelques 
_ heures et l’opercule se montre avant qu'elle ne soit entièrement 
achevée. Ensuite le voile se réduit ; les yeux, les tentacules appa- 
raissent dans son champ. Les tentacules épipodiaux se forment d’a- 
vant en arrière et les papilles qui couvrent les tentacules apparais- 
sent une à une. 

« Les deux systèmes de torsion que peut subir un Gastéropode 
apparaissent donc ici nettement et indépendamment l’un de l’autre : 
1° enroulement du sac viscéral'; 2° torsion de la partie postérieure 


du corps par rapport à la tête et au pied qui restent symétriques ?.» 


Voyons maintenant commentles choses se passent dans les autres 
types de Prosobranches. 

Je prendrai comme type la Paludina qui a été l’objet de nom- 
breux et de beaux travaux et pour lesquels je puis utiliser, entre 
autres, les recherches de Bütschli* et celles d’Erlanger*. 

Après les faits que nous avons signalés précédemment, il suffit de 
se reporter aux trois figures reproduites d’après Bütschli (fig. 17), 
pour voir nettement que l'embryon de la Paludine subit la flexion 
ano-pédieuse et la torsion larvaire au même titre que les types 
précédemment étudiés. 

Cependant Bütschli”, qui a dessiné ces figures, pensait que la 
torsion se produisait par inégalité de croissance au niveau du sillon 
palléal (voir l'historique) et n’intéressait pas la coquille, et de fait, 
les figures de Bütschli pourraient laisser croire que l'anus, ou le 

‘ L’enroulement du sac viscéral correspond ou coïncide, à mon avis, avec ce que 
j'ai appelé précédemment la flexion ano-pédieuse. 

2 Que nous avons caractérisé sous le nom de torsion larvaire. 

3 Entwicklungsgeschichiliche Beiträge von O. Burscuut (Zeilschrift für Wissen- 
schaft Zool., Leipzig, 1877). 

* Zur Entwicklung von Paludina vivipara von R. ERLANGER (Morphologisch.Jahr- 
buch, Leipzig, 1871). 


5 Uber der asymmetrie der Gasteropoden von O. Burscazr (Morphologisch. Jahr- 
buch, Leipzig, 1887). 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 281 


complexe anal, se déplace seul sans amener une rotation de la 
coquille de 180 degrés; mais, si l’on examine les figures plus ré- 
centes (fig. 47) d'Erlanger, qui, lui non plus, cependant ne s’est pas 
rendu compte du phénomène de la torsion larvaire, on voit que la 


portion bombée de la coquille, que j'ai marquée de la leltre D, 


OCR 


Stades larvaires de Paludina vivipara. 


Nota. — Les trois figures en haut sont empruntées au mémoire de Bülschli, 
les deux placées en bas sont imitées des figures d’Erlanger. 


À, anus: B, bouche; P,pied ; M, manteau; T, tentacules; C, coquille; D, face d’abord dorsale 
de la coquille qui devient ventrale à la suite de la torsion larvaire; V, face d’abord ventrale 
qui devient dorsale à la suite de la même torsion, 

change de place et de dorsale devient ventrale, d’après ses figures, 

comme dans les types précédemment étudiés. 

Cet examen des dessins des deux savants auteurs, dessins faits 
indépendamment de la théorie que je cherche à développer, me pa- 
raît mettre hors de doute le phénomène de la torsion primitive, chez 
la Paludina,tel que je l’ai montré dans l’Acmæa et d’autres types de 
Prosobranches. 


282 L. BOUTAN. 


Il faut cependant noter que, d’après les figures de Bütschli et 
d'Erlanger, et d’après leurs descriptions, on n’observe pas chez la 
Paludine un rapprochement aussi complet du pied et de la coquille 
que dans les types étudiés précédemment. L’antagonisme de crois- 
sance entre le pied et la coquille paraît se produire plus tardive- 
ment, et l’on s'explique très bien que le déplacement de la coquille 
ait échappé à ces savants auteurs ; mais il ne faut pas oublier que la 
coquille est sécrétée par le manteau M, qui forme ici un bourrelet 
volumineux, et que ce bourrelet est interposé entre le pied et le 
manteau. 

La présence de ce bourrelet, augmentant considérablement les 
dimensions de la coquille, suffit à expliquer que le conflit puisse se 
produire entre la coquille et le pied, malgré les faibles dimensions 
de la première. 


Les Hétéropodes se rattachent-ils par le développement aux for- 
- mes chiastoneures et présentent-ils le phénomène de la torsion lar- 
vaire ? 

Je ne puis fournir de documents personnels sur la question, 
puisque je n’ai pas eu encore l’occasion d'étudier le développement 
d'aucun Hétiropode. 

Cependant les figures fournies par Hermann Fol, sans indiquer 
clairement la réalisation de ce phénomène, nous permettent de sup- 
poser qu’une nouvelle étude permettrait de mettre en évidence non 
seulement le déplacement de l’anus, mais aussi la rotation consécu- 
tive de la coquille, nécessaire pour que nous ayons affaire à la torsion 
larvaire et que nous puissions homologuer ce développement à celui 
des Chiastoneures. 

En somme, la question peut se résumer ainsi : l’anus d’abord ven- 
tral, devient dorsal chez les Hétéropodes ; il reste à savoir si la co- 
quille tourne également de 180 degrés dans ces animaux, comme 
dans ceux que nous avons étudiés. La chose est vraisemblable, mais 


nous ne pouvons trancher la question, faute de documents. 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 283 


XIII 


LA DÉVIATION LARVAIRE. 


Nous avons constaté que, chez les Chiastoneures, l’asymétrie in- 


terne du corps se produit par le phénomène de la torsion larvaire. 


Cette torsion larvaire se produit-elle aussi chez les autres Gasté- 


ropodes à système nerveux or- 
thoneure ? 

Non. 

Elle est remplacée, ainsi que 
les faits vont le prouver, par 
un phénomène absolument dif- 
férent que j'appelle la dévia- 
tion larvaire. 

Qu'est-ce qui distingue fon- 
damentalement la torsion lar- 
vaire de la déviation larvaire? 

Dans la torsion larvaire, non 
seulement l'anus !, mars la coquille 
tout entiere, subissent une rotation 


de 180 degrés, et le phénomène a 


Devtation larvaire (0rthoneures } 


Fig, 18. 


Schéma indiquant la différence 
entre la tortion larvaire et la déviation 
larvaire. 


lieu brusquement, ainsi que nous l’avons démontré dans les chapitres 


précédents (fig. 18). 


Dans la déviation larvaire, l'anus seul subit yn déplacement, à l’ori- 


gine de moins de 180 degrés, la coquille garde sa position primitive, et le 


déplacement a lieu progressivement (fig. 18). 


Il y a donc, selon moi, une différence fondamentale dans la 


marche du développement, entre les formes de Gastéropodes, Chias- 


toneures et Orthoneures. 


1 Par l'anus, j'entends non seulement l’orifice terminal du tube digestif, mais 
encore la partie entourante du manteau, ce qu’on peut appeler le complexe anal, à 
condition de ne pas y faire entrer les branchies dont l’'ébauche n’existe pas encore. 


284 L. BOUTAN. 


On voit que nous pouvons distinguer les deux phénomènes par 
eux-mêmes, sans nous préoccuper encore de la cause qui les a pro- 


 duits, cause que nous rechercherons dans un des chapitres suivants. 


XIV 


DÉVELOPPEMENT DE PLANORBIS. 


Pour mieux préciser les faits, je m'adresserai tout d’abord aux 
types extrêmes, tels qu’on les rencontre chez les Pulmonés. 

Si nous étudions un jeune embryon de Planorbe, nous retrou- 
vons exactement les mêmes parties et la même disposition fon- 
damentale au point de vue de la symétrie, que chez l'Acmæa ou 
l’Haliotes. 

Le voile est, il est vrai, rudimentaire ; maïs la bouche, le pied et 
les cellules anales se trouvent disposés d’une façon typique (fig. 19). 

Comment va évoluer cette larve ? Va-t-elle subir une torsion pri- 
mitive, comme dans l’Acmæa ou l’Haliotis ? 

Nullement. Le beau travail de Hermann Fol’, publié il y a déjà 
longtemps et indépendamment de toute théorie, peut nous rensei- 
gner à cet égard. 

Cette larve va se développer jusqu'au moment de l’éclosion, sans 
subir la torsion larvaire. 

En effet, la coquille, pendant une longue période larvaire, ne forme 
qu’une petite calotte hémisphérique, qui ne gêne nullement le déve- 
loppement du pied; celui-ci peut s'étendre tout à son aise au-dessus 
de sa bouche, sans que rien ne s'oppose à son extension, d’ailleurs 
assez faible, ainsi qu'on peut le constater dans la figure 19. 

Cependant, à mesure que le développement se poursuit, nous con- 
statons que l’animal subit la flexion ano-pédieuse, à un moindre 
degré pourtant, que chez les Chiastoneures. L’anus se trouve, par 


conséquent, pincé entre le pied et la coquille (ou mieux le bourrelet 


1 HERMANN For, Embryogénie des Pulmonés (Archives de zoologie expérimentale 
et générale, t. IV). 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 285 


palléal qui entoure la coquille), sans que le contact s’établisse entre 
ces deux organes. | 

L’anus et la cavité palléale qui le contient se trouvent vraisem- 
blablement dans une position défavorable, qui se corrige peu à peu 
par déviation du côté gauche Ge 19) ; mais la coquille ne subit pas 
de déplacement, et sa 
face ventrale primitive 
reste la face ventrale 
définitive. 

J'ai essayé de résu- 
mer les principaux 
traits du développe- 
ment dans les figures 19 
imitées de Hermann 
Fol et de G. Rabl. On 
voit qu'à partir de la 
deuxième figure l’anus 


commence à se dévier 


sur la gauche, sans que 


Fig. 19. 


la coquille change de 

Quelques stades du développement de Planorbis 
(figures imitées d’'Hermann Fol et de C. Rabl). 

La première figure représente une larve très jeune 
vue de profil au stade symétrique. 

Les trois figures suivantes, de plus en plus âgées, 

closion, avant que de sont vues par la face ventrale, du côté du pied. 


forme et de position. 


Au moment de l'é- 


À, anus ou cellules anales; PB, bouche; C, coquille; A7, man- 


nouveaux phénomènes teau; P, pied; 7, tête ou tentacules; V, voile; est, estomac. 


se produisent, tous les 
ganglions se sont condensés et ont pris leur forme définitive. Quand 
l’éclosion a lieu, seuls les organes faisant partie de ce qu’on peut 
appeler à ce stade le complexe anal, se trouvent encore à l’état 
d'ébauche plus ou moins avancée, comme dans les larves de Chias- 
toneures, tandis que tous les ganglions nerveux sont formés d’une 
façon définitive. 

A ce moment, la coquille va s’accroître rapidement, et-nous en- 


EN 


286 L. BOUTAN. 


trons ici dans une nouvelle phase qui correspond à l’achèvement de 
la forme adulte. 

Comme l’animal de l’Acmæa, l'animal de Planorbis reste sensible- 
ment dans l’axe de la coquille, malgré le développement que prend 
celle-ci et l’enroulement se conserve sensiblement symétrique ; mais 
il y a là une position d'équilibre que la moindre influence peut 
rompre, comme le prouve le cas des coquilles de Planorbes déviées, 
et qui nous conduit alors à l’asymétrie secondaire de la coquille que 


nous avons observée chez l’Æaliotis. 


En résumé, le développement de Planorbis nous prouve que ce 
Pulmoné : 

4° Ne subit pas la torsion larvaire des Chiastoneures ; 

2° Subit seulement une déviation larvaire de l’anus, du côté 
gauche ; 

3° Que, comme conséquence, la face ventrale de la coquille lar- 
vaire reste la face ventrale de la coquille durant toute la période 
larvaire ; 

4° Que, jusqu’au stade adulte, nous n'avons a signaler aucun phé- 
nomène de détorsion, mais que, tout au contraire, l’anus est reporté 


de plus en plus haut vers la face dorsale. 


XV 


DÉVELOPPEMENT DE LA LIMACE ET DE L'ESCARGOT. 


Le cas que nous avons choisi avec Planorbis est un cas particulier, 
puisque, dans le cas de Planorbis, la coquille s’enroule ventrale- 
ment, sensiblement dans le plan médian du corps ‘. Voyons s’il s’'ap- 
plique aux Pulmonés à coquille rudimentaire ou sans coquille, et 
aux Pulmonés à coquille enroulée, dextres ou sénestres. 

La Limace peut nous servir d’exemple pour les Pulmonés à 


! Ceci n’est pas absolument exact, puisque Planorbis peut être considéré comme 
un animal génestre à spire très raccourcie. 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 28 


coquille rudimentaire, car son embryogénie est relativement bien 
connue. 

Au début, nous trouvons une larve sans voile (fig. 20) qui, sauf ce 
caractère, rappelle la larve symétrique que nous trouvons au début 
de tous les développements des Mollusques. 

Cependant, l’invagination coquillière prend naissance beaucoup 
plus près du pied que dans les exemples cités précédemment ; mais 


cette invagination, au moins dans Avion rufus, au lieu de donner 


Fig. 20. 


Trois stades du développement de la Limace. 


(Les deux premières figures sont imitées d’Hermann Fol, la troisième est empruntée 
à une figure du docteur Guiart.) 


A, anus; PB, bouche; C, coquille; 47, manteau; P, pied; rad, radule. 


naissance à une coquille étalée, se ferme et sécrète dans son intérieur 
une masse granuleuse calcaire qui représente la coquille. 

Dans ces conditions, malgré le développement énorme que va 
prendre le pied (fig. 20), tout va se passer, dans les premiers stades 
du développement, comme dans le cas de Planorbis ; l'anus, d'abord 
médian et dans la position typique, va être entouré par le manteau 
qui est apparu sous forme d’une invagination antérieure à l'anus ‘et 


subir la courbure ano-pédieuse, très peu prononcée dans ce cas; 


1 On pourrait voir, dans ce fait d’une invagination antérieure à l’anus, une parti- 
cularité remarquable ; en réalité, il n’en est rien et cette invagination ne représente 
qu'une faible partie du manteau primitif, c'est plutôt sa limite du côté du pied que 
le manteau lui-même en voie de formation. 


288 L. BOUTAN. 


puis, il va se déplacer latéralement, la coquille rudimentaire se rap- 
prochant de plus en plus de la base du pied (fig. 20). 

À partir de ce moment, qui correspond à l'époque de l’éclosion, 
l'allure du développement va changer. 

Le pied prend, en effet, un volume énorme en arrière et, au mo- 
ment de l’éclosion, il a acquis des dimensions tout à fait exagérées. 

Par suite de cet accroissement inusité de l’organe locomoteur, 
l'anus et le manteau se trouvent reportés du côté de la face dorsale, 
el la coquille, réduite à quelques granulations calcaires, est égale- 
ment reportée sur le dos de l’animal. Ce phénomène tardif n’est 
nullement comparable à la torsion larvaire que nous avons observée 
chez les Chiastoneures. Comme chez Planorbis, à ce stade,le système 
nerveux a pris sa forme définitive, et ce déplacement secondaire du 
manteau et de la coquille n’influe nullement sur la disposition du 
système nerveux. 

En résumé, malgré quelques différences de détail qui tiennent à 
ce que la coquille ne se développe jamais complètement et que le 
bord du manteau est très réduit, {out se passe d'abord comme dans 
Planorbis. Vous ne constatons ici rien qui ressemble à la torsion lar- 
vaire des Chiastoneures. La déviation larvaire se double secondairement 
d’un rejet du manteau sur la face dorsale, maïs ce fait n’implique nul- 
lement la nécessité d’une torsion nouvelle et s'explique facilement 
par le faible développement de l’organe palléal et l’accroissement 
exagéré de l'organe locomoteur. | 


L'AHelix constitue un type plus normal et peut nous servir d’exem- 
ple pour le développement des Pulmonés avec coquille fortement 
enroulée. 

La figure extraite du célèbre mémoire de Fol et complétée par 
un dessin d’après nature qui représente deux stades avancés, nous 
montre, au début, une analogie presque complète avec ce que nous 
venons de décrire chez la Limace (fig. 21). Comme précédemment, 
nous devons noter l’absence de voile et un développement énorme 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 289 


des réserves nutritives formant la partie la plus volumineuse de 
l'embryon. 

Dans le cours du développement, on doit noter que la courbure 
ano-pédieuse est à peine sensible, par suite de l'abondance des ré- 
serves nutritives. La déviation latérale de l’anus se produit, d'ail- 
leurs, comme dans les cas précédents, sans entraîner la rotation 
de la coquille. Les figures 21 nous dispensent de plus longues expli- 


cations. 


Pis noie 


Trois stades du développement de l'Heliz. 
(La première figure imitée d'Hermann Fol.) 


La première figure correspond au stade symétrique. 

La deuxième représente la larve au moment où la coquille commence à se déve= 
lopper fortement et où l'anus est dévié sur le côté droit. 

Enfin la troisième représente le stade où la coquille, qui commence à s’enrouler, se 
place dans une direction oblique par rapport à l’axe médian du pied. 


À, cellules anales, anus et pneumostome; 2, bouche; €, coquille ; 47, manteau; P, pied; 
gle, ganglions cérébroïdes; glp, ganglions pédieux. 


Au moment de la formation de l’adulte, les phénomènes rede- 
viennent intéressants pour nous. 

La coquiile et le pied qui avaient gardé jusque-là des dimensions 
relatives peu considérables, au moins en ce qui regarde la coquille, 
vont se développer rapidement, et l’enroulement de la coquille se 
produit comme l'indique la figure 2f. Ce phénomène, qu’on observe 
chez l'animal sur le point de devenir adulte, est indépendant de la 
torsion larvaire ou de la déviation larvaire. | 

Jusqu'à ce moment, le Pulmoné à coquille enroulée s’est comporté 
comme le Pulmoné à coquille symétrique ou le Pulmoné sans co- 
quille; mais, à partir du stade où la coquille prend son grand déve- 


ARCH,. DE ZOOL, EXP, ET GEÉN. — 3€ SÉRIE. — T. VII. 4899. 19 


290 L. BOUTAN. 


loppement, le pied se place obliquement par rapport à elle et l’en- 
roulement de la coquille devient dextre dans les cas normaux t. 


XVI 
DÉVELOPPEMENT DE L ONCIDIELLA. 


s 


On sait que les Oncidies sont des Mollusques à place indéter- 
minée qui semblent se rapprocher, par la plupart de leurs carac- 
tères, des Pulmonés, mais qui présentent un anus terminal et semble 
extérieurement parfaitement symétrique, quoique leur organisation 
interne montre une certaine asymétrie, notamment pour le cœur et 
la glande génitale. | 

Le développement de lOncidiella est donc particulièrement inté- 
ressant à étudier dans le cas particulier qui nous occupe, à cause de 


la position médiane et terminale de l’anus. 


La larve jeune a été dessinée par M.J. Joyeux-Laffuie® dans l’im- 
portant travail qu'il a publié sur l’organisation et le développement 
de l’Oncidie (Oncidiella). 

Elle présente les caractères typiques de la larve symétrique des 
Mollusques ; mais, au stade figuré, le pied ne s’est pas encore diffé- 
rencié sous forme d’une proéminence nettement marquée (fig. 22), 
et l’auteur n’a malheureusement pas figuré un stade un peu plus 
avancé où le pied devait faire saillie et où les cellules anales deve- 
naieni reconnaissables. 

Fort heureusement, le texte du mémoire ne laisse pas de doute à 
ce sujet : 


« Le pied, dit M. Joyeux-Laffuie, est un des premiers organes qui 


1 Dans les formes sénestres, le pied se place probablement obliquement, par rap- 
port à la coquille, dans une position symétrique à celle qu'occupe du pied dans les 
formes dextres, mais c’est là une simple hypothèse que je n’ai pu soumettre au con- 
trôle des faits. 

2? J. Joyeux-Larrule, Organisation et développement de l’'Oncidie (Oncidium Celti- 
curn, Cuv.) (Archives de zoologie expérimentale et générale, t. X, 1882), 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 291 


apparaissent chez l'embryon, au moment où l'embryon, à l’état de 
gastrula sphérique, commence à se déformer. Il se montre sous 
forme d’une sorte de bosse faisant saillie au-dessous de la bouche. 
A mesure que l'embryon se développe, cette protubérance s'accroît, 


ses dimensions verticales, primitivement à peu près égales aux dimen- 


vole He rant.J07Pœ1l 


L'HenLe pulbe 
AN gangl.c. Ayo qui 
DER “ EN ‘buccal 
1, x A RE 
{ à3T __--Bouche RARES (UC 
\ ! Æ \ SE \radula 


Quatre stades du développement de l’Oncidiella, d’après J. Joyeux-Laffuie. 


La première figure représente la larve très jeune au stade symétrique. 

La deuxième, la larve vue de profil au stade velligère, 

La troisième, la larve au moment de la résorption du voile et de la chute de la 
coquille, 


Enfin la quatrième, une larve presque adulte, vue par la face dorsale et fortement 
comprimée. 


sions transversales, augmentent beaucoup plus rapidement que ces 
dernières, de sorte que cette bosse en forme de cône prend bientôt 
une forme de langue, en même temps qu’elle se pédiculise ; la face 
antérieure devient plane, l'extrémité inférieure se termine en pointe, 
tandis que l'extrémité supérieure, au-dessus de laquelle se trouve la 
bouche, est à peine arrondie et présente un bord légèrement échan- 
cré vers le milieu, 


992 L. BOUTAN. 


« Un peu après l’apparition des longs cils du bord du voile, on voit 
la saillie qui doit former le pied se couvrir de cils vibratiles petits, 
bien visibles qu’à de forts grossissements. Ils apparaissent d’abord 
près de la bouche ; puis gagnent progressivement toute la surface 
jusqu’à la pointe du pied. D'abord très petits, ils augmentent un peu 
en longueur, mais n’atteignent jamais que de faibles dimensions; 
cependant, tout à fait à l'extrémité de la pointe du pied, se voit une 
houppe de eils plus longs que les autres. 

« Les cils du pied persistent jusqu’au moment de la métamorphose, 
époque où, le voile disparaissant et la coquille tombant, l’animal 
commence à se servir de son pied comme organe de locomotion pour 
ramper à l’intérieur de l'œuf. » 

La formation de l’invagination coquillière est normale, ainsi que 
l'indique la description de l’auteur. 

« À ce moment du développement, ajoute M. J. Joyeux-Laffuie, on 
voit apparaître, en un point à peu près opposé à la bouche, une 
invagination ; c’est l'invagination préconchilienne qui va donner 
naissance à la coquille. En ce point, les cellules ectodermiques se 
multiplient plus rapidement que dans les points voisins; mais, au 
lieu de faire saillie à l'extérieur, par exemple, comme pour le pied, 
elles déterminent une saillie à l’intérieur en s’invaginant. Îl se creuse 
là une cavité qui ne tarde pas à prendre beaucoup d'extension, mais 
surtout en largeur et non en profondeur. 

« On peut reconnaître le point où va se faire l’invagination pre- 
conchilienne à ce que les cellules ectodermiques, au lieu de se di- 
viser comme dans les autres points de l'embryon, se divisent en 
rayonnant, Ce qui produit bientôt une sorte de rosette qui s'enfonce 
en son centre et forme ainsi une invagination. La forme allongée des 
cellules s'aperçoit nettement lorsque l’on comprime un embryon la- 
téralement. Ces cellules sont moins foncées que les cellules voisines, 
les granulations y sont en moins grande quantité. Peut-être cet 
éclaircissement est-il dû à leur rapide multiplication. 


« Gette invagination préconchilienne, au lieu de se faire en pro- 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 293 


fondeur, s'étend parallèlement à la surface et croît ainsi en gran- 
deur. Dans son intérieur se forme la coquilie, qui grandit au fur et 
à mesure que l'invagination augmente. Les premiers rudiments de 
la coquille sont difficiles à voir, et on ne la distingue nettement que 
lorsqu'elle a déjà atteint une certaine étendue ; cela tient fort pro- 
bablement à sa grande transparence. Elle se montre d’abord sous 
forme de verre de montre et est située sur le dos de l'embryon; 
puis, grandissant beaucoup plus vite du côté dorsal que du côté 
ventral, elle prend bientôt l’aspect d’un bonnet phrygien à sommet 
arrondi. Toujours elle m’a paru sensiblement symétrique ; mais je 
dois dire qu'il est fort difficile de reconnaître un léger degré d’asy- 


métrie dans les conditions où on l’observe. » 


Ce travail remonte à 1882, et, à cette époque, la technique n'avait 
point encore acquis son entier développement et l’on ne pratiquait 
guère de coupes en série dans les embryons; cependant les indica- 
tions fournies par ce travail sont très suffisantes pour nous rendre 


compte de l’évolution de l’Oncidie. 


Un seul point reste obscur dans la description que fournit le savant 
professeur. 

« L'observation de l’anus est difficile, dit-il, et je ne puis rien dire 
de précis sur sa formation, sur son époque d'apparition et sur les 
modifications qu'il subit. » 

« IL est probable, dit-il plus loin, que l’anus se formeici comme chez 
un grand nombre de Gastéropodes, par l’enfoncement de l’ectoderme. 
Situé primitivement du côté droit de l’animal, il se déplace et finit 
par occuper, chez l'adulte, la ligne médiane. » 

Les faits exposés plus haut ne me permettent pas de partager l'avis 
de l’auteur, et Je crois qu’une observation attentive des premières 
phases du développement nous montrerait tout d’abord l’anus sur la 
ligne médiane, et que ce n’est que plus tard que s’effectue son trans- 
port sur le côté droit. 


294 L. BOUTAN. 


Ces réserves faites, l'examen des figures publiées par M. Joyeux- 
Laffuie me paraît prouver que l’animal, d’abord symétrique à l’ori- 
gine, comme toutes les larves de Mollusque, avait son anus ou tout 
au moins ses cellules anales placés entre la coquille et le pied, mais 
qu'à la suite de la flexion ano-pédieuse, la coquille larvaire s’est 
largement développée et qu'il s’est produit vraisemblablement un 
rapprochement entre la coquille et le pied. 

La figure 22, n° 2, nous montre avee évidence la déviation laté- 
rale de l'anus, quoique l’orifice anal n'ait pas été dessiné par l’au- 
teur et qu'il n’ait indiqué que le trajet du rectum. 

Les traces d’asymétrie de l'Oncidie adulte s'expliquent donc par la 
déviation larvaire, mais la question la plus intéressante du dévelop- 
pement de l’Oncediella se pose maintenant. 

Comment l’anus, au lieu de rester sur le côté, est-il ramené sur la 
ligne médiane ? 

La figure 22, n° 3, que j'emprunte encore à M. Joyeux-Laffuie, me 
paraît l’indiquer suffisamment. La coquille larvaire, d'abord bien 
développée, cesse de grandir et le manteau seul s’étend sur toute la 
surface dorsale de l’animal., Cette coquille larvaire va disparaître aux 
stades suivants et le pourtour du manteau va s’accroître énormé- 
ment, dépassant de beaucoup celui du pied. 

Si nous comparons le développement de l’Oncidiella avec celui de 
la Limace, par exemple, nous constatons cette différence fondamen- 
tale : le manteau, au lieu de rester stationnaire dans son développe- 
ment comme chez la Limace, a pris un développement en surface 
aussi considérable que celui du pied. 

Par suite du développement de la périphérie du manteau, l’anus, 
primitivement dévié, doit se trouver reporté en arrière sur la ligne 
médiane. C’est un phénomène de régularisation secondaire, qui se 
produit à la fin de l’évolution larvaire; il ne modifie qu’en partie 
l’asymétrie primitive causée par la déviation larvaire, et l’on pour- 
rait la désigner sous le nom de détorsion, si ce mot n'avait été pris 
dans un autre sens. 


CR M 


ASYMÉTRIE DES MOLEUSQUES GASTÉROPODES. 295 


XVII 


DÉVELOPPEMENT DES OPISTOBRANCHES. , 


Dans les Opistobranches (Euthyneures marins) nous avons à envi- 
sager deux cas, celui des Nudibranches et celui des Tectibranches. 

Quand on étudie la littérature sur le développement des Opisto- 
branches, on est étonné de la pauvreté des renseignements qu’on y 
trouve. De nombreux travaux sont encore nécessaires pour nous 
fournir les renseignements indispensables sur ces animaux, et l’ab- 
sence de documents précis est des plus regrettables. 

J’ai dû, pour me guider et connaître avec précision la position des 
divers orifices de la larve des Nudibranches, reprendre l'étude sur le 
vivant de l’£'olis papillosa. 

En colorant les larves, isolées de la ponte ou placées encore au 
milieu de la glaire, à l’aide de la coloration physiologique au bleu de 
méthylène *, j'ai pu m'assurer, non seulement de la forme extérieure 
de la larve, mais reconnaitre également la position de l’anus qu’il 
m'imporlait beaucoup de déterminer exactement. 

La larve jeune nous montre la disposition symétrique du voile, de 
la bouche, du pied, de la coquille et des cellules anales, que nous 
avons déjà tant de fois signalée (fig. 23). 

Le voile se développe rapidement et prend une forme bilobée, la 
coquille s'étale aux dépens de l'invagination coquillière et le man- 
teau se rapproche du pied, pas assez, cependant, pour l'empêcher de 
s’étaler, ce qu’il fait sans difficulté, ainsi qu’on peut s’en assurer par 
l'observation directe. La coquille larvaire, qui va bientôt disparaître 
dans les stades ultérieurs, a pris la forme caractéristique représentée 
figure 23, à droite. 

Le tortillon rudimentaire ne change pas de position, car on ne 


constate aucune torsion larvaire, mais sur des embryons de trois 


1 C’est après vingt-quatre heures environ de séjour de l’eau colorée en bleu que 
l'élection m'a paru la meilleure. 


296 L. BOUTAN. 


semaines environ (fig. 23), on assiste, comme chez les Pulmonés, à 
la déviation larvaire. 
. En effet, sur le côté droit du pied, le manteau s’est creusé d’une 


invagination palléale assez profonde, et à ce niveau on distingue, 


\| otocyste 


Principaux stades du développement d’Eolis papillosa. 


La première figure représente la larve symétrique. 

Les figures 2 et 3 montrent un embryon au stade velligère vu de profil et par la face 
pédieuse, de manière à mettre en évidence la déviation larvaire. 

La figure 4 représente une coquille larvaire correspondant au stade suivant. 

La figure 5 montre un embryon de trois semaines vu par la face pédieuse. 

La figure 6, un embryon plus âgé vu de profil au moment de la disparition du voile. 

La figure 7, un embryon vu par la face dorsale au moment de la formation de 
l’adulte. ; 

Enfin la figure 8, empruntée à Schultze, représente une larve d’Eolis exigua après 
la disparition de la coquille. 


lorsque la coloration physiologique est convenable, la partie termi- 
nale du rectum qui aboutit à l'anus, dans le voisinage d’un îlot de 
cellules fortement colorées et représentant un organe d’excrétion 
larvaire. 


Sous lPaction du bleu de méthylène, on aperçoit également un 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 297 


point coloré en vert situé dans la profondeur du corps, non loin de 
l’otocyste, et dont la signification reste énigmatique. Est-ce une 


glande larvaire ? Je n’ai pu trancher la question. 


Le voile vers ce stade s’est encore agrandi, mais il est fortement 
échancré en son milieu, point où s’ouvre la bouche (fig. 23, deuxième 
ligne). 

La coquille a cessé de s’accroître. Elle semble avoir pris son maxi- 


Fig. 24. 


Figures schémaliques montrant l'interprétation du développement 
de Tergipes Edwarsü éludié par Nordmann. 


(Les lrois figures représentent des larves de plus en plus âgées à partir du stade 
velligère, après que la déviation larvaire de l’anus a atteint son maximum. Elles 
sont destinées à faire comprendre comment se produit la régularisation qui 
ramène l’anus sur la ligne médiane.) 


Toutes les larves sont représentées vues par la face pédieuse ou ventrale. 


mum de aéveloppement, et lorsque l'animal est sorti de la glaire 
(trois semaines au moins après la ponte), on constate que la coquille, 
légèrement asymétrique du côté gauche, mais très faiblement enrou- 
lée, est sur le-point de disparaître. 

On arrive alors au stade qui à déjà été représenté par Schultze pour 
le développement d’Æolis exigua, où la coquille est tombée et où 
l'anus est devenu médian (fig. 923). 

Les faits précédents nous permettent d'interpréter les observations 


298 L. BOUTAN. 


de Nordmann!, qui a publié, il y a longtemps, un mémoire sur le 
développement de Zergipes Edwarsû (fig. 24). 

Le procédé de développement qui nous paraît comparable à celui 
que nous avons essayé de mettre en évidence dans Oncrdrella. Le 
pourtour du manteau, prenant un accroissement aussi considérable 


que le pied, l’anus se trouve ramené sur la ligne médiane par un 


Lo e 


He n25: 


Trois stades du développement de Cawolinia dentata destinés à montrer 
la déviation larvaire chez les Ptéropodes. 


phénomène de régularisation qu'on pourrait désigner sous le nom 
de détorsion, si ce mot n'avait été employé dans un tout autre sens 
par certains auteurs. 

Nous reviendrons plus longuement sur ce sujet dans la troisième 
partie de ce travail, au moment de la discussion des faits. 

Je n’oserai pas être aussi affirmatif sur le développement des autres 
Nudibranches, tels que les Doris. 


1 NorpMaANN, Tergipes Edwarsii, développement (Annales des sciences naturelles, 
30 sér., t. V, 1846), 


c+ 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 299 


Il serait très intéressant de voir comment l'anus devient dorsal 
chez ces animaux, mais si le phénomène de la déviation larvaire et 
l'absence de torsion larvaire sont faciles à mettre en évidence, nous 
manquons de documents pour expliquer la position de l’extrémité 


rectale chez ces animaux. 


Je n’ai pas non plus à citer d'observations personnelles sur les Tec- 


 tibranches; cependant, le travail bien connu de Blochmann! sur 


l’Aplysia limacina me paraît confirmer mes vues quant à la position 
de l’anus sur la larve symétrique. 

Le cas des Tectibranches me paraît se rapporter, au point de vue 
de la position de la coquille et de l’anus, par rapport au pied, à celui 
des Limaces analysé plus haut, où le manteau et la coquille prenant 
un accroissement relativement faible par rapport au pied, ces deux 
organes se trouvent reportés sur la face dorsale par le développe- 


ment exagéré de l'organe locomoteur. 


A côté des Opistobranches nous devons signaler également les 
Ptéropodes. 

Nous n’avons pu étudier sur le vivant les larves de ces animaux, 
mais les belles figures d'Hermann Fol sur le développement de Cavo- 
linia tridentata (fig. 25) me paraissent établir clairement l'absence 
de torsion larvaire. La déviation larvaire est au contraire des plus 
faciles à reconnaître dans les trois figures que nous donnons plus 
haut. 


1 F. BLocHManN, Beiträge zur Kenniniss der Entwicklung der Gasteropoden (Zeitsch. 
Î. Wissensch. Zool., Bd. XXXVI, 1883). 


300 L. BOUTAN. 


TROISIÈME PARTIE. 


DISCUSSION DES FAITS ET CONCLUSIONS. 


XVIII 


CONSÉQUENCES A TIRER DES FAITS FOURNIS PAR L'ÉTUDE DU DÉVELOPPEMENT 


DANS LES DIFFÉRENTS TYPES DE GASTÉROPODES. 


L'Acmæa, larve parfaitement symétrique à l’origine, nous a mon- 
tré une coquille régulière et symétrique. Cette coquille", en s’accrois- 
sant vers le pied, refoule l’anus (flexion ano-pédieuse), puis arrive au 
contact du pied, l'enveloppe en avant et le maintient redressé contre 
le voile. 

Voilà les premiers faits que nous avons observés. 

Puis, brusquement, la larve subit la torsion larvaire et nous voyons 
que, par suite d’une rotation de 180 degrés, les rapports entre le 
pied et la coquille se trouvent changés, la portion ventrale de la co- 
quille devenant la portion dorsale, et l’anus, situé au-dessous du 
pied, se plaçant sur le dos de l’animal. 

Voilà la seconde catégorie de faits que nous avons observés. 

A partir de cette torsion, la larve, restée symétrique en appa- 
rence, parce que la coquille n'a subi aucune déformation, mais 
profondément modifiée au point de vue de la symétrie interne 
de ses organes, continue à se développer et donne naissance, par 
une série de transitions, à l’animal adulte, muni d’une coquille 
symétrique, qui provient, par accroissement direct, de la coquille 
larvaire. 

Voilà la troisième catégorie de faits résumée. 

Nous pouvons en conclure tout d’abord que l’asymétrie interne de 
l’Acmæa, consécutive; à la torsion larvaire, n'est pas causée par la 
forme asymétrique de la coquille. 

1 Par coquille, je sous-entends coquille et manteau qui lui donne naissance. 


mé. : 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 301 


Chez l’Æaliotis, les deux premières catégories de faits se trouvent 
reproduites dans leur ensemble (courbure anale, torsion larvaire); 
mais, à partir du stade où l'animal se transforme en adulte, nous 
constatons une modification importante. 

La coquille larvaire restée symétrique à la suite de la torsion, se 
poursuit, lorsque l’animal commence à ramper avec son pied, sous 
forme d’une coquille qui s'agrandit considérablement du côté droit. 

La coquille larvaire, par suite de cette croissance asymétrique des 
lames calcaires du test, se penche de plus en plus sur le côté gauche 
et prend l'apparence, mais l’apparence seulement, d’une coquille 
asymétrique enroulée sur le côté. 

Nous pouvons conclure immédiatement de ces faits, qu'il y a éndé- 
pendance, au moins dans les deux types considérés, entre la torsion lar- 
vatre (qui laisse, entre autres traces, la chiastoneurie du système 
nerveux) ef l’enroulement de la coquille. 

De plus, puisque l’Acmæa, qui a subi la même torsion larvaire que 
l’'Haliotis, garde pendant toute sa vie une coquille symétrique, quoi- 
que ses principaux organes et, en particulier le système nerveux 
soient tordus, nous pouvons en déduire que la torsion larvaire peut coin- 
cider avec une symétrie complète de la coquille et qu'il y a indépendance 
entre le phénomène de la torsion larvaire et celui de l’enroulement de la 
coquille. 

Ceci est une conclusion directe et qui n’a rien d hypothétique. 

Nous pouvons conclure avec autant de certitude, en nous ap- 
puyant sur l'exemple de l'Haliotide, que la torsion larvaire peut se 
produire comme dans le cas précédent, mais qu'à la coquille larvaire 
Symélrique peut succéder, par voie directe, une coquille adulte asymé- 


trique et dextre. 


. L'étude des autres formes chiastoneures archaïques (Fissurelle, 
Patelle, Troque, etc.), montre quela torsion larvaire est un phénomène 
général chez ces animaux; mais l’exemple de la Paludine semble 


indiquer que, dans certains Prosobranches, la torsion larvaire ne se 


302 L. BOUTAN. 

produisant que lorsque la coquille s’est suffisamment rapprochée du 
pied, cette torsion larvaire peut être quelque peu retardée lorsque 
ce rapprochement s'effectue relativement tard. 

La chiastoneurie du système nerveux coïncide dans tous les développe- 
ments étudiés avec la torsion larvaire et l'exemple de l'Acmæa prouve 
que la cheastoneurie est la conséquence de la torsion larvaire. 

Le développement de l’Acmæa démontre également que /a torsion 
larvaire suffit pour imprimer le caractère d'asymétrie interne au Mol- 


lusque qui se développe extérieurement d'une manière symétrique. 


Telles sont les premières conséquences que nous pouvons immé- 
diatement tirer de l'examen des faits exposés. 

La première catégorie de faits que nous avons observés chez 
l'Acmæa concorde avec l'observation de Pelseneer, relative à la cour- 
bure anale (désignée sous le nom de torsion ventrale par cet auteur), 
avec ceci en plus, que le déplacement de l’anus vers le pied est 
causé nettement, chez l’Acmæa et l’ÆHaliotis, par le déplacement du 
bourrelet palléal et l'accroissement de la coquille. 

La deuxième catégorie de faits concorde avec les observations de 
Bütschli sur le déplacement du complexe anal {réduit à la cavité du 
manteau, à l'anus el aux reins primitifs !), avec ceci en plus que chez 
l’'Acmæa et l’Haliotis, le déplacement du complexe anal, résultat de 
la torsion larvaire primitive, est accompagné de la rotation de la 
coquille et se produit avec une brusquerie qui ne saurait s’expliquer 
seulement par une croissance inégale du bord du manteau, crois- 
sance à laquelle il faudrait supposer une rapidité vertigineuse, si elle 
était la cause efficiente du phénomène. 


L'étude rapide que nous avons faite des Pulmonés et des Opisto- 
branches marins nous a montré que, chez Planorbis, Limax et 
Helix, la première partie de l'évolution suivait très sensiblement la 
même marche. 


! Nous ne pouvons, en effet, faire figurer dans le comp'exe anal larvaire les 
branchies. 


ASYMÊTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 303 

L’œuf encombré de matériaux nutritifs évolue à l’abri d’une coque 
épaisse. La flexion ano-pédieuse est faible, presque virtuelle dans le 
cas de l’Aelix. La coquille et le manteau se développent peu, tandis 
que le pied, au contraire, prend relativement de fortes dimensions. 


Voici la première catégorie de faits que nous a montré le dévelop- 


pement des Pulmonés. 


Schéma indiquant comment se produit l’asymétrie dans les Gastéropodes. 


La figure à gauche représente une forme symétrique qui n'aurait subi ni torsion ni 
déviation larvaire. 

La figure au milieu represente la forme chiastoneure après la torsion larvaire. 

La figure à droite représente la forme orthoneure après la déviation larvaire. 


B, bouche; gc, ganglions cérébroïdes ; gp, ganglions pédieux ; @4, @2, ganglions palléaux ; 
43, &,, as, autres ganglions du centre asymétrique (ganglions sus-intestinal, sous-intestinal et 
viscéral), 


Vainement, j'ai cherché, chez eux, une indication de la torsion lar- 
vaire que j'avais mise en évidence dans les Chiastoneures: c'est là que 
se trouve le fossé qui sépare les deux formes principales des Gastéropodes. 

Au lieu de la torsion larvaire entraînant la rotation de toute la 
partie inférieure du corps de l’animal, nous avons constaté une 
simple déviation portant exclusivement sur la région anale. 

J'ai essayé de traduire cette différence, qui me paraît capitale, et 
qui donne la clef des différences que l’on constate entre les Chiasto- 
neures et les Orthoneures dans le schéma figure 26. 


304 L. BOUTAN. 


Que l’on suppose deux boules solides réunies, comme l'indique la 

figure 26, par un anneau de caoutchouc traversé lui-même par un 
tube en caoutchouc pénétrant dans l’intérieur des deux boules. 

| La boule supérieure représente la tête et le pied du Mollusque; la 

boule inférieure, la partie inférieure du corps recouverte par le 

manteau et la coquille. 

L’anneau de caoutchouc figure le bourrelet périphérique du man- 
teau, avec l’anus attaché en l’un de ses points. 

Le tube de caoutchouc imite la partie antérieure du tube diges- 
tif (l’æœsophage moins le bulbe radulaire et la bouche proprement 
dite). | 

Si nous tournons la boule inférieure de 180 degrés, en mainte- 
nant fixe la boule supérieure, ainsi que le représente la figure 26 (au 
milieu), nous imiterons la torsion larvaire et nous fabriquerons un 
Chiastoneure. 

Si nous maintenons les deux boules fixes et que nous pressions 
entre les doigts l’anneau de caoutchouc (fixé aux deux boules et au 
tube central) en lui imprimant un mouvement de rotation, nous 


imiterons la déviation larvaire et nous fabriquerons un Orthoneure. 


Maintenant que nous avons précisé notre pensée et indiqué d’une 
manière simple la différence fondamentale qui sépare le développe- 
ment des Chiastoneures et des Orthoneures, poursuivons l’examen 
rapide des faits. 

Après la déviation larvaire et l'établissement définitif d’un certam 
nombre d'organes, Planorbis, Limax et Helix cessent de se com- 
porter de la même façon; nous approchons, en effet, de l’époque de 
l’éclosion et les larves vont prendre les caractères de l’adulte. 

Dans la Limace, le pied se développe beaucoup, la tête et le cou 
s'allongent, tandis que le manteau et la coquille restent rudimen- 
laires. 

Dans la Planorbe, le pied et la coquille prennent un développe- 


ment moyen, et la coquille reste sensiblement dans l’axe du corps: 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 309 


Enfin dans le Limacçon, la coquille s'accroît plus que le pied. Elle 


est déviée sur le côté et ne reste plus dans l’axe du corps. 


Tout ceci constitue des phénomènes secondaires indépendants des 
premiers phénomènes observés. Si nous considérons maintenant les 
types moyens représentés par les Opistobranches marins, nous trou- 
vons d'abord l’Oncidie, que nous pouvons prendre comme type in- 
termédiaire. Son développement se rapproche de celui des Pulmonés 
par la flexion ano-pédieuse et par la déviation larvaire, mais sa 
coquille, destinée à disparaître par la suite, se développe de meil- 
leure heure, sans cependant gêner l’extension du pied. 

Après la chute de cette coquille, on constate un accroissement 
considérable de la périphérie du manteau et du pied, et une régula- 
risation qui ramène l’anus sur la ligne médiane. Ge fait, que nous 
n'avions pas constaté chez les Pulmonés, se retrouve chez les Nudi- 
branches tels que l’Æolis et représente l'inverse de ce que nous avions 
observé dans la Limace. 


Sur les Tectibranches, nous n’avons que peu de renseignements; 
cependant, eux aussi, ne paraissent subir que la déviation larvaire. 
Leur évolution semble se rattacher en partie à celui d’une Limace 
dont la coquille se serait faiblement développée. 

Comme chez les Pulmonés sans coquille, cette dernière, chez les 
Tectibranches, se développe généralement très peu, et la partie 


pédieuse et céphalique prédomine de beaucoup. 


Comment expliquer, dans ces conditions, que l’Actéon, par 
exemple, tout en présentant l'organisation d'un Orthoneure typique, 
ait un système nerveux assez dévié pour qu'on l’ait rapproché du 
système nerveux d’un Chiastoneure ? 

Je ne puis, pour le moment, fournir une explication complète de 
ce fait. On peut supposer, cependant, que la différence notable que 
l’on à constatée, à ce point de vue, entre la Limace et l’Actéon doit 


ARCH,. DE ZOOL. EXP. ET GEN. — 3€ SÉRIE. — T, VII, 1899. 20 


306 L. BOUTAN. 


tenir à ce que le déplacement secondaire, qui se produit au moment 
de l’éclosion, chez la Limace, et qui refoule la coquille ou tout au 
moins le manteau sur le dos de l’animal, doit se produire de très 
bonne heure chez l’Actéon à un moment où les ganglions nerveux 
ne se sont pas encore différenciés de l’ectoderme et peuvent être 
encore entraînés par le déplacement des téguments. 


En passant en revue rapidement le développement des Pulmonés 
avec ou sans coquille et des Opistobranches avec ou sans coquilles, 
jusqu’à un stade voisin de l’adulte et en laissant de côté, pour le 
moment, l’enroulement de la coquille, nous avons constaté : 

4° Que les embryons de ces animaux subissent, comme les em- 
bryons des Gastéropodes chiastoneures, la courbure ano-pédieuse à 
des degrés très divers qui semblent être sous la dépendance de la 
plus ou moins grande abondance des réserves nutritives; 

9° Que, chez aucun de ces animaux, nous n’observons la tor- 
sion larvaire, comme nous l’avions constatée chez les Chiasto- 
neures ; 

3° Que, chez tous, nous constatons la déviation larvaire reportant 
l’anus (complexe anal) sur le côté du corps soit à droite, soit à 
gauche, selon que nous avons affaire à une forme sénestre ou à une 
forme dextre. 

Il existe donc une différence fondamentale dans le cours du dévelop- 
pement entre les Gastéropodes chiasioneures et les Gastéropodes ortho- 


neures. 


Nous pouvons nous demander maintenant quelle est la cause de la 
torsion larvaire et de la déviation larvaire ? 

Les différents faits signalés chez l’Acmæa et l’Haliotis ne peuvent 
se concilier avec l'hypothèse de Lang, qui admet, pour expliquer 
l’asymétrie du corps des Mollusques, une cause mécanique, le dé- 
faut d'équilibre de la coquille, dont le déplacement du centre de 
gravité amènerait d’abord la chute de cette coquille sur le côté et 


ASYMÊTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 307 


ensuite le déplacement du complexe anal (voir pour plus de détails 
lPhistorique). 

Is ne peuvent pas davantage se concilier avec l'hypothèse de 
Plate, qui admet comme cause mécanique le développement inégal 
du foie, puisque cet organe se trouve à l’état d’ébauche rudimentaire 
au moment de la torsion larvaire. 

Nous avons ainsi éliminé les causes mécaniques invoquées jus- 
qu'ici pour expliquer la torsion du corps et l’enroulement de la 
coquille. Il en est une cependant qui se présente tout naturellement 
à l'esprit, quand on se retrace la série des faits que nous venons de 
signaler. 

Dans l'Acmæa, comme dans l’Aalhotis, le rapprochement de l'anus 
et du pied s’est produit au moment où la coquille prenait un déve- 
loppement considérable vers le pied, et il est arrivé un moment où 
cet accroissement a été tel, que la coquille a maintenu le pied 
redressé contre le voile, dans une position qui paraît très défavo- 
rable à l'animal. 

Il en est de même chez les autres Chiastoneures. 

Chez aucune forme orthoneure, nous n’avons constaté le même 
phénomène. 

Chez les Orthoneures, en effet, si la coquille embryonnaire prend 
un grand développement (Nudibranches), elle est caduque. Dans les 
autres cas, son développement embryonnaire est trop faible pour 
amener un conflit véritable entre la coquille et le pied. 

Le rapprochement de ces deux organes n’a eu pour effet qu'une 
déviation de l’anus. 

Il semble donc légitime de dire que, chez les (astéropodes, lors- 
qu'après le stade symétrique, l'antagonisme de croissance, entre le pied 
et la coquille, est tel que l'extension du pred devient impossible, l'asy- 
métrie se produit par la torsion larvaire. 

L'étude du développement des Pulmonés et des Opistobranches 
montre, au contraire, que lorsque l’antagonisme de croissance de la 


coquille et du pied ne se produit que dans une faible mesure et sans 


308 L. BOUTAN. 
empêcher l'extension du pied, /a torsion larvaire est remplacée par la 
déviation larvaire et l’asymétrie du Mollusque est beaucoup moins pro- 
fonde (orthoneurie au lieu de chiastoneurie). 

Dans tous les cas, il paraît logique d'admettre que la cause prin- 
cipale de l’asymétrie des Gastéropodes réside dans l’antagonisme de 
croissance, entre le pied et la coquille. 


L'étude des autres Mollusques confirme encore cette conclusion. 


XIX. 


POURQUOI LE NAUTILE PARAIT A L'ENVERS DANS SA COQUILLE. 


Les échantillons de Nautile sont choses relativement rares dans 
nos collections, et ce n’est d'ordinaire qu'après avoir manipulé un 
certain nombre de Gastéropodes, que les naturalistes ont occasion 
d'étudier les échantillons complets de ces Céphalopodes. 

L’impression qu'on éprouve généralement, lorsque l’animal est 
entier et en position dans sa coquille, est que le Nautile est placé à 
l’envers, par rapport à cet organe. 

À quoi tient cette impression ? 

Évidemment à ce que les autres Gastéropodes que nous avons 
d'habitude sous les yeux ont une position inverse à celle que rous 
observons chez le Nautile. 

Si les Nautiles étaient actuellement aussi abondants qu’aux temps 
géologiques et si les naturalistes commençaient ‘éducation de leur 
œil par cet animal, il ne me paraît pas douteux qu’à la vue du pre- 
mier Gastéropode qu'ils auraient occasion d'examiner, ils éprouve- 
raient l'impression que ce sont ces derniers animaux qui sont à 
l'envers dans leur coquille. 

Si nous considérons, en effet, l'anatomie du Nautile ainsi que de 
tous les Céphalopodes vivants, nous constatons une symétrie bilaté- 
rale bien nette, tous les organes sont pairs; la bouche, le pied et 
l'anus sont placés du même côté sur la ligne médiane. 


En comparant, maintenant, cet animal adulte à la forme larvaire 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 309 


d'un Chiastoneure avant la torsion, nous trouvons exactement la 
même position relative des différents organes. 

La différence réside seulement dans le perfectionnement de ces 
organes. Si le Gastéropode chiastoneure ne subissait pas de torsion, 
la coquille prendrait, par rapport à lui, les mêmes rapports que dans 
le Nautile, à moins que des phénomènes secondaires n’intervien- 
nent pour modifier cette disposition primitive dans le cours de l’évo- 
lution. 

Quoique le développement du Nautile soit inconnu, on peut donc 
préjuger, d’après les considérations précédentes, que, dans cet ani- 
mal, la coquille larvaire doit se développer de bonne heure et 
prendre l'aspect qu’elle a dans une forme chiastoneure, telle que 
l'Acmæa, par exemple. 

Le Nautile doit donc subir, à l’état larvaire, la flexion ano-pédieuse 
constatée chez tous les Gastéropodes, mais particulièrement accen- 
tuée chez ces derniers. 

Pourquoi ne subit-il pas la torsion larvaire? 

Vraisemblablement à cause du faible développement de son pied 
qui prend naissance autour de la bouche et n’a pas de tendance à 
s’élaler. 

L’enroulement nautiloïde, commencé en arrière, se poursuit en 
arrière. S'il est semblable à celui de la larve du Chiastoneure avant 
la torsion, il est, cependant, en sens contraire de celui des Ortho- 
neures. Ce fait tient à ce que, chez le Nautile, il ne se produit aucune 
des causes secondaires qui tendent à modifier le sens de l’enrou- 
lement. 

La coquille de l’Orthoneure se moule sur la masse viscérale ; il 
n’en est pas de même chez le Nautile, qui sécrète successivement des 
cloisons et abandonne une partie de sa coquille qui n’est plus occupée 
que par le siphon cardiaque. 

Le bord dorsal de la coquille du Nautile paraît donc correspondre 
au bord ventral de la coquille d’un Gastéropode chiastoneure, et l’on 


peut à son sujet formuler l'hypothèse suivante que l'étude attentive 


310 L. BOUTAN. 


de son développement pourrait seule asseoir d’une manière déf- 
nitive : 

Le Nautile subit aussi complètement que les Gastéropodes la cour- 
bure ano-pédieuse, mais se développe ensuite symétriquement, parce 
que l’antagonisme de croissance entre le pied et le manteau ne peut 
se produire, malgré l'énorme développement de la coquille, par suite 
d’une adaptation tentaculaire du pied. 

D'ailleurs, comme le font remarquer MM. Fischer et Bouvier !, la 
coquille peut, sous une influence inconnue, s’enrouler en arrière, en 
spirale dextre ou sénestre chez quelques Céphalopodes ; malheureu- 
sement, les espèces (Turrilites) qui présentent cette conformation 


sont fossiles. 


XX 


POURQUOI L'ACÉPHALE RESTE SYMÉTRIQUE. 


De même que pour Céphalopode, nous nous expliquons la symé- 
irie qui existe chez l’Acéphale adulte par suite du développement 
moyen du pied, que n'est nullement géné dans son évolution par Le déve- 
loppement de la coquille. 

En un mot, l’Acéphale reste un animal symétrique, parce que, 
dans le cours de son développement, la cause qui rompt la symétrie 
du Gastéropode n'existe pas pour lui. 


Si nous étudions le développement d'un Acéphale, nous voyons, à 
l’origine, une larve ciliée (fig. 27) qui est tout à fait comparable à la 
larve de l’Acmæa. 

Comme dans l’Acmæa, la bouche, le pied et l'anus se trouvent sur 
la ligne médiane. 

La seule différence réside dans la coquille, et cette différence peut 
même disparaître dans les larves monstrueuses d'Acmæa (fig. Sy P à 


La coquille de l’Acéphale prend, il est vrai, un développement 


* Fiscner et Bouvixr, Recherches sur l'asymèétrie, loc. cit., p. 179. 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES, 311 


considérable ; mais, au lieu de rester entière et de former une sorte 
de bouclier qui refoule le pied vers le haut comme dans l’Acmæa, 
elle se divise en deux parties, qui laissent subsister une large fente 
dans la partie qui correspond à l'anus et au pied. 

Ce dernier peut donc s'étendre librement ; son développement peut 
s'effectuer tout à son aise. L'animal, pour l’étendre, n’a besoin d’opé- 
rer aucun mouvement derotation. 

Je suis donc amené à dire que l’Acéphale reste symétrique, parce 
que le développement récipro- 
que de la coquille et du pied 
peut se faire sans que ce der- 
nier organe soit gèné dans son 


extension et sans que l’anus 


soit obligé de quitter la ligne 


médiane. Fig. 27. 


À gauche, une larve monstrueuse d’Acmæa, 
- dans laquelle l’invagination coquillière 
Je ferai remarquer en outre donne naissance à une coquille divisée 
sur la ligne médiane. 
A droite, une larve d’Acéphale au commen- 
trie de l’Acéphale se maintient  cement du stade velligère. 


que, si l’on admet que la symé- 


par suite de l’absence de con- (Les deux larves sont représentées par la 
flit entre le pied et la coquille, EE) 
il devient, dès lors, très facile d'expliquer les nombreux traits de 
ressemblance qui existent entre les Acéphales et quelques Gasté- 
ropodes. 

Au lieu de, vouloir comparer les choses qui ne sont comparables, 
comme M. Wegman l’a essayé, par exemple, à propos de l’Æalotis”, 
n'est-il pas plus naturel d'admettre, en constatant les ressemblances 
que présentent certains organes dans les Acéphales et dans les Gas- 
téropodes, de dire que ces animaux dérivent tous deux d’un type 
symétrique, et que les Gastéropodes qui présenteront le plus de res- 
semblance, le plus de points communs avec l’Acéphale, seront ceux 


1 HeNRt WEGMAN, Analomie de l'Haliotis (Archives de zoologie expérimentale et 
générale, 1884). 


312 L. BOUTAN. 


qui ne subissent qu’une première torsion à un stade très jeune et 
qui, à partir de ce moment, se régularisent sans que leur organisme 
subisse de nouvelles déformations ? 

Une différence profonde continuera à subsister au point de vue 
du système nerveux, déjà ébauché à cette époque larvaire : mais les 
autres organes qui feront ensuite leur apparition pourront présenter 
une analogie frappante avec ceux des Acéphales. 

Si la coquille, par exemple, reste symétrique, que l’anus se trouve 
reporté sur la ligne médiane du corps dans une cavité assez vaste et 
symétrique, il se constituera des branchies et des reins symétriques 
comme dans l’Acéphale. 

Si, au contraire, le pied de l’Acéphale ou une partie de cet organe 
prend un développement exagéré chez l'adulte, il peut arriver, comme 
chez l’Anomie !, qu'il y ait conflit avec la coquille et il se produira 
une asymétrie secondaire qui peut masquer la symétrie primitive et 
typique de l’Acéphale. 


XXI 
LES SOLENOCONQUES. 

Les Solenoconques forment un groupe intermédiaire entre les 
Gastéropodes et les Acéphales. Symétriques comme les Acéphales, 
ils ont cependant les principaux organes qu'on trouve chez les Gas- 
téropodes (la radula, etc.). 

Depuis le célèbre mémoire de M. de Lacaze-Duthiers ?, on connaît 
les particularités remarquables que présente le Dentale à l’état adulte 
et à l’état larvaire. 

Voyons si, à l’aide du critérium que nous avons adopté, nous pou- 
vons expliquer sinon sa forme, au moins son apparence symétrique. 

Chez l'adulte, nous constatons que le pied n’a pas le développe: 


ment ordinaire qu'il présente chez les Gastéropodes; au lieu de s’éta- 


1 De Lacaze-Duraiers, Organisation de l’Anomie (Annales des sciences naturelles, 
4864). 

? De Lacaze-DuTriers, Organisation et développement du Dentale (Annales des 
Sciences naturelles, 1856 et 1857). 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 313 


ler, il forme un organe allongé, trilobé, qui sort par l'extrémité d'un 
long tube qui constitue la coquille. Le Dentale ne présente donc, par 
rapport aux autres Gastéropodes, que l'organe locomoteur faiblement 
développé. 

Le développement va nous fournir la clef de son organisation si 
remarquable. 

Au premier abord, la larve jeune paraît très différente de celle de 
PAcmæa (fig. 3). 
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Fig. 28: 
Trois stades larvaires du Dentale, imités de M. de Lacaze-Duthiers. 


La première larve à gauche vue de profil. 
La deuxième est vue par la face ventrale. 
La troisième, beaucoup plus âgée, est vue de prof. 


A,anus; B, bouche; C, coquille; P, pied. 


Cette apparence tient surtout à la présence de trois cercles ciliés, 
qui représentent le voile et font tout le tour de la partie supérieure 
de l'embryon. 

Ce caractère ne me paraît pas avoir une importance primordiale, 
si l'on tient compte que le voile n’est pas toujours formé d’une 
rangée annulaire unique de cellules et que, chez la larve de la 
Patelle, par exemple, il existe normalement deux cercles ciliés. 
A ces différences près, la larve paraît identique aux formes symé- 
triques que nous avons trouvées chez tous les autres Gastéropodes, 


314 L. BOUTAN. 

et la comparaison avec les jeunes larves déjà étudiées peut se faire 
sans difficulté à ce stade, puisque le milieu du voile, la bouche, le 
pied et l’anus, se trouvent, comme d'habitude, dans le plan médian 


. du corps (fig. 28). 


Quelle va être la caractéristique ultérieure de ce développement, 
qui donne un adulte de forme si remarquable ? 

C'est, d’une part, le faible développement du pied et, d’autre 
part, la forme particulière que va prendre le manteau et, par con- 
séquent, la coquille. 

Le manteau va former d’abord une enveloppe largement ouverte 
sur la face venirale (fig. 28); nous avons ici la même disposition fon- 
damentale que chez les Acéphales ; quoique la coquille prenne une 
importance considérable, elle ne va nullement gêner l’évolution du pied 
ni de l'anus, grâce à cette large fente qui subsiste sur la face ventrale 
et rappelle l'écartement des deux valves de l'Acéphale. 

Plus tard, 1l est vrai, cette fente va se souder, transformant la ce- 
quille en un tube ; mais, à ce moment, le pied, déjà en grande partie 
développé, n’a plus aucune tendance à s'étaler comme chez les Gas- 
téropodes normaux, car il est déjà transformé en un organe fouis- 
seur (fig. 28). 

Le Dentale nous paraît donc représenter une forme typique de 
Gastéropode symétrique et son organisation spéciale paraît tenir, 
d'une part, à la forme de la coquille qui permet le développement 
du pied sans torsion larvaire et, d’autre part, à la transformation du 


pied en organe fouisseur. 


XXII 
LE CHITON. 
La première larve du Chiton ressemble, d’une façon frappante, à 


une larve d’Acmæa ou même d’Aalholis. | 
Même couronne de cils (fig. 3) indiquant la position future du 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES, 315 


voile, même houppe terminant la larve et lui donnant son aspect 
caractéristique. 

Si nous poursuivons la comparaison sur des larves plus avancées, 
la ressemblance reste toujours frappante. 

Comme chez l'Acrnæa, comme chez l’Haliotis, le pied se forme 
entre la bouche et l’anus, et nous avons à ce stade une homologie 


complète entre la situation relative des principaux organes. 


A partir de ce moment, une modification profonde apparaît; la 
coquille, qui a commencé à se former et qui présente déjà ces sin- 
gulières divisions qu'on constate chez l’adulte, au lieu de grandir du 
côté du pied, n’empiète pas sur la face ventrale, et, contrairement à 
ce qui se produit chez l’Acmæa et chez l’Haliotis, elle laisse le champ 
libre au pied, qui peut s’allonger librement au-dessous de la bouche. 

Dès lors, l’antagonisme du pied et de la coquille ne se produisant 
pas, il n'existe plus de raisons pour que la torsion primitive subsiste, 
et le Chiton va rester un animal symétrique. 

Le Chiton reste un Gastéropode symétrique, parce que sa coquille lar- 
vaire ne gène pas l’évolution du pied. 

Ïl est bon de remarquer que si l’on compare le Chiton au Gastéro- 
pode, la coquille dorsale du Chiton représente seulement la portion 


ventrale de la coquille primitive du Gastéropode chiastoneure. 


Si l’on admet cette manière de voir et cette absence de torsion chez 
les larves de Chiton, on comprend sans peine pourquoi le système 
nerveux de cet animal reste symétrique, et l’on est amené à regarder, 
avec Thiele, mais pour une toute autre raison, les deux cordons ner- 
veux qui font le tour du corps comme des ganglions palléaux forte- | 
ment allongés. 

Le Chiton me paraît donc être un Gastéropode qui ne subit ni 
flexion ano-pédieuse ni déviation larvaire, un Gastéropode plus 
Orthoneure que les Orthoneures proprement dits. 


On s'explique alors facilement que le Chiton reste Gastéropode 


316 L. BOUTAN. 


par la forme du pied, par la présence de la radula, etc., puisque c’est 
un Gastéropode, et que, cependant, ses principaux organes rappel- 

lent la disposition symétrique de ceux des Acéphales, parce qu'il se 
| rapproche, plus que tout autre Gastéropode, du type symétrique, 
leur point de départ commun, malgré son pied adapté pour la rep- 
tation. 

A ce singulier Gastéropode, il manque cependant quelque chose 
qui ne manque à aucun autre : c’est la commissure viscérale. 

Partant de cette idée théorique que le Chiton est, au point de vue 
du système nerveux, le prototype des Orthoneures, j’ai longtemps 
disséqué de gros échantillons que j'avais rapportés de la mer Rouge, 
dans le but de trouver la commissure viscérale. 

Maintes fois, j'ai cru réussir et mettre en évidence, par la simple 
dissection, un ganglion situé à la base ventrale du rectum, dans le 
voisinage immédiat de l'anus, et relié à la naissance des deux gan- 
glions palléaux (cordons palléaux) par l'intermédiaire de deux longues 
commissures, sur le trajet desquelles je croyais distinguer deux gan- 
glions situés sur la face dorsale, de chaque côté de la glande génitale. 

J'ai dû conclure que je m'étais trompé, lorsque j'ai soumis de 
nouvelles préparations à la méthode des coupes. Il m’a été, en effet, 
impossible de retrouver trace de ce prétendu système nerveux, pas 
plus, du reste, que de celui décrit par Bela Haller (deux ganglions 
situés sur l'estomac). 

Ce résultat négatif m'inspire pourtant quelque défiance, et je me 
demande si un anatomiste plus adroit n’arrivera pas un jour à 
trouver ces centres nerveux que j'ai vainement cherchés. 

En attendant cette trouvaille aléatoire, il y a place pour une autre 
hypothèse : 

Le Chiton est visiblement un type archaïque, il est possible que 
son évolution ne soit pas poussée aussi loin que celle des autres 
Gastéropodes. 

Or, j'ai cru constater que, chez les formes d’allures primitives, 


chez les Chiastoneures, tels que l’Æaliotis, les ganglions corres- 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 317 


pondant aux ganglions sus- et sous-intestinal et au ganglion viscéral 
ne se développent que tardivement. 

Là réside peut-être la véritable explication, la commissure viscé- 
rale ne se développe peut-êlre qu’incomplètement chez le Chiton. Il 
est possible qu’elle se réduise aux deux filets nerveux qu’on voit 
partir des cordons palléaux, avant que ceux-ci ne s’isolent de la 
cavité centrale du corps, le long des muscles qui réunissent la sole 
pédieuse à la coquille fragmentée. 

L'existence de ces deux filets nerveux me paraît hors de doute, et 
ils représentent peut-être une commissure viscérale en voie d’atro- 
phie. 1 


XXIIT 


SUR LA PRÉTENDUE FILIATION DES ORTHONEURES. 


J’aborde dans ce chapitre l’un des objets les plus importants, selon 
moi, de ce mémoire, celui qui prête probablement le plus à la dis- 
cussion, Car il se heurte aux idées actuellement, à peu près généra- 
lement admises. 


Après que les idées d’Ihering sur la double origine des Mollusques 
eurent été abandonnées, la plupart des auteurs modernes ont voulu 
établir la filiation entre les Gastéropodes, en faisant dériver les Ortho- 
neures des Chiastoneures. 

Bouvier, Pelseneer, Plate, entre autres, se basant, par exemple, sur 
l'anatomie d’Acteon et de Chilina, ont cru pouvoir affirmer que les 
Orthoneures provenaient, par détorsion, de formes chiastoneures. 

Quelle est l’idée théorique qui a amené ces auteurs compétents à 
cette conclusion commune ? | 

Elle est facile à isoler de leurs travaux. Cette idée théorique est la 
supériorité d'organisalion des Orthoneures par rapport aux Chiasto- 


neur'es. 


318 L. BOUTAN. 


Sur quoi est basée cette supériorité ? 

Elle est basée sur ce fait que, chez les premiers, le système ner- 
veux est formé par des centres arrondis nettement localisés, tandis 
que, chez les autres, les centres nerveux (au moins dans les formes 
archaïques) sont étirés en longs rubans. 

Or, le fait d’avoir des centres nerveux allongés, aplatis, mal déli- 
mités, est visiblement le propre des formes inférieures. À mesure 
que l’on descend la série des êtres, le système nerveux est de moins 
en moins spécialisé, les centres s'émiettent en quelque sorte et 
s'éparpillent sous forme de cellules largement espacées. En particu- 
lier, ce caractère de ganglions allongés, étirés en forme de cordons 
plats, se retrouve dans les formes inférieures de Vers, d’où l’on est 


tenté de faire dériver les Gastéropodes. 


Il semble donc que ce caractère suflit pour établir l’infériorité 
relative des formes chiastoneures sur les formes orthoneures, et qu’in- 
diquer les faits signalés plus haut tranche la question. On a presque 
l’air de vouloir soutenir un paradoxe en prétendant le contraire. 

Il y a cependant des vérités, qui, en histoire naturelle, cessent 
d’être des vérités si on les généralise imprudemment. 

Il est vrai que, dans les formes inférieures, les centres nerveux sont 
diffus; il est vrai que, dans les Vers inférieurs, les ganglions ner- 
veux sont élirés en forme de rubans. Cependant, je ne crois pas que 
l’on doive en conclure que toutes les formes orthoneures montrent 
une organisation supérieure à toutes les formes chiastoneures à 
cordons nerveux étirés en forme de chaine en se basant sur ce seul 
caractère que leurs ganglions nerveux ont une forme globulaire. 

Voici pourquoi. 

Il faut remarquer, tout d’abord, que les formes chiastoneures 
à ganglions nerveux allongés pondent isclément leurs œufs, ou que, 
si les œufs sont engagés dans une glaire, irès rapidement les em- 
bryons se dégagent et nagent librement dans l’eau. De plus, ces 


larves ont un voile relativement très réduit. Toutes les formes à 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 319 


ganglions condensés (chiastoneures et orthoneures) présentent de 
véritables pontes où les embryons évoluent longtemps à l’abri d’une 
coque protectrice. 

Les embryons, dans le premier cas, possèdent une réserve nutri- 
tive peu abondante, tandis que, dans le deuxième cas, ils possèdent 
d’abondantes réserves. 

Les conséquences de ces faits sont faciles à déduire et sont con- 
firmées par l'étude du développement : 

Les embryons à réserves nutritives abondantes évoluent tranquille- 
ment à l’abri de leur coque, les organes de la vie de relation se dé- 
veloppent lentement et les ganglions nerveux sont déjà formés, isolés 
et différenciés, lorsque les organes de la vie de relation acquièrent 
les dimensions nécessaires à leur existence, après l’éclosion. Les em- 
bryons à réserves nutritives peu abondantes, presque immédiatement 
plongés dans l’eau après leur naissance, sans abri protecteur, obligés 
de pourvoir à leur existence, développent rapidement leurs organes 
de relation, et le pied, pour ne parler que de lui dans ce chapitre, 
s'étend et s'accroît avant que les centres nerveux aient pris leur 
autonomie et ne se soient séparés de la couche ectodermique qui 
leur a donné naissance. 

Le caractère d’infériorité de leurs centres nerveux en forme de 
cordons allongés est donc plus apparent que réel, et tient à un phé- 
nomène secondaire du développement, au plus ou moins de ré- 
serves nutritives contenues dans l'œuf. 

En tenant compte de ces données nouvelles, de cette explication 
de l’allongement des ganglions nerveux, on est donc en droit de se 
demander en quoi une forme telle que l’Oncidie est supérieure à une 
forme telle que l’Haliotide. 

L'observation des conditions d'existence de ces deux animaux, 
l'étude histologique et en particulier celle du développement des or- 
ganes des sens, fera pencher la balance en faveur de l’Æaliotis, et pour- 
tant j'ai choisi à dessein une forme archaïque parmi les Chiastoneures. 


320 L. BOUTAN. 


En résumé : 

Le caractère d’allongement des centres nerveux sous forme de cordons, 
ou leur condensation apparente sous forme de ganglions globuleux n’est 
qu'une manifestation secondaire du développement et ne peut servir 
surement à apprécier la supériorité relative des différents types de Gas- 


téropodes. 


Cela ne veut pas dire, bien entendu, que nous mettons sur le même 
pied toutes les formes chiastoneures et orthoneures. Pour reprendre 
l'exemple précédent, nous ne songeons nullement à prétendre que le 
système nerveux d'une Haliotide est aussi différencié que celui d’un 
Escargot, par exemple. 

Il y a un autre caractère moins trompeur que le premier et qui ne 
correspond plus à une simple apparence, c'est celui que nous fournit 
l'étude histologique des centres nerveux. 

Quand, dans l’intérieur des ganglions nerveux, on trouve plusieurs 
parties distinctes, des îlots de cellules, différentes par leurs tailles et 
par leurs prolongements, on peut en conclure cn toule assurance 
qu'on se trouve en face de formes plus élevées en organisation que 
celles où les cellules nerveuses de mêmes dimensions sont unifor- 
mément réparties. Cette différenciation des centres nerveux existe 
aussi bien dans les formes élevées des Chiastoneures que dans les 
formes élevées des Orthoneures. 

Il n’est donc nullement nécessaire d'admettre que les Orthoneures 
dérivent de formes chiastoneures par détorsion, et si, au point de 
vue théorique, le fait est suspect, il l’est encore bien plus au point 
de vue embryogénique. | 

Comme j'ai déjà eu occasion de le dire dans le cours de ce travail, 
pour admeître que les Orthoneures sont des Chiastoneures détordus, 
il faudrait qu’à l’état larvaire l’Orthoneure subît une torsion larvaire 
égale à celle des Chiastoneures, et nous pensons avoir démontré 
qu'il n’en est pas ainsi du moins dans tous les types étudiés. 


Si la forme Chilina possède une commissure viscérale comme celle 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 3914 


qu'a décrite Plate, il faut en chercher la raison dans une étude 
sérieuse du développement ; maïs je ne vois aucune raison pour en 
conclure que les Orthoneures dont nous connaissons le développement 
sont détordus, puisqu'ils n’ont pas subi la torsion larvaire qui les 
aurait rendus Chiastoneures et n’ont subi que la déviation larvaire. 

En résumé, contrairement aux idées d'Ihering sur les deux Phyl- 
lum distincts, contrairement aux idées actuelles sur la détorsion des 
Orthoneures, Je pense qu'on doit considérer les Chiastoneures et les 
Orthoneures comme dérivés de la forme symétrique commune aux Mol- 
lusques, les premiers, à la suite de la torsion larvatre, les seconds, à la 


suite de la déviation larvaire. 


XXIV 


LA FORME DES GANGLIONS PÉDIEUX EST EN RAPPORT AVEC LA RAPIDITÉ 


DE CROISSANCE DU PIED CHEZ L'EMBRYON DES GASTÉROPODES. 


Nous avons vu, dans les chapitres précédents, que les Gastéro- 
podes chiastoneures subissent la torsion larvaire et que c’est à cette 
torsion qu'est due la forme en huit de la commissure viscérale. Il y a 
là non pas seulement une coïncidence, un phénomène de corréla- 
tion, mais, selon moi, une relation de cause à effet. 

Cependant, cette torsion larvaire ne s'effectue que lorsque l’anta- 
gonisme de croissance du pied et de la coquille est devenu suffisant 
pour rendre la torsion nécessaire. 

Cet antagonisme peut se produire plus ou moins tard selon le 
développement relatif qu’on constate dans le pied et la coquille. 

J'ai été amené à me demander si cette variation dans la croissance 
à un stade plus ou moins jeune ne pouvait pas nous fournir l’expli- 
cation de la forme bizarre que prennent parfois certains centres ner- 
veux dans les formes archaïques du groupe. 

A quoi tient la forme allongée, en cordons ou en échelles, qu’on 
observe dans quelques cas pour les ganglions pédieux ou palléaux ? 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3€ SÉRIE, == T, VII, 1899, 94 


322 L. BOUTAN. 


Je considérerai d’abord les ganglions pédieux. 

Une remarque préliminaire, basée sur les faits constatés, me paraît 
nécessaire : 

Chez tous les (astéropodes où l’on observe des ganglions pédieux en 
forme de cordons, le développement embryonnaire du pied se fait de 
très bonne heure; cet organe prend, pendant la vie larvaire, de grandes 
dimensions et s'adapte rapidement à la fonction de reptation. 

Au stade où se produit cette croissance considérable du pied, les 
ganglions pédieux, dépendance de la couche ectodermique pédieuse, 
n’ont pas eu le temps de se différencier et de constituer, au milieu 
des tissus, un ganglion isolé de la couche ectodermique. Il n’est donc 
nullement surprenant que les cellules en question prennent part à 
l’accroissement du pied et s’allongent avec lui par suite de cette 
croissance rapide. 

Tous ceux qui ont pratiqué des coupes dans les jeunes embryons 
de Mollusques s’expliqueront facilement ce phénomène. 

L'allongement des ganglions pédieux en forme de cordon ou d'échelle 


me paraît donc être la conséquence de l’allongement précoce du pied. 


On sait que parfois cet allongement en forme de cordon ou 
d'échelle ne porte pas seulement sur les centres pédieux, mais inté- 
resse également les ganglions palléaux ‘. 

Comment expliquer cette particularité en apparence inexplicable ? 

Nous nous baserons seulement sur les faits. 

Chez les Mollusques à cordons nerveux palléo-pédieux (Æaliotide, 
Fissurelle, etc.), {a formation des ganglions palléaux aux dépens de l’ec- 
toderme ne se produit pas au même point du corps que chez les Mollusques 
à cordons nerveux d'origine exclusivement pédieuse. 

Dans le premier cas (Haliotide, etc.), les ganglions palléaux se for- 
menti dans le voisinage immédiat des ganglions pédieux. 


1 Quoique l'interprétation de ce fait ait donné lieu à de nombreuses controverses, 
je crois, cependant, qu’il est maintenant hors de doute que les centres palléaux s’al- 
longent parfois et se soudent avec les ganglions pédieux (voir l’historique de la 
question et le mémoire de Fischer et Bouvier sur le Pleurotomaire). 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 323 


Dans le deuxième cas, au contraire (Acmée, Patelle, Paludine), les 
ganglions palléaux se forment sur les côtés du cou dans une région 
éloignée des ganglions pédieux. 


On comprend dès lors que si, dans le premier cas, les ganglions 


Fig. 29. 


Schéma destiné à montrer comment s’allongent les ganglions pédieux et palléaux 
dans les Gastéropodes où le pied se développe de bonne heure. 


19 En haut, larve vue de profil dans laquelle les ganglions palléaux se forment loin 
des ganglions pédieux. 
20 En bas, larve vue de profil dans laquelle les ganglions palléaux naissent tout près 


des ganglions pédieux et prennent part à la formation de la chaîne nerveuse ven- 
trale. 


A, anus; B, bouche; C', coquille; 47, manteau ; P, pied; col, collerette ou épipodium palléal; 
ge, ganglions cérébroïdes ; ga, ganglions palléaux ; gp, ganglions pédieux. 


Nota. — Dans la dernière figure, les traits qui indiquent gp (ganglions pédieux) et 


ga (ganglions palléaux) n’ont pas été poussés assez loin, jusqu’au contact de ces 
centres nerveux. 


pédieux s’allongent, ils doivent entraîner avec eux les ganglions pal- 
léaux, avec lesquels ils sont déjà fusionnés, tandis que, dans le second 


cas, les ganglions palléaux isolés ne prennent pas part à la formation 


324 L. BOUTAN. 


de la languette pédieuse. C’est ce que j'ai essayé de traduire claire- 
ment dans la figure 29. 

. Mais les ganglions palléaux ne sont pas seuls entraînés, et les cel- 
lules ectodermiques qui leur ont donné naissance suivent le mouve- 
ment ; ainsi s'explique la constitution de la collerette ou épipodium 
palléal, dont la nature réelle a été établie, pour la première fois, par 
M. de Lacaze-Duthiers, chez l’Æaliotis. C’est une partie du manteau, 
qui reste sous la dépendance du centre palléal, et qu’il ne faut pas 
confondre avec l’épipodium de nature pédieuse qu’on trouve chez 
beaucoup d’autres Mollusques et, en particulier, chez un certain 
nombre d'Opistobranches. 


On s'explique dès lors facilement comment il se fait que la colle- 
rette, ainsi constituée à l’état larvaire, puisse avoir chez l'adulte un 
développement très différent selon les types et comment des formes 
à collerette très peu développée (Fissurelle, Parmophore) puissent 
cependant présenter une chaîne nerveuse mixte très allongée. 

Ce développement de la masse nerveuse mixte tient, en fait, non 
pas à son importance fonctionnelle, mais à l’époque plus ou moins 
jeune à laquelle elle a pris naissance. 

En un mot, l'allongement de la masse pédieuse, simple ou mixte selon 
que les ganglions pédieux ou palléaux se trouvaient plus ou moins sé- 
parés, dépend de l'époque à laquelle le pied de la larve a commencé à 


s’accroitre. 


Il faut remarquer, en outre, que l'allongement des centres ner- 
veux, qui se produit lorsque le pied se développe de bonne heure, 
est indépendant du phénomène de la torsion primitive. Il n’a qu’une 
relation indirecte avec lui, qui tient à ce que, lorsque le pied se 
développe considérablement, il y a chance pour que le conflit se 
produise entre le pied et la coquille. Cet allongement des centres 
peut d’ailleurs se produire indépendamment de la torsion primitive, 
et si nous n’observons pas cet allongement chez les Pulmonés et les 


ASYMÉTRIE DES MOLEUSQUES GASTÉROPODES. 325 


Opistobranches, cela tient à ce que, chez ces animaux, le pied, qui 
prendra souvent un développement considérable, reste longtemps 
stationnaire pendant la période larvaire et ne commence à s’allonger 
que lorsque les ganglions ont pris leur autonomie, se sont séparés 
nettement de la paroi ectodermique et ont constitué des centres net- 
tement délimités. 

Chez le Chiton, prototype des Orthoneures, au contraire, où le 
pied s’allonge de très bonne heure, nous constatons le même phé- 
nomène que chez les Chiastoneures et les ganglions pédieux s’éten- 
dent dans toute la sole pédieuse. 

Dans ce cas, il se produit même un allongement correspondant 
des ganglions palléaux, quoique ceux-ci aient pris naissance loin des 
centres pédieux, parce que le manteau, entraîné par la croissance du 
- pied, se développe également de très bonne heure. 

Comme conséquence, il me semble qu’on est en droit d'établir une 
homologie étroite entre la région où se trouvent les cordons pal- 
léaux du Chiton et l’épipodium palléal de l’Æaliotis, de la Fissu- 
relle, etc. Cette homologie est d'autant plus justifiée que, chez cer- 
tains animaux, l'Aaliotis en particulier, les tentacules épipodiaux 


jouent, à l’état larvaire, le rôle d'organes respiratoires. 


XXV 
L'ENROULEMENT CHEZ LES GASTÉROPODES. 


En étudiant comparativement le développement de l’Acmæa et de 
l’Haliotis, nous avons constaté, vers la fin du développement, une di- 
vergence que nous avons caractérisée ainsi : à la coquille larvaire 
symétrique de l’Acmœæa peut succéder une coquille adulte symétrique ; à 
la coquille larvaire symétrique chez Haliotis peut succéder, par voie di- 


recte, une coquille asymétrique et dextre. 


Analysons d’abord les faits : 
Quand nous disons que la coquille devient asymétrique, nous ne 


326 L. BOUTAN. 
notons qu’une partie du phénomène ; en réalité, ce n’est pas seule- 
ment la coquille, mais le manteau tout entier ainsi que les organes 
qui sont sous sa dépendance directe, ainsi que nous l'indiquent les 
différents stades de croissance (fig. 30). 
À partir du moment où le petit être commence à ramper, il peut 
se produire, dans l’un ou l’autre cas, un phénomène différent. Dans 
fi É le cas de l’Acmæa, la coquille 
AN es continue à se développer sy- 
ARTE AN TU à métriquement ; dans le cas 
de l’Æalotis, l’enroulement 
est asymétrique. 


Quoique, dans le cas de 


l’Acmæa, il n’y ait pas un 


Fig. 30. 


véritable enroulement, mais : 
Gastéropodes vus de profil. 


À, coquille symétrique peu enroulée avec cro- 
chet en avant (Acmæa). 


B, coquille symétrique peu enroulée avec cro- 


chet en arrière (Emarginula). 
C, coquille symétrique fortement enroulée 


plutôt un aplatissement de 
la coquille, nous pouvons 
dire qu’il y a dans le déve- 
loppement de ces deux ani- 


(Homalogyra). 


D, coquille asymétrique fortement enroulée PAU 
(Helix). Chez l'AcmϾa, enroule- 
Nota. — Dans les trois premiers types, l’axe 


ment symétrique ; 
de la coquille coïncide avec l’axe du corps; 


dans le dernier, l’axe de la coquille est 
oblique par rapport à l’axe du corps. 


Chez l'ÆAaliotis, enroule- 
ment asymétrique. 

Ces deux animaux ont subi tous deux la torsion larvaire et, chez 
l'Haliotis, une coquille à enroulement asymétrique succédant à la 
coquille larvaire symétrique, tandis que le contraire a lieu chez 
Acmæa, nous pouvons dire qu’il y a indépendance complète entre 
les deux phénomènes et que l’enroulement de la coquille n’est pas 
sous la dépendance de la torsion larvaire primitive. À la suite de la 
torsion primitive chez les Chiastoneures, la coquille peut continuer à 
s’enrouler symétriquement ou asymétriquement, selon les cas. 

D'ailleurs, nous observons le même fait chez les animaux qui ne 


subissent pas la torsion larvaire primitive et, chez les Orthoneures, 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 327 


après la déviation larvaire, nous voyons se constituer tantôt une 


coquille symétrique, tantôt une coquille asymétrique. 


Quelle est la cause de l’enroulement symétrique ou asymétrique 
de la coquille ? 

Va-t-il falloir revenir ici à la cause mécanique invoquée par Lang? 
Pas plus que précédemment, le poids de la coquille et son défaut 
d'équilibre ne peuvent nous rendre compte des faits, car les animaux 
que nous avons à considérer peuvent ramper dans toutes positions 
possibles et la cause mécanique invoquée agirait, dans bien des cas, 
en sens contraire de celui dans lequel il devrait agir. C’est encore dans 
l’action réciproque du pied et de la coquille que nous allons trouver 


l'explication de ce fait en apparence inexplicable. 


Examinons d’abord les faits : 

Lorsque l’Acmæa perd la faculté de nager par suite de la résorption 
de son voile et se fixe contre les parois des objets, son pied, qui lui 
sert maintenant d’organe locomoteur, s'oriente (fig. 9) dans l’axe du 
corps et par conséquent de la coquille. | 

Lorsque l’Aaliotis, au contraire, est arrivé au même état et se fixe 
à son tour, son pied s'oriente obliquement par rapport à la coquille 
(fig. 12, 13 et 14). 

Chez tous les animaux à coquille symétrique ou sensiblement sy- 
métrique (Zomalogyra, Planorbis), la disposition du pied par rapport 
à la coquille est la même que chez Acmœa (fig. 30). 

Chez tous les jeunes Gastéropodes, que j'ai pu observer, à coquille 
asymétrique, la disposition du pied par rapport à la coquille est la 
même que chez Halhotis (fig. 30). 

On peut donc en conclure que l’asymétrie de la coquille se produit 
toutes les fois que le pied ne reste pas dans l’axe du corps et prend une 
position oblique par rapport à ce dernier. 

Mais pourquoi le pied prend-il cette position particulière dans 


certains cas seulement ? 


328 L. BOUTAN. 


Cela tient-il à une particularité interne, comme la présence d’un 
seul muscle asymétrique, par exemple ? 

Non. 

La larve de l’Æaliotis est munie de deux muscles symétriques au 


même titre que la larve de l’Acmeæa, et l’exemple de Sfomatia nous 


Fig. 31. 


Stomatia phymolis. 


En haut, vue par la face dorsale, avec et sans coquille. : 
En bas, vue de profil à droite et à gauche sans la coquille. 


F, fente du manteau ; M, manteau; Mu, muscles ; Wf, tête ou mufle; P, pied; S, partie sous- 
jacente ou tortillon; 7, tentacules ; TB, tube digestif; Tor, tortillon; Tu, tubercules de la 
coquille. 


montre quele muscle en fer à cheval peut se conserver sur des types 
à coquille asymétrique très voisins d'Aalotis, ainsi que je l’ai repré- 
senté d’après des échantillons que j'avais recueillis dans la mer 
Rouge (fig. 31). Ce n’est donc pas dans les muscles qu’il faut cher- 
cher la cause de l’enroulement asymétrique de la coquille. 

Il faut encore considérer ici les relations de la coquille avec le 
pied, et c’est l’action mécanique du pied qui doit amener l’enroule- 


ment. 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 329 


Si le pied, au moment où l'animal perd son voile, ne peut s'étaler et 
ramper qu'à la suite d’un déplacement latéral de la coquille, la coquille, 
originairement symétrique, va devenir asymétrique. 

Si le pied peut s’étaler et ramper sans qu'il lui soit nécessaire de dé- 


placer la coquille, la coquille va rester symétrique. 


Fig. 32. 


Représentation théorique de l’enroulement chez les Gastéropodes, destinée à montrer 
l’action du pied dans la symétrie ou l’asymétrie de la coquille. 


Sur la première ligne, à gauche, larve d’Acmæa et adulte ; à droite, Homalogyra, 
vu de profil et vu de dos. 

Sur la deuxième ligne, larves et adultes d’Haliotis, le pied se place obliquement par 
rapport à la coquille et l’axe de cette dernière ne coïncide plus avec l’axe du 
pied. 

Sur la troisième ligne, représentation théorique d’un Helix vu de profil et de dos. : 


Le dessin ci-contre fera mieux comprendre ma pensée que de 
longues explications (fig. 32). 

Cet enroulement de la coquille représente un phénomène tout à 
fait indépendant de la torsion larvaire, et ne se produit d'ordinaire 
que tardivement, lorsque l’animal va prendre la forme adulte. 


330 L. BOUTAN. 


L’Haliotis et l'Acmæa fournissent un exemple excellent de la diffé- 
rence fondamentale qui existe entre la torsion larvaire et l’enroule- 
. ment que J'ai étudiés. 

La torsion larvaire altère profondément la symétrie des organes 
internes et, en particulier, du système nerveux, tout en pouvant 
conserver la symétrie extérieure de l'animal (Acmæa). L'enroule- 
ment n'a pas d'influence sur les organes internes, tels que la pre- 
mière partie du tube digestif, œsophage, système nerveux, mais, en 
revanche, modifie profondément la forme symétrique extérieure du 
corps (/aliotis). 

Chez l’ÆAaliotis, l'enroulement, tout en étant palpable, reste cepen- 
dant assez limité ; mais chez le Troque, un type pourtant très voisin, 
il atteint des proportions extrêmes. 


Si l’on admet cette distinction basée sur les faits entre la torsion 
larvaire et ce que l’on pourrait appeler la déformation secondaire (in- 
timement liée, cette dernière, avec l’enroulement de la coquille), 
une foule de faits s’éclairent et peuvent s’interpréter. 

Prenons immédiatement un exemple. 

Dans leur important mémoire sur l’asymétrie des Mollusques uni- 
valves, MM. Fischer et Bouvier ont insisté particulièrement sur ce 
fait, que l’asymétrie de l'animal n'était pas nécessairement causée 
par l’enroulement de la coquille, puisqu'il existe des Mollusques 
gastéropodes dont l’asymétrie interne n’est pas du même sens que 
l’asymétrie externe. 

« En résumé, disent les auteurs dans leurs conclusions, dans la 
plupart des cas observés jusqu'ici, les coquilles réellement dextres 
correspondent à des animaux dextres et les coquilles sénestres à des 
animaux sénestres. Mais, chez les animaux dextres comme chez les 
animaux sénestres, on peut trouver, soit une coquille absolument 
symétrique dès le début de la vie embryonnaire, soit une coquille 
dont l’asymétrie est inverse à celle de l’animal (animaux ultra-dextres 
et ulitra-sénestres). » 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 331 


Frappés de cette constatation, les auteurs en tirent même cetle 
première conclusion, dont nous pouvons maintenant apprécier toute 
la justesse, que l’asymétrie de la coquille n’exerce aucune influence 
sur l’asymétrie interne de l'animal ; et cette seconde conclusion 
moins juste, ainsi qu’en témoigne l'exemple de l’Acmæa que l’asy- 
métrie de l’animal exerce, le plus souvent, une influence sensible 
sur l’asymétrie de la coquille. 

Les deux auteurs ajoutent : « Ces faits démontrent que l’enroule- 
ment de la coquille n’est pas soumis constamment aux mêmes lois 
et que la cause déterminante n’est pas due à la torsion initiale de 
l'embryon, puisque celui-ci peut être enroulé en sens contraire de 
l'adulte. » 

Cela s’explique maintenant tout seul, puisque la torsion larvaire 
et l’enroulement sont des phénomènes distincts, les faits constatés 
se rapportent à deux ordres de phénomènes distincts, insuffisamment 
distingués jusqu'ici. 


La production des coquilles homæostrophes s'explique de même 
par les faits que nous avons exposés dans l'étude du développement 
de l’Aaliotis. 

Lorsque l’animal commence à ramper, par suite de la hauteur de 
la coquille qui gêne l’extension du pied, ce dernier se place oblique- 
ment à droite par rapport à sa coquille, comme l’indique la figure 32: 

Ceci, c’est le fait. 

Supposons maintenant qu’à ce point critique du développemeni, 
le pied prenne la position inverse de celle que nous avons représentée 
(fig. 32); la coquille adulte va se développer du côté opposé et la 
coquille embryonnaire donnera au Mollusque l'apparence hétéro- 
strophe. 

La supposition que je viens de faire est très vraisemblable, je ne 
puis cependant l’appuyer sur une observation définitive ; l'étude ulté- 
rieure d’un développement d’hétérostrophe pourra seule trancher la 
question. 


332 L. BOUTAN. : 


Si la cause de l’enroulement est bien celle que j’ai essayé de dé- 
gager, il n’existe chez les Gastéropodes que deux sortes de coquilles, 
les coquilles à enroulement symétrique et les coquilles à enroule- 
ment asymétrique (fig. 32). 

Les coquilles en forme de bonnet, comme celles de l’Acmæa ou de 
l'Émarginule, sont des coquilles enroulées symétriques, à enrou- 
lement très peu prononcé, la spire formant un arc de cercle à très 
grand rayon. | 

On comprend que l’action du pied relativement à la coquille puisse 
se modifier facilement sous l'influence de causes secondaires mul- 
tiples, de là les formes nombreuses et quelquefois anormales que 
l'on constate. 


XXIV 


IL NE PARAIT PAS Y AVOIR DE TERME DE PASSAGE ENTRE LES CHIASTONEURES 


# 


ET LES ORTHONEURES. 


Il existe, en apparence, des transitions très remarquables entre le 
système nerveux enroulé des Ghiastoneures et le système nerveux 
étalé des Orthoneures. 


M. Bouvier, dans le travail que nous avons déjà signalé sur le 
système nerveux des Gastéropodes, avait même constitué le groupe 
des Orthoneuroides, pour indiquer que les animaux qui en faisaient 
partie, tout en conservant l’organisation des Chiastoneures, prenaient, 
au point de vue du système nerveux, la disposition générale des 
Orthoneures. | 

J'ai montré, dans un mémoire sur la MVerita, que les soi-disant 
Orthoneuroïdes possédaient, en réalité, un système nerveux enroulé 
et que, par conséquent, il n’y avait aucune raison pour constituer un. 
groupe spécial à l’aide de ces animaux. 

Si, dans ces animaux, le système nerveux reste chiastoneure, il 
est certain cependant que nous assistons à l’atrophie progressive 
d'une des branches de la chiastoneurie et que le système nerveux 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 333 


prend, ainsi, une physionomie aberrante; si cette atrophie de l’une 
des branches de la chiastoneurie dévenait complète, le système ner- 
veux deviendrait-il orthoneure ? 

Nullement. Ce soi-disant terme de passage nous conduit à une 
impasse, car il ne se constituerait ainsi qu'à une fausse orthoneurie. 

Si le système nerveux prend, en effet, une disposition régulière 
analogue à celle que l’on observe dans les Orthoneures, la position 
des ganglions et, en particulier, du cinquième viscéral, reste tout à 


Chiastoneurie fausse Ürthoneurie Oréfioneurie 


Fis:,33 


Schéma destiné à montrer que l’atrophie des branches de la commissure viscérale 
ne peut suffire à transformer un système nerveux chiastoneure en un système 
nerveux d’Orthoneure. 


A, anus : B, bouche ; C, ganglions cérébroïdes ; P, ganglions palléaux ; 
I, ganglions intestinaux ; V, ganglion viscéral. 


fait différente par rapport au tube digestif, ainsi que J'ai essayé de 
le montrer dans le schéma (fig. 33). 

La symétrie du système nerveux peut se rétablir par la réunion 
secondaire des ganglions palléaux P et intestinaux I; la position du 
ganglion viscéral, par rapport à l’anus, n’en reste pas moins absolu- 
ment différente dans les deux cas. 

L'étude du développement des Opistobranches présentée dans les 
chapitres précédents m'a amené à rejeter également la formation 
du type Orthoneure par un déroulement du type Chiastoneure et je 


ne puis que renvoyer à la discussion présentée plus haut. 


334 L. BOUTAN. 


L'absence de passage s'explique d’ailleurssans qu'il soit nécessaire 
d'admettre, comme fhering, deux origines distinctes pour les Chias- 
toneures et les Orthoneures. 

Les Chiastoneures sont des Gastéropodes qui ont subi une torsion 
larvaire primitive ; les Orthoneures sont des Gastéropodes qui n'ont 
pas subi de torsion larvaire primitive. 

Quelle que soit la régularisation ultérieure, le type chiastoneure 
et le type orthoneure restent séparés par cette différence fondamen- 
tale. 


S'il en est ainsi, on ne doit pas s'étonner que, ainsi que le font 
remarquer MM. Fischer et Bouvier, l’opercule spiral des coquilles 
enroulées dextres (Cyclostoma, Natica, Trochus, Nerita) montre, à 
sa face extérieure, les tours de spire enroulés en sens contraire de 
ceux de la coquille; qu’en un mot, l’opercule des coquilles dextres 
soit sénestre. 

Cette disposition évidente sur les opercules de forme ordinaire, 
c’est-à-dire aplaties, devient encore plus frappante si l’on examine 
des opercules déroulés et hélicoïdaux comme ceux des Zorinia*, qui 
ont tout à fait l'apparence d’une coquille sénestre scalariforme. 
Lorsque la coquille est sénestre comme celle des 7riforis, Læoco- 
chlis, la face extérieure de l’opercule est dextre. 

Le fait s'explique, puisque nous avons affaire à des formes chias- 
toneures qui ont subi la torsion larvaire. La torsion de l’opercule 
est, originairement, de même sens que celui de la coquille, si l’on 
considère la larve tout d’abord symétrique, elle ne paraît de sens 
contraire que par suite de la torsion larvaire, qui a modifié la position 
relative de la coquille, et du pied qui donne naissance à l’opercule. 

Théoriquement, chez les Opistobranches, l’enroulement de l’oper- 
cule devrait avoir lieu dans le même sens que celui de la coquille, 
puisque les Opistobranches ne subissent que la déviation larvaire qui 


ne change pas la position relative de la coquille et du pied. Malheu- 


1 D. Fiscuer, Manuel de Conchyliologie, fig. 484 et 485. 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 339 


reusement la chose est impossible à constater pour le plus grand 
nombre des Opistobranches, et je n’ai pas d'observations à signaler à 
ce sujet, sauf à propos des Ptéropodes, où M. Pelseneer ! fait remar- 
quer que, dans les genres Zimacina et Spirialis, le nucléus opercu- 
laire est dirigé vers la spire et rapproché de la saillie dans l’ouver- 
ture de l’avant-dernier tour de la coquille. 

« Si l’on tient compte de cette observation qui paraît corroborée 
par l’examen d’une figure de Souleyet ?, remarquent MM. Bouvier et 
Fischer, montrant l’opercule en place sur un animal de Spirialhs, les 
divers dessins d’opercules isolés de Sprrialis et de Limacina donnés 
par Souleyet et par O. Sars, représenteraient la face interne de 
l’opercule au lieu de la face externe. » Pelseneer conclut de ses obser- 
vations que la spire de ces coquilles de Ptéropodes correspond à l'ombilic 
de la plupart des Gastéropodes. 


XXV 


LES CAUSES SECONDAIRES DE L'ASYMÉTRIE DES GASTÉROPODES. 


Dans le cours de ce travail, je crois avoir montré que, chaque fois 
qu'il se produit un antagonisme de croissance entre la coquille et le 
pied, il se produit du même coup l’asymétrie de l’animal. Dans le cas 
contraire, le Mollusque reste symétrique. 

Il semble donc que la cause principale de l’asymétrie du Gasté- 
ropode réside réellement dans l’antagonisme de croissance de la 
coquille et du pied. 


Cependant, je n’ai pu fournir que des raisons indirectes. Pour 
donner une démonstration éclatante, il aurait fallu supprimer sur 
une larve asymétrique, soit le pied, soit la coquille, et constituer 
ainsi un Mollusque symétrique. Ceux qui ont étudié le développe- 
ment des Mollusques comprendront pourquoi je ne l’ai pas tenté, ne 
me sentant pas assez habile pour réaliser cette expérience. 


1 Comptes rendus de l’Académie des sciences, p. 1016, 1891. 
2 SouLeyeT, Voyage de la Bonite, Zoologie, pl. XIII, fig. 36. 


330 L. BOUTAN. 


Le fait de la torsion et de la déviation larvaire des Chiastoneures 
et des Orthoneures paraît pourtant indéniable ; mais il semble que 
l'action antagoniste du pied devrait s'exercer de bas en haut et que 
Je conflit qui se produit chez les Chiastoneures entre le pied et la 
coquille devrait tendre à refouler la coquille exactement symétrique 
en bas et non vers le côté du corps. 

Cependant, si l’on tient compte de l’extrême mobilité et contrac- 
lité du pied à cette époque du développement, on peut expliquer la 
torsion par un glissement latéral. 


Pourquoi l'animal ne présente-t-il pas une torsion larvaire primi- 
tive indifféremment à gauche et à droite ? 

Si aucune cause secondaire n'intervenait, il devrait y avoir un 
nombre à peu près égal de formes dextres et de formes sénestres. 
Or, c’est là l'exception, et dans une même espèce on peut dire que l’im- 
mense majorité est dextre ou sénestre. 

Je ne puis résoudre cette difficulté par des faits précis et de nou- 
velles recherches sont nécessaires pour élucider ce point important. 

Il est cependant intéressant de constater déjà que, dans les formes 
normalement dextres ou sénestres, il peut se produire des excep- 
tions et que la torsion primitive peut être de sens contraire à la 
torsion normale dans un même type. 

Ceci me paraît hors de doute, après les observations de Ihering sur 
un Buccinum sénestre et, surtout, après les détails fournis sur l'orga- 
nisation interne de deux grands Prosobranches sénestres par Fis- 


cher et Bouvier’, le C’hrysodomus contraria et le Fulqur perversum. 


Sans aller aussi loin que Carus et sans admettre que les mouve- 
ments effectués dans l’œuf parles embryons aient une influence défi- 
nitive sur la forme de la coquille et que les tours de l'embryon sont 
les traces du mouvement de rotation qui se sont solidifiées, il est cer- 
tain, cependant, que, pendant les premières phases de leur exis- 


1 Fiscner et Bouvier, loc. cil., p. 150. 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 337 


tence, les Prosobranches en particulier sont animés de très bonne 
heure d’un mouvement de rotation rapide et que le sens de cette 
rotation paraît être toujours le même, dans une même espèce. 

Les espèces sénestres ont-elles un mouvement de rotation inverse 
des espèces dextres ? 

Le fait, s’il était constaté, aurait une réelle importance. Mais il ne 
l’est pas. Nous ne pouvons donc que poser un point d'interrogation 
et dire que si, dans l'avenir, on constate que, normalement, dans 
les espèces dextres, le mouvement se fait dans un sens et en sens 
contraire dans les espèces sénestres, la torsion larvaire causée par 
l’extension du pied a son sens déterminé par le mouvement de la 
couronne ciliaire de l'embryon. Ce mouvement de la couronne ciliaire 
constituerait la cause secondaire expliquant la prédominance des 
formes dextres sur les formes sénestres ou réciproquement. 

À côté de la cause secondaire que nous venons d’invoquer, le sens 
de l’enroulement de la coquille peut trouver peut-être aussi son 
explication dans le commencement de développement d’organes 
intérieurs, tels que le foie, en utilisant les faits observés par Plate, 
et surtout les recherches de Conklin sur le commencement d’asy- 
métrie observé dans les cellules de la larve de Crepidula. 

Mais si ces causes peuvent contribuer à la torsion primitive et à 
l’enroulement de la coquille, si elles peuvent en déterminer le sens, 
elles ne sauraient constituer la cause principale. 


XX VI 


CONCLUSIONS. 


4° L'asvmétrie des Gastéropodes est le résultat de la croissance en 
sens contraire de la coquille (bord du manteau et coquille) et du 
pied. 


9° Pour expliquer l’asymétrie que l’on constate chez les Mol- 
lusques gastéropodes, on peut prendre comme point de départ la 


ARCH, DE ZOOL. EXP, ET GÉN. — 3€ SÉRIE, — Ts Vif. 4899, 29 


338 L. BOUTAN. 


larve à symétrie bilatérale que l’on trouve chez tous les Mollusques 
après la formation de la gastrula. 

_ Quoique cette larve ne soit pas identique chez tous les Mollusques, 
elle présente un certain nombre de parties homologues disposées 
dans la même position relative. 

Ces parties principales sont : 
La calotte céphalique, la bouche, le pied, l’anus, la coquille, or- 
ganes symétriques par rapport au plan dorso-ventral passant par la 


bouche et l’anus. 


3° Après la formation de cette larve symétrique, tous les Gastéro- 
podes (sauf le Chiton) subissent une première flexion dans le plan de 
symétrie, qui rapproche l’anus du pied (flexion ano-pédieuse). 

Cette flexion ano-pédieuse peut avoir des proportions très diffé- 
rentes selon les types considérés et devient virtuelle lorsque les cel- 
lules anales se forment dans le voisinage immédiat du pied. 


4 Après la formation de la courbure ano-pédieuse, nous assistons 
à deux phénomènes différents, selon les Gastéropodes : 
La torsion larvaire (Chiastoneures), la déviation larvaure (Ortho- 


neures). 


À. La torsion larvaire se produit chez tous les Gastéropodes à com- 
missure viscérale croisée (Prosobranches ou Streptoneures), lorsque 
la coquille est suffisamment développée pour empêcher l’étalement 
du pied. 

Elle a pour effet de transporter l’anus et la cavité palléale qui l’en- 
toure sur la face opposée au pied et de faire pivoter la coquille, de 
manière à ce que la face ventrale de celle-ci devienne la face dorsale 
et réciproquement (torsion larvaire de 180 degrés). | 

Tout se passe, en apparence, comme si la torsion se localisait 
entre la tête et le pied, d’une part, la coquille et son contenu tapissé 


par le manteau, d'autre part. 


ASYMÉTRIE DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 339 


Extérieurement, en effet, la partie placée entre la tête plus le pied 
et la coquille plus son contenu, paraît seule affectée par la torsion; 
en réalité, les organes internes déjà ébauchés, première partie du 
tube digestif, système nerveux, sont tordus et déviés. 


B. La déviation larvaire se produit chez tous les Gastéropodes à 
commissure viscérale non croisée (Opistobranches, Pulmonés ou 
Euthyneures), lorsque la coquille est suffisamment rapprochée du 
pied pour gêner le fonctionnement de l’anus. 

Elle a pour effet de déplacer l'anus et la cavité palléale qui l’en- 
toure, soit à droite, soit à gauche, sans que la coquille soit affectée 


comme précédemment dans sa position. 


5° Chez les Chiastoneures et chez les Orfhoneures, la torsion lar- 
vaire et la déviation larvaire, quoique très différentes dans leur ré- 
sultat, sont déterminées par la même cause mécanique : conflit de 


croissance entre la coquille et le pied. 


6° Le Gastéropode est chiastoneure lorsqu'il se produit un déve- 
loppement larvaire considérable à la fois de la coquille et du pied. 

7 Le Gastéropode reste orthoneure : j 

a. Quand la coquille larvaire ne se développe que peu ou pas 
(Limace) ; 

b. Quand la coquille larvaire ne donne pas naissance à une coquille 
chez l'adulte (Nudibranches) ; 

c. Quand la coquille larvaire ne prend un grand développement 
qu’à la fin de l’évolution, quand le pied est déjà transformé en or- 
gane de reptation (Æelix, Tectibranches). | 


8° Les Orthoneures ne sont pas des Chiastoneures détordus. Ils 
dérivent, comme les Chiastoneures, dela forme larvaire symétrique. 
Mais la torsion larvaire chez les uns et la déviation larvaire chez les 


autres imprime à leur organisation tout entière un caractère qui ne 


340 L. BOUTAN. 


peut s’effacer par la suite ; d’où l'absence de termes de passage entre 
les deux groupes. 

Le type orthoneure est moins tordu que le type chiastoneure, 
parce qu'il n’a subi que la déviation larvaire au lieu de la torsion lar- 


vaire et non parce qu'il a subi une détorsion. 


9 La forme chiastoneure ou orthoneure du système nerveux dé- 
pend de la torsion larvaire ou de la déviation larvaire qui se pro- 
duisent, elles-mêmes, sous l’influence du développement plus ou 
moins considérable du pied et de la coquille. 


10° Lorsqu'un Gastéropode pond ses œufs sans les mettre à l’abri 
dans une ponte durable, certains centres nerveux de l'adulte sont 
étirés en forme de cordon ou de chaîne. Lorsque l’œuf du Gasté- 
ropode reste à l’abri d’une ponte durable ou d’une coque résistante, 
les centres nerveux ont une forme globuleuse. 


11° La forme allongée et scalaire des ganglions pédieux et parfois 
des deux premiers ganglions du centre asymétrique (ganglions pal- 
léaux) tient au grand développement du pied à un stade très jeune. 

Quand le pied s'accroît de très bonne heure, les ganglions pédieux, 
non encore différenciés de l’épithélium, s’allongent comme lui et 
prennent une forme en échelle. 

Dans les mêmés conditions, si les ganglions palléaux naissent dans 
le voisinage des centres pédieux, ils sont entraînés avec le pied ainsi 
qu’une portion du manteau. 

L’échelle nerveuse située dans le pied est alors mixte et la portion 
du manteau entraînée avec le pied constitue la collerette, nom donné 
depuis longtemps par M. de Lacaze-Duthiers à cet organe chez l'Ha- 
liotis. On doit considérer cet organe comme un épipodium palléal et 
le distinguer de l’épipodium d'origine pédieuse qu’on trouve dans 
d'autres formes de Gastéropodes. : 


12 Même dans les formes inférieures, les centres pédieux du type 


ASYMETRIE DES MOLLUSQUES GASTEROPODES. 341 


orthoneure ne sont jamais scalariformes, parce que le pied ne s’ac- 
croît considérablement qu’à une époque avancée du développement, 
lorsque les centres se sont séparés de l’ectoderme formateur et sont 
devenus autonomes. 


43° L’enroulement de la coquille (symétrique ou asymétrique) est 
* un phénomène indépendant de la torsion larvaire et de la déviation 
larvaire, ainsi que le démontre le développement de l'Acmæa virginea. 

Il est, également, indépendant de l’asymétrie interne du Gastéro- 
pode, puisque le Chiastoneure aussi bien que l'Orthoneure peuvent 


présenter le type symétrique ou asymétrique de la coquille. 


14 L’enroulement de la coquille a pour cause la position que 
prend le pied par rapport à la coquille : 

a. Si le pied se place dans l’axe de la coquille, l’enroulement à 
lieu dans le même plan et la coquille est symétrique ; 

b. Si le pied se place obliquement par rapport à la coquille, l’en- 
roulement est asymétrique. 


45° L’enroulement de la coquille est produit par un arrêt de déve- 
loppement de la coquille dans le point où elle est en contact avec 
le pied. 


16° Chaque fois que, dans le cours du développement d’un Mol- 
lusque, l’antagonisme de croissance entre la coquille et le pied ne se 


produit pas, le Mollusque reste symétrique. 


Le Chiton est un Gastéropode orthoneure symétrique, qui n’est 
soumis ni à la flexion ano-pédieuse, ni à la déviation larvaire, ni à la 


torsion larvaire. 


Le Dentale est un Gastéropode orthoneure qui ne subit que la 
flexion ano-pédieuse, et n’éprouve ni déviation larvaire ni torsion 
larvaire, par suite de l'adaptation spéciale du pied fouisseur qui ne 
s'étale pas comme celui des autres Gastéropodes, 


342 L, BOUTAN. 


Le Céphalopode, soumis, comme le précédent, à la courbure ano- 
pédieuse, reste un Mollusque symétrique, parce que le conflit entre 
la coquille et le pied ne se produit pas, le pied devenant un organe 
préhenseur péri-buccal (bras et entonnoir). 


L’Acéphale reste symétrique malgré le développement considé- 
rable de la coquille et du pied, parce que le conflit de croissance ne 
peut pas s'établir entre ces deux organes, par suite de la division de 


la coquille en deux portions symétriques. 


ÉTUDE SUR LE DÉVELOPPEMENT 


DE LA 


CONVOLUTA ROSCOFFENSIS GRAFF' 


PAR 


JIVOIN GEORGÉVITCH 


Professeur extraordinaire de zoologie à la Faculté des sciences de Belgrade. 


Sur l'anatomie des Rhabdocæles acæles existent des travauximpor- 
tants de Delage ? et de Graff*, dans lesquels nous trouvons beaucoup 
de données qui sont en discordance avec les résultats auxquels est 
arrivée Pereyaslawzewa * dans sa récente Monographie des Turbella- 
riées de la mer Noire. 

Ces discordances proviennent du fait que les deux premiers au- 
teurs se sont occupés uniquement de l’anatomie desAcæles, ignorée à 
cette époque, et c'est Pereyaslawzewa seule qui a tenté d'étudier l’em- 
bryologie de ces animaux. C’est ce qui explique le fait que Delage, 
dans l'introduction de ses importantes études sur les Rhabdocæles 
acæles, puisse dire : « L'un des trois feuillets fondamentaux de 
l'embryon, l’'endoderme, n’est pas représenté chez l'adulte, et l’em- 
bryogénie n’a pas encore démontré, bien que cela soit probable, 
qu'il existe chez l'embryon. » 

C’est ce qui explique également que Graff prétende que le paren- 


1 Travail fait aux laboratoires de zoologie de Roscoff et dela Sorbonne. 

2 Y. DELAGE, Études histologiques sur les Planaires rhabdocæles acœles (Archives 
de zoologie expérimentale ei générale, 1886). 

3 L. von GRarr, Die Organisation der Turbellaria acæla, Leipzig, 1891. 

* SOPHIE PEREYASLAWZEWA, Monographie des Turbellariées de la mer Noire, 
Odessa. 


344  JIVOIN GEORGÉVITCH. 


chyme des Acœæles provient de l’endoderme et du mésoderme des 
autres Turbellariées, sans avoir fait, il est vrai, l’'embryologie de ces 
animaux. Pereyaslawzewa décrit, en se basant tant sur ses recher- 
ches anatomiques que sur les recherches embryologiques, une cavité 
digestive chez l'adulte et chez l'embryon, un cælenteron entre 
les deux cellules endodermiques ; chez Aphanostoma, Convoluta et 
d’autres, il y a un cœlome également visible de bonne heure. Ces 
faits la conduisent à cette conclusion que l'acælie n'existe pas 
réellement, et qu'il faut changer par conséquent le nom des Acœles 
en Pseudoacæles. 

Toutes ces questions, difficiles à résoudre anatomiquement, de- 
mandaient une interprétation embryologique. C’est ce qui a décidé 
M. Delage à me confier l'étude du développement de la Convoluta 
Roscoffensis Graf, qui lui a servi, il y a une quinzaine d'années, à des 
études si savantes sur l’histologie des Rhabdocæles acæles. 

Mais je n'aurais pu mener à bien mon travail sans les envois de 
Convoluta et le bienveillant accueil que m'a fait M. H. de Lacaze- 
Duthiers au laboratoire de Roscoff où j'ai passé les mois d'août et 
septembre 4898. Qu'il me soit permis d'exprimer à MM. les profes- 
seurs de Lacaze-Duthiers et Delage ma pleine gratitude. 

J'ai porté mon attention sur le processus du développement en 
général, et surtout sur la formation du parenchyme. Pour cela, 
l'étude par transparence m'était de peu d'utilité, et j'étais obligé de 
recourir à la méthode des coupes. Un des meilleurs fixatifs, soit 
pour les embryons, soit pour les animaux adultes, est certainement 
le liquide de Gilson. Comme la pénétralion de la paraffine se fait 
lentement et difficilement à travers la coque et les membranes chi- 
tineuses, il est bon d'employer une double inclusion au collodion et 
à la paraïfine. 

Mon matériel provenait pour la plus grande partie de l'ile de 
Baiz située en face du laboratoire de Roscoff, où les Convoluta se 


trouvent en grandes plaques à la marée basse, 


DÉVELOPPEMENT DE LA CONVOLUTA ROSCOFFENSIS. 345 


[ 


LA DIVISION DE L'ŒUF ET LA FORMATION DE LA GASTRULA, 


La maturation et la fécondation de l’œuf s’accomplissent dans le 
corps de l’animal. L’émission des globules polaires et leur résorption 
s’'accomplissent aussi dans le corps de l’animal, de sorte que l’œuf 
pondu en est dépourvu. Chaque œuf pondu est entouré d’une cap- 
sule transparente, et ordinairement des groupes de cinq à douze 
œufs sont aussi enveloppés dans un cocon commun, également 
transparent ; c’est ce qui permet l'étude des œufs vivanis jusqu’au 
stade gastrula. 

Rarement, et l’on peut dire que c’est un cas exceptionnel, il y a 
un seul œuf pondu. La ponte s’effectue de préférence de bon matin 
ou vers le soir. L’arrangement des œufs dans le cocon commun 
n’est pas constant ; mais on peut dire qu’ils sont placés vers la péri- 
phérie et qu'en général il n’y en a pas au centre du cocon. Les 
œufs, sphériques ou ovoïdes, portent en leur centre des petits noyaux 
et sont parfaitement dépourvus de toute espèce de pigment. 

Peu après la ponte, l’œuf commence à se diviser, d’abord en deux 
blastomères d’une grandeur à peu près égale (ed, fig. 4). Après un 
court temps de repos, ces deux blastomères en donnent par division 
deux autres beaucoup plus petits, qui se placent dans le plan de la 
première division (ec, fig.2 et3). Entre ces quatre blastomères existe 
une petite cavité de segmentation qui, à partir de ce moment, de- 
vient de plus en plus petite pour disparaître définitivement au stade 
à huit blastomères. 

Comme Lang l'avait décrit pour les Polyclades ‘, ce jeune stade. 
de Convoluta permet déjà l'orientation du futur animal, car les 
deux petits blastomères (ectoderme) indiquent la partie dorsale, 
tandis que les deux plus grands (endoderme) indiquent la partie ven- 
trale du futur animal. 


1 À. Lanc, Die Polycladen des Golfes von Neapel, etc., Leipzig, 1884 (Fauna und 
Flora, etc.). 


346 JIVOIN GEORGÉVITCH. 


Après un court repos, les cellules endodermiques donnent, en se 
divisant latéralement, deux autres cellules intermédiaires comme 
grandeur entre les blastomères ectodermiques et endodermiques 
(ms, fig. 4). Elles représentent les initiales du mésoderme. Immédia- 
tement après, les deux blastomères ectodermiques en produisent 
deux autres (ec, fig. 5), ce qui porte le nombre total à huit blasto- 
mères. L’embryon est au stade Ülastula. Pendant l’état de repos, les 
cellules de la blastula se rangent et se tassent de telle manière que 
les deux cellules endodermiques occupent le milieu de la partie in- 
férieure de la blastula ; les deux cellules mésodermiques sont laté- 
rales et un peu en haut, tandis que les cellules ectodermiques occu- 
pent la partie supérieure. 

Il faut remarquer ici qu'après chaque période de division, pen- 
dant laquelle les cellules nouvellement produites sont sphériques, 
survient un état de repos, beaucoup plus prolongé qu'on ne le voit 
chez d’autres animaux; pendant cet état de repos, les cellules se 
rangent et se tassent de telle manière qu'elles deviennent polygo- 
nales et qu’elles adhèrent intimement les unes aux autres par toute 
l'étendue de leur surface. 

Il m'a été impossible de suivre pendant la division la formation 
de l’amphiaster et sa division, mais le petit nombre des blastomères 
et leur position réciproque sont une garantie suffisante pour la pro- 
venance des blastomères. 

Si l’on compare cette blastula avec les stades correspondants 
d’autres Turbellariées, on est frappé tout d’abord par sa symétrie 
bilatérale. En effet, tandis que, chez Drscocælis tigrina , à ce stade, 
il ya huit cellules ectodermiques, quatre mésodermiques et quatre 
endodermiques arrangées de telle manière qu’elles nous rappellent 
la symétrie radiaire, symétrie qui persiste dans les stades suivants, 
ce qui à permis à beaucoup d’auteurs de comparer les Turbellariées 


aux Cténophores ; au contraire, chez Convoluta, la symétrie bilaté- 


1 A. LANG, loc. cil., p. 332. 


DÉVELOPPEMENT DE LA CONVOLUTA ROSCOFFENSIS. 347 


rale s’accuse dès le commencement et persiste pendant toute la vie 
de l'embryon et de l’animal adulte. 

Au stade suivant qui conduit vers la formation de la gastrula, les 
quatre blastomères ectodermiques en donnent quatre autres par 
division, les deux mésodermiques deux nouveaux, tandis que les 
deux blastomères endodermiques restent indivis (fig. 6 et 8). 

La division des deux cellules mésodermiques précède celle des 
blastomères ectodermiques, et le même fait se produit au stade sui- 
vant (fig. 8). Les blastomères mésodermiques sont nettement dis- 
tincts des blastomères ectodermiques par leur grandeur et par leur 
position. Après le stade de repos, les blastomères sont arrangés de 
telle manière que quatre des blastomères ectodermiques occupent 
le pôle aboral, les deux endodermiques le centre du pôle oral, tan- 
dis que les blastomères mésodermiques descendent de la partie su- 
périeure vers la partie inférieure et vers les côtés jusqu'à ce que les 
blastomères inférieurs viennent se placer à côté de l’endoderme, à 
peu près dans le même plan. 

A ce stade, tout porte à croire qu'il y a une invagination de l’en- 
doderme. La figure 7, qui représente une coupe optique d’embryon 
à ce stade après l’arrangement des blastomères, donne une idée 
nette de la position réciproque des blastomères et de l’invagination 
de l’'endoderme. Cependant cette invagination est de courte durée, 
car, aux stades suivants, la gastrula s’achève par épibolie. Sur la 
même figure, on voit que les cellules endodermiques touchent les 
blastomères ectodermiques et que, par conséquent, la cavité de 
segmentation qui existait encore, fort réduite il est vrai, avant l’ar- 
rangement définitif des blastomères, n'existe plus. 

Le stade représenté dans la figure 6 a été vu par Pereyaslawzewa !, 
chez Aphanostoma, et par Gardiner?, chez Polychæœrus caudatus Mark. 


Cependant, si j'ai bien compris le texte de Pereyaslawzewa, cet au- 


1 PEREYASLAWZEWA, loc, cit. 
2 E.-G. GaRDINER, Early development of Polychærus caudatus Mark (Journ. of 
Morphol., vol, IT, n° 1, 1895, p. 155-176). 


348 JIVOIN GEORGÉVITCH. 


teur croit qu'il y a une seule paire de blastomères mésodermiques, 
celle située en bas et qui donne naïssance « aux deux petites cellules 
ur-endodermiques », comme les deux blastomères endodermiques-: 

Gardiner prétend que l’ectoderme provient uniquement des quatre 
paires de blastomères qui représentent pour nous l’ectoderme et le 
mésoderme, tandis que les blastomères endodermiques donnent le 
mésentoderme après que les quatre paires ont atteint le chiffre de 
soixante-six blastomères. 

Comme la question du mésoderme chez les Turbellariées acœles 
n'est pas encore assez claire, qu’il nous soit permis d'entrer dans 
quelques courtes considérations. Tandis que Graff, en se basant sur 
les travaux de Gæthe‘, croit à un endoderme indifférent, c’est-à-dire 
à un mésentoderme de qui provient le parenchyme, Lang sépare, 
dès le début, le mésoderme de l’endoderme. Mes propres recherches 
m'autorisent à me rallier complètement aux idées de Lang, d'autant 
plus que, comme on le verra plus loin, dans la formation du paren- 
chyme, le rôle du mésoderme et de l’endoderme est nettement dé- 
limité. 

C'est aussi l'opinion de Pereyaslawzewa, quoiqu'’elle ne soit pas 
assez explicite sur le sort futur de l’endoderme et du mésoderme, et 
surtout sur la formation du parenchyme. 

Les stades suivants conduisent à la formation de la gastrula par 
épibolie. Les cellules mésodermiques supérieures, qui correspon- 
dent au mésoderme de deuxième ordre (wr-mesoderm zellen zweiten 
Ordnung) de Lang, précèdent, dans leur division, les cellules ectoder- 
miques.ilmmédiatement après, les cellules ectodermiques commen- 
cent à se diviser ; mais il m'a été impossible de suivre l’ordre de 
leur division, tellement elle est rapide. 

En même temps, les contours cellulaires, qui étaient jusqu’à ce 
stade nets, deviennent difficiles à distinguer, l'embryon se contracte 
dans son ensemble et de forme pentagone devient sphérique (fig. 9), 


1 À. GœTHe, Abhandlungen zur Entwickelungsgeschichie der Thiere. I. Untersu- 
chungen zur Eniwickelungsgeschichte der Würmer, Leipzig, 1882. 


DÉVELOPPEMENT DE LA CONVOLUTA ROSCOFFENSIS. 349 


Les cellules ectodermiques l’emportent en nombre sur les autres, 
les recouvrent peu à peu de tous côtés. Pendant ce temps, les deux 
cellules endodermiques donnent naissance du côté inférieur à deux 
autres cellules, ainsi que les deux blastodermes mésodermiques in- 
férieurs, de sorte qu’à ce stade (fig. 10) il y a lieu de distinguer, à la 
partie orale de l'embryon, quatre cellules plus claires que les autres 
et qui, pour Pereyaslawzewa, représentent un « ur-endoderme ». 
Dans une note précédente! j'ai nommé les deux cellules prove- 
nant des deux endodermiques l’endoderme primaire, ainsi que Pereyas- 
lawzewa les a désignées avec les deux autres provenant de blas- 
tomères mésodermiques, à l'instar de ce que Lang a décrit chez les 
Polyclades. Mais, depuis lors, j'ai reconnu que ces cellules se com- 
portent dorénavant comme un mésoderme, de sorte que, quand la 
gastrulation par épibolie s’achève, il y a une couche de cellules mé- 
sodermiques enire l’endoderme et l’ectoderme, comme on peut le 
bien voir sur les figures 12 et 13. La figure 12 nous présente un em- 
bryon en coupe optique à un stade plus avancé où les cellules endo- 
dermiques se sont divisées vers la partie supérieure. On voit quatre 
grandes cellules (ed, fig. 12) endodermiques au milieu d’une masse 
cellulaire mésodermique (ms, fig. 12). Des deux côtés, on remarque 
encore (msd, fig. 12) les descendantes de ces deux cellules mésoder- 
miques, qui se sont comportées comme les deux blastomères endo- 
dermiques. Elles se confondent avec celles qui sont issues de l’en- 
doderme pour former ce qu'on peut nommer le mésoderme de 
troisième ordre, par analogie avec la nomenclature adoptée par Lang. 
Ceci se voit encore mieux sur la figure 13, qui représente une coupe 
sagitiale d’un embryon à un stade un peu plus avancé que celui de 
la figure 12. Au-dessous des grandes cellules endodermiques (ed), on 
voit deux couches de cellules beaucoup plus petites. Gelles qui sont 
directement au-dessous de l’endoderme représentent le mésoderme 
de troisième ordre avec les cellules (msd) issues de cellules méso- 


dermiques. 


1 Compies rendus, séance du 13 février 1899. 


350 JIVOIN GEORGÉVITCH. 


Le mésoderme de troisième ordre apparaît déjà au stade repré- 
senté par la figure 8. L'apparition des cellules endodermiques pré- 
cède celles du mésoderme. Au stade figure 9, elles sont déjà nette- 
ment visibles au-dessous de l’endoderme en forme de croissant, 
dont la masse est beaucoup plus claire que celle des cellules 
endodermiques. En même temps, les cellules mésodermiques infé- 
rieures commencent à se diviser. Pendant ce temps, l'ectoderme 
commence à recouvrir la zone où se trouve l’endoderme. Dans le 
stade de la figure 10, l’ectoderme recouvre la plus grande partie des 
deux cellules endodermiques, mais qui sont encore visibles grâce à 
une teinte plus foncée qui tranche nettement sur la teinte plus claire 
des cellules ectodermiques et des cellules mésodermiques. Les plus 
claires sont les cellules mésodermiques de troisième ordre. 

Dans le stade plus avancé qui coïncide avec la division des deux 
grands blastomères endodermiques en quatre, l’ectoderme recouvre 
de tous les côtés l'embryon. Il m’a été impossible de distinguer, 
pendant ce temps, quoi que ce soit qui serait l’analogue du blasto- 
pore : aucun écartement ni arrangement spécial tant entre ces 
cellules ectodermiques qu'entre celles du mésoderme pour former 
un blastopore. 

Si l’on s’adresse aux cellules endodermiques, le même fait se 
retrouve. Les blastomères endodermiques sont trop intimement 
accolés l’un à l’autre, tant sur les coupes optiques (fig. 7, 8, 9, 10 
et 12) que sur les coupes (fig. 11), pour laisser le moindre doute sur 
l'absence d’un archentéron. La figure 11 nous présente une coupe 
transversale d’une jeune gastrula dont les cellules endodermiques 
sont entourées de tous les côtés par le mésoderme et l’ectoderme. 
Les cellules endodermiques sont encore en pleine activité et prêtes à 
se diviser, mais elles sont intimement accolées tant sur cette coupe 
que sur la série des coupes de l'embryon entier. De telle sorte, sans 
le moindre doute, il n'y a pas de cœælentéron. Ceci s'entend pour 
les coupes des gastrula à plusieurs cellules endodermiques. 


Pourtant, Pereyaslawzewa décrit et donne la coupe d’une jeune 


DÉVELOPPEMENT DE LA CONVOLUTA ROSCOFFENSIS. 391 


gastrula à deux cellules endodermiques, entre lesquelles existe déjà 
un archentéron. Voilà les termes textuels de Pereyaslawzewa : 
« L’archentéron y est très étrange, quoique incontestable, visible 
aussi bien sur les œufs vivants que sur les coupes de ces stades. » 

Je n’ai aucune étude personnelle sur le développement d’Apha- 
nostoma, aussi je ne conteste pas le fait que peut-être, chez cet 
Acœle, il y a une cavité gastrique. Mais, comme Pereyaslawzewa 
prétend que la même marche de développement se constate chez 
les genres Convoluta, Darwinia, Schizopora, etc., je puis nier formel- 

lement le fait que chez Convoluta Roscoffensis existe, à aucun stade, 
_une cavité gastrique ; on peut dire que la gastrula est, dès le com- 
mencement, pleine, et ce caractère persiste chez l’animal parfaite- 
ment formé. 

En faveur de mon opinion, je puis citer encore le fait que Gardi- 
ner! n’a trouvé aucune trace de cavité gastrique chez Polychœærus 
caudatus. 

À en juger d’après le dessin de Pereyaslawzewa, on peut croire 
à une mauvaise fixation du matériel qui a permis la contraction 
et même la déchirure de deux cellules endodermiques, ce qui a 
donné l'illusion de l'existence du cœlome d'un côtéet, de l’autre, de 
l'existence d’une cavité gastrique. Au reste, Pereyaslawzewa ne pos- 
sède pas beaucoup de coupes de ces stades, qui lui étaient difficiles 
à faire, de sorte qu’elle était obligée de se baser plutôt sur les coupes 
optiques. 

Ce qui peut se dire de la cavité gastrique peut se dire aussi pour 
le cœlome. Nulle part, je n'ai trouvé aucune trace de cette cavité; 
on peut en juger en comparant mes dessins depuis la figure 7 jus- 
qu’à la figure 15. Mais, comme les organes génitaux suivent toujours 
une marche définie, on peut conclure qu'il doit y avoir une cavité 
cælomique, un gonocèle *, dont la formation m'a du reste totale- 
ment échappé, malgré mes efforts persévéranis. 


1 GARDINER, l0C. Cil. 
£ H.-E. ZGLer. Ueber den derzeiligen Stand der Cülomfrage, Leipzig, 1898. 


352 JIVOIN GECRGÉVITCH. 


Cette question de l’entérocèle étant tranchée, reprenons mainte- 
nant la suite du développement. Les cellules endodermiques subis- 
sent un grand nombre de divisions (fig. 12, 43 et 14, ed). Les cellules 
mésodermiques en font autant, diminuant de volume après chaque 
division, jusqu'à un moment où il est impossible de les distinguer 
des blastomères ectodermiques. Ceux-ci deviennent de plus en plus 
petits, de telle sorte qu'on a beaucoup de peine à les distinguer à 
partir du stade représenté par la figure 12. On sait que l’ectoderme 
subit des changements, après quoi il se présente en forme de syn- 
cytium chez l’animal adulte. Pourtant son état cellulaire est incon- 
testable, comme le prouve l’embryologie. 

Les cellules endodermiques tout en se divisant subissent, elles 
aussi, de grands changements dans leur protoplasma. Les cellules 
paraissent être atteintes de dégénérescence en ce sens que leur pro- 
toplasma devient finement granuleux,se contracte autour du noyau, 
qui lui-même subit les mêmes phases et laisse finalement un espace 
clair autour de la membrane (ed, pc, fig. 43 et 14). 

La marche de cette dégénérescence est progressive, de sorte que 
les plus jeunes cellules endodermiques sont en pleine division alors 
que les plus vieilles sont en pleine dégénérescence. Tous ces chan- 
gements nous conduisent vers la formation de ce qu'on appelle fort 
improprement le parenchyme des Acœles, dont nous voulons aborder 
l'étude dans le chapitre suivant, vu la grande importance qui s’at- 
tache à son étude embryologique. | 

Pendant que l’endoderme subit ces changements, l’'ectoderme se 
revêt de cils vibratiles très courts, fort espacés d’abord,et commence 
lentement à tourner dans la coque de l’œuf. Les cils apparaissent 
exactement au stade représenté par la figure 12. A ce stade, l’em- 
bryon s’allonge et grandit beaucoup. Cet allongement est sigrand que, 
très souvent, l’embryon se courbe sur lui-même avant de percer la 
coque. Au stade dont on a tiré la figure 14, l'embryon commence à 
se contracter lentement grâce aux cellules musculaires qui com- 


mencent à se former. En effet, en quelques endroits autour de 


DÉVELOPPEMENT DE LA CONVOLUTA ROSCOFFENSIS. 353 


l'endoderme et juste à la place où se trouvent les muscles de l’ani- 
mal adulte, les cellules mésodermiques s’allongent (m{/) et devien- 
nent un peu distinctes des autres cellules environnantes. Je n'ai pu 
suivre les phénomènes intimes qui conduisent à la formation défi- 
- nitive des muscles, ces cellules n'étant en somme pas assez diffé- 
renciées pour permettre de les suivre dans les stades suivants. 
‘ Pourtant, leur place et le fait que l’embryon commence à se con- 
tracter lentement montrent assez que ces cellules nous représentent 
l’ébauche musculaire. 

A cette époque, nous trouvons la formation du système nerveux, 
des organes des sens et, fort probablement, des organes génitaux. 

La partie antérieure du corps de l'embryon est allongée et de 
beaucoup plus développée chez celui-ci qu’elle ne l’est chez l’animal 
adulte. C’est de l'ectoderme de cette parte que se forme le système 
nerveux. Les premières ébauches m'ont échappé et ce n’est que vers 
la fin de la période que l'embryon traverse dans l'œuf, représentée 
par la figure 15, que j'ai pu nettement distinguer ce qui sera le sys- 
tème nerveux. En tout cas, chez Convoluta, il n’y a nullement cet 
épaississement pair des cellules ectodermiques au pôle aboral que 
Pereyaslawzewa avait décrit chez Aphanostoma, et qui représente 
l’ébauche du système nerveux. 

Sur la figure 15 qui représente la coupe sagittale d’un embryon 
qui tournait activement dans la coque, on voit, à la partie anté- 
rieure, une accumulation de nombreux noyaux de l’ectoderme, re- 
couverts par les noyaux des cellules mésodermiques. À cette époque, 
la distinction des contours cellulaires est déjà impossible; c’est pour- 
quoi j’emploie les termes de noyaux ectodermiques et mésodermiques. 
Au-dessous de cette masse nerveuse, on voit un petit nombre de 
noyaux arrangés de manière à former une sphère; c’est ce qui est 
l’ébauche de l’otocyste (of, fig. 45). 

La formation de l'organe frontal m'a échappé, mais il est fort pro- 
bable qu'il est aussi d’origine ectodermique et naît de la paroi dor- 
sale de l’ébauche du système nerveux ou dans son voisinage, si l’on 


ARCH; DE ZOOL, EXP, ET GEN, == 3€ SÉRIE, == T, Vil, 1899, 23 


354 JIVOIN GEORGÉVITCH. 


se rapporte aux relations existant entre cet organe et le système 
nerveux de l’animal adulte. | 

Comme le blastopore ne se forme pas nettement, je ne puis dire 
rien sur son sort ultérieur et la formation de la bouche définitive. Pour 
nous, le blastopore, formé par les cellules ectodermiques à la partie 
inférieure des blastomères endodermiques, est plein, dès le commen- 
cement, au même titre que le cœlentéron, conviction basée sur 
l'étude de nombreuses préparations tant d'embryons entiers que de 
coupes aux différents stades. Je dois avouer qu'il m’a été presque 
impossible de trouver, même chez l'animal adulte, la bouche dé- 
crite par Delage et Graff. Al’endroit où se trouve la bouche indiquée 
par ces auteurs, j'ai trouvé, il est vrai, un enfoncement de l’ecto- 
derme, mais le fond de cette invagination était toujours tapissé par 
les cellules ectodermiques. De sorte qu'on peut dire que le paren- 
chyme de l’animal adulte n'est nullement en communication, par 
l'intermédiaire de la bouche, avec l’extérieur, opinion qui trouve 
un grand appui dans le fait que les Convoluta, pendant leur vie, 
n’absorbent aucune nourriture solide. 

En effet, sur de nombreuses séries discontinues tant de coupes 
transversales que sagittales des animaux adultes, je n’ai nullement 
trouvé aucune trace de nourriture solide dans le parenchyme. 

G. Haberlandt* est arrivé aux mêmes résultats quand il dit, à la 
page 88 : « Je dois accepter que les Convoluta adultes, dans les con- 
ditions normales, ne prennent nullement ou exceptionnellement la 
nourriture de l’extérieur et se laissent nourrir exclusivement par 
leurs zoochlorelles. » Et, plus loin, il dit : « Peut-être que la néces- 
sité pour la nourriture prise de l’extérieur s’est bornée pendant la 
période du développement, alors que l’activité assimilatrice des 
zoochlorelles, qui se divisent elles-mêmes, ne suffit pas à satisfaire 
au besoin d’accroissement et d'assimilation. » 

D’après mes études, il est certain que les Convoluta ne prennent 


? G. HAaBerLanpr, Uber den Bau und Bedeutung der Chlorophylizellen von Convo- 
luta Roscoffensis (Monographie de Graf). 


DÉVELOPPEMENT DE LA CONVOLUTA ROSCOFFENSIS. 399 


de nourriture, pas plus pendant la période embryonnaire que pen- 
dant l’état adulte, et que, pendant l’état embryonnaire, les change- 
ments et la dégénérescence des cellules endodermiques suffisent à 
subvenir aux besoins de nutrition pour l'accroissement, alors que, 
pendant l’état adulte, la fonction nutritive est dévolue aux zo0o- 
chlorelles. 

Ici se rattache la question de savoir d’où viennent les zoochlo- 
relles, quelle est leur nature et comment elles se comportent dans 
l'organisme de la Convoluta ? J'avoue que ces questions m'ont donné 
beaucoup plus de peine que toutes les autres, sans que j’aie eu la 
chance de les résoudre définitivement, pas plus qu'Haberlandt qui 
en a fait une étude spéciale. Comme il a traité avec beaucoup 
d'étendue les deux dernières questions, je renvoie à son mémoire, 
et je veux dire quelques mots sur la provenance des zoochlorelles 
que mes études embryologiques m'ont conduit à chercher. 

J'ai trouvé les premières traces de zoochlorelles dans l'embryon 
qui à quitté la coque de l’œuf et qui nage librement dans l’eau, au 
milieu des individus verts. Jamais je n’ai trouvé de trace de chloro- 
phylle soit dans l’œuf, soit dans les stades suivants. La présence de 
zoochlorelles est subite et d'autant plus difficile à expliquer, car, 
comme on a vu, les embryons à ces stades n’ont aucune ouverture 
avec laquelle leur plasma intérieur communique avec le milieu 
ambiant. La question est d'autant plus compliquée que ces premiers 
vestiges de chlorophylle se trouvent déjà à l’intérieur de l’animal 
dans cette partie qu’on désigne actuellement sous le nom de paren- 
chyme périphérique. 

Il y a deux manières de s'expliquer la question. Ou bien les z00-. 
chlorelles sont de vraies algues qui, postérieurement, pénètrent de 
l'extérieur dans le corps des Convoluta ; ou bien les œufs des Convo- 
luta possèdent une ou plusieurs algues non colorées et dont les 
chromatophores se colorent au cours de développement. 

Voilà les expériences que j'ai faites en vue de m'expliquer la pro- 


nance de zoochlorelles. Je filtre l’eau de mer soigneusement, même 


356 JIVOIN GEORGÉVITCH. 


plusieurs fois ; je lave les œufs récemment pondus également avec 
l’eau filtrée, et je les laisse se diviser dans cette eau. La marche de 
la segmentation se fait régulièrement, les embryons parviennent à 
quitter leurs coques et commencent à nager dans cette eau. Ils 
vivent ainsi un ou deux jours et meurent. l 

Avec les mêmes précautions, je mets d’autres embryons dans la 
chambre verte (une boîte en verre vert), et ceux-ci meurent encore 
plus vite. | 

La conclusion naturelle de ces expériences est que les embryons 
ne peuvent se passer de zoochloïelles et ne peuvent atteindre l'état 
normal sans ces algues. Tout porte à croire que pendant les pre- 
miers âges, alors que les zoochlorelles ne sont pas visibles dans les 
embryons, ceux-ci se nourrissent aux dépens de réserves que les 
cellules endodermiques leur procurent, car il est certain qu'ils n’ab- 
sorbent pas d'autre nourriture. Aussitôt que cette réserve est 
épuisée, les zoochlorelles apparaissent pour subvenir aux besoins 
de nutrition. C’est en nageant dans l’eau où se trouvent les animaux 


adultes qu'ils s’en infectent. 


Il 


LA FORMATION DU PARENCHYME ET SA SIGNIFICATION MORPHOLOGIQUE, 


La solution de la provenance du parenchyme est, sans doute, la 
plus importante question qu’on attendait depuis les travaux anato- 
miques de Delage et Graff. C’est ici que les opinions les plus con- 
tradictoires existent, tant sur la manière de comprendre la structure 
histologique du parenchyme que sur sa signification morphologique. 
Pour tous les détails histologiques, je renvoie aux travaux de Delage 
et Graff, et je veux donner ici un court résumé sur sa structure et sa 
position, afin de pouvoir comprendre ce qui suivra sur son dévelop 
pement. 

Sous le nom de parenchyme ou, comme Delage dit, réticulum, on 
désigne un tissu qui remplit tout le corps et dans lequel se trouvent 


tous les organes de l’animal. Ce tissu apparait extrêmement com- 


DÉVELOPPEMENT DE LA CONVOLUTA ROSCOFFENSIS. 397 


pliqué d’après les récents travaux de Graff, au moins pour les autres 
Acœles que notre Convoluta, et j'avoue n’avoir point trouvé cette 
complication pour la Convoluta. Sur des coupes transversales des 
animaux adultes bien fixées et colorées à l’hématoxylène, on dis- 
tingue d’abord une partie périphérique avec beaucoup de noyaux et 
de zoochlorelles, et une partie centrale, finement ponctuée avec des 
noyaux épars et très rares et qui paraît être plus claire, parce qu’elle 
ne se colore pas facilement. Les deux parties adhèrent intimement 
l’une à l’autre. Les éléments anatomiques qui les composent sont 
déjà décrits par Delage, et je n’insisterai ici davantage. 

Si nous nous rapportons à Graff, qui a résumé d’une manière très 
claire les différentes catégories sous lesquelles se range le paren- 
chyme des Acœles, nous dirons qu'il y a un parenchyme central clair 
et un parenchyme périphérique. Ces parenchymes sont creusés de la- 
cunes et c'est dans ces lacunes que se trouvent les zoochlorelles, 
les organes génitaux, etc. La provenance de ces vacuoles est aussi 
incertaine. Tandis que, pour les uns, elles sont intracellulaires, pour 
les autres, elles sont intercellulaires. 

Tâchons maintenant ‘de voir quels sont les renseignements que 
l’embryologie nous apporte sur ces questions. 

D'abord, la provenance du parenchyme. Si l’on se rapporte à la 
figure 12, on voit que les cellules endodermiques (ed) ont commencé 
à se segmenter et que par conséquent, en continuant à se diviser, 
elles donneront un tissu endodermique. Ce tissu dès l’origine tranche 
nettement sur les autres. D'abord, ses cellules sont plus grandes et, 
comme nous avons vu, atteintes de bonne heure de la dégénéres- 
cence, ce qui se voit sur les figures 13 (ed, pe) et 14 (pc). 

Sur la figure 13 qui représente une coupe sagittale tirée d’une 
série de coupes irréprochables comme fixation et coloration, on 
voit d’abord au milieu deux grandes cellules (ed), que leur position 
et leur structure désignent tout de suite comme les premiers blasto- 
mères endodermiques. Au-dessus d’eux, on voit les contours d’au- 


tres cellules, qui se présentent sous le même aspect et qui sont, par 


358 JIVOIN GEORGÉVITCH. 


conséquent, leurs congénères. Même chose sur la figure 14 qui 
nous donne une coupe coronale d'un embryon à un stade plus 
avancé que celui représenté par la figure 12. Ici, sur la figure 14, on 
voit encore mieux la position que les cellules endodermiques occu- 
pent dans les stades plus avancés, comme celui dont on a tiré la 
coupe (fig. 15) et chez l'animal adulte. 

Sur la figure 13, on voit nettement les cellules mésodermiques 
(ms) et celle désignée par moi comme mésoderme de troisième ca- 
tégorie et, par Pereyaslawzewa, comme ur-entoderme. Elles se trou- 
vent (msd) au-dessous et du côté de deux blastomères endodermiques 
(ed). Elles ont l’aspect des cellules mésodermiques et ne sont nulle- 
ment atteintes de la dégénérescence. On reconnaît facilement leur 
position sur la figure 14. 

Déjà à ce stade (fig. 13), la partie de l'embryon occupée par l’en- 
doderme se distingue nettement du reste, non seulement par la 
structure de ces cellules, mais aussi parce qu'elle est plus claire, car 
ses cellules ne se colorent que très difficilement. 

On peut suivre pas à pas la transition des différents stades que 
traverse l’endoderme depuis le stade représenté par la figure 12 jus- 
qu’à celui de la figure 15, ce qui nous a dispensé de multiplier le 
nornbre des figures. De sorte que le parenchyme central (pe, fig. 13, 
14 et 15) est uniquement d'origine endodermique. Ge qui explique 
maintenant la fonction digestive de ce parenchyme central que 
Graff lui a assigné. 

Le parenchyme périphérique, que Graff considère aussi comme 
tissu de soutien, est formé uniquement de cellules mésodermiques, 
comme l’on voit clairement dans les figures 13 (ms) et 14 (pp). 

Reste la question des vacuoles. Comme nous avons déjà dit, De- 
lage croit qu'elles sont intercellulaires, tandis que Graff et Lang pré- 
tendent qu’elles sont intracellulaires. Il n’était pas difficile de con- 
clure des faits anatomiques qu’elles étaient intercellulaires, si l’on 
ne voulait échapper à la conclusion que Delage avait faite en émet- 


tant son opinion sur la nature des vacuoles. Elle est si concluante, 


DÉVELOPPEMENT DE LA CONVOLUTA ROSCOFFENSIS. 359 


que je crois nécessaire de la citer textuellement : « Les aréoles sont 
données comme n’ayant pas de paroi et comme étant, par suite, 
des vacuoles intracellulaires. D'autre part, les produits sexuels sont 
contenus dans ces aréoles, les orifices buccal et sexuels conduisent 
à elles. Ainsi les aliments absorbés pénétreraient dans des cellules! 

« Les œufs et les spermatozoïdes, cellules eux-mêmes ou parties 
de cellules, seraient contenus dans des cellules étrangères! » 

Nous avons déjà décrit la marche de la dégénérescence des cellules 
endodermiques. De ces faits résulte qu'à un moment donné et 
avant que la membrane cellulaire se résorbe, il y a un espace vide 
tout autour de la cellule, entre le protoplasma de celle-ci et sa mem- 
brane. Sur la figure 14, on peut se rendre très bien compte de ce 
fait. Dans un stade plus avancé, les contours cellulaires s’effacent, 
les membranes se résorbent, et alors les espaces vides des différentes 
cellules se touchent et se confondent entre eux. De là résulte un 
système de lacunes intercellulaires dans le parenchyme central. 

Il est fort probable que les lacunes du parenchyme périphérique 
se forment de la même manière, mais je n’ai pu suivre la marche 
de leur développement. 

Il est facile maintenant de s'expliquer la marche des cellules 
sexuelles dans ces lacunes. 

Sur nos coupes transversales, les cellules sexuelles se trouvent 
toujours dans les lacunes sur la périphérie du parenchyme central, 
donc entre le parenchyme central et le périphérique. Ges lacunes 
les conduisent jusqu'aux orifices de sortie. Vu la position de ces 
organes, il est certain que les lacunes du parerchyme périphérique 
servent aussi à loger les organes sexuels. Et comme les organes 
sexuels sont logés dans les cavités du corps secondaire (gonocæles), 
ne peut-on voir dans ces lacunes la cavité du corps, d'autant plus 
que, d’après beaucoup d’auteurs, la cavité du corps secondaire était 
primitivement un gonocϾle *. 


1 H.-E. ZiEGLER, loc, cit., p. 72. 


360 JIVOIN GEORGÉVITCH. 


Si les fait et supposilions que j'ai avancés sont reconnus exacts, je 
peux confirmer, avec Graff, l'exactitude des idées de Spengel. Spen- 
gel, se basant sur une opinion de Huxley ?, dit que l’« acælie » 
peut n'être qu'’apparente et qu’on peut considérer l'intestin comme 
diffus ; en eflet, les cellules endodermiques ne forment ni un feuil- 
let, ni un amas fermé, mais forment un syncytium amæboïde entre 
les élémenis mésodermiques. D’après mes propres recherches, on 
voit que ce qui est l'intestin d’autres Turbellariées est formé, chez 
Convoluta Roscoffensis, par une masse non limitée de cellules endo- 
dermiques non à l’état amæboïde, mais de vraies cellules qui dé- 
génèrent bientôt pour former le parenchyme central, le vrai repré- 
sentant de l'intestin d’autres Turbellariées. 

Ceci nous conduit à une question que Delage s'était posée, à savoir 
si l’acœlie et ce manque de système digestif sont primitifs ou se- 
condaires. | 

Je ne pourrais mieux faire que de citer le texte de Delage * : 

« Mais à quoi est due cette infériorité d'organisation ? Provient- 
elle d’une série de régressions graduelles ou est-elle la marque d’un 
développement progressif encore très peu avancé ? 

« En d’autres termes, l’Acæle est-il un Ver dégénéré provenant 
d’ancêtres pourvus d’un tube digestif et d'une organisation moins 
rudimentaire, ou un Protozoaire perfectionné par la multiplication 
de ces cellules et devenu la souche des Annelés et des Mollusques? 

« On conçoit tout l'intérêt qui s'attache à l’étude de ces questions 
que l’embryologie pourra seule élucider! » 

Le fait que la dégénérescence de l'endoderme n'est pas primitive, 
mais secondaire; qu'il existe primitivement un blastocæle qui, en 
somme, représente une cavité cæœlomique primitive; que les organes 
génitaux sont logés dans les lacunes, qui sont des gonocæles ; qu'il 


y a des zoochlorelles, nous autorise suffisamment à croire que 


1 SPENGEL, Darmilose Sirudelwürner Kosmos, 1884, cité d’après Graff. 
? HuxLey, Eléments d'analomie comparée. 
3 Y. DELAGE, loc. cil., p. 110. 


DÉVELOPPEMENT DE LA CONVOLUTA ROSCOFFENSIS. 361 


cette organisation inférieure provient d’une régression d’ancêtres 


pourvus d’un tube digeslif et d'une organisation moins rudimen- 


taire, 
EXPLICATION DE LA PLANCHE X. 
Lettres commiunes à toutes les figures de la planche. 
ec, ectoderme. pp, parenchyme périphérique, 
ms, mésoderme, s, Système nerveux. 
msd, mésoderme de troisième ordre. ot, otocyste. 
ed, endoderme. ml, muscles, 


pe, parenchyme central. 


l'outes les figures ont été faites à la chambre claire sous un grossissement de 50 fois 
et agrandi ensuite 5 fois. 


Fig. 14. La division de l’œuf en deux blastomères. 

2 et 3.. La division de l’œuf en quatre blastomères, dont deux ectodermiques, 
ec, et deux endodermiques, ed. La figure 3 présente un embryon vu de 
côté, tandis que la figure 4 nous le donne de face aborale. 

4, Jeune blastula avec la cavité de segmentation nettement visible. 

5. Blastula plus avancée. 

6. Commencement de la gastrulation, 

7. Coupe optique permettant de voir l’invagination de deux blastomères endo- 
dermiques. 

8, 9, 10. Jeunes gastrula de sept, huit et neuf heures après la ponte. 

11. Coupe transversale d’une gastrula à dix heures après la ponte. 

12. Coupe optique d’une gastrula à douze heures après la ponte. 

13. Coupe sagittale d’une gastrula à quatorze heures après la ponte. 

14. Coupe coronale d’une gastrula à seize, dix-huit heures après la ponte. 

15. Coupe sagittale de l'embryon à vingt-deux-vingt-quatre heures après la 
ponte. 


NOTES BIOLOGIQUES ET HISTOLOGIQUES 


SUR 


LA LARVE D'UN DIPTÈRE 
(MICRODON MUTABILIS L.) 


PAR 


E. HECAT 


Chef des travaux à la Faculté des sciences de Nancy. 


Les Dipières myrmécophiles sont relativement peu nombreux et 
peu connus, certains fréquentent les fourmilières à l’état de larve, 
d’autres comme imago. Parmiles représentants intéressants du pre- 
mier groupe,on peut signaler Microdon mutabilis L., de cette famille 
des Syrphidæ, qui comprend le groupe bien connu des Volucelles. 

L’Insecte adulte ne présente pas de caractères bien frappants, la 
larve, au contraire, par sa forme bizarre, son habitat dans les four- 
milières humides, déroute à première vue le diagnostic. A la voir 
ramper lentement sur sa face ventrale aplatie, tandis que sa face dor- 
sale s’arrondit en un bouclier, on croirait avoir affaire à un petit 
Mollusque, à une Limace. La coloration brunâtre du dos de l’animal, 
son apparence ridée, chagrinée, la coloration blanche et l’aspect 
luisant de la sole pédieuse, le glissement en masse si caractéristique 
de la majorité des Gastéropodes, tout contribue à une ressemblance 
qui excuse largement la méprise des premiers auteurs qui ont eu 
l’occasion d'étudier la larve du Wicrodon mutabilis, et l'ont prise pour 
un Mollusque, l'appelant Parmula (CG. von Heyden), Scutelligera 
(Spix). 

Frappé de cette ressemblance, de cette modification adaptative de 


364 E. HECHT. 


la forme extérieure, qui, déjà sensible chez d’autres larves de Syr- 
phidæ, chez les Volucelles, paraît avoir atteint son maximum chez 
le Microdon, j'ai étudié ces points de convergence. J'ai recherché si 
elle était tout apparente et d'extérieur seulement, ou bien si elle se 
prolongeait, s’affirmait dans l'organisation anatomique de l’animal 
par l'existence d'organes correspondants à ces particularités de 
forme; je dois dire de suite que c’est ma première hypothèse qui 
était la bonne. 

Les larves que j'ai pu étudier m'ont été données par M. de Peyer- 
imhoff, que je suis heureux de remercier ici de tout cœur. Elles ont 
élé trouvées dans des fourmilières, tant à Aubure (sanatorium élevé 
des Vosges) que dans les environs de Toul (Meurthe-et-Moselle). Il ne 
s’agit pas ici des fourmilières en cônes, formées de débris divers, que 
tout le monde connaît, mais des galeries que certaines espèces de 
Fourmis : Formica fusca L., Lasius niger L., £L, flavus Fabr., creu- 
sent dans les vieilles souches d'arbres. Ce fait indiquerait que ces 
larves aiment l'humidité, et, en effet, j'ai pu en conserver en cap- 
tivité, pendant de longues semaines, dans une atmosphère humide, 
en ayant soin toutefois de les surveiller, car leurs téguments sont 
vite envahis par des moisissures auxquelles elles ne doivent, du reste, 


pas être sujettes dans les fourmilières. 


I 


CONVERGENCE. 


Le point de convergence le plus frappant est évidemment la forme, 
dont dépendent ensuite la plupart des autres points. On ne peut 
considérer un instant cette larve si déformée, présentant deux faces 
si nettement différenciées, sans que s'impose de suite à l’esprit sa 
ressemblance frappante avec une Limace, et mieux encore avec un 
genre bien caractérisé de Nudibranches : la Doris; c'estavec ce type 
que la convergence persiste. Toutes deux ont la forme générale d’un 
demi-citron (section en long), toute deux rampent sur leur face 


SUR LA LARVE D'UN DIPTÈRE. 365 


plane, tandis que leur face dorsale, bombée et renforcée par ses 
ornements variés, représente la carapace protectrice. C’est bien là 
la forme en bouclier difficilement saisissable, qui est, pour bien 
des animaux rampants, leur plus sûr moyen de protection (pl. XI, 
fig. 4). 

Cette convergence réside, non seulement dans la forme générale 
de l’animal : bouclier oval, allongé suivant le grand axe, mais encore 
dans le profil des coupes qui offre bien des analogies. Chez la larve, 
le pourtour du bouclier est légèrement aplati, et au point où il se 
raccorde avec la face ventrale, est muni d’une bordure de soies, cou- 
chées presque parallèlement au sol. Elles constituent une sorte de 
rebord en biseau qui raccorde parfaitement la surface du bouclier 
avec celle du substratum. On retrouve un dispositif analogue chez 
la Doris : les bords extrêmes du manteau, renforcés par des spicules 
spéciaux, au lieu de conserver le profil général de l’animal indiqué 
par les bords verticaux du pied, divergent légèrement, s’écartent de 
la base de reptation. Ils sont très mobiles, peuvent, suivant les cas, 
se relever ou s'appliquer sur le substratum, et constituent ainsi un 
excellent biseau de raccord analogue à celui de la larve du Microdon. 

Le mode de locomotion m'a paru un second point de convergence. 
La larve du Microdon se meut très lentement, elle rampe ou mieux 
encore semble glisser tout d’une pièce à la surface du substratum. 
Elle se déplace dans toutes les positions, parfois même ventre en 
l'air, dos en bas, ainsi, par exemple, à la face inférieure d’une lame 
de verre horizontale ; enfin, tout comme une Patelle, elle s'applique 
contre les objets, et y adhère avec vigueur par sa face pédieuse, quand 
on fait effort pour la détacher. Cette face, à son tour, est blanchâtre, 
brillante, luisante, comme si elle était humectée par un liquide. 
Devant cette similitude apparente, on aurait pu s'attendre à trouver 
chez la larve du Microdon, des dispositions analogues à celles qui 
existent chez les Gastéropodes-: présence de glandes muqueuses lu- 
brifiant la face plantaire ; même répartition des muscles moteurs. 


Mes coupes me permettent de dire qu’il n’y a pas de glandes mu- 


366 E. HECAT. 


queuses, soit disséminées sur l'étendue totale de la face plantaire, 
soit réunies en un bourrelet sur son bord antérieur. L'aspect brillant 
et l’adhérence sont dus surtout à une couche très serrée de lon- 
: gues soies simples, semi-rigides, qui forment un épais tapis à la sur- 
face de la cuticule et paraissent jouer un rôle capital dans la loco- 
motion. Elles ne manquent qu’à la périphérie de la sole pédieuse» 
au niveau de la base des soies marginales. Je dois signaler cepen- 
dant que J'ai cru voir plusieurs fois un flot de liquide, projeté par 
l’anus, se répandre sur une portion de la face plantaire. 

Chez les Gastéropodes à reptation en apparence similaire, les mus- 
cles longitudinaux de la face plantaire forment une couche continue 
à peu près régulière, et il est difficile de saisir des zones de contrac- 
tion bien délimitées. Chez notre larve, les muscles longitudinaux 
courant parallèlement à la face plantaire, laissent entre leur face 
inférieure et l’épiderme un espace libre. De cette face inférieure se 
détachent, comme d’un nœud commun, de distance en distance et 
d'avant en arrière, sept groupes de muscles disposés par faisceaux 
(pl. XI, fig. 4). Divergeant en éventail autour de ce nœud muscu- 
laire, ils vont s’insérer sur la face profonde de la cuticule, suivant 
un mode sur lequel j'aurai à revenir (pl. XI, fig. 9). Grâce à cette 
disposition en éventail, les faisceaux musculaires qui gagnent direc- 
tement la cuticule sont à la fois perpendiculaires à sa surface, très 
courts, et ont leurs points d'insertion très rapprochés. La surface de 
la cuticule se déprimant légèrement à leur niveau, il se forme, sur 
la face plantaire de l’animal, au moment des contractions, des 
groupes de petites stries transversales à position immuable, laissant 
entre elles autant de petits champs rectangulaires. Ces stries trans- 
forment la surface veloutée primitive en une surface rugueuse, 
ridée, et forment sans doute comme autant de points d'appui pour 
Ja reptation de l’animal (pl. XI, fig. 4, 9, re). 

Leur valeur mécanique s'accroît encore du fait que les soies qui 
revêtent la cuticule sont comprimées les unes contre les autres au 


niveau des replis, se prêtent mutuellement appui et forment ainsi, 


SUR LA LARVE D'UN DIPTÈRE. 367 


par leur juxtaposition, comme autant de petits balais transversaux. 
Malgré une similitude apparente, le mode de reptation est donc très 
différent dans les deux cas. 

Chez la larve du Microdon comme chezles Gastéropodes à forme en 
bouclier, l’orifice buccal est reporté sur la face de reptation, ce qui, 
par suite de la forme même de l’animal, lui assure le maximum de 
protection. Cette disposition est même plus accentuée encore, car, 
tandis que, chez les Mollusques, la bouche est surélevée de quelques 
millimètres, de toute l'épaisseur du bourrelet pédieux qu’elle sur- 
plombe légèrement, chez le Microdon, elle s’ouvre à même à l’extré- 
mité antérieure de la face plantaire. Mais cet inconvénient apparent 
est en partie compensé par une grande rétractilité de l’armature 
buccale, qui présente de chaque côté deux petits stylets chitineux, 
portés sur un mamelon conique, rétractile. Quand l’animal les fait 
saillir, les deux petits mamelons divergent fortement, et, grâce à 
leur taille, les deux stylets sont parfaitement visibles. Sur le plan 
médian on trouve une pièce impaire munie de petites dents simu- 
lant une radula. 

L’orifice buccal mène dans un bulbe pharyngien dilaté et orienté 
vers la face ventrale, auquel fait suite un œsophage très étroit qui 
traverse le collier nerveux et aboutit à un gésier piriforme. A l’extré- 
mité postérieure amincie de cet organe, une couronne de petits 
cæcums peu développés marque l’origine de l'intestin moyen qui, 
après plusieurs circonvolutions, aboutit à une portion élargie, hori- 
zontale, rectiligne. L’intestin postérieur, court et étroit, s’en dé- 
tache à angle droit et gagne perpendiculairement la face ventrale où 
il se termine par un anus peu visible (pl. XI, fig. 4). | 

J'ai cru voir un nouveau point de convergence dans le report des 
orifices trachéens en un point déterminé du bouclier dorsal. Ges 
orifices sont, en effet, groupés sur un petit organe spécial, brunâitre, 
le tubercule stigmatifère, visible sur la ligne médiane, dans le quart 
postérieur de la région dorsale (pl. XI, fig. 4, t). Je n’ai pu m’em- 
pêcher d'établir un rapprochement entre cette situation et la 


368 E. HECAT. 


place identique qu'occupe la rosette branchiale chez les Doridiens. 

Rassemblés dans ce tubercule stigmatifère, seul organe saillant à 
la surface des téguments de la larve du Microdon, les orifices des 
trachées semblent, à premier examen, très exposés. Il n’en est rien, 
car leur protection est assurée par un ensemble de dispositions ana- 
tomiques que je crois devoir décrire ici rapidement. On remarquera 
de grandes analogies avec le dispositif observé par Pantel chez la 
larve de Thrixion Halidayanum *. 

À première vue, le tubercule stigmatifère apparaît comme un petit 
mamelon violacé, non rétractile, délimité à sa base par un sillon 
profond, et tronqué à son extrémité. Sur celle-ci on distingue deux 
petits mamelons secondaires, couronnés chacun par une petite plate- 
forme circulaire et séparés l’un de l’autre, sur le plan médian, par 
une dépression accentuée (pl. XI, fig. 7, 8, d). Cette plate-forme 
porte, groupées en une rosette incomplète, sept petites plaques 
ovales, et chacune de ces plaques porte, à son tour, groupés de 
même, plusieurs, souvent sept, petits orifices ovales. L'ensemble rap- 
pelle le groupement des individus autour de l’orifice cloacal dans 
une colonie de Potryllus. Enfin, sur les flancs de la dépression qui 
sépare les deux mamelons, et symétriquement disposés, on trouve, 
de chaque côté, un orifice circulaire plus grand et bien visible à la 
loupe. C’est par tous ces orifices que le système trachéen de la larve 
communique avec l'extérieur. | 

À ce tubercule aboutissent en effet deux bouquets de trachées, 
embranchées à leur base sur un tronc commun très court. Dans 
chaque bouquet, on peut distinguer une trachée plus forte se diri- 
geant obliquement en avant vers le bulbe pharyngien. Comment ces 
trachées communiquent-elles avec l'extérieur ? A la base du tuber- 
cule stigmatifère, les deux gros troncs collecteurs se rapprochent un 


instant à se toucher, puis se séparent de nouveau pour gagner les 


! J. PanreLz, le Thrixion Halidayanum Rond. Essai monographique sur les carac- 
tères extérieurs, la biologie et l'analomie d’une larve parasite du groupe des Tachinaires 
(la Cellule, t. XV, 1898). 


SUR LA LARVE D'UN DIPTÉRE. 309 


mamelons secondaires. Sur une coupe transversale (pl. XI, fig. 8) 
on voit se détacher de leur voûte de nombreux petits canalicules 
(ca) qui gagnent la face profonde de la cuticule, y pénètrent en se 
ramifiant, et, avant de déboucher sur les plaques signalées plus haut, 
se renflent en une petite vésicule ampulliforme. Enfin, de chacun de 
ces grands collecteurs trachéens part un canalicule bien isolé, plus 
large que les précédents, muni comme eux d’une vésicule, et qui va 
se terminer à l’un des grands orifices (go). 

Ainsi constitué, le tubercule stigmatifère de la larve du Microdon 
représente un crible d’une grande finesse, qui, tout en réalisant au 
total une voie de communication très large, réduit au minimum les 
chances de pénétration des corps étrangers, grâce à la ténuité de ces 
orifices multiples. C’est là une première condition de sécurité assu- 
rée ; quant à la solidité du tubercule siigmatifère, on verra plus loin 
qu’elle est assurée par la forme spéciale des saillies chitineuses qui 
couvrent cet organe. 

La convergence eût été plus frappante encore si l’orifice anal de 
la larve, eomme c’est du reste le cas normal chez les autres larves, 
moins profondément déformées de ce groupe, fût demeuré au voi- 
sinage des orifices trachéens, et par suite, au cas particulier, dans 
la région dorsale. On sait, en effet, que chez les Doris, l’anus dé- 
bouche au centre de la rosette branchiale. J'ai cru un instant qu’il 
en était ainsi, m’appuyant à tort sur les données fournies par les 
larves voisines, et m'autorisant de la difficulté que j'éprouvais à 
trouver l’orifice anal. Mais, tout au contraire, les coupes m'ont 
montré que, chez la larve du Microdon mutabilis, l'anus, fait sur 
lequel je crois devoir appeler l'attention, est non seulement très 
éloigné des orifices trachéens, mais encore s'ouvre sur la face plan- 
taire dans le plan médian. Une verticale s’élevant de ce point ventral 
perfore les téguments dorsaux un peu en avant du tubercule stigma- 
tifère. Il est toujours curieux, quand on étudie la convergence de 
deux types, de la voir brusquement interrompue, et souvent par 
des influences biologiques, incapables à première vue, de contre-ba- 


ARCH. DE ZOOL, EXP. ET GEN. — 3€ SÉRIE. — T, VII, 1899, 24 


370 E. HECAT. 


lancer celles qui militeraient en faveur de la continuation de la 
convergence. Pour motiver cette disposition spéciale de l’anus sur 
la face ventrale de la larve, je ne vois à invoquer que: 1° la néces- 
‘ sité d’assurer la sécurité à cet orifice par un procédé différent de 
celui auquel les orifices trachéens doivent la leur: chez les Dorts, 
l’anus et la rosette branchiale sont rétractiles au fond d’une erypte 
dorsale ; 2 une raison mécanique qui, à l’inverse de celle qui justi- 
fiait l'émission des excreta sur là région dorsale, dans un milieu 
aqueux, réclame leur expulsion sur la face ventrale chez des larves 


terrestres, pour éviter la souillure des alvéoles du bouclier dorsal. 


IT 


FORMATIONS CHITINEUSES. 


Les poils, ou plutôt les formations bizarres nées de l’épaisse 
couche de chitine qui recouvre le corps de la larve du Microdon 
mutabilis, présentent des aspects très divers et très compliqués. 
C'est cette complication extrême qui en fait le principal intérêt, en 
les plaçant certainement parmi les productions les plus curieuses de 
la chitine. Elles ont sans doute pour rôle d'empêcher que le corps 
de l’animal ne soit recouvert de particules étrangères, et de les 
retenir en certains points déterminés; mais pour atteindre ce but la 
complication de certaines de leurs formes n’était pas absolument 
nécessaire. Il est donc probable que, dans ce cas, comme dans bien 
d’autres similaires (colorations compliquées, formes étranges), il 
faut renoncer à chercher à toute force une raison finale, et se 
résigner à ne voir, dans la complication inusitée de ces poils, que 
le résultat d’une sorte d’exubérance formative, d'un élan de vitesse 
acquise, dépassant les limites des formes strictement nécessaires à 
l'animal, sans du reste lui nuire. Ces cas sont peut-être plus fréquents 
qu’on ne l’admet encore dans la nature. 

Je crois intéressant de décrire les principaux types de ces forma- 


tions chitineuses : le plus curieux se trouve sur les mailles dorsales. 


SUR LA LARVE D'UN DIPTÈRE. 371 


Quand on regarde attentivement la face dorsale d’une larve de 
Microdon (pl. XI, fig. 2), elle apparaît recouverte par un étroit ré- 
seau à mailles brunes, polygonales, limitant entre elles de petits 
champs d’un blancirisé. Les téguments de l’animal ne sont donc pas 
uniformément bruns comme les représente Poujade‘, mais bien 
blanchâtres avec des dessins bruns. Ce réseau n’est pas partout con- 
nu, il s'interrompt à quelque distance de la périphérie, et suivant 
deux bandes longitudinales. Les mailles forment ainsi trois champs : 
un médian, très étroit, portant le tubercule stigmatifère, et deux 
latéraux, plus larges. De dimensions variables, de forme souvent 
pentagonale, elles sont disposées sans ordre dans les champs laté- 
raux, mais assez régulièrement au pourtour du tubercule stigmati- 
fère, et dessinent souvent une mosaïque régulière dans le champ 
médian. À une maille impaire médiane succèdent une paire de 
petites mailles, une paire de mailles plus grandes, puis de nouveau 
une maille impaire, et de chaque côté de ce dessin médian s’allonge 
une file de mailles à peu près régulières. 

Ces mailles sont formées non par de simples poils, mais par de 
petits bouquets plus ou moins régulièrement alignés et offrant une 
disposition compliquée. Sur un plateau circulaire se dresse une 
couronne de champignons, que domine un beau poil. Le plateau 
formant la base de ce système est séparé par un sillon de la surface 
plane de la cuticule. Il est limité lui-même par un petit rebord, 
formé par une épicuticule brunâtre, peu épaisse, qui recouvre tout le 
système et constitue presque seule là masse des petits champignons. 
Ceux-ci, au nombre d’une vingtaine, en moyenne, par couronne, 
souvent aussi moins nombreux, présentent un pédoncule de hauteur 
variable, un peu étranglé en son milieu et surmonté par un petit 
chapeau aplati. Ce chapeau a généralement ses bords relevés, tantôt 
sur un point, tantôt sur l’autre, quelquefois sur tout son pourtour, 


il paraît alors creusé en son milieu (pl. XI, fig. 3). 


1 PousADe, Métamorphoses d’un Diptère de la famille des Syrphides, Microdon mu- 
tabilis L. (Annales Soc. entom. France, sér. 6, t. III, 1883, p. 22). 


372 : E. HECAT. 


Au centre de cette couronne se dresse un grand poil ramifié, 
constitué par un fût court et massif, de l’extrémité duquel partent, 
en divergeant, de deux à quatre longs prolongements. Ceux-ci sont 
creux, épais à la base, effilés à la pointe et gracieusement incurvés. 
Ils simulent ainsi une sorte de plumet dominant la couronne des 
champignons. Les extrémités de ces poils s’enchevêtrent souvent 
avec celles des systèmes voisins, et forment ainsi un réseau qui 
retient les corps étrangers : débris de végétaux, sable, etc., et les 
empêche de recouvrir les champs blanchâtres étendus entre les 
mailles. La présence de ces débris, en donnant à la larve une cou- 
leur grisâtre indécise, contribue peut-être à la dissimuler à la surface 
du substratum. 

Dans l'étendue des champs blanchâtres de la face dorsale, la sur- 
face des téguments est finement verruqueuse. Cet aspect est dû à de 
nombreuses petites saillies mousses, régulières, bien visibles sur les 
coupes, et qui, vues de face, sont limitées par des contours polygo- 
naux. Sur des fragments traités par la potasse, la masse de la cuticule 
paraît perforée par une multitude de petits canalicules capillaires, 
perpendiculaires à sa surface. 

Le système des mailles polygonales du bouclier dorsal s'arrête à 
quelque distance de la périphérie, créant ainsi une zone étroite dé- 
pourvue de saillies, en dehors de laquelle on retrouve d’autres pro- 
longements chitineux (pl. XI, fig. 1, z). 

Ce sont d’abord de petites saillies coniques, très courtes, groupées 
au nombre de quatre ou cinq sur une embase commune, ou dispo- 
sées sur un rang, comme les dents d’un peigne. Ces formations 
recouvrent, à la manière des tuiles d’un toit, la base des soies qui 
forment l’arête du biseau marginal signalé plus haut. Ces soies 
marginales disposées en couronne au pourtour du corps, qui leur 
doit son aspect villeux, sont les unes simples, plus vigoureuses, 
brunâtres, les autres bifides, presque incolores. Réparties dans deux 
étages différents, elles alternent régulièrement; les soies simples, 
plus élevées, recouvrent le créneau demeuré libre entre deux soies 


SUR LA LARVE D'UN DIPTÈRE. 373 


bifides contiguës (pl. XI, fig. 4, ss, sb). Aplaties, effilées à leur 
extrémité, et bifides seulement dans leur moitié externe, ces dernières 
rappellent assez la queue fourchue de l'Hirondelle. Ainsi disposées, 
elles jouent sans doute un rôle protecteur, en arrêtant au pourtour 
de l'animal les corps étrangers, que l’on retrouve, du reste, en abon- 
dance au milieu d’elles, ainsi que sur les petits peignes qui les 
recouvrent. Elles naissent au fond d’un repli de l’épiderme. Sur des 
coupes, ce repli forme, du côté de la cavité générale, un bourrelet 
saillant (pl. XI, fig. 4, bo). Les deux petites plaques brunes, signalées 
plus haut au voisinage de l’orifice buccal, sont formées par la sou- 
dure de plusieurs de ces petites soies. 

J'ai observé encore de petites formations spéciales à cette cou- 
ronne de soies marginales. De distance en distance, une soie bifide 
manque, et les deux soies simples contiguës, prenant un dévelop- 
pement considérable, s’allongeant beaucoup, forment une sorte de 
fourchette protectrice à deux dents (pl. XI, fig. 4, gsp). A leur base 
et à demi caché entre elles, on trouve un bouquet de quatre petites 
soies filiformes, incolores, très délicates, dont deux plus développées 
égalant la longueur des soies protecirices, et deux autres, plus 
courtes, ne dépassant pas les soies normales. Ges formations, au 
nombre d’une vingtaine environ, sont réparties assez régulièrement 
de chaque côté du corps et séparées par des séries d’une trentaine 
de soies normales. Au voisinage de l'orifice buccal, elles sont beau- 
coup plus rapprochées. Quant à leur rôle spécial, étant données 
leur répartition, leur saillie, la facon dont elles sont protégées, je 
croirais volontiers que ce sont là des organes des sens, peut-être 
bien des groupes de poils tactiles. | 

Les saillies chitineuses qui couvrent le tubercule stigmatifère re- 
vêtent, à leur tour, une nouvelle forme. Ce sont de gros champignons 
massifs, très rapprochés les uns des autres, d’où la tendance à la 
formation d’une carapace mamelonnée et la solidité extrême du 
tubercule. Le chapeau, de forme convexe, coiffe un épais pédoncule 


étranglé en son milieu. Son bord circulaire est souvent déchiqueté, 


314 E. HECHT. 


et se prolonge en saïllies quelque peu comparables aux baleines 
d'un parapluie. De la face inférieure du chapeau se détachent des 
lamelles verticales, très irrégulières, qui vont se perdre sur le pédon- 
cule vers le milieu de sa hauteur. Ces saïllies chitineuses sont sou- 
vent si rapprochées, qu’on peut observer la concrescence entre les 
bords de plusieurs chapeaux voisins. C’est sans doute à la constance 
de ce fait, en des points déterminés, qu'est due la production des 
plaques signalées sur le tubercule stigmatifère, et l'existence des 
vésicules ampulliformes sur le trajet des canalicules. Ceux-ci dé- 
bouchant à la surface entre les bases des saillies chitineuses serrées 
en massifs compacts, les dilatations ampulliformes correspondent 
aux étranglements de plusieurs pédoncules voisins, et les orifices 
externes à des vides persistant entre les bords de leurs chapeaux 
(pl. XI, fig. 8, ch, da). 

Je dois signaler encore, parmi les productions chitineuses de la 
larve du Microdon mutabilis, de petits organes spéciaux situés sur la 
face ventrale. Ils ont déjà été décrits, il est vrai, d'une façon assez 
complète par Bertkau‘, qui les considère, avec raison, je crois, 
comme des organes des sens, mais cet auteur ne les figurant pas, Je 
me crois autorisé à revenir sur leur description. Ces formations 
spéciales sont disséminées, sans ordre apparent, au milieu des soies 
de la face ventrale, mais semblent un peu plus nombreuses vers 
l'extrémité antérieure (pl. XI, fig. 5). 

Du centre d’un petit mamelon dépourvu de soies, et formant la 
base de l'organe, s'élève, sans dépasser du reste le niveau des soies 
ordinaires, une petite tige courte, épaisse, et renflée en son milieu. 
Son extrémité libre porte en son centre quatre petites languettes 
pétaloïdes, disposées en croix autour d’un petit orifice. Bien que 
sessile en apparence, chaque languette se prolonge par un onglet. La 
concrescence des quatre onglets détermine un petit cæcum qui 
s'enfonce dans l’organe. Tantôt dressées, tantôt aplaties en une 


1 BErTkau, Uber die Larven von Microdon (Sitzgbr. Niederrhein. Ges. Nal. u. 
Heilkunde, 46 Jahrg., 1889, p. 59). 


SUR LA LARVE D'UN DIPTÈRE, 373 


rosette, ces quatre languettes et leurs onglets rappellent un peu une 
fleur de Lilas. Le centre de l’organe est creusé d’une cavité sphérique 
à parois distinctes, dont l'équateur correspond à peu près à la région 
dilatée de la tige. Le tube aveugle, déjà signalé, vient buter contre 
le pôle inférieur, tandis qu’au pôle opposé (supérieur), les parois 
s’étirent en un long pédoncule, qui traverse toute l'épaisseur des 
téguments. À l’intérieur de cette cavité, on distingue une petite tige 
cylindrique qui la traverse de part en part. Son extrémité inférieure, 
légèrement renflée, s'arrête contre la paroï de la sphère, exactement 
au-dessous du cæcum du tube pétaloïde; à son pôle supérieur, elle 
se prolonge suivant l’axe du pédoncule, pour aboutir à un groupe 
de cellules situées dans l’épiderme, à la base de l'organe, au niveau 
du mamelon. | 

Sans être fixé encore sur son fonctionnement, je ne verrais rien 


d'étonnant à ce que ce fût là un organe du tact. 


IT 


INSERTIONS MUSCULAIRES. 


Les rapports des muscles avec d’autres éléments, et, dans un sens 
plus restreint, les rapports des fibres musculaires avec les éléments 
épithéliaux ne sont pas encore bien établis. Cette question présente 
chez les Arthropodes un intérêt tout spécial, en raison de la nature 
cuticulaire de leur squelette fourni par l’épiderme. En l’absence 
d'un squelette interne, leurs muscles s’insèrent sur un squelette 
externe, et celui-ci, par sa non-extensibilité, nécessitant une succes- 
sion de mues, la question se complique encore. Il y a donc un double 
intérêt à étudier comment les muscles s’insèrent dans ce groupe. 

Or, dès le premier examen de mes coupes, trois éléments impor- 
tants m'ont paru de nature à favoriser cette étude chez la larve du 
Microdon : 1° l'épaisseur considérable de la cuticule et sa transpa- 
rence permettent de suivre les modifications qui se produisent dans 
sa masse; 2° les muscles peu nombreux, bien isolés, s'insèrent en 


des points déterminés et quelques-uns perpendiculairement à la 


376 E. HECAT. 


surface des téguments ; 3° enfin, les cellules épidermiques, sur les- 
quelles repose la cuticule, sont elles-mêmes bien différenciées sur 
leur face profonde en rapport avec de grosses cellules adipeuses. 
J'ai donc profité de ces avantages pour étudier aussi les insertions 
musculaires chez ma larve, et signaler les points susceptibles d’ap- 
porter un nouvel élément à la solution de la question. 

À en juger par la diversité des faits observés par les auteurs chez 
les Arthropodes, il semble que ces rapports des muscles avec les 
téguments soient très variables, et souvent même diffèrent sensible- 
ment dans les limites d’un même groupe. Des observations multiples 
seront donc nécessaires pour chaque groupe, leur juxtaposition per- 
mettra seule l’explication de faits en apparence contradictoires. 

Sans faire une bibliographie complète hors de proportion avec 
mon étude, je me contenterai de rappeler les opinions les plus pré- 
cises, qui, du reste, ont été résumées en partie dans le travail de 
Nicolas!, et tout récemment encore dans la thèse de Duboscq*.Ilne 
faut pas perdre de vue qu’elles, portent sur l’ensemble des Arthro- 
podes. Ces opinions semblent pouvoir être réduites à deux princi- 
pales, susceptibles de subdivisions à leur tour. L'insertion des mus- 
cles est ou épidermique, ou directement cuticulaire, et, dans les deux 
cas, on peut parler de continuité ou de contiguité des éléments, ce 
qui fait plusieurs modes d'insertion entre lesquels on trouvera encore 
des termes de passage. 

Dans le cas d'insertion épidermique avec continuité, les dernières 
fibrilles musculaires se continuent directement avec le cytoplasme 
des cellules formatives de la cuticule, qui prennent un aspect plus 
ou moins fibrillaire, Bertkau *, Leydig “. C’est ce mode que Duboscq 


% NicoLas, Sur les rapports des muscles et des éléments épithéliaux dans le pharynæx 
du Péripate (Peripatus capensis) [Revue biol. Nord France, t. II, 1890, p. 90]. 

2? Dugosco, Recherches sur les Chilopodes (Archives de zoologie expérimentale et 
générale, 3° sér., t. VI, 1898). 

$ BEertTKkau, Uber den Verdauungsapparat der Spinnen (Arch. f. Mikr. Anat., 
Bd. XXVI, 1885), 

# Leypic, Zelle und Gewebe, Bonn, 1885. 


SUR LA LARVE D'UN DIPTÈRE. 377 


a trouvé réalisé dans toute sa perfection chez les Chilopodes, où les 
cellules épithéliales continuent directement les muscles et sont fibril- 
laires dans toute leur hauteur, jusqu’au contact de la cuticule. Tou- 
tefois, cet aspect ne se prolonge pas au delà, et la cuticule en face 
de ces cellules conserve ses caractères normaux. 

Dans le cas d'insertion épidermique avec simple contiguïté, les 
fibrilles musculaires se mettraient en rapport étroit avec les cellules 
épidermiques, pénétrant dans leurs dépressions, se moulant à leur 
surface, mais sans qu'il y ait continuité effective de cytoplasme. 
C’est le cas décrit par Nicolas pour les insertions musculaires du 
pharynx du Peripatus. 

S'agit-il maintenant, avec d’autres auteurs, d'insertion cuticulaire 
directe, sans passer par l’intermédiaire des cellules épidermiques ; 
les dernières fibres musculaires passant entre les cellules épidermi- 
ques peuvent, ou se terminer directement sur la face profonde de 
la cuticule,au moyen d’une couche spécialement modifiée, fonction- 
nant physiologiquement comme tendon (Pantel, loc. cif., p. 98), ou 
enfin se prolonger dans la masse de cette cuticule, sous forme de 
stries délicates qui en paraissent la continuation directe. 

C’est ce dernier mode d'insertion que j'ai observé nettement chez 
la larve du Microdon. Il n’est, dans le fond, que l’exagération, le per- 
fectionnement du procédé d'insertion cuticulaire observé par Pantel 
dans son grand travail sur la larve du Z'hrixion Halidayanum. Bien 
que cet auteur ne le signale qu’incidemment, et seulement à propos 
d'insertions musculaires pharyngiennes, je rappelle de préférence 
Son opinion, parce que : 4° nos deux larves sont relativement voisines 
dans la classification ; 2 on observe chez toutes deux le même fait 
important : la persistance et l’adhérence des fibres musculaires à la 
cuticule, alors qu'un décollement s’est produit entre cette cuticule 
et les cellules épidermiques voisines. 

C'est précisément sur cette adhérence très étroite, cette continuité 
des extrémités musculaires avec la cuticule, que je voudrais appeler 
l'attention, car il semble qu'elle n'ait pas encore été bien observée. 


318 E. HECAT. 


Les auteurs figurent toujours les fibres musculaires ou les cellules 
épidermiques à structure fibrillaire, nettement arrêtées à la face pro- 
. fonde de la cuticule. À ce niveau, ils représentent la cuticule avec 
ses caractères ordinaires sans aucune modification ; pour ma part, 
au contraire, j'ai remarqué qu'elle change d'aspect. Mais je dois répé- 
ter que je ne prétends pas généraliser; chez la larve du #Wicrodon, les 
faits se passent comme je vais le décrire ; chez une autre espèce, il 
pourra en être un peu autrement. 

En allant de la périphérie vers l’intérieur, on rencontre successi- 
vement une épaisse couche de cuticule, un épiderme simple, des 
fibres musculaires, enfin l’épais matelas des cellules adipeuses ré- 
pandues dans tout le corps. La cuticule est partout très développée, 
surtout sur la face dorsale où elle est d’un tiers environ plus épaisse, 
et présente trois couches distinctes. Une couche externe très mince, 
brunâtre, formant le revêtement de tous les accidents de la surface, 
une moyenne plus épaisse, réfringente, se colorant vivement parles 
réactifs, enfin une interne plus épaisse que la moyenne, se moulant 
sur elle, se colorant faiblement par les réactifs et souvent d’une façon 
différente. C’est là, on le voit, une disposition en trois couches, ana- 
logue à celle si bien décrite par Duboscq dans la chitine des Chilo- 
podes (loc. cit., p.13); mais n’ayant pas étudié la question à fond, 
je ne puis me permettre une comparaison. Cette distinction de la 
cuticule en couches n’est pas aussi visible sur la face ventrale que 
sur la face dorsale. Sur les coupes, cette cuticule se clive parallèle- 
ment à la surface en lames et lamelles secondaires, plus ou moins 
régulières. Dans certains cas, on observe, à des intervalles réguliers, 
des fentes étroites, perpendiculaires à la direction de ces lames. Je 
ne crois pas à de simples accidents, mais plutôt à des traces des ter- 
ritoires formés aux dépens des cellules épidermiques. 

La cuticule repose directement sur une couche bien délimitée de 
belles cellules épidermiques ; toutefois, il est fréquent, à la suite de 
décollements, de voir de grandes lacunes entre ces deux couches. 


Mais, fait important, ces lacunes sont toujours interrompues au ni- 


SUR LA LARVE D'UN DIPTÈRE. 319 


veau des insertions des fibres musculaires; en ces points, on voit 
l’'épiderme se rapprocher de la cuticule. Les cellules épidermiques 
sont volumineuses, le plus souvent aplaties, parfois aussi polyé- 
driques. Leurs contours sont bien délimités, sans dépressions ni 
empreintes pouvant faire penser qu’elles donnent insertion à des 
éléments musculaires. Leur cytoplasme, assez homogène, ne pré- 
sente pas de stries, pas plus à la base de la cellule qu'à la périphérie 
accolée à la cuticule. Elles ne sont pas toujours exactement conti- 
guës par leurs faces latérales ; au contraire, elles laissent souvent 
entre elles de vrais vides au niveau des insertions musculaires. Le 
noyau volumineux ne présente ni situation, ni caractères spéciaux. 

Voyons maintenant quels rapports les muscles contractent avec la 
cuticule et cet épiderme. J'ai indiqué plus haut la disposition régu- 
lière des muscles moteurs chez la larve du Microdon, j'ai signalé 
l'existence de sortes de carrefours où se croisent des muscles longi- 
tudinaux et d’autres verticaux, qui, de la face dorsale, plongent vers 
la face ventrale (pl. XI, fig. 9). Partant d’un de ces carrefours, sui- 
vons le trajet d’une de ces fibres musculaires (pl. XI, fig. 6). Le petit 
faisceau se dirige perpendiculairement, sans se ramifier, vers la face 
profonde des téguments, passe d’abordentre quelques cellules adi- 
peuses, puis se rétrécil légèrement en fuseau et atteint enfin la 
couche des cellules épidermiques (cé). Mais au lieu d'aborder ces 
éléments par leur base, de façon à s’étaler à leur surface, il gagne 
leurs faces latérales et s'engage en s’amincissant entre deux cellules 
contiguës, comme dans une filière. On suit facilement son trajet entre 
les deux faces parallèles, puis, au niveau de la surface externe des 
deux cellules, on voit la lamelle musculaire aborder la face profonde. 
de la cuticule et s’y continuer (pl. XI, fig. 6, mé). Sur les coupes, 
on voit très nettement les deux lignes qui, à l'instant, limitaient le 
muscle, se prolonger sans interruption dans la masse de la cuticule. 

Peu après avoir pénétré dans la cuticule, le faisceau, rétréci au 
point d'entrée, s’élargit à nouveau et forme une sorte de cône (m,pr) 


strié longitudinalement, que l’on peut suivre dans toute l’épaisseur 


380 E. HECAT. 


et qui vient se terminer sous la surface libre. Celle-ci présente sou- 
vent en ce point une dépression assez sensible signalée plus haut 
(pl. XI, fig. 6, dé). Tantôt la striation est très nette, tantôt on ne 
voit que les limites externes du cône, selon l’état des lamelles qu'il 
traverse. Par endroits, ce double système de stries perpendiculaires 
forme un dessin quadrillé. J'ai cherché en vain des connexionslaté- 
rales de ces fibres musculaires avec les cellules épidermiques, au 
moment où elles passent entre deux cellules voisines. Si j'ai choisi, 
pour les représenter, des cellules épidermiques plus hautes qu’elles 
ne le sont normalement, c’est que, précisément, en raison même de 
leur forme, elles permettent de mieux constater l’absence de toute 
connexion, étant donné la longueur du trajet de la fibre musculaire 
entre leurs faces. Tout contribue donc à prouver que les fibres mus- 
culaires se continuent bien réellement avec la cuticule dans laquelle 
elles se perdent. 

Quant à la nature de cette continuité si prononcée, en apparence 
du moins, je ne puis encore l'expliquer. Les fibres musculaires pro- 
longent-elles certaines portions de leurs éléments dans la masse 
organisée de la cuticule, ou cette cuticule s’organise-t-elle d’une 
façon admirablement concordaute dans l'axe même de ces fibres. 
C'est ce que je ne saurais dire. Je reconnais que c’est chose malaisée 
d'expliquer cette continuité des fibres musculaires avec la cuticule, 
et d'admettre simultanément que cette cuticule soit formée tout 
entière par les cellules épidermiques. A ce point de vue, les faits 
observés par Dubosca, chezles Chilopodes, s’interprètent d’une façon 
bien plus satisfaisante. Aussi dois-je répéter que je me suis borné à 
signaler ce cas, sans vouloir généraliser et sans pouvoir encore bien 
me l'expliquer. 

Pour ce qui est de la question mécanique, les extrémités muscu- 
laires s’épanouissant en pinceau, se mettent ainsi en rapport avec le 
plus de points possible de la cuticule, ce qui représente le rende- 
ment maximum au point de vue de la solidité, de la fixation et de la 


coordination des effets des contractions musculaires. Or, il ne faut 


SUR LA LARVE D'UN DIPTÈRE. 381 


pas oublier qu'il s’agit ici précisément d’une surface de reptation, 
nécessitant une régularité et une simultanéité parfaites des mou- 
vements. 

Conclusions. — Il résulte de ces quelques notes que : 

1° La convergence de la larve d’un Diptère Microdon mutabilis L. 
avec certains Gastéropodes est tout apparente et limitée à l'extérieur 
seulement. 

2° La couche de chitine qui protège le corps des Arthropodes peut, 
dans certains cas, présenter à sa surface des formations spéciales, 
d’une variété et d’une complication extrêmes. 

3° L'étude d'un point de détail histologique me permet de dire que, 
chez un type tout au moins d’Arthropode, chez unelarve de Diptère, 
les fibres musculaires n’entrent pas en rapport avec les cellules épi- 


dermiques, mais sont en continuité intime avec la cuticule. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE XI. 


Fic. 1. Portion de la couronne des soies marginales X 95. s.s, soie simple ; 5.b, soie 
bifide ; g.sp, grande soie protectrice ; s.f, soie tactile ; p, formation pec- 
tinée ; 3, zone nue; ma, début des mailles dorsales. 

2. Larve de Microdon mutabilis L. vue par sa face dorsale X 3. é.0, échancrure 
orale ; s, couronne des soies marginales ; ch.l, ch’, champs latéraux; 
ch.m, champ médian avec le tubercule stigmatifère {; 3, zone nue. 

3. Deux systèmes de poils composés (mailles dorsales) X 310. c, couche externe 
de la cuticule ; c’, couche moyenne; c/”, une portion de la couche interne; 
sil, sillon circulaire limitant le système ; r, rebord du plateau ; ch, un des 
petits champignons de la couronne ; p.b, poil bifide central. 

&. Coupe sagittale schématique d’une larve de Microdon mutabilis L X 10. 
0.b, orifice buccal ; b.p, bulbe pharyngien; æ, œsophage ; g, gésier; 
9.5, glandes salivaires ; cæ, cæcums; i.m, intestin moyen; £.é, intestin 
terminal ; an, anus ; .M, tubes de Malpighi ; ne, système nerveux; fé, té- 
guments ; bo, bourrelet ; ma, mailles dorsales ; f, tubercule stigmatifère; 
tr,trachées ; n, entre-croisement des muscles longitudinaux m./, et verti- 
caux Mm.v; ri, série de rides des téguments au niveau des insertions mus- 
culaires (voir fig. 9). | 

5, Coupe sagittale d’un organe sensitif de la face ventrale de la larve X 310, 
s.v, soies ventrales ; la, languette pétaloïde ; cæ, cæcum ; c.s, cavité sphé- 
rique ; 1i, tigelle qui la traverse ; pé, pédoncule qui part de son pôle supé- 
rieur et aboutit au groupe de cellules c.n; c, cuticule. 


382 E. HECAT. 


Fic. 6. Coupe des téguments de la face ventrale de la larve X 310. s,v, soies ven- 
trales en partie cassées ; c, cuticule ; la, son clivage en lamelles ; cé, cel- 
lule épithéliale ; m, fibre musculaire ; m.é, étranglement de cette fibre 
entre deux cellules épithéliales ; m.pr, son prolongement dans la cuti- 
cule ; dé, dépression. 

7. Tubercule stigmatifère vu de face X 310. ma, mailles dorsales ; d, dépres- 
sion médiane ; p.0.p, plaque ovale perforée ; g.0, grand orifice. 

8. Coupe transversale demi-schématique du tubercule stigmatifère X 40. 
ca, canalicules ramifiés avec leur dilatation ampulliforme d.a ; g.ca, grand 
canal et son orifice g.0 ; d, dépression ; tr, trachée collectrice ; c, cuti- 
cule et ses formations en champignons ch. 

9. Vue d’ensemble d’un groupe d’insertions musculaires x 60. dé, dépression 
de la cuticule ; ri, ride déterminée par deux insertions voisines ; m, fibre 

musculaire s’insérant directement sur la cuticule; m”.l, muscles longitu- 
dinaux ; m.v, muscles verticaux ; a, cellules adipeuses ; p.sv, pinceau de 
soies ventrales. 


ÉTUDES SUR LA MEROGONIE 


PAR 


YVES DELAGE 


Professeur à la Faculté des sciences de Paris. 


il 


LA MÉROGONIE ET SES DEGRÉS DIVERS. 


Dans mes expériences de l’année dernière, j'ai montré que si l’on 
sectionne un œuf d’Oursin en deux moitiés, l’une contenant le pro- 
nucléus femelle, l’autre dépourvue de noyau, et qu’on mette le tout 
en présence du sperme, les deux moitiés sont fécondées et donnent 
l’une et l’autre un embryon. Ces embryons sont semblables et ne pa- 
raissent différer en rien d’essentiel ni l’un de l’autre ni des embryons 
provenant des ovules intacts. J’ai tiré de ce fait un certain nombre 
de conclusions touchant la nature de l’acte fécondateur et le rôle du 
noyau dans ce processus. 

La découverte d'un procédé d'investigation nouveau n’est point 
chose négligeable. Il peut y avoir dans son application un moyen de 
soumettre à l’étude diverses questions insondables par les procédés 
antérieurement connus. Il m’a donc semblé qu’il était de mon devoir 
de tirer de ce procédé tout ce que je pouvais. C’est à cela que j'ai 
travaillé pendant les deux mois que j'ai pu passer cette année au 
laboratoire de Roscoff, 

On verra dans les pages suivantes le détail des résultats obtenus, 
mais je veux faire remarquer dès maintenant que la fécondation de 


1 Embryons sans noyau maternel (Comptes rendus de l'Académie des sciences, Paris, 
séance du 10 octobre 1898). 


384 _ YVES DELAGE. 


fragments d'ovules sans noyau n’est plus une curiosité biologique, 
une particularité limitée à un petit groupe d'êtres, peut-être même 
à un seul genre. J'ai pu l’obtenir chez d’autres animaux et il n’y a 
_ pas de doute qu'on ne puisse l’obtenir chez tous ceux où elle n’est 
pas empêchée par certaines conditions secondaires, contingentes, 
qui seront discutées plus loin. La fécondation de fragments de cyto- 
plasma ovulaire anucléés et l’obtention de larves au moyen de ces 
fragments fécondés est donc un processus biologique général et nou- 
veau qui mérite de recevoir un nom : je propose de le nommer mé- 
rogonie et d'appeler larves mérogoniques celles qui proviennent de la 
fécondation mérogonique. Il y a même lieu d'étendre et de préciser ces 
dénominations en appelant hémigoniques les larves provenant d’un 
demi-œuf sans noyau, car, ainsi qu’on le verra plus loin, j'ai obtenu 
des larves tritogoniques, tétartogoniques, etc., c’est-à-dire provenant 
d’un tiers d’œuf ou d’un quart d'œuf, etc., jusqu’à un trente-sixième 
d'œuf. De même, on pourra, dans les mêmes conditions, parler de 
fécondation hémigonique, tritogonique, tétartogonique, en réservant 
l'expression mérogonique pour le cas où l’on ne voudra pas tenir 
compte du nombre des fragments fécondés. 
Cela dit, j aborde l'exposé de mes expériences. 


Il 


EXTENSION DE LA MÉROGONIE. 


J'ai pu obtenir des larves mérogoniques chez les Échinodermes, 
les Mollusques et les Vers, ou du moins un Mollusque et un Ver, car 
l’extension, certaine d’ailleurs, à d’autres formes est l'affaire de re- 
cherches ultérieures. 

a) Échinodermes. — I n’y a pas lieu de s'étendre ici sur ce sujet. 
J'ai montré l’année dernière l'existence de la fécondation mérogo- 
nique chez le Strongylocentrotus lividus. Gette année, j'ai confirmé 
ce résultat par de nouvelles expériences plus poussées, et je l’ai 
étendu à un autre Oursin qui se prête encore mieux aux expériences. 


Cet Oursin, que je n’ai pas encore déterminé complètement, est fort 


ÉTUDES SUR LA MÉROGONIE. 385 


différent du Sérongylocentrotus, car c'est un petit Échinidé oligopore 
vivant par 20 et 30 mètres de profondeur, sur les fonds à Algues cal- 
caires que l’on drague pour l'amendement des terres sous le nom 
de mærl, tandis que le Sérongylocentrotus est un polypore ei vit au 
niveau des basses mers dans les fonds de roche. Il appartient au 
genre £'chinus. 

Son œuf mesure 130 x de diamètre, sans compter l’enveloppe 
hyaline de glaire qui mesure 160 |. Je suis arrivé, chez ces animaux, 
à une telle sûreté opératoire que, dans une expérience, sur 7 mor- 
_ ceaux coupés en deux, j'ai obtenu 13 segmentations ; donc, dans 
6 morceaux, les deux fragments se sont segmentés et dans le sep- 
tième un seul. 

b) Mollusques. — C’est le Dentale, Dentalium entale, qui m’a fourni 
le meilleur sujet d'étude. Il m’a été conseillé par mon savant maître, 
M. de Lacaze-Duthiers, à qui j'adresse ici tous mes remerciements. 
Les œufs sont en effet fort gros. Ils mesurent 215 à 220 p de diamètre, 
sans compter l’enveloppe de glaire hyaline dont le diamètre est de 
255 p environ. Îls se coupent très facilement et se réarrondissent 
d’une facon parfaite au point de ressembler exactement à un œuf 
intact, de diamètre un peu moindre! 

Voici les résultats de l'expérience ia mieux réussie. Je coupe ét 
féconde 18 œufs et 18 témoins et le tout est placé dans autant de 
gouttes d'eau dans la chambre humide. 


Je passe sur les stades intermédiaires et donne le résultat final : 


NT A ADIEU res ms Le c'e 4 
RÉMOÏNS 0 ao + ia : 
LE Nonfsesmentés ATEN ECE LEO 8 
DO SIMENLÉS een eee eee 9 
à Aucun fragment segmenté ........ 7 
OEufs coupés.......... = à â 
Un seul fragment segmenté....... 5 
Les deux fragments segmentés..., 6 


1 Il faut remarquer en effet que les volumes de deux sphères étant entre eux 
comme les cubes de leurs diamètres, le diamètre du demi-œuf est à celui de l’œut 


are 
entier comme 1 est à D//2=1,2500; or 


{ 


1 3 : 
——— = 0,793. Le diamètre du demi-œuf 
1,2599 


est donc presque les 8/10 du diamètre de l'œuf entier. 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3€ SÉRIE. — T. VII. 1899, 25 


386 YVES DELAGE. 


On voit par là que la section n’a gêné en rien le développement, 
puisque le nombre des témoins non segmentés est supérieur à celui 
. des œufs coupés non segmentés et que le nombre des segmentations 
obtenues avec les œufs coupés est sensiblement double (17 contre 9) 
de celui des segmentations fournies 
par les œufs intacts. 

Vers. — C'est chez un Annélide 
polychète, Lanice conchylega, que 


J'ai réussi à couper les œufs et à les 


féconder. A l'inverse de ce qui a 
lieu pour le Dentale, l’opération 
est ici très difficile à réussir, non 
que les œufs soient fort petits — 


ils sont assez gros, au contraire, 


nl bien plus gros que les œufs d'Our- 


Lanice conchylega1. 


a, un œuf coupé en deux moitiés encore ter la coque, dont le diamètre est 
réunies par un petit point de la coque, hrire 
tandis que les parties vivantes, com- de 175 u ? — mais ils sont extrè- 
plètement séparées par la section, se : 
sont a et # commencé à se mement friables el, quand on les 
segmenter (3 heures après la segmen- 
tation). 


b, c, stades ultérieurs de la segmentation leur contenu se dissocier dans l’eau. 
des mêmes morceaux [la coque non 


figurée] (4 heures après la fécondation). Je suis parvenu cependant à les 


sin, et mesurent 145 x, sans comp- 


comprime, ils se crèvent, laissant 


couper, en coupant en même temps la coque. Mais les moitiés 
ne se réarrondissent pas par une rétraction élastique immédiate ou 
rapide comme chez l’Oursin ; chaque moitié se présente sous la 


forme d’un fuseau aplati d’un côté, résultant d’un hémisphère dont 


« 


x 


1 Je dois avertir que les figures de ce mémoire ne sont pas faites à la chambre 
claire, mais d’après des croquis rapides pris pendant le court temps que l’on peut 
soumettre l’objet à l’observation, sans que la concentration, due à l’évaporation de 
leur goutte d’eau, leur devienne nuisible. 

2 Cette coque remarquable est formée d’une enveloppe continue, sphérique, atte- 
nant à l’œuf, sur laquelle se dressent des lames radiaires formant de petits prismes 
hexagonaux creux juxtaposés. Les arêtes de ces prismes, communes chacune à trois 
d’entre eux, sont sensiblement plus épaisses et un peu plus saillantes que les lames 


ÉTUDES SUR LA MÉROGONIE. 387 


la face équatoriale a été comprimée par la section. Mais plus tard, le 
cytoplasme subit un retrait, se réarrondit partiellement et la seg- 
mentation se produit sur une masse de forme à peu près ovoïde, 
libre dans la demi-coque qui a conservé sa forme (fig. 4, a, 6, c). 


Voici les résultats de deux expériences faites à un jour d'intervalle : 


HÉMONMSEREe Lee Ur None nmentest ere lobe noué 21 
29 l SOSMENLÉS IAE Eee steel sie doloiiee à 8 
) Aucun fragment segmenté....... 14% 

OEufs coupés... ...... à 
50 Un seul fragment segmenté..... 11 
Les deux fragments segmentés... L 


En somme, plus de succès avec les œufs coupés qu'avec les œufs 
intacts, puisqu'ils ont donné plus du double de segmentations, 
19 contre 8 ; et si l’on veut ne compter que ceux où les deux frag- 
ments du même œuf ont été segmentés, on voit qu'il ÿy en a moitié 
autant que de témoins. 

On peut donc conclure que la possibilité de la fécondation mérogo- 


nique est démontrée chez les É'chinodermes, les Mollusques et les Vers. 


IT 


ÉVOLUTION MÉROGONIQUE. 


Sous ce titre, nous étudierons deux questions : a) comment se 
fait la segmentation mérogonique par rapport à la segmentation des 
œufs intacts ; d) jusqu’à quel stade du développement peut se pour- 
suivre l’évolution des larves mérogoniques ? 

a) Il est nécessaire ici de distinguer entre les trois sortes d'êtres 


où l’évolution mérogonique a été observée. 


qui les réunissent et forment des pointements. Dans l’œuf non mûr et déjà libre dans 
la cavité générale de L’'Annélide, on ne trouve point cette coque et l'œuf n’est en- 
touré d’aucune couche folliculaire. La formation de cette coque ne saurait donc être 
attribuée à un follicule. Mais on constate qu’à ce moment les œufs sont entourés 
d’une auréole formée d'innombrables prolongements sarcodiques très fins et abso- 
lument semblables à de longs cils, mais immobiles. Ces prolongements sont très 
probablement l’organe formateur de la coque ; mais il y aurait à montrer comment 
ils arrivent à la former. 


388 YVES DELAGE. 


Oursin. — Chez l'Oursin, il n’y a aucune différence entre l’évolu- 
tion mérogonique et l’évolution normale. Lorsque l’opération a été 
rigoureusement bien faite, c'est-à-dire lorsque les deux fragments 
bien égaux se sont réarrondis sans aucune perte de substance, la 
segmentation se fait exactement comme dans l'œuf normal. Il y a 
cependant une différence, résultant de la diminution de taille de 
l'embryon : c’est que la cavité de segmentation est moindre relati- 
vement à la taille totale de l'embryon; les éléments sont aussi moins 
nombreux et plus petits. Mais, plus tard, ces rapports se régularisent 
et il ne reste plus d’autre différence 
que diminution absolue de la taille 
de l'embryon et des cellules qui le 


constituent !. 


| Dentale. — 11 n’en est plus de même 
Fig. 2. ici que chez l'Oursin. La segmenta- 


Dentalium entale. : à ; ee 
ton n'est plus régulièrement progres- 


Deux fragments hémigoniques < \ V3 On 
jumeaux en voie de segmentation. Sive ; il semble que la division nu- 
a, stade 4 d'emblée. cléaire marche plus vite que celle du 
b, stade 5 d'emblée. 
cytoplasme et que celle-ci cherche à 
rattraper le temps perdu par des divisions simultanées. Ainsi on 
observe rarement un stade 2; le plus souvent, le stade 4 se prépare 
d'emblée par 4 bosselures qui, ensemble ou à peu près, s’indivi- 
dualisent en autant de blastomères (fig. 2, a). Parfois même c’est 
un stade 5 qui se dessine avant de se réaliser par des divisions 
simultanées (fig. 2, b). La forme est, en outre, parfois plus ou 
moins irrégulière. Mais, peu à peu, tout cela se régularise et les 
différences finissent par devenir insignifiantes ou nulles. 
Lanice. — Ici, la division est plus régulière, mais on observe une 
dislocation de la correspondance entre la division des noyaux et 
celle du cytoplasme, celle-ci étant en retard sur celle-là. La divi- 


sion nucléaire est ici rendue très évidente par une particularité 


1 Pourles dimensions des éléments, voir la note 2 de la page 396, 


ÉTUDES SUR LA MÉROGONIE. 389 


curieuse. Avant la segmentation, on ne voit aucune trace du noyau; 
l'œuf est opaque et rien n’est visible à son intérieur. Mais, dès que 
la segmentation commence, on voit apparaître un pigment brun 
rouge qui, sans doute disséminé auparavant dans la masse de 
l’œuf, se groupe autour des noyaux et les rend très évidents. En 
outre, le cytoplasme s’éclaircit à mesure que la segmentation pro- 
gresse et les noyaux sont séparés de la surface par une épaisseur de 
moins en moins grande de substance. Cela permet de reconnaître 
que les divisions nucléaires sont parfois, sur- 

tout dans les gros blastomères, beaucoup À 


plus avancées que celles du cytoplasme(fig.3, 


a, b). Mais, ici encore, tout cela se régularise 
Fig. 3. 


progressivement. 
Lanice conchylega. 


En résumé, la section de l'œuf apporte sou- en 
Segmentation d’un frag- 

vent dans l’évolution mérogonique un trouble ment hémigonique. 

quissemanifeste par: destanomalieshplus \ou, ll: stade 2 normal. |, 
b, le même, après multiplica- 

moins accentuées dans la segmentation; mais, tion des noyaux à l'inté- 

à 4 rieur du cytoplasme. 

a mesure que le développement progresse, inter- 

vient une autorégulation évolutive sous l'influence de laquelle les dif- 


férences deviennent nulles ou insignifiantes. 


b) Examinons maintenant jusqu’à quel stade de développement 
peut se poursuivre l’évolution mérogonique et plus particulière- 
ment hémigonique. 

Il convient encore ici de traiter séparément des trois sortes d'êtres. 

Oursins. — Dans mes expériences de l’année dernière, je n'étais 
arrivé à obtenir que des masses cellulaires à cellules multiples, nom- 
breuses même, mais de forme anormale et immobiles ; c'étaient, 
en somme, des embryons déformés. Les expériences actuelles sont 
en grand progrès sur les anciennes sous ce rapport. J'ai obtenu un 
très grand nombre de fois des blastula parfaites, indiscernables, sauf 
en ce qui concerne la taille, de celles provenant d'œufs normaux ; 


et, très fréquemment, J'ai eu les deux blastula provenant de la sec- 


390 


YVES DELAGE. 


tion d’un même œuf vivantes dans la même goutte d’eau. On les 


voit nager avec énergie, parcourant en tous sens, en tournant sur 


elles-mêmes, la grosse goutte d’eau qui leur sert de prison (fig.114,d, 


Fig. 4. 
Echinus sp. 


LTÉE 
Echinus sp. 


Larve hémigonique au stade blastula, La larve précédente, plus avancée, 
commençant à s’invaginer (3° jour). ayant complété son invagination (4e jour). 


à la page 395). Les blastula normales ne sont pas plus actives, leurs 


cellules ne sont ni plus transparentes ni plus turgides. En un mot, 


Echinus sp. 


Pluteus hémigonique prove- 
nant de l’évolution de la 
blastula de la figure précé- 
dente (5° jour). 

b, b', rudiments des bras. 

c, cellules mésenchymateuses. 


e, estomac. 
v, vésicule entérocælienne. 


aucune différence autre que lataille n’existe 
entre les unes et les autres. 

Il faut vingt-quatre heures environ pour 
obtenir ce stade. Si les autres phases de 
l’évolution étaient aussi rapides, il n'y a 
guère de doute que les larves hémigoniques 
pourraient les parcourir; mais la difficulté 
est que les transformations sont de plus en 
plus lentes et qu’une longue vie est impos- 
sible pour une larve emprisonnée dans une 
goutte d’eau; et cela, aussi bien d’ailleurs 
pour les larves normales que pour celles 


provenant de la mérogonie. J’ai pu cepen- 


dant, en usant de soins très attentifs, faire vivre ces larves lusqu’à 
, Ù JuSq 


six jours; j'ai vu l’invagination se faire (fig. 4) et devenir tout à fait 


complète (fig. 5); j'ai vu le cul-de-sac stomacal détacher à son som- 


met une vésicule entérocælienne (fig. 6, v); j'ai vu la forme géné- 


ÉTUDES SUR LA MÉROGONIE. 391 


rale devenir tétrahédrique, avec même un pointement assez accen- 
tué des angles à la face buccale, représentant les bras du P/uteus 
(fig. 6). En somme, j'ai obtenu le Pluteus ne différant de l’état nor- 
mal de ce stade que par l’extrême réduction des bras. Dans toutes 
les pontes intactes et normalement fécondées, on trouve des indi- 
vidus plus faibles dont les bras sont restés rudimentaires. Quant à 
dépasser la phase plutéenne et à obtenir de petits Oursins, c’est 
autre chose; car on sait que, pour les larves normales, c’est déjà 
une difficulté presque insur- 
montable. Elles le feraient 
peut-être si on les jetait à 
la mer ; mais alors le résultat 


resterait ignoré. 


Dentale. — Ici aussi, j'ai 
obtenu la phase larvaire ty- Fig. 7. 
pique correspondant aux Dentalium entale. 
figures 575, À et B, de l’ou- Embryon et larve hémigoniques. 
1 J 


A gauche, embryon à la fin de la segmentation (soir du 
premier jour), 

A droite, le même devenu larve nageante au stade 
veliger (fin du deuxième jour). 


vrage de Korschelt et Heider, 
et quiest, ensomme, un Veli- 
ger. L'expérience relatée plus 
haut m'a fourni 15 de ces larves dont 10 provenant de à œufs coupés 
en deux. La figure ci-contre (fig. 7) donne une idée de leur forme. 
On y voit la partie céphalique, la partie inférieure représentant le 
corps et la partie moyenne en forme de ceinture saillante où l’on 
distingue les cellules avec leurs cils, qui battent l’eau énergique- 
ment et entraînent la larve dans une natation rapide. Celles qui 
ne sont pas parfaites montrent des déformations diverses et, en 
particulier, des bosselures, des irrégularités, des lacunes surtout 
dans la partie postérieure de leur corps. Ici, la taille des larves et 
surtout leur coloration rouge permet de les élever dans des cris- 
tallisoirs où elles sont plus à l’aise que dans la goutte d’eau où 
a commencé leur existence. Malgré cela, je n’ai pu les élever au 


delà de ce stade; mais il faut dire que les larves normales nées et 


392 YVES DELAGE. 


élevées dans les mêmes conditions n’ont pas vécu plus longtemps. 

Lanice. — Le cas est ici à peu près le même que pour le Dentale. 
J'ai obtenu la Trochophore typique (fig. 8), sauf l'absence du plumet 
qui surmonte le vertex; ici encore, la natation énergique était un 
indice certain de la vitalité de la larve; mais, même en cristallisoir, 
je n’ai pu les élever au delà, pas plus d’ailleurs que les témoins placés 
dans des conditions identiques. 

En résumé, les embryons hémigoni- 
ques peuvent être élevés jusqu’à la phase 


larvaire typique de leur espèce (Pluteus, 


; Fo. Veliger, Trochophore). Les larves ne 
Embryon et larve hémigoniques.  //@nchissent point ce stade dans les con- 
a, embryon à la fin de la segmenta- ditions défavorables où on est obligé de 
tation (soir du premier jour). AA 2 
b, le même devenu larve au stade #ro- Les Observer ; mais 1l en est de même 
chophore (soir du deuxième jour). Fe ; 
pour les larves normales élevées dans les 
mêmes conditions, et rien n'autorise à dire qu'il manque aux larves 
mérogoniques quelque chose d'essentiel pour parcourir toutes les phases 


du développement jusqu'à l'animal parfart. 


v 


LIMITES DE LA MÉROGONIE. 


Si un œuf coupé en deux donne deux larves hémigoniques viables, 
pourquoi ne pourrait-il donner trois, quatre, dix larves et plus, si 
on le coupe en trois, quatre, dix morceaux ? Ÿ a-t-il une limite à la 
mérogonie et quelle est cette limite ? 

Dentale. — C'est le Dentale qui fournirait le meilleur matériel 
pour répondre à cette question. Malheureusement, lorsque j'ai songé 
à l’étudier sous ce rapport, la saison était trop avancée, les pontes 
étaient en médiocre état, les œufs témoins se segmentaient peu ou 
point. J’ai pu obtenir plusieurs fois la segmentation de deux frag- 
ments d’un œuf coupé en quatre, mais jamais trois ni, à plus forte 
raison, les quatre. Cela suffit cependant pour démontrer la possibi- 


lité d’une fécondation tétartogonique chez le Dentale. 


ÉTUDES SUR LA MÉROGONIE. 393 


Lanice. — Je n'ai pas réussi davantage chez Lanice, en partie pour 
la même raison, en partie à cause de la difficulté extrême qu'il ya 
à couper les œufs en plus de deux morceaux. Presque invariable- 
ment, le fragment que l’on cherche à couper, n'étant plus soutenu 
par une coque complète, se crève, au lieu de se laisser diviser. 

Mais j'ai tourné la difficulté en coupant un œuf en deux parties 
très inégales. 

Dans un cas, les deux morceaux mesuraient, après régularisa- 
tion : le gros, 165 u de long sur 105 p de 
large ; le petit, 127 x de long sur 60 & de 
large. Si on les considère comme des ellip- 
soïdes de révolution, leurs volumes seront 
ON AG ET IEEE TES 
Be SA on DIODES de Fig. 9. 


1 centième près. Le petit morceau est donc 


entre eux comme 
Lanice conchylega. 


: Les deux parties d’un 
1/5 de l’œuf total, et l'embryon auquel il a même œuf très inéga- 
lement coupé, en voie 


donné naissance pourrait être appelé pempto- do en 


gonique. 

Un autre embryon, qui montrait au stade 4 une forme tout 
à fait régulière à peu près sphérique, mesurait 83 a, tandis que son 
congénère, sphérique aussi et montrant douze ou treize cellules, 


mesurait 166 pu, c’est-à-dire précisément le double ; leurs volumes 


ui 1 (| 
étaient donc entre eux comme ù — g et le petit embryon était 


ennatogonique. Ayant été obligé de faire une absence, je n’ai pu 
suivre ces embryons qui, à mon retour, étaient morts et disparus, 
Je reproduis ici les croquis de deux autres embryons qui n’ont pas 
été mesurés, mais dont les volumes devaient être à peu près comme 
Heron S (is 9). 

. Oursins. — C'est chez l’Oursin que j’ai le mieux réussi les expé- 
riences de cette sorte. Maintes fois, j'ai obtenu la segmentation de 
deux morceaux d’un œuf coupé en trois; trois fois, j'ai obtenu la 


segmentation des trois morceaux, Une fois, j'ai pu conduire les 


394 YVES DELAGE. 


embryons issus d’un même œuf jusqu’au stade blastula. Voici le ré- 
sultat de cette expérience faite le 29 septembre : sur 20 œufs coupés 
en trois, 5 n’ont présenté aucune segmentation, 8 ont donné une 
_seule blastula, 6 ont donné deux blastula, 4 a donné trois blastula. 

J'ai donc obtenu, en somme, vingt-trois blastula. La plupart étaient 
agiles, pourvues de cils. 

Les trois blastula issues d'un même œuf ont eu un sort différent 
(fig. 10). Deux étaient régulières dès le début et montraient nette- 
ment leurs cellules rangées autour d’une 


étroite cavité de segmentation (fig. 10, a). 


La troisième, d’abord irrégulière(fig.10, b), 
Fig. 10. se régularisa ensuite et devint semblable 
8 

Echinus sp. à la première et à la deuxième. L'une de 
Trois embryons tritogoniques  &es dernières, la première, si l’on veut, se 

provenant de lasection d’un L 
même œuf. garnit de cils et se lança à la nage, multi- 
a; premier embryon déjà presque  bliant ses cellules et agrandissant sa cavité 


larve au stade blastula. 


Le deuxième était identique. de segmentation jusqu à prendre un aspect 
b, troisième embryon, irrégulier 


de forme, pris à un stade moins {out à fait normal. La larve n° 2 revêtit 

ob quelques cils, mais ne put se mettre en 
marche et, peu après, se désagrégea ; la larve n° 3 revêtit quelques 
cils faibles, s’arrondit, tourna un peu sur elle-même, mais s’arrêta 
et mourut sans avoir pu se lancer à la nage en pleine eau. Fixées et 
colorées, elles montrèrent toutes les trois, même le numéro 9, des 
noyaux dans leurs cellules. Ainsi, dans cette expérience, j'ai obtenu 
d'un seul œuf trois larves tritogoniques, à peu près de même taille. 

Dans cette même expérience, certains des œufs ayant été coupés 
inégalement ont donné une ou deux larves seulement, mais fort iné- 
gales. Le cas le plus remarquable sous ce rapport est le suivant. 
L'œuf est coupé en trois morceaux très inégaux, mais qui ne sont 
pas mesurés. Je note que le pronucléus est très visible dans un des 
deux gros morceaux. J’obtiens deux embryons, un aux dépeñs d’un 
des gros morceaux et qui se développa en blastula normale (fig. 44, d), 
un aux dépens du petit. Ce dernier (fig.11, a, b, c) montre d’abord deux 


ETUDES SUR LA MÉROGONIE. 395 


cellules (fig. 11, a), puis cinq, rangées autour d’une étroite cavité de 
segmentation. Il est aplati à ce moment (fig. 11, b), un peu ovale, et 
mesure 56 | de long sur 48 &. de large. Je ne puis mesurer son épais- 
seur. Quelques heures après, ce même embryon s’est régularisé et 
montre vingt-quatre cellules très régulièrement disposées. Le len- 


demain, il s’est transformé en une minime blastula (fig. 11, c), très 


Fig lt 


Echinus sp. 
Segmentation des deux morceaux d’un œuf coupé en deux parties très inégales, 


a, le petit morceau au stade 2. 

b, le même un peu plus tard. 

€, le même, vingt-quatre heures après la fécondation, au stade de blastula nageante. 

d, blastula, sœur jumelle de la précédente, figurée à peu près au même grossissement. 
agile, nageant activement à côté de la grosse blastula, sa sœur 
jumelle (fig. 11, d). Elle mesure à ce moment 45 y de diamètre et a 
la forme sphérique normale. Or les blastula normales provenant 
d œufs entiers mesurent, à ce stade, 150 ut. Leurs volumes sont donc 

45° 3° 971 { ee s : s 
Comme, — ——© — ——. Ainsi, 1/37 d'œuf d Oursin, certai- 
150 10 1000 37 
nement anucléé (l’absence de noyau ayant été constatée de visu), 
s’est développé et a donné une blastula agile et normale. 

Puisque le fragment qui lui a donné naissance n'était pas nucléé, 
il n’y à aucune raison pour que tout autre fragment semblable ne 
puisse suivre Ja même évolution. Et nous arrivons à cette conclusion 
qu'un seul œuf d'Oursin coupé en trente-sept morceaux pourrait 


(si l'opération idéale pouvait être faite) donner 37 larves, dont 1 con- 


396 YVES DELAGE. 


tenant peut-être le noyau femelle fécondé et 36 ne contenant que le 
noyau spermatique *. 

Ce n'est peut-être pas la limite ultime, mais il y a une limite 
assurément. 

Si l’on compare une blastula normale à une blastula hémigo- 
nique, on constate que celle-ci est plus petite et formée d’un moindre 
nombre de cellules plus petites ? : la larve triche des deux côtés pour 
se rapprocher de la constitution normale, avec le minimum d’aber- 
ration. Mais la diminution de taille des cellules a une limite au delà 
de laquelle la cellule cesse de se diviser; et pour faire une slastula, 
pour si réduite que soit la cavité de segmentation, il y a, pour une 
taille donnée des cellules, un minimum de nombre que l’on pourrait 
calculer. 

Cette limite est sans doute aussi variable selon les animaux. 

Conclusion : l'expérience a montré qu’on peut obtenir d’un même œuf 
d'Oursin trois larves tritogoniques et qu'un fragment d'œuf égal à 1/37 
du volume total peut se développer en larve de constitution normale. Il 
est permis d'en conclure qu’un œuf d'Oursin, idéalement sectionné, pour- 
raît donner une quarantaine de fragments fécondables et aptes à se déve- 
lopper en autant de larves de constitution normale. La limite extrême de 
la mérogonte est sans doute plus basse encore, mais cette limite existe 


certainement. 


1 Si l’on voulait désigner cette larve par un terme tiré du grec, il faudrait l’appeler 
triacosthedomogonique, mais nous ne proposons pas de le faire. 
2 Voici les dimensions de la larve et des éléments : 


Diametrentotale er erREeeRe 150 pe 
Blastula normale. .... ‘se... Diamelre des CUS EC EErrE 12 
Diamèétredes aoyauxee etre 8 
Diamètre total PP CtePtere .. 100 à 120 p- 
Blastula hémigonique. ....... Diamètre des cellules... MES 
Diamètre des noyaux. ....... 5,5 à 6 


Ces comparaisons ne sauraient avoir une précision extrême, car on ne peut savoir 
si les larves comparées sont rigoureusement au même siade. 


ÉTUDES SUR LA MÉROGONIE. 397 


IV 


OBJECTIONS À LA MÉROGONIE. 


Trois sortes d’objections peuvent être faites à la réalité de la mé- 
rogonie. Il est facile de montrer leur inanité. 

a) On peut dire que, dans les cas où un seul des deux fragments 
se segmente, c’est le fragment anucléé qui reste insegmenté, et que, 
dans les cas notablement plus rares où les deux se segmentent, c’est 
que la fécondation de l’œuf avait eu lieu avant la section, par quelque 
spermatozoïde égaré. 

L'indication des précautions dont j'entoure mes expériences suffira 
à montrer l’inanité de cette objection. Je recueille les œufs dans de 
l'eau de mer conservée dans un tonneau de grès, en sorte que les 
spermatozoïdes qui pourraient s’y trouver sont certainement morts. 
Dans toutes mes expériences, j'ai constaté que le sperme perd ses 
propriétés au bout de vingt-quatre heures à trente-six heures. De 
l’eau conservée depuis trois ou quatre jours ne saurait donc être 
suspecte. Néanmoins, je contrôle, en examinant à la fin de l’expé- 
rience les œufs restés dans le cristallisoir où J'ai pris ceux qui ont 
été expérimentés. Les œufs restent tous insegmentés, ce qui montre 
bien qu’il n’y avait pas de spermatozoïdes dans l’eau qui les conte- 
nait. Une fois, ayant trouvé parmi eux des œufs segmentés, j'ai 
considéré l'expérience comme nulle. | 

b) On peut objecter que la segmentation du fragment anucléé n’est 
pas due à la fécondation, mais à une excitation non spécifique, ré- 
sultant du traumatisme opératoire. On sait, en effet, que l’on a 
observé des commencements de segmentation à la suite de l’appli- 
cation d’excitants divers chimiques ou autres. Mais, dans plusieurs 
cas, on a reconnu qu il s'agissait dans ces cas d’une sorte de craquel- 
lement, et non d’une segmentation véritable. Jamais on n’a vu ces 


pseudo-segmentations conduire à la formation de larves parfaites et 


398 YVES DELAGE. 


capables de se mouvoir. Enfin, s’il fallait une preuve plus convain- 
cante, en voici une qui ne laisse aucune place au doute. 

Le 10 septembre, je coupe en deux des œufs du petit Æ'chinus 
sp. déjà mentionné, et je cherche à les féconder avec le sperme 
d’un gros Oursin qui me parait être le Sphærechinus granularrs : 
aucune segmentalion ne se produit. Le lendemain soir, environ 
trente heures après, les fragments ayant encore l’air bien vivants, 
j'additionne les gouttes d’eau qui les contiennent d’une goutte- 
lette de sperme frais de la même espèce. Deux heures après, bon 
nombre d’entre eux étaient à divers stades de segmentation. 

Rien ne saurait mieux démontrer la parfaite intégrité des œufs 
opérés et la réalité de la fécondation mérogonique. 

. J'ai, en outre, placé des œufs coupés et non fécondés des divers 
types expérimentés dans une goutte d’eau en chambre humide, dans 
les mêmes conditions que ceux des expériences précédentes, et Ja- 
mais je ne les ai vus présenter des indices de segmentation vraie. 
On observe alors certains phénomènes curieux, qu’un observateur 
inexpérimenté pourrait confondre avec la segmentation, mais qui en 
diffèrent essentiellement. Tantôt (Zanice), c’est une fragmentation 
d'emblée, en petits globes tous égaux ; tantôt (Oursin, Dentale), c'est 
une fragmentation progressive, en globes de plus en plus petits, qui 
se désagrègent au fur et à mesure de leur formation. Tout cela n'est 
pas la segmentation vraie. 

Il arrive, parfois, que des fragments dûment fécondés et ayant 
commencé à se segmenter plus ou moins normalement, manquant 
de cohésion, égrènent leurs blastomères et finissent par se désa- 
gréger tout à fait, avant de mourir, comme certains œufs non fécon- 
dés. Mais l'observation des premiers stades permet l'interprétation 
des deux phénomènes, et, en outre, j ai pu colorer ces amas de glo- 
bules et constater la présence d’un noyau dans ceux qui proviennent 
d’une segmentation disloquée, et son absence dans ceux qui pro- 
viennent d'une fragmentation cadavérique. 


c) La troisième objection consisterait à dire que, dans la section 


ÉTUDES SUR LA MÉROGONIE. 399 


des œufs, le noyau des œufs est coupé, et qu’il en passe une par- 
celle dans chaque fragment, comme cela a lieu dans la mérotomie 
du Stentor, par exemple. 

La preuve décisive, impossible à faire, consisterait à fixer et colorer 
les fragments, pour démontrer l'absence de noyau en eux, pour les 
faire développer ensuite. Mais une démonstration indirecte peut être 
fournie, qui ne laisse pas place au doute. 

Le pronucléus femelle est trop petit pour avoir chance d'être 
coupé. Chez nos trois types, il mesure seulement 10 à 15 x, et est 
donc en diamètre douze à quinze fois plus petit que l’œuf et en 
volume deux à trois mille fois plus petit. On voit ce que sont ses 
chances d’être coupé. 

Telles seraient ces chances, s’il était fixé dans l'œuf. Mais il est 
mobile comme une goutte en suspension dans un mélange sirupeux, 
en sorte qu il se déplace au moindre contact. 

Enfin, s’il était, par le plus grand des hasards, entamé par la sec- 
tion, il crèverait et se détruirait. 

Dans les œufs opaques du Dentale et de la Lanice, on ne le voit 
point; mais, dans les œufs d'Oursins, il est parfaitement visible et, 
pendant la section même, je le vois fuir sous la pression de la lame 
tranchante et Je le retrouve dans un des morceaux sous la forme 
d’une petite tache claire, tandis que l’autre morceau ne montre rien 
de tel. Parfois Je ne le retrouve dans aucun des deux, soit qu'il ait 
été détruit, soit qu'il soit placé de manière à n’être pas vu. Jamais 
je n’ai trouvé dans les deux morceaux, après la section, la tache 
claire qui indique sa présence. 

Presque toujours il est dans le fragment le plus grand, même 
lorsque la différence de taille est faible. Une seule fois je l’ai vu dans 
un fragment sensiblement plus petit que l’autre. Jamais je ne l’ai 
rencontré dans un fragment beaucoup plus petit que son congé- 
nère. Or, on à vu que j'ai obtenu la segmentation de fragments re- 
présentant de 4/10 à 1/37 du volume total de l'œuf. 


Enfin, on à vu aussi que j'ai obtenu jusqu à trois embryons d’un 


400 YVES DELAGE. 


même œuf. Admettra-t-on que, dans ce cas, le pronucléus a été di- 


visé en trois? Songeons que, si la chance pour qu'il soit divisé en 


1 : Ë 
. deux est “ la chance pour qu'il soit coupé une seconde fois devient 
| e a e 
_ et n étant, d’après ce qui précède, un nombre très grand, on voit 


1 À ; 
que = devient pratiquement égal à zéro. 


La réalité de la fécondation mérogonique résulte aussi des très 
curieuses expériences de Ziegler ! qui, en coupant en deux un Oursin 
fécondé avant la réunion des deux pronucléus, de manière à ce que 
chaque moitié ne renferme qu'un des deux pronucléus, voit néan- 
moins la moitié à pronucléus mâle se segmenter et donner une 
blastula. 

Tout cela permet de conclure : /a fécondation mérogonique est vrai- 
ment la fécondation d'un fragment de cytoplasme ovulaire dépourvu 


de noyau. 


VI 


OBSTACLES A LA MÉROGONIE. 


Deux questions peuvent être posées sous ce chef : 

a) Pourquoi les œufs de tous les animaux ne peuvent-ils donner 
des embryons mérogoniques ? b] Chez les animaux dont les œufs 
admettent la fécondation mérogonique, pourquoi bon nombre des 
morceaux restent-ils stériles ? 

a) Œufs ne supportant pas la mérogonie. — Théoriquement, rien 
ne saurait s'opposer à la mérogonie. Mais, pratiquement, certaines 
conditions entraînent des difficultés telles, qu’elles équivalent à une 
impossibilité. 

1 H.-E. Z1EeGLER, Experimentelle Siudien über die Zelltheilung. 1 Mitheil. À Die 
Zerschnürung der Seeigeleier. 2 Furchung ohne Chromosomen (Arch. Entwickelungs- 


mechanik, IV, 249-293, 3 figures, pl. 13, 14, 1898). — Du même auteur, note prélimi- 
naire en 1896 sur le mème sujet. 


ÉTUDES SUR LA MÉROGONIE. 401 


La première condition, pour qu'un œuf puisse être coupé et 
soumis ensuite à la fécondation mérogonique, c’est qu'on puisse 
se le procurer mûr avant la fécondation. Cette condition soustrait à 
la mérogonie tous les œufs à fécondation interne : en gros, ceux 
des Vertébrés à sang chaud, des Reptiles, des Élasmobranches, de 
tous les Articulés (Insectes, Crustacés, Arachnides et Myriapodes), 
des Céphalopodes et de bon rombre de Vers. On pourrait songer à 
extraire l’ovule de l'ovaire avant la ponte, mais le plus souvent il n’est 
pas mûr, complet, apte à la fécondation, avant d’être pondu, et le 
cas des Échinodermes où l'œuf se féconde aussi bien quand on le 
prend dans l’ovaire que quand on attend qu’il ait été naturellement 
émis au dehors, sans être unique, est exceptionnel. On pourrait peut- 
être, cependant, tenter la chose ; mais il faudrait employer des pré- 
cautions particulières et l’on aurait encore de fortes chances de ne pas 
réussir. 

La seconde condition est que l’œuf se prête à la section. Sous cé 
rapport, les œufs les plus convenables sont ceux qui sont nus, en- 
tourés d’une mince couche de glaire adhérente, quise laisse écarter, 
mais se referme aussitôt après la section sur la solution de continuité 
de manière à la fermer. Il faut, en outre, que le cytoplasma ovulaire 
ait une certaine fermeté. Les œufs des Oursins, et, à un moindre 
degré, ceux du Dentale, sont excellents sous ce rapport. Les œufs 
protégés par une coque sont bien moins favorables, car, en général, 
ils empruntent à cette coque toute leur protection et sont, par 
eux-mêmes, d'une grande friabilité. Ceux de Zanice sont dans ce 
cas, et j'ai mis longtemps avant de trouver le {our de main qui m’a 
permis de les sectionner convenablement. D’autres ont été rebelles 
à toutes mes tentatives : tels sont ceux de la Ciona, ceux de l’Ha- 
hotis, ceux du Chiton, de Sabellaria, etc. 

Une troisième condition est celle d’une taille suffisante. Je n’ai 
pu réussir à couper les œufs de la Lucernaire qui ne mesurent que 
33 à 34 p (c'est là, par parenthèse, une preuve qu’on ne saurait, du 
moins avec la méthode que j'ai employée, couper le noyau des 


ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GEN. — 3€ SÉRIE, — T, VII. 1899, 26 


402 YVES DELAGE. 


autres œufs dont le diamètre est toujours plus de moitié plus petit 
que celui des œufs de la Lucernaire). | 

Une quatrième condition, enfin, est que l’œuf puisse être coupé 
par un procédé qui n’altère pas sa structure ou n’introduise pas des 
conditions secondaires faisant obstacle à la fécondation. 

Lorsque j'ai cherché à couper les œufs de Chiton, j'ai bien vite 
constaté qu'il était à peu près impossible (je n’y ai réussi qu’une fois) 
de les couper sans les crever. J'ai alors eu l’idée d'employer un 
moyen détourné consistant à piquer la coque, à déterminer la for- 
mation d’un extraovat et à séparer cet extraovat. Sur 30 œufs ainsi 
coupés, je n'ai obtenu aucune fécondation, tandis que sur les 30 té- 
moins, 18 furent fécondés. J’attribue cet insuccès à une altération 
de la structure par cette suite du passage à la filière qui se produit 
dans la formation de l’extraovat. Il est à croire que les parties les 
plus fluides doivent passer de préférence dans l’extraovat, et, en se 
séparant du reste, altérer la structure de l'œuf. Il est possible aussi 
que l'issue de l’extraovat rompe le système de filaments achroma- 
tiques resté en place après la disparition de l’ovocentre et qui doit 
conduire et diriger dans l’œuf le système de filaments achromatiques 
issu du spermocentre après la fécondation, comme l’ont montré, 
chez Physa, Kostanecki et Viersejski (96) [voir Année biologique, I, 
p. 101 et suivantes]. Peut-être enfin le contact de l’eau pour l’extra- 
ovat, ce même contact et la perte de contiguité avec la coque pour 
l’intraovat, sont-ils des causes nuisibles à la fécondation. 

Quoi qu'il en soit, cet insuccès ne prouve rien contre le fond de 
ma théorie, savoir que le noyau ovulaire n’est pas indispensable 
à la fécondation. 

Pour l’ébranler, il eût fallu qu'un seul fragment fût d'ordinaire 
fécondé, car on eût pu alors prétendre que le fragment stérile 
était celui dépourvu de noyau. Mais le fait que le fragment nucléé 
a été aussi stérile que le non nucléé montre que la fécondation a été 
empêchée par quelque autre cause que la présence ou l'absence du 


noyau. 


ÉTUDES SUR LA MÉROGONIE. 403 


b) Causes de la stérilité de certains fragments. — On peut maintenant 
se demander pourquoi, dans toute expérience, un certain tant pour 
cent d'œufs coupés restent stériles, pourquoi un certain tant pour 
cent ne segmentent qu'un morceau sur deux, ou qu’un ou deux sur 
trois. 

On pourrait se contenter de répondre que, dans les œufs témoins, 
il y a aussi un certain tant pour cent d'insuccès. Mais on peut 
serrer d’un peu plus près la question. 

Il arrive parfois qu’un œuf idéalement sectionné reste stérile, 
ou ne segmente qu'un de ses fragments. C’est pour ceux-là seu- 
lement que je renvoie aux œufs témoins qui restent stériles aussi, 
bien que ne présentant pas plus qu’eux la moindre altération obser- 
yable au microscope. Mais il s’en faut de beaucoup que, dans les 
meilleures séries d'expériences, tous les œufs coupés le soient idéa- 
lement. Le plus souvent, l’œuf a été comprimé plusieurs fois avant 
de se fendre ; le plus souvent aussi, la lame tranchante a écrasé une 
partie de la substance et donné accès à l’eau à une profondeur plus 
ou moins grande dans le morceau, produisant un état vacuolaire 
qui est l'indice d’une altération profonde. Ces parties altérées doi- 
vent être éliminées. Parfois le fragment les élimine, se réarrondit 
et se divise ensuite, mais souvent il s’épuise dans cet effort et meurt 
sans avoir pu achever son épuration; souvent aussi il est tellement 
diminué de volume par cette épuration, qu'il se trouve ensuite 
trop petit pour pouvoir poursuivre son développement. : 

Une autre cause d’insuccès est la diminution de cette substance 
visqueuse qui entoure l'œuf, le protège et maintient ses parties 
unies ensemble. Elle est forcément diminuée par la section, car la sur- 
face de deux sphères ayant chacune la moitié du volume d’une troi- 
sième sphère est de plus d'un quart plusgrande que celle de cette der- 
nière. En outre, la répartition de cette matière contentive peut n'être 
pas régulière. Toujours est-il que, parfois, les blastomères, au lieu 
de rester unis, se dissocient à mesure qu'ils se forment, rappelant 


ainsi certains phénomènes cadavériques des fragments non fécondés 


404 YVES DELAGE. 


dont ils se distinguent cependant par la présence de noyaux décela- 
bles par les réactifs. 

Conclusion. — La mérogonte n’est, pratiquement, applicable qu'aux 
œufs qui sont pondus isolément avant la fécondation. Klle peut réussir 
chez certains œufs pourvus d'une coque ; mais, le plus souvent, elle échoue 
chez eux. Les œufs qui conviennent le mieux à son application sont ceux 
qui sont nus ou entourés d'une faible enveloppe glaireuse, pas trop 
friables, de consistance ferme ei d’un diamètre pas trop petit (au moins 
1/10 de millimètre). La section de l'œuf, quand elle peut être bien exé- 
cutée, ne contrarie pas, par elle-même, la fécondation de l'œuf ; maïs elle 
peut, quand elle est faite de certaine facon, introduire des conditions 


accessoires s'opposant & la fécondation. 


VII 


UTILITÉ DU NOYAU FEMELLE DANS LA FÉCONDATION ET LE DÉVELOPPEMENT. 


J'ai été extrêmement frappé de ce fait que, dans bon nombre de 
mes expériences, les œufs mérogonisés se segmentaient en plus 
grand nombre que les témoins. J’en ai cité quelques-unes, j'aurais 
pu en citer davantage. Si l’on songe que le traumatisme de la sec- 
tion ne peut que faire obstacle à la fécondation, il est inconcevable 
que les témoins ne se segmentent pas toujours en bien plus grand 
nombre que les œufs opérés. Or, il n’en est rien; il y a générale- 
ment au moins égalité et parfois l’avantage est pour les œufs opérés. 
En présence de ce fait, on doit se demander s’il est légitime de 
repousser a priori une conclusion parce qu'elle est paradoxale, et si 
l’on ne doit pas conclure que le noyau ovulaire, loin d’être néces- 
saire à la fécondation, lui fait plutôt obstacle. 

Une expérience facile permettrait d'en décider. Elle consisterait à 
séparer chez l’Oursin, où le noyau est visible dans l’œuf, le fragment 
contenant le pronucléus femelle et celui qui en est privé et à faire 
la statistique des réussites de fécondation. Je ne l’ai pas tentée, 


ayant songé trop tard à le faire. 


ÉTUDES SUR LA MEROGONIE. 405 


Mais, d’après ce que j'ai vu, et sous les réserves de droit, je crois 
que l’on est en droit de se demander si le pronucléus femelle ne fait 
pas obstacle à la fécondation plutôt qu’il ne la favorise, et s’il n’est 
pas inutile au développement. Il sert peut-être à communiquer à 
l'embryon les caractères héréditaires de la femelle et les avantages 
de l’amphimixie, mais il ne peut pas être utile à l’évolution des 
organes. Le noyau spermatique seul remplit aussi bien, sinon mieux, 
le rôle du noyau mixte. 

D'ailleurs, eette conclusion n’est peut-être pas aussi paradoxale 
qu’elle paraît. Est-il moins surprenant de voir l'œuf ne devenir apte 
à la fécondation qu'après avoir éliminé les trois quarts de son noyau? 
Est-il moins surprenant de voir le centrosome disparaître souvent 
dans l’œuf avant la fécondation ? 

Si les embryons mérogoniques sont un peu inférieurs comme 
vitalité aux embryons normaux, cela peut tenir aux troubles apportés 
par le traumatisme, à la privation d’une partie du cytoplasme et 
des substances (protoplasma et réserves nutritives) qu’il contient. Si 
un œuf pouvait expulser tout son noyau sans dommage ni diminu- 
tion de son cytoplasme, par un processus naturel comparable à 
celui par lequel il expulse les globules polaires, il est à croire qu'il 
se féconderait plus aisément et se développerait aussi bien que les 
œufs normaux. 

Conclusion. — L'absence de pronucléus femelle ne constitue, pour le 
fragment d'œuf qui en est privé, aucune infériorité par rapport à son 
congénère qui en est pourvu. Peut-être même, la privation de ce noyau 
favorise-t-elle la fécondation. Le pronucléus femelle est peut-être utile 
pour procurer à l'embryon les avantages de l'amphimixie, mais il ne 
constitue pas un organe utile à la fécondation nt nécessaire au dévelop- 


pement des parties de l'organisme. 


406 YVES DELAGE. 


VIII 


HYBRIDATION MÉROGONIQUE. 


C'est là, parmi toutes les questions relatives à la mérogonie, une 
des plus importantes, car elle permettrait, si elle était résolue, de 
décider quelle est la part du noyau dans l’hérédité des caractères. 
Boveri (89) l’avait bien compris et avait cru même la résoudre ; 
mais Verworn (94), Morgan (93), et surtout Seeliger (94, 96), ont 
bien montré qu'il n’avait nullement atteint son but. 

La difficulté est de rencontrer des êtres assez semblables pour 
s’hybrider et assez différents pour que leurs hybrides présentent, dès 
l'état larvaire, des dissemblances permettant de distinguer les deux 
espèces. Je dis des l'état larvaire, car il ne faut pas songer, pour le 
moment du moins, à élever jusqu’à l’âge adulte les larves mérogo- 
niques. 

Je n'ai pas eu le matériel nécessaire pour aborder la question. 
Les seuls êtres hybridables que j'aie eus étaient les Oursins, et les 
larves des espèces que j'ai pu expérimenter ne diffèrent que par des 
caractères trop peu précis pour qu’on puisse en tirer parti. Les formes 
sur lesquelles j'ai opéré sont le Sérongylocentrotus lividus et le petit 
ÆE chinus dont j'ai parlé plus haut, et, d’autre part, l’Æchinus en ques- 
tion etle gros Oursin que je crois être le Sphærechinus granularts. 

L'expérience de fécondation de Strongylus ® X Echinus sp. & m'a 
donné les résultats suivants : 

OEuïs opérés (sectionnés en deux), 8; 

Aucun morceau segmenté, 4 ; 

Un morceau segmenté, 2; 

Deux morceaux segmentés, 2. 

Donc, en tout, 6 segmentations pour 8 œufs. 

J ai pu élever ces larves hémigoniques jusqu’au commencement 
du stade blastula; quelques-unes ont revêtu des cils, mais aucune 
n’est allée au delà. 


: ÉTUDES SUR LA MÉROGONIE. 407 


Ce résultat est d'autant plus remarquable que, dans cette expé- 
rience, aucun témoin ne s’est segmenté et que les mêmes œufs, 
non opérés, additionnés du même sperme dans un cristallisoir, c’est- 
à-dire dans des conditions bien meilleures, n’ont donné non plus 
aucupe segmentation. 

Au contraire, Echinus @ X Strongylocentrotus G' réussit aisément 
et donne des Pluteus. 

Une seule fois, j'ai réussi la fécondation des deux moitiés d’un 
œuf du petit Z£'chinus sp. X le gros Sphærechinus (?) G'. La prépara- 
tion a été détruite par accident au moment où l’un des morceaux 
était au stade 3 et l’autre au stade 4 —. Les hybridations d'œufs 
normaux de ces deux formes ne donnent qu'une faible proportion 
de réussites ; les larves arrivent cependant jusqu’au stade Pluteus. 

J'ai essayé, faute de mieux, des hybridations hautement impro- 
bables entre Oursins et Astéries, Astéries et Ophiures. Aucune n’a 
réussi. 

Ce résultat, pour si banal qu'il paraisse, n’est cependant pas sans 
intérêt. 

Si vraiment le noyau était, comme on dit, le directeur de la cel- 
lule, il devrait être l'agent qui s'oppose à une hybridation trop aber- 
rante ; et si le cytoplasme n’était, comme le croient quelques natu- 
ralistes, qu'une matière banale, sans vertu spécifique, sans initiative, 
il semble qu’il devrait ne pas savoir se défendre contre l’hybrida- 
on, qu'il devrait accepter un spermatozoïde étranger à son espèce 
et lui fournir, quel qu’il soit, les moyens de se développer. Or, il 
n’en est rien; on voit les spermatozoïdes aborder le fragment anu- 
cléé, le heurter, mais jamais aucun ne pénètre, ou s’il pénètre, du. 
moins ne provoque-t-il aucun développement. 

Concluons que l’hybridation mérogonique est possible, mais que les 
fragments anucléés se défendent aussi bien contre que les œufs normaux 


contre une hybridation trop aberrante. 


408 YVES DELAGE. 


IX 


LA MATURATION CYTOPLASMIQUE DE L'ŒUF. 


J'ai, dans le même ordre d'idées, tenté de féconder des frag- 
ments anucléés d'œufs non mûrs, pourvus de la vésicule germinative 
et n'ayant pas expulsé les globules polaires. 

Ici encore, on pourrait croire que c’est le noyau seul qui s’oppose 
à la fécondation tant qu’il n’a pas atteint sa maturité complète. La 
chose serait d'autant plus admissible que certains œufs non mürs 
(Francotie a observé le fait chez des Planaires) laissent pénétrer le 
spermatozoïde dans le cytoplasme ; mais là celui-ci, ou du moins le 
pronucléus mâle qui en dérive, attend la maturation du noyau ovu- 
laire pour s'unir au pronucléus femelle et accomplir ce qu’on croyait 
être l’acte essentiel de la fécondation. | 

Eh bien, il n’en est rien. 

Jamais je n'ai pu obtenir ni chez les Qursins, ni chez les Annélides, 
ni chez les Mollusques, la fécondation de fragments, anucléés ou 
non, d'œuf n’ayant pas achevé sa maturation; et je tire de là cette 
conclusion importante qu'il y a une maturation du cytoplasme 
ovulaire. 

Les raisons sur lesquelles je fonde cette assertion, bien qu’elles 
reposent sur des preuves négatives, n’en sont pas moins valables. Je 
prends un Oursiu, je recueille les œufs de son ovaire et je les examine 
au commencement d'août, époque de l’année où la maturité sexuelle 
ne fait que commencer et je trouve environ autant d'œufs mûrs que 
d'œufs pourvus de leur vésicule germinative. Un peu plus tard, vers 
le 20 août, il n’y a plus guère qu’un dixième des œufs qui aient encore 
leur vésicule. Vers le 10 septembre, les œufs ayant leur vésicule sont 
rares, j en trouve un sur cent peut-être. A la fin de septembre, j'ai 
peine à en recueillir quelques-uns. Lors donc que je prends à ces 
diverses époques de l’année, des œufs ayant atteint leur taille 


définitive et encore pourvus de leur vésicule, je suis fondé à croire 


ÉTUDES SUR LA MÉROGONIE. 409 


que nombre d’entre eux sont au moment de mürir, qu'ils ont 
achevé leur accroissement, leur évolution chimique intérieure et 
qu'il ne leur manque plus qu’à expulser leurs deux globules. Si 
ces phénomènes maturatifs portaient sur le noyau seul comme on 
l’admet; si, dans le cytoplasme, il n’y avait aucune différence entre 
l’œuf immédiatement avant l'expulsion des globules et ce même œuf 
immédiatement après, les fragments anucléés de ce cytoplasme 
devraient également bien se féconder, qu'ils appartiennent à un 
œuf ayant opéré la maturation nucléaire ou à un œuf ne l’ayant pas 
encore accomplie. 

Or jamais les fragments d'œufs à vésicule germinative.ne sont 
fécondés. 

Je coupe côte à côte sur la même lame, dans deux gouttes d’eau 
distinctes, un œuf non mûr et un œuf mûr et je les additionne de 
sperme : six fois sur dix au moins, un ou deux des morceaux de l'œuf 
mûr se segmentent, jamais ceux de l'œuf non mûr ne le font. 

Dans ces conditions, il semble que la preuve négative (la seule 
qu’on puisse fournir dans cette circonstance) est bien probante et 
nous l’admettrons comme telle. 

Quant à l’explication du phénomène, on ne peut faire encore que 
des conjectures : la maturation du cytoplasme ovulaire peut reposer 
soit sur une modification chimique produite par le noyau réduit, soit 
sur l'élimination de la parcelle du cytoplasme qui accompagne les 
globules polaires, soit peut-être sur une modification structurale du 
système achromatique à la suite de l’atrophie de l’ovocentre. 

Quoi qu'il en soit, on peut conclure qu’il existe une maturation qua- 
lhitative du cytoplasme ovulaire, corrélative peut-être de celle du noyau, 


mais est distincte de celle-ci, 
X 
LES CHROMOSOMES DANS LA MÉROGONIE. 


La question de savoir comment se comportent les chromosomes 


dans la mérogonie à une importance toute particulière, tant au 


410 YVES DELAGE. 


point de vue de l'interprétation de la mérogonie elle-même qu’à 
celui des propriétés de ces organites de la cellule. | 

Il était à prévoir, d’après les théories régnantes, que le fragment 
d'œuf sans noyau femelle, fécondé par un spermatozoïde ayant subi 
la réduction maturative présenterait le nombre de chromosomes 


réduit de ce spermatozoïde. 


Soit nr, le nombre de chromosomes des cellules somatiques chez 
un animal donné. Les cellules sexuelles mûres en contiennent =; 
quand elles se sont fusionnées par la fécondation, elles en contien- 


nent 2 . = ñn. Dans la fécondation mérogonique, le fragment anu- 
cléé contient 0 chromosome, le spermatozoïde en apporte _. il doit 


donc y en avoir _ et non x dans les cellules somatiques de la larve. 
Dès lors, si cette larve pouvait former un adulte, celui-ci ayant 


= chromosomes dansles cellules somatiques, en aurait sans doute 


n , ns) 
n dansses cellules sexuellesmüres et,aprèsla fécondation, >= = 
en supposant l’union avec un individu normal. A la génération sui- 
Hi EN 1n ’ 
vante, ce nombre deviendrait — + = À chaque généra- 


tion, le nombre se rapprocherait du nombre normal qui serait fina- 
lement atteint. 

Mais si l’on pouvait unir deux êtres d’origine mérogonique, leurs 
chromosomes seraient PU Tert nombre qui se conserverait indé- 
finiment. En appliquant encore la mérogonie à la race ainsi créée, 


on obtiendrait des produits ayant 0 + Fr ;: à la génération sui- 


vante, S et ainsi de suite. 


ÉTUDES SUR LA MÉROGONIE. 411 


Voilà ce que dit la théorie d’après les idées régnantes. 

Que dit l'expérience ? 

Sa réponse absolument inattendue est la suivante : que les larves 
soient d’origine mérogonique ou non, le nombre des chromosomes 
reste invariable ! 

Ce n’est pas une mince difficulté que d’obtenir des préparations 
permettant de compter les chromosomes des larves mércgoniques. 
Les compter sur des œufs complets dont on possède une quantité 
indéfinie est déjà passablement malaisé. Que devient la difficulté 
quand il faut appliquer les méthodes qu’indique la technique, com- 
portant des passages nombreux et rapides dans des liquides divers, 
à deux parcelles que l’on ne peut voir qu'avec une forte loupe ? 
Comment ne pas les perdre, ne pas les confondre avec les particules 
étrangères qu'apportent les liquides les mieux filtrés, avec les pré- 
cipités qui se produisent souvent? Comment surtout ne pas mettre 
à les retrouver plus de temps qu'il ne faudrait et ne pas les laisser 
dans les liquides au delà de la durée nécessaire, au risque de com- 
promettre le résultat? Et notons qu'il s’agit d’objets dont on peut 
se considérer comme fort heureux si on à pu s’en procurer un ou 
deux, dans une expérience durant un Jour et demi! 

J'ai pu arriver, cependant, avec beaucoup de soin et de patience, 
un peu d'adresse, et en m'ingéniant, à trouver des méthodes plus 
simples que celles qui sont en cours, à obtenir quelques prépara- 
tions montrant, fixées, colorées, montées dans le baume, avec leurs 
chromosomes bien évidents dans leurs cellules en division, les deux 
larves sœurs provenant de la section d’un même œuf d'Oursin. Je 
puis montrer ces préparations, et les personnes à qui je les ai fait 
voir ont toutes exprimé l'avis que, sans aucun doute possible, le 
nombre des chromosomes est le même dans les deux larves, dont 
l’une a des noyaux provenant de l’union d’un pronucléus femelle 
avec un pronucléus mâle, tandis que l’autre a des noyaux provenant 
du spermatozoïde seul. J'ajoute que ce nombre de chromosomes 
est 18, le même que dans les larves intactes, le même que celui 


412 | YVES DELAGE. 


qui a été indiqué pour ces animaux par Wilson [96] dans son ou- 
vrage : The cell in development and inheritance, p. 155‘. Le fait est 
d'autant plus caractéristique que l’expérience a porté sur l’'£'chinus, 
c'est-à-dire sur une forme où l’on voit le noyau rester dans l’un des 
morceaux en lesquels on coupe l'œuf. 

Quelle est l'interprétation de ce résultat? 

Bien simple, mais en opposition formelle avec les théories ré- 
gnantes sur les chromosomes. 


Évidemment, au moment où le fragment sans nucléus femelle est 
n 
fécondé, il n’a que les 5 chromosomes que lui apporte le spermato- 


zoide. On pourrait chercher à vérifier le fait, mais ce ne serait pas 
aisé, car les noyaux des très jeunes embryons se colorent bien plus 
difficilement que ceux d'un âge plus avancé. Ce noyau, pour fournir 
tous ceux de la future larve, se divise un grand nombre de fois et, 
pour cela, passe par des états successifs de repos et d'activité. Pen- 
dant le stade de repos, les chromosomes, comme on sait, se dislo- 
quent, puis reforment un filament continu, le spirème, lequel se 
coupe en fragments, qui sont les chromosomes de la génération sui- 
vante. Eh bien, dans les larves mérogoniques et dans les normales, 
le spirème se recoupe en le même nombre de chromosomes. 

À quel moment cela s’établit-1] ainsi? Est-ce d'emblée, dès la pre- 
mière division ? Est-ce peu à peu? Je n’en sais rien. Avec un peu de 
peine, on pourra arriver à le savoir. Mais tout cela est d'importance 
secondaire. Le fait capital, c’est que le nombre normal des chromo- 
somes se rétablit. 

Ainsi, si le nombre des chromosomes est constant chez les animaux, ce 


n'est pas, comme on le croit, parce que ces organites ont une personnalité 


1 Il va sans dire qu’on ne compte pas les dix-huit chromosomes dans toutes les 
cellules en division que montre la préparation, vu que souvent des chromosomes 
profonds peuvent être cachés par les superficiels. Maïs on en compte dix-huit dans 
les cellules où on les voit le mieux. Dans les autres, on en compte toujours au moins 
quinze ou seize et, comme la question se pose seulement en dix-huit et neuf, aucun 
doute n’est possible quant au résultat. 


ÉTUDES SUR LA MÉROGONIE. 413 


qui les rend individuellement permanents, c'est parce que ce nombre est 


une propriété spécifique de la cellule, une constante de la cellule. Une 
Sr Re n ; 
cellule, qui n’a reçu à l’origine que chromosomes, découpe néan- 


moins son filament chromatique en n chromosomes, parce que cela 
est un de ses caractères, comme sa forme, comme sa constitution 
physico-chimique, comme son aptitude à sécréter, à se contracter 


ou à fournir de l’influx nerveux. 


XI 


APPENDICE. 


Avant de terminer, j'indiquerai quelques faits que j'ai été à même 
d'observer au cours de ces expériences. 

1) Sur un fait de pseudocytotropisme. — Lorsqu'on coupe un œuf 
d'Oursin et que l'opération réussit idéalement, sans perte de sub- 
stance ni écrasement d'aucune parcelle, on voit les deux moitiés 
se réarrondir avec une vigueur d'élasticité tout à fait remarquable !. 
Bien que la lame tranchante les sépare complètement, les deux 
moitiés, dès qu’on enlève la lame, se réappliquent l’une contre 
l’autre et se réajustent exactement. L'ensemble présente alors la 
forme d’un œuf segmenté au stade 2. Si l’on sépare de nouveau les 
deux moitiés et qu'on les écarte d’une fraction de millimètre pou- 
vant aller jusqu’à deux ou trois fois leur diamètre, elles se précipi- 
tent de nouveau l’une vers l’autre et se réajustent comme précé- 
demment. 

On pourrait être tenté de rapporter cela au cytotropisme de Roux; 
il n’y a rien de tel, cependant, car si l’on écarte fortement les deux. 
moitiés l’une de l’autre, elles ne s’aitirent plus, et on a beau alors 
les rapprocher jusqu’au contact, elles sont désormais entièrement 

1 Ce n’est pas qu’elles redeviennent immédiatement sphériques, mais elles réta- 
blissent instantanément l'intégrité de leur surface et de leur contour et, au lieu de 


rester hémisphériques, prennent une forme ellipsoïde pour devenir sphériques plus 
tard, 


414 YVES DELAGE. 


indifférentes l’une à l’autre et ne montrent aucun indice de cytotro- 
pisme. 

L’explication du phénomène est toute simple : les œufs d'Oursin 
sont entourés d’une enveloppe d’une substance muqueuse hyaline et 
élastique. Quand on coupe l’œuf, on sectionne celui-ci sous son 
enveloppe muqueuse qui reste continue, s’étire, et rapproche les 
morceaux. Mais lorsque, par un écartement suffisant, l'enveloppe 
commune finit parse rompre, chaque moitié de l'enveloppe s’arrondit 
autour de la moitié d’œuf à laquelle elle appartient et forme avec 
lui comme un œuf distinct. | 

2) Séparation de blastomères. — En appliquant le procédé de sec- 
tion à des œufs segmentés, on peut séparer des blastomères sans les 
léser. Entre les blastomères ainsi séparés, je n’ai observé aucun effet 
de cytotropisme; mais je dois dire que je n’ai consacré que peu de 
temps à l’observation du phénomène. 

Par contre, j'ai vu ces blastomères, chez l’Oursin, chez le Dentale, 
continuer à se diviser. Chez ce dernier, où la division est inégale dès 
le début, j'ai pu séparer et voir évoluer séparément le macromère et 
le micromère. L'un et l’autre ont continué à se diviser. Quelqu'un 
qui ferait de cela l’objet d’une étude suivie arriverait sans doute à 
des résultats intéressants. 

3) Mérogonie incomplète. — Quand on sectionne incomplètement 
un œuf d'Oursin, en laissant les deux moitiés réunies par un pont de 
substance, ces deux moiliés se refusionnent en un œuf unique, plus 
ou moins sphérique, même si la section a été presque complète. 
L'ordre de la segmentation en est quelque peu troublé au début, mais 
il se forme néanmoins, finalement, une larve unique normale. 

Deux fois, j'ai fécondé deux moitiés d’œuf d'Oursin que j'avais lais- 
sées se réaccoler après section complète, comme il a été expliqué 
plus haut. Une fois, les deux moitiés se sont arrondies et séparées 
et ont donné deux blastula tout à fait indépendantes. Une autre fois, 
elles sont restées accolées et ont donné deux blastula accolées, 


comprimées l’une contre l’autre, mais complètes et indépendantes. 


ÉTUDES SUR LA MÉROGONIE. 415 
4) Contre la théorie de Hertwig. — J'ai indiqué plus haut que par- 
fois les fragments fécondés, en se divisant, se désagrègent au fur et 
à mesure qu'ils se segmentent. Dans ce cas, il se produit non un 
embryon, même déformé, mais un semis de cellules disposées les 
unes par rapport aux autres d’une manière absolument quelconque. 
J'ai observé une fois, chez le Dentale, que certaines de ces cellules 
désagrégées se munissaient de cils vibratiles. Il y a tout lieu de 
croire que ce sont précisément les cellules qui fussent devenues 
ciliées chez la larve, et je vois là la preuve que la cellule portait en 
elle-même les conditions déterminantes de la formation de ses cils. 
Cela va à l’encontre de la théorie d’'Hertwig qui admet que la diffé- 
renciation des cellules de l'embryon résulte de leur position dans 
l’ensemble. 


XII 


CONCLUSIONS. 


Je résumerai, pour terminer, les conclusions auxquelles m'a con- 
duit ce travail: 

4° On peut féconder et obtenir des larves normales au moyen de 
fragments d'œufs coupés dont un ou plusieurs sont dépourvus de 
pronucléus femelle. C’est là un processus biologique nouveau qui 
mérite de recevoir un nom. Nous l’appelons la mérogome. 

2 La mérogonie a pu être pratiquée chez les Échinodermes (£'chi- 
nus, Strongylocentrotus), les Mollusques (Dentalium), et les Annélides 
(Lanice). 

3° La mérogonie apporte dans l’évolution des troubles, qui peu- 
veni être très légers ou nuls lorsque l’opération est bien faite, et que: 
la force autorégulatrice de l’organisme tend à réparer et répare le 
plus souvent d’une façon complète. 

4° La fécondation mérogonique conduit, sans trop de difficulté, 
jusqu’à des larves typiques (Pluteus, Veliger, Trochophore), ne diffé- 


rant que par leur taille moindre et, éventuellement, par quelques 


416 YVES DELAGE. 


caractères d'importance secondaire de celles provenant d'œufs en- 
tiers. La difficulté de les élever au delà existe presque au même 
degré pour les larves normales. Rien donc n'indique qu'il manque 
aux larves mérogoniques quelque chose d’essentiel à un développe- 
ment complet. ! 

5° La mérogonie ne s'arrête pas à l'obtention de larves au moyen 
de moitiés d'œufs. Chez les Oursins, j'ai pu obtenir trois blastula 
d’un même œuf et des blastula de fragments dont le volume varie 
de 1/2 à 1/37 du volume total de l’œuf. 

6° La réalité de la fécondation de fragments d'œuf sans pronucléus 
femelle est démontrée par l'observation qui montre le pronucléus se 
réfugiant, pendant la section, toujours dans une des moitiés où on 
le retrouve après. Elle est démontrée aussi par le fait que des œufs 
sectionnés, fécondés trente-six heures après la section, entrent aus- 
sitôt en segmentation, tandis qu'ils étaient restés inertes jusque-là. 

7° La mérogonie n’est applicable pratiquement qu'aux œufs nus, 
pondus isolément et non fécondés avant la ponte. Elle l’est aussi, 
mais avec de grandes difficultés opératoires, à certains œufs pourvus 
d'une coque. 

8° La fécondation mérogonique donne une proportion de réussites, 
d'ordinaire aussi grande et souvent plus grande que celle des œufs 
témoins placés dans les mêmes conditions. Si on tient compte de 
l’état d’infériorité dans lequel le traumatisme opératoire place les 
œufs coupés, il faut en conclure que les œufs coupés se fécondent 
plus aisément que ceux qui sont intacts. Le pronucléus femelle peut 
donc procurer au futur animal quelque avantage indirect (amphi- 
mixie), mais il semble ne favoriser en rien la fécondation et ne pas 
être sensiblement utile au développement ultérieur. 

9 L’hybridation mérogonique est possible. J'ai pu l’obtenir entre 
deux genres d'Oursins, £'chinus et Strongylocentrotus d’une part, 
Echinus et Sphærechinus de l’autre. 

10° Il existe une maturation qualitative du cytoplasma ovulaireé, 
corrélative sans doute de celle du noyau, mais distincte de celle-ci. 


ÉTUDES SUR LA MÉROGONIE. A7 


11° Les chromosomes sont en même nombre dans les larves mé- 
rogoniques sans pronucléus femelle que dans celles provenant 
d'œufs entiers. Cela montre que les chromosomes n’ont ni l’indivi- 
dualité ni la permanence que supposent certaines théories. Le fila- 
ment chromatique du noyau se coupe en le nombre de chromosomes 
caractéristique de l’espèce, même lorsque l’œuf a été privé à l’ori- 
gine d’une moitié de ces organites. Le nombre de chromosomes que 
possède une cellule dépend non du nombre qu’elle a reçu de sa cel- 
lule mère, mais de la nature de son protoplasme ; le nombre des 
chromosomes est, pour l'espèce zoologique, une propriété cellu- 
laire. 


J’ajouterai que les expériences actuelles confirment les conclu- 
sions que j'ai tirées l’année dernière de mes expériences primitives 
(voir Comptes rendus de l'Académie des sciences, Paris, séance du 
10 octobre 1898). Parmi ces conclusions, je rappelle ici les plus 
importantes en les complétant. 

12° L’attraction sexuelle s’exerce en l’absence du noyau. 

13° Les expériences de mérogonie condamnent les théoriés de la 
fécondation qui font intervenir la polarité nucléaire, ou la nécessité 
de compléter le nombre de chromosomes réduit par la maturation 
de l’ovule, ou toute autre particularité ayant son siège dans le noyau 
femelle (en réservant toutefois la question des effets de l’amphi- 
mixie). 

Le phénomène essentiel de la fécondation n’est pas la fusion des 
noyaux spermatique et ovulaire dans l'œuf, mais bien l’union d’un 
noyau spermatique (accompagné de son spermocentre) avec une 
certaine masse de cytoplasma ovulaire. 


ARCH. DE ZOOL,. EXP. ET GÉN. — 3€ SÉRIE. — T, VII, 1899. 97 


DU ROLE DES TUBES PYLORIQUES DANS LA DIGESTION 


CHEZ LES TÉLÉOSTÉEN S 


PAR 


TH. BONDOUY 


Pharmacien de première classe, licencié ès sciences naturelles, 
Préparateur de zoologie à la Faculté des sciences de Rennes, 
Membre de la Société zoologique de France. 


Les opinions sont très diverses sur la valeur fonctionnelle des tubes 
pyloriques des Poissons. Certains auteurs leur attribuent la produc- 
tion d’enzymes digesüfs; d’autres, au contraire, leur refusent tout 
rôle actif dans la sécrétion des ferments solubles. Quelques zoolo- 
gistes ont voulu établir un balancement organique entre les cæcums 
pyloriques et le pancréas. Dès le début de ce travail, il est donc inté- 
ressant d'examiner les diverses opinions émises sur la physiologie de 


ces singuliers organes. 
HISTORIQUE. 


Les anciens anatomistes, tels que Meckel, Müller, Wagner, Carus, 
Brandt, Ratzbürg, regardèrent tout d’abord les appendices pyloriques 
comme un organe destiné à remplacer le pancréas dont l’absence 
fut souvent constatée.Guvier lui-même adopta cette manière de voir, 
avec toutefois une certaine réserve. | 

« La science a longtemps vécu sur cet accommodement entre les 
idées et les résultats négatifs des dissections ‘. » 

Cependant, Steller, anatomiste de Saint-Pétersbourg, avait affirmé 


depuis longtemps la coexistence des appendices pyloriques et du 


1 P, Lecouis, Thèse Doctorat ès sciences naturelles, 1873, p. 4. 


420 * TH. BONDOUY. 


pancréas chez de nombreuses espèces. Depuis cette époque, la pré- 
sence du pancréas chez les Téléostéens a été démontrée physiolo- 
giquement par Claude Bernard et anatomiquement par Legouis. 

Claude Bernard conclut, des expériences qu'il a faites sur le contenu 
intestinal des Poissons, à l'existence d’un pancréas constant : « En 
prenant le chyme et en le mettant en contact avec une solution 
éthérée de beurre, on constate qu'il y a acidification toutes les fois 
qu'une proportion, même très minime, de suc pancréatique s’est 
écoulée dans l'intestin ; de telle façon qu'il suffit du liquide intes- 
tinal d’un animal pour déterminer s’il a ou non un pancréas. Or, 
dans le liquide intestinal d'aucun Poisson, je n'ai constaté l’absence 
de ce caractère, et je suis porté à conclure que le pancréas existe 
nécessairement chez tous les Poissons, bien qu'il n’ait pas encore 
été anatomiquement démontré *. » | 

Le savant physiologiste considère surtout les tubes pyloriques 
comme des organes augmentant la surface intestinale. Il a, notam- 
ment, expérimenté sur les cæcums du genre Acipenser (Esturgeon). 
Chez ce Ganoïde, les tubes pyloriques sont réunis par une trame 
conjonctive de façon à former une masse assez volumineuse, qu’on 
a longtemps prise pour un pancréas. Il a constaté que le suc con- 
tenu dans cette sorte d’organe était acide et gluant et qu'il ne jouis- 
sait pas des propriétés digestives du suc pancréatique. 

Mais Claude Bernard semble ne pas s'être étendu d’une façon 
complète et suffisante sur la physiologie de ces organes. Cependant, 
ses expériences l’ont amené à généraliser la présence d’un pancréas 
constant chez les Poissons osseux. | 

Des dissections délicates ont permis à Legouis de démontrer ana- 
tomiquement l'existence d’un pancréas chez tous les Téléostéens. 
« Je me crois en droit d'affirmer que tous les Poissons osseux ont 
un pancréas, non point rudimentaire, et seulement vestige d’un 


organe constant chez les Vertébrés, mais considérable, quoique gé- 


1 CL. BERNARD, Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine, t. II, 
p. 486, 1856. 


LES TUBES PYLORIQUES CHEZ LES TÉLÉOSTÉENS. 491 


néralement épars et d'une importance fondamentale pour la diges- 
tion. » Malgré cela, cet auteur ne refuse pas aux tubes pyloriques 
un certain rôle dans les phénomènes de la digestion : 

« Je suis même disposé à croire que les appendices fournissent un 
excédent de suc intestinal et suppléent, quoique de loin et d’une 
manière indirecte, le pancréas qui, comme certaines familles sem- 
blent le montrer, diminue lorsqu'ils se multiplient. Mais quant au 
passage gradué d’une forme à l’autre, c’est une vue qu’on doit, je 
crois rejeter *. 

Aujourd'hui, l'existence d’un pancréas chez les Téléostéens est 
admise par tous les zoologistes. Lorsqu'il n’existe pas à l’état d’une 
glande compacte, on le rencontre formé par de nombreuses glandes 
diffuses, répandues le long de l’æœsophage, sur le trajet des gros vais- 
seaux, notamment sur la veine hépatique et la veine-porte. 

Vogt et Yung voient uniquement, dans les tubes pyloriques, des 
organes destinés à augmenter la surface d'absorption de l'intestin : 

« Une valvule spirale, développement du pli des Gyclostomes, est 
caractéristique pour les Sélaciens, Ganoïdes et Dipnoïques. En re- 
vanche se développent, en beaucoup de cas, des appendices pylo- 
riques ?. 

Cette opinion est partagée par Wiedersheim, qui considère les 
tubes pyloriques comme les homologues de l'intestin spiral. Pour 
cela, ce zoologiste s'appuie sur les faits suivants qu’il emprunte aux 
Ganoïdes : 

Chez Polypterus, on rencontre seulement un appendice pylorique; 
la valvule spirale est bien développée. Chez Zepidosteus, les appen- 
dices sont nombreux; par suite, la valvule spirale est rudimen- 
taire. 

De cette observation, il résulte donc que les tubes pyloriques 
semblent se développer davantage à mesure que le repli spiral dis- 


paraît ; ce qui paraît indiquer que ces deux appareils sont fonction- 


‘ P. Lecouis, Thèse Doctorat ès sciences naturelles, 1873, p. 180. 
: 2 Traité d'anatomie comparée pratique, p. 482. 


422 TH. BONDOUY, 


nellement analogues. Maïs il n’y a là qu’une constatation ana- 
tomique. Nous démontrerons, dans le cours de ce travail, que, 
physiologiquement, les tubes pyloriques des Téléostéens n’équivalent 
pas à la valvule spirale des Sélaciens, laquelle est dénuée de toute 
action digestive. Il y a tout lieu de croire qu'il en est de même pour 
le repli spiral des Ganoïdes. De même, nous pouvons affirmer de 
suite que ces organes ne jouissent pas de toutes les propriétés du 
pancréas ; je n’ai jamais observé la production de lipase. On sait 
que la propriété toute spéciale du tissu-pancréatique est d'émul- 
sionner et de saponifier les corps gras neutres. 

La physiologie des tubes pyloriques a été reprise par Krukenberg ; 
mais le savant allemand n’a pas recherché l’action du suc de ces 
organes sur toutes les variétés d'aliments. Nous avons extrait de ses 
recherches sur la digestion chez les Poissons tout ce qui avait rap- 
port aux tubes pyloriques. 

« J'ai pu extraire des appendices pyloriques de Acpenser sturio, 
Motella tricirrhata, Lophius piscatorius, de la diastase, de la pepsine 
et de la trypsine; chez Zrachinus Draco, Scorpena serofa et Zeus 
faber, de la pepsine et de la trypsine.» 

Krukenberg trouve tantôt les deux ferments protéo-hydrolytiques, 
pepsine et trypsine, agissant ensemble dans les tubes pyloriques : 
tantôt, il ne constate que la présence de l’un d’eux. « Dans les appen- 
dices pyloriques de Umbrina cirrhosa, Uranoscopus scaber, Chrysophys 
aurata, je trouve de la pepsine, mais pas de trypsine ; chez Dentex 
vulgaris, les cæcums renferment de la trypsine et de la diastase, mais 
pas de pepsine. Chez Alosa finta et Zrigla hirundo, on obtient des 
extraits actifs trypsiques, mais pas pepsiques ni diastasiques. » 

D’après Krukenberg, la sécrétion dela trypsine dans les tubes pylo- 
riques n’est pas une propriété spéciale à ces organes. En général, 
dans les cas où l’on peut extraire le ferment des cæcums, on re- 
trouve ce même ferment trypsique dans le mucus de l'intestin 
moyen. Il faut cependant signaler une exception fournie par Aci- 


penser sturio. Ici, la glande pylorique est un organe producteur de 


LES TUBES PYLORIQUES CHEZ LES TÉLÉOSTÉENS. 423 


trypsine, tandis que le mucus intestinal ne renferme pas de ferment 
peptonisant. 

La présence de la trypsine a été signalée dans l’intestin moyen de 
beaucoup de Cyprinidés, poissons dépourvus de tubes pyloriques. 
M. Yung a constaté que la muqueuse intestinale de ces animaux 
sécrétaié un suc digérant l’amidon, la fibrine et l’albumine en milieu 
alcalin : « Les cellules épithéliales de l’intestin sécréteraient un fer- 
ment non localisé dans une région déterminée de l'intestin à l’exclu- 
sion des autres, mais bien répandu sur toute la longueur du canal, 
depuis l’æsophage jusqu’au rectum f. » 

M.F.Decker (Zur Physiologie der Fischdarmesin Xôlliker’s Getschrift, 
Leipzig, 1887) a remarqué des faits semblables chez Leuciscus ce- 
phalus, Cyprinus carpio, Cobitis fossilis. Mais, pour cet auteur, les 
digestions auraient lieu en milieu acide. Il résulte des expériences 
de Homburger, de Luchhau (Uber die Magenund Darmverdauung bei 
einigen Fischen. Inaug. Dissert. Kônisberg, 1878), qu'il y a formation 
de leucine et de tyrosine. On se trouve donc là en présence d’une 
digestion trypsique. 

Nous avons constaté la présence de la tyrosine dans les produits 
ultimes de la digestion de la fibrine par le suc de tubes pyloriques de 
Trutta fario. Nous avons caractérisé cette substance à l’aide de la 
tyrosinase, ferment oxydant qui se trouve notamment dans les Rus- 
sules ?, 

Lucchau conclut, de son travail, que la muqueuse intestinale de 
Cyprinus tinca, Abramis brama, Cyprinus erythrophthalmus, sécrète 
au moins deux zymoses sur toute sa longueur : un ferment soluble 
analogue à la trypsine et une diastase analogue à l’amylase. Il a re- 
marqué que les corps gras n'étaient pas attaqués. 

Nous reviendrons plus loin sur cette digestion intestinale. 


1 KE. YunNG, la Digestion gastrique chez les Poissons (Revue scientifique, 21 jan- 
vier 1899). 

2 M. Bourquelot a bien voulu nous remettre au laboratoire de zoologie de Roscoff 
du macéré de Russula delica. Nous lui adressons tous nos remerciements. 


424 TH. BONDOUY. 


Krukenberg a observé que les appendices pyloriques manquent 
généralement aux Poissons dont les glandes stomacales renferment 
de la pepsine en abondance ; c'est le cas des Sélaciens. 

Il est à remarquer que, chez les espèces où le pancréas atteint un 
grand développement, les tubes pyloriques sont absents. Ces organes 
sont faiblement développés, lorsque le pancréas est volumineux. Ce 
dernier cas a été observé par nous chez Lophius prscatorius, Perca 
fluviatilis. Il n’est donc pas étonnant de constater quelques-unes des 
propriétés du suc pancréatique dans le liquide des cæcums pylo- 
riques. | 
. Nous avons repris l'étude des phénomènes digestifs dans ces 
organes chez des espèces différentes de celles étudiées par Kruken- 
berg. Les expériences ont porté sur les espèces suivantes : 

Merlangus Pollachius, Mugil chelo, Motella mustela, Cottus bubalis, 
Lophius piscatorius, Cyclopterus lumpus, Lota molva, Gadus luscus, 
Pagellus centrodontus, Rhombus maximus, Trutta fario. Serranus ca- 
brélla. 

Comme Krukenberg, nous avons recherché l’action du suc de 
tubes pyloriques sur la fibrine et l’amidon. Maïs nous avons, en 
outre, examiné l'action sur d’autres substances : inuline, salicine, 


saccharose, corps gras. 


MORPHOLOGIE ET ANATOMIE DES TUBES PYLORIQUES. 


Au voisinage du pylore, on remarque, chez les Ganoïdes et beau- 
coup de Téléostéens, des productions tubuleuses, creuses, dépen- 
dances du duodénum, que l’on appelle appendices pyloriques.Ge sont 
de simples évaginations du tube intestinal. Leur lumière est géné- 
ralement très petite ; il en résulte queles aliments n’y pénètrent pas, 
ou du moins en très petite quantité. Krukenberg a institué des expé- 
riences à Ce sujet : 

« Comme je l’ai montré par des expériences consistant à nourrir 
Perca fluviatilis avec des aliments colorés par du cinabre ou du bleu 


d'outre-mer, l'écoulement du chyme dans les tubes pyloriques n’est 


LES TUBES PYLORIQUES CHEZ LES TÉLÉOSTÉENS. 425 


pas si considérable pour qu'on puisse les considérer exclusivement 
comme des organes d'absorption. » 

L’histologie des tubes pyloriques rappelle celle de l'intestin 
moyen. Édinger a montré que la muqueuse intestinale ressemble 
à la muqueuse de l’appareil pylorique. 

« Par leur mode de structure, ces organes sécréteurs ont beau- 

coup d'analogie avec les tubes de Lieberkühn ; au lieu d’être micros- 
copiques et logés dans l’épaisseur des parois de l'intestin, ils sont 
d'un volume considérableet font saillie au dehors, de façon à consti- 
tuer des appendices plus ou moins intestiniformes !. » 
._ La muqueuse interne présente de nombreuses cellules à mucus; le 
macéré de tubes pyloriques est, en effet, très riche en mucine. D'une 
façon générale, chez tous les Vertébrés, la région pylorique de l’intes- 
tin renferme d’abondantes cellules à mucus. Ge fait s’observe même 
chez l'Homme. La sécrétion de l’endothélium des tubes pyloriques 
doit faciliter le glissement du chyme à son entrée dans l'intestin. 

On remarque assez fréquemment, entre les intervalles des tubes 
pyloriques, une trame conjonctive, dans laquelle Legouis à parfois 
reconnu du pancréas diffus. D’après cet auteur, les canaux de Weber 
s'engagent entre les tubes pyloriques; chez ZLabrus, Trigla lyra, 
Cottus, on rencontre du pancréas diffus entre les cæcums. Chez 
Perca fluviatilis, chacun des trois appendices est bordé par une 
frange glandulaire épaisse qui n’adhère pas au corps de l’appendice. 

Le pancréas forme, chez 7rutta fario, un réseau superficiel dans 
les mailles duquel sont logés les appendices pyloriques. Dans l’es- 
pèce Trigla lyra (Grondin rouge), on observe trois massettes pan- 
créatiques dont la plus volumineuse est placée au centre des cæcums. 
Nous avons facilement constaté tous ces faits, qu’il est indispensable 
de connaître. Pour étudier la valeur digestive des macérations de 
tubes pyloriques, il est nécessaire d'éliminer avec soin toutes traces 


de pancréas. 


1 Mizne-Enwarps, Physiologie et anatomie comparée de l’homme et des animaux, 
t. VI, p. 408. 


426 TH. BONDOUY. 


Nous avons remarqué que la longueur de l'intestin n'avait aucun 
rapport avec la présence des tubes pyloriques. L'espèce Mugil chelo 
_est un bon exemple. Ici, l'intestin est très long, très enroulé, par 
suite du régime herbivore de l’animal ; on y signale des appendices 
pyloriques. Il en résulte que ces organes n’ont pas uniquement pour 
but d'augmenter la surface d’absorption intestinale. 

Leur présence n’est pas constante chez tous les Téléostéens, et 
leur nombre est extrêmement variable. 

Ganoïdes. — Chez Lepidosteus, on compte un grand nombre d’ap- 
pendices formant un cercle presque complet autour de l'intestin. Le 
genre Polypterus n’en possède qu'un. Tantôt, les cæcums forment 
un paquet compact, entouré d'une masse conjonctive longtemps 
considérée à tort comme un pancréas : c'est le cas de Acipenser 
(Esturgeon); tantôt, au contraire, les cæcums sont séparés, comme 
on l'observe dans Spatularia où Polyodon. 

Téléostéens. — Dans cette classe, quelques familles ne possèdent 
pas de tubes pyloriques. Cela s’observe chez les Cyprinidés, les Blen- 
niidés, les Labridés (type Vieille), les Athérinidés (type Prêtre), les 
Lepadogastéridés, les Siluridés, les Ésocidés (type Brochet), les 
Apodes (type Anguille). 

Chez les Ammodytidés, dont le type est Ammodytes tobianus (Lan- 
çon), on ne trouve qu'un seul appendice pylorique, long et dirigé 
en avant au-dessous de l’œsophage. A sa base, il a le même diamètre 
que l'intestin dont il dérive, mais il devient pointu à son extrémité 
cæcale. 

Chez beaucoup de Pleuronectes, on compte deux cæcums; il y en 
a trois chez Perca fluviatilis. En général, ce nombre est plus élevé ; 
il atteint soixante chez Salmo labrax et deux cents environ chez le 
Maquereau commun : Scomber scomber. 

Nous donnons plus loin un tableau indiquant le nombre de tubes 
pyloriques dans les principales familles *. Il n’y a là rien de con- 


1 Ce tableau a été dressé après avoir consulté le Traité d’Ichtyologie française de 
E. Moreau. 


LES TUBES PYLORIQUES CHEZ LES TÉLÉOSTÉENS, 427 


siant, car nous avons constaté que ce nombre variait dans la même 
espèce. 

Tantôt, les appendices pyloriques sont gros et courts, exemple : 
Lophius piscatorius, Rhombus maximus ; mais, le plus souvent, ils sont 
grêles et allongés. D'une façon générale, lorsque ces organes sont 
peu nombreux et pas très courts, ils naissent fort près du pylore,sur 
la face ventrale de l'intestin. Ce fait s’observe chez Clupea harengus 
(Hareng) ‘. Parfois, ils forment un cercle complet autour du tube 
intestinal, exemple : Merlangus pollachius, Gadus luscus. Chez Trutta 
fario, les cæcums sont disposés en deux séries longitudinales. Dans 
l'espèce Merlangus vulgaris, les tubes pyloriques forment d’abord 
une couronne au voisinage du pylore, puis ils continuent à s’insérer 
sur la face ventrale de l'intestin. 

Souvent, les tubes débouchent isolément dans l'intestin, exemple : 
Trutta fario, Lota molva ; ils peuvent se réunir entre eux avant leur 
arrivée dans l'intestin. Aïnsi, chez le Célan ou Pilchard (Clupea pil- 
chardus), il y a cinquante appendices pyloriques, mais il n’existe à 
la surface interne de l'intestin qu'environ trente orifices pour les 
mettre en communication avec ce canal *. 

Les tubes pyloriques peuvent s’anastomoser entre eux et former 
de véritables arborisations. Chez Thynnus vulgaris (Thon), ces or- 
ganes sont très nombreux, mais ils se réunissent de telle façon à 
déverser leur produit dans l’intestin par cinq canaux seulement. 
L'appareil pylorique de Xyphias (Espadon) ne débouche dans l’intes- 
tin que par deux orifices. Mais, chez Acipenser (Esturgeon), tous les 
cæcums se réunissent dans un canal excréteur unique ; les inter- 
valles des tubes sont remplis par du tissu conjonctif. L'ensemble 
prend l'aspect d’une glande volumineuse, qui a longtemps été prise 
pour un pancréas. 


Il n’existe pas de rapport entre le régime de l’animal et la présence 


! Moro, The Structure and Physiol. of Fishes. 
? Mine-Epwarps, Physiologie et anatomie comparée de l’homme et des animaux, 
1 FA VI, P: 411, 


428 TH. BONDOUY. 


des tubes pyloriques. On les rencontre fréquemment chez les espèces 
carnassières ; mais les exceptions sont nombreuses en zoologie. 
. Ainsi, Mugil chelo, qui est une espèce herbivore, possède des cæcums 
bien développés, et Zsox lucius (Brochet), espèce carnassière, en est 
dépourvue. De plus, Krukenberg à remarqué que les tubes pylo- 
riques de Perca fluviatilis sécrétaient uniquement de la mucine; or, 
on sait que cette espèce est extrêmement vorace et carnassière. 
/ 


NOMBRE DES TUBES PYLORIQUES DANS LES PRINCIPALES FAMILLES 
DES TÉLÉOSTÉENS. | 


TRACHINIDÉS. 
11. Uranoscopus scaber. 
6. G. Trachinus. 
BLENNIIDÉS. 
Manquent. 
LOPHIIDÉS. 


2. Lophius piscatorius (Baudroie). 


MULLIDÉS. 
Nombreux. Mullus surmuletus. 
TRIGLIDÉS. 
30. G. Dactylopterus volitans. 
7 à 10. G. Peristedion. 
5 à 12. G. Trigla (Grondin). 
10. Trigla pini, Trigla lineata. 
. Trigla cuculus. 
. Trigla qurnardus. 
. Trigla lyra. 
à 12. Trigla corax. 
. Cottus gobio. 
. Cottus scorpius, Cottus bubalis. 


QO 7 OO © 1 O0 


PERCIDÉS. 


(se) 


. Perca fluviatilis (Perche). 
. Labrax lupus (Bar commun). 
à 3. Acerina cernua |Gremille). 


ii NN © 


. Serranus scriba. 

3. Serranus cabrilla. 

5. Serranus hepatus. 

10 à 22. Pomatomus telescopium. 


LES TUBES PYLORIQUES CHEZ LES TÉLÉOSTÉENS. 429 


SCLÉNIDÉS. 
8. Umbrina cirrhosa. 


8. Umbrina Lafonti, bien plus développés que dans l’espèce précédente. 
10. Sciena aquila (V Aigle). 
8. Corvina nigra. 
SCOMBRIDÉS. 
Nombreux. Scomber scomber (Maquereau), G. Trachurus, Zeus Faber, G. Stro- 
mateus. | 
42 à 15. G. Naucrates. 
12 à 13. Lichia glaucus. 
5. Brama Rat (Castagnole), . 
6 à 9. Centrolophus pompilus. 
6 à 8. G. Echeneïs. 
Très nombreux. Xyphias gladius (Espadon). 


TRICHIURIDÉS. 
Nombreux. Lepidopus argenteus. 
TÆNIOIDÉS. 


8 environ. Cepola rubescens. 


SPARIDÉS. 
3. Pagrus orphus. 


4. Sargus vulgaris, S. annularis, Chrysephys ‘aurata (Daurade), Pagellus 
erythrinus, Pos salpa. 

5. Box Boops, Dentexivulgaris, Sarqus vetula. 

5 à 7. Sargus Rondeletti. 

6. Oblada melanura. 

7. Charax Puntazzo. 

MÉNIDÉS, 
4 à 7, rarement 3. Smaris insidiator. 


LABRIDÉS : TYPE VIEILLE. 
Manquent. 


POMACENTRIDÉS, 
2. Chromis castanea. 


GASTÉROSTEIDÉS. 
2. Gasterosteus aculeatus (Épinoche). 


TETRAGONURIDÉS. 
Nombreux, 


MUGILIDÉS. 
2. Mugil cephalus. 


6 à 8. Mugil capito. 

6 à 7. Mugil chelo. 

7. Mugil labeo. 

8. Mugil saliens. Disposés en deux groupes, 5 a1stez courts, 3 deux fois plus 
longs. 


430 TH. BONDOUY 


ATHÉRINIDÉS. 
Manquent. 
AMMODYTIDÉS. 


1. Ammodytes lanceolatus, A. tobianus (Lançon), A. cicerellus. 


PTÉRIIDÉS. 
2 appendices pyloriques. 
GADIDÉS. 


4. Merlucius vulgaris (Merlus ordinaire). 
Nombreux. Œadus luscus (Gade Tacaud), Merlangus vulgaris, M. pollachius 
(Lieu), Lota molva, Motella. 
PLEURONECTIDÉS. 


2. Rhombus maximus (Turbot), gros et courts. 
CYCLOPTÉRIDÉS. 


40 environ. Cyclopterus lumpus. 


LÉPADOGASTÉRIDÉS. 
Manquent. 
CYPRINIDÉS. 
Manquent. 
SILURIDÉS. 
Manquent. 
CLUPÉIDÉS. 
Nombreux. 
ALÉPOCÉPHALIDÉS. 
12 environ. 
ESOCIDÉS : TYPE BROCHET. 
Manquent. 


SALMONIDÉS. 


& à 6. Osmerus eperlanus (Éperlan). 

Nombreux. Salmo salar (Saumon commun), Trutta fario (Truite), Thymallus 
vulgaris (Ombre commune). 

Fort nombreux. Coregonus lavaretus (Lavaret). 


APODES. 
Manquent. 


J’ai renoncé à l’idée d’acclimater les animaux dans les aquariums 
du laboratoire. Les Poissons en captivité refusent de prendre de la 
nourriture pendant plusieurs jours, même parfois pendant plusieurs 
semaines, D'ailleurs, un jeûne prolongé ne les incommode pas; j'ai 
gardé des Cottus bubalis pendant près d’un mois dans un bac sans 
leur donner aucun aliment. Au bout de ce temps, pressés par la faim, 
ils ont commencé à se dévorer entre eux. M. Yung prétend avoir 


gardé une Anguille quatre ans dans le même bassin sans aucune nour- 


LES TUBES PYLORIQUES CHEZ LES TÉLÉOSTÉENS. 431 


riture. D’après cet auteur, il n’est pas impossible de conserver à jeun 
des Brochets pendant deux ans et même davantage. 

Le volume des tubes pyloriques étant minime, il nous a fallu un 
très grand nombre d'individus de chaque espèce afin d'opérer sur une 
masse suffisante. 

Préparation des macérations aqueuses. — Les Poissons nous sont 
apportés vivants au laboratoire ou morts depuis peu, aussitôt après 
la pêche. Il est indispensable d’opérer sur des animaux vivants ou 
de mort récente, car on sait que les tissus animaux s’altèrent avec 
une grande rapidité. Les tubes pyloriques sont détachés du duodé- 
num, débarrassés du chyme qu’ils renferment et lavés promptement 
à l’eau distillée. Presque toujours l'intestin est rempli d'aliments. 
Les cæcums sont incisés, puis broyés dans un mortier de porcelaine 
avec du sable préalablement purifié ou du verre pilé. On obtient ainsi 
une pulpe épaisse qu’on additionne d’eau chloroformée. On laisse 
macérer pendant vingt-quatre heures : les enzymes se dissolvent, 

Il est reconnu que les macérations de glandes possèdent les pro- 
priétés diastasiques des sucs sécrétés par ces glandes. On doit opérer 
à basse température afin d'éviter le développement des microorga- 
nismes. M. Arthus! recommande d'ajouter comme antiseptique du 
fluorure de sodium dans la proportion de 1 gramme pour 100 gram- 
mes d’eau. La putréfaction est ainsi évitée et cet antiseptique n’en- 
trave pas l’action des diastases : « La putréfaction ressemble tout à 
fait à la digestion pancréatique, pour cette excellente raison que les 
microbes qui en sont la cause sécrètent une zymase analogue, sinon 
identique à la zymase des albuminoïdes que renferme le suc pan- 
créatique ?. » | 

De nombreux microbes sécrètent des zymases digestives. Abelous 
a étudié 16 espèces de microbes dans l'estomac humain : 3 peptoni- 
fient et 13 coagulent le lait; les unes digèrent la fibrine, le gluten, 
les autres intervertissent le saccharose; certaines jouissent de plu- 


1 M. ARTHUS, Éléments de chimie physiologique. 
2 Em, BourqueLoT, Thèse doctorat ès sciences naturelles, p. 66. 


432 TH. BONDOUY. 


sieurs propriétés digestives à la fois (Société de biologie, 1889). 

Le Bacillus subtilis est capable d'élaborer un ferment peptonisant‘. 
M. Duclaux a rencontré dans la putréfaction ou la fermentation des 
” matières albuminoïdes, en particulier de la caséine du laït, une série 
de bactéries qu'il a réunies dans le genre Z'yrothrix. Ces bactéries 
sécrètent de la caséase (7 yrothrix tenuis, T. filiformis, T. genicula- 
tus, etc.). Lorsque la caséine est digérée, on trouve dans le milieu 
de culture, comme produits principaux, de la leucine et de la tyro- 
sine, produits ultimes de la digestion trypsique. 

M. Duclaux a démontré que l’Aspergillus glaucus et le Penicillium 
glaucum digèrent la caséine du lait grâce à un ferment protéo-hydro- 
lytique sécrété par ces champignons. M. Bourquelot a constaté la 
présence, chez Aspergillus niger, d’un ferment analogue à la trypsine 
digérant la fibrine et l’albumine de l’œuf*?. | 

Il est donc nécessaire, lorsqu'on veut étudier les diverses actions 
digestives d’un macéré aqueux de tissu animal, d'employer des 
antiseptiques, à condition toutefois que ceux-ci ne paralysent pas 
l’action des ferments solubles. 

Le fluorure de sodium en solution aqueuse à 4 pour 100 diffé- 
rencie bien les fermentations dues aux ferments figurés des fermen- 
tations diastasiques. Arthus et Huber ont reconnu que les premières 
étaient arrêtées par addition de cet antiseptique, tandis que les 
zymases conservent toute leur puissance en présence de ce sel. 

Cependant, lorsqu'on veut examiner l’action du macéré sur la 
fibrine, il est préférable d'employer le chloroforme comme anti- 
septique. M. Dastre a, en effet, montré que certaines solutions sa- 
lines, y compris NaF], avaient le pouvoir de digérer la fibrine, sans 
intervention microbienne et sans trace de ferment soluble. Cette 
digestion saline de la fibrine avait déjà été observée par Berzélius et 
Arnold, puis par Denis (de Commercy) en 1838. M. Dastre a constaté 


i HÉpon, Précis de physiologie, p. 64. 
? Em. BouRQUELOT, les Ferments solubles de l'Aspergillus niger (Bulletin de la 
Société mycologique de France, p. 230, 1893). 


LES TUBES PYLORIQUES CHEZ LES TÉLÉOSTÉENS. 433 
dans les produits de la digestion de la fibrine par des solutions neu- 
tres de NaCI, NaFl, la présence de globulines : fbro-globuline à ana- 
logue au fibrinogène, coagulable vers 55 degrés; fibro-globuline Ê ana- 
logue à la sérum-globuline ; il se forme en outre des proféoses et des 
traces de peptones. Maïs cette digestion saline est lente à se produire; 
elle exige un contact prolongé de quelques jours à quelques se- 
maines, surtout lorsque les solutions sont étendues. On active le 
phénomène en portant le mélange à la température de 40 degrés et 
en l’exposant à une lumière vive. 

Nous avons constaté que la fibrine n’était pas digérée par une 
solution de NaFl au 1/100 au bout de vingt-quatre heures à la tempé- 
rature ordinaire. Cette solution peut donc nous servir à faire les 
macérations de tubes pyloriques. Néanmoins, nous avons préféré 
employer l’eau chloroformée pour éviter toute cause d'erreur. Nous 
avons toujours obtenu un macéré visqueux, filant, moussant beau- 
coup par l'agitation grâce à sa richesse en mucine. Le macéré est 
décanté ; le liquide est jeté sur plusieurs filtres afin de hâter la fil- 
tration. C’est ce filtrat qui nous a servi dans nos expériences. 

Deuxième méthode. — Nous avons suivi le procédé indiqué par 
M. Frédéricq!. Il est basé sur ce fait que les ferments solubles, pré- 
cipités par l'alcool concentré, sont solubles dans l’eau après leur trai- 
tement par l’alcool. 

Cette méthode est très commode, car elle permet de conserver 
pendant longtemps les tubes pyloriques avant de les soumettre aux 
expériences si l’on à eu la précaution de les plonger dans l'alcool! à 
95 degrés aussitôt leur extraction de l’animal vivant. 

Nous avons employé ce modus faciendi dans la plupart des cas : 
Gadus luscus, Pagellus centrodontus, Serranus cabrilla, Lota molva, 
Trutta fario. 

L'animal est sacrifié immédiatement après sa sortie de l’eau. Les 


tubes pyloriques détachés de l'intestin moyen sont légèrement ma- 


1 FRÉDÉRICO, Archives de zoologie expérimentale et générale, L VIT, 1878, p. 578. 


ARCH. DE ZO0OL. EXP. ET GÉN, — 9€ SÉRIE, —= T. Vir. 1899. 28 


434 TH. BONDOUY. 


laxés afin d'enlever le chyme qu'ils renferment. On les essuie rapi- 
dement et on les plonge dans l'alcool à 95 degrés. Ce liquide joue 
le rôle d’antiseptique et coagule, au bout d’un certain temps, les 
ferments solubles et les substances albuminoïdes. | 

À la rentrée au laboratoire, les tubes pyloriques sont réduits à 
l’état de pulpe à l’aide du verre pilé. On traite la masse par une 
grande quantité d'alcool à 95 degrés et on laisse en contact pendant 
sept à huit heures. Les sels solubles passent dans la solution alcoo- 
lique. On décante et on jette la pulpe sur un filtre. Lorsque tout 
l’alcool est à peu près évaporé, on fait macérer la substance avec de 
l’eau chloroformée. On a ainsi une dissolution aqueuse renfermant 
les enzymes. Quant aux substances albuminoïdes, elles ont été coa- 
gulées en majeure partie par leur contact prolongé avec l'alcool con- 
centré et ne se redissolvent plus dans l’eau. 

La présence d’une petite quantité d’aicool ne gêne pas dans la dis- 
solution aqueuse. M. Dastre a, en effet, démontré que la trypsine 
était soluble dans l’alcool étendu et même assez concentré. Il a conclu 
de ses expériences que la trypsine est soluble dans les liqueurs alcoo- 
liques de titres croissant jusqu’à 55 pour 100. La solubilité diminue 
très rapidement à partir du titre de 50 pour 100. Le ferment amylo- 
lytique du pancréas est également soluble dans l'alcool assez con- 
centré ; cette solubilité se manifeste dans des liqueurs titrant 
65 pour 100 d'alcool. 

De plus, les traces d'alcool dans la dissolution aqueuse sont favo- 
rables à la transformation du zymogène en ferment actif trypsine. 

La digestion pepsique n’est pas non plus entravée par la présence 
de l’alcool étendu. A la dose de 50/1000 d'alcool, le phénomène a 
lieu comme si l’alcoo!l n’existait pas ; à la dose de 160 grammes d’al- 
cool au litre, les liqueurs pepsiques conservent leur propriété pep- 
tonisañte *. 

Dans la méthode employée ci-dessus, la mucine est d’abord pré- 


1 À. GAUTIER, Chimie biologique, t. IIT, p. 855. 


LES TUBES PYLORIQUES CHEZ LES TÉLÉOSTÉENS. 435 


cipitée par l'alcool; mais elle passe dans la dissolution aqueuse. 
Halliburton a constaté que la mucine précipitée par l’alcool a la pro- 
priété de se redissoudre dans l’eau même après deux jours de con- 
tact avec l’alcool. 

La dissolution aqueuse chloroformée est filtrée. Le filtrat est placé 
dans des tubes à essais en contact avec les divers aliments dont on 
veut étudier la digestion. 


EXPÉRIENCES SUR MERLANGUS POLLACHIUS (LIEU-POLLACE). 


Cette espèce est très commune dans la Manche ; aussi nous a-t-elle 
été fournie abondamment. Les tubes pyloriques sont fort nombreux 
(cas général chez les Gadidés) ; ils forment une houppe volumineuse, 
légèrement trilobée, entourant complètement le duodénum. Ce sont 
des tubes creux réunis entre eux par une trame conjonctive. 

Le Pollack est vorace et carnivore. On le pêche à la ligne à l’aide 
de Nephthys. L’estomac est souvent garni de petits Poissons. 

A. Macérations aqueuses de tubes pyloriques. Recherche de la mucine. 
— La mucine se comporte comme un acide : elle sature l’eau de 
chaux en donnant un liquide neutre. Cette propriété a été utilisée 
par M. Bourquelot dans sa recherche de la mucine dans le foie des 
Céphalopodes!. Nous l’avons également mise à profit. 

Pour cela, les tubes pyloriques sont incisés, broyés au mortier. 
La pulpe est maintenue à l’ébullition dans l’eau pendant quelques 
minutes. On filtre. Le liquide filtré est additionné d'acide acétique; 
il se forme un précipité blanc de mucine (les solutions de mucine ne 
sont pas coagulées par l’ébullition). Le précipité décanté a été traité 
par l’eau de chaux : il s’est dissous. On était donc bien en présence 
de mucine. 

Dans la plupart des cas, les macérés ont présenté une réaction 
neutre au papier de tournesol. Krukenberg avait reconnu ce fait chez 


Lophius piscatorius. 


1 Em. BouRQUELOT, Thèse doctorat ès sciences naturelles, p. 109. 


436 9 TH. BONDOUY. 


Le précipité de mucine obtenu par l’acide acétique est insoluble 
dans un excès de réactif. On sait que l'albumine ne précipite pas à 
froid par cet acide. 

Action du macéré chloroformé sur la fibrine. — Nous avons employé 
tantôt la fibrine de sang de porc, tantôt la fibrine de sang de vache. 
Elle a été obtenue par battage du sang frais à sa sortie des vaisseaux. 
On la conserve dans la glycérine. 

Expérience. — Un flocon de fibrine est placé dans un tube à essais 
avec une cerlaine quantité de macéré chloroformé. Le mélange est 
abandonné à la température du laboratoire qui est de 11 degrés. La 
fibrine est attaquée promptement; elle est désagrégée en fragments 
granuleux. Trois heures après la mise en contact, l'attaque de la 
fibrine est avancée. Au bout de huit heures, nous avons recherché 
les peptones. A cet effet, le liquide est porté à l’ébullition après addi- 
tion d’acide acétique. Il est indispensable d'ajouter cet acide afin de 
coaguler la mucine qui donne la réaction du biuret. Le liquide filtré 
ne précipite pas par l’acide azotique : il est exempt d’albumine. 
Il donne la réaction du biuret : coloration violette obtenue par addi- 
tion de quelques gouttes d’une solution de lessive de soude à 
30 pour 100, et de quelques gouttes d’une solution de sulfate de 
cuivre à À pour 400. 

La réaction du biuret ou de Piotrowski paraît due à la présence, 
dans la molécule protéique, d’un groupement amidé, analogue à 
celui du glycocolle ou de l’acide aspartique. 

On admet que la digestion d’une substance albuminoïde est com- 
plètelorsquelaliqueurne précipite plus par l’acide nitrique à froid, par 
une solution de ferrocyanure de potassium additionnée de 1/10 d’a- 
cide acétique, ni par l’acétate de cuivre.Mais, récemment, M. Harlay 
a démontré que, lorsque le produit de la digestion pancréatique de 
la fibrine ne précipite plus par l'acide azotique (réactif du Codex), 


l’action du ferment n’est pas encore épuisée; la digestion se pour- 


1 V. HaRLay, Journal de pharmacie et de chimie, 1899, 1er mars, p. 225. 


LES TUBES PYLORIQUES CHEZ LES TÉLÉOSTÉENS. 437 


suit pendant quelque temps. La trypsine réagit sur les peptones pour 
donner des acides amidés : leucine et tyrosine. Le pouvoir rotatoire 
du liquide diminue de plus en plus en même temps qu’augmente la 
proportion de tyrosine. De même, dans la digestion pepsique de la 
fibrine, l’action du fermentse continue pendant quelque temps après 
que le liquide filtré ne précipite plus par addition d'acide nitrique. 
Mais on sait qu'ici il n’y a pas production de leucine et de tyrosine, 

Expérience. — Au bout de six heures, à la température de 11 de- 
grés, La fibrine a complètement disparu. Le milieu étant neutre au 
tournesol, le ferment protéo-hydrolytique est analogue à la trypsine. 
On sait que la pepsine ne peut agir sans la présence d’un acide. La 
présence des peptones a été dévoilée par la réaction du biuret. 

La trypsine n’agit bien qu'en milieu alcalin ou neutre. Une faibie 
acidité n’entrave pas cependant son action sur les albuminoïdes; 
la peptonisation trypsique ne peut se produire en présence d'une 
proportion d'acide dépassant 1 pour 1000. Elle agit énergiquement 
en milieu alcalin, la proportion d’alcali la plus favorable est 3 à 
4 pour 1000 de carbonate de soude. On peut même alcaliniser par 
CO'Na? jusqu’à 10 pour 1000". 

Le chloroforme utilisé dans la préparation des macérés n’empêche 
pas la fermentation trypsique. Il en est de même des autres anti- 
septiques : acide cyanhydrique, naphtol, phénol, thymol ?. 

Kühne a reconnu que l'acide salicylique à faible dose ne retardait 
pas l’action peptonifiante de la trypsine. Il résulte des expériences 
de Klug que l’action de l’alcali est peu importante dans la digestion 
de la fibrine par la trypsine. En effet, une macération de pancréas 
additionnée de 4 pour 100 de soude transforme 1 gramme de fibrine 
en 510 milligrammes de peptone; la même macération, sans addition 
d’alcali, produit 490 milligrammes de peptone (£ncyclopédie chi- 
mique de Frémy; Garnier et Schlagdenhauffen, Digestion pancréa- 
tique). 


i À. GAUTIER, Leçons de chimie biologique, p. 545. 
2 A. GAUTIER, Leçons de chimie biologique, p. 562. 


438 TH. BONDOUY. 


Expérience. — Le mélange de macéré et de fibrine est porté à 
l’étuve à 40 degrés. L'attaque de la fibrine est plus rapide qu’à la 
température ordinaire. On sait que de 40 à 50 degrés, l’action de la 
trypsine est très rapide in vitro. 

La trypsine pancréatique perd sa propriété peptonisante à 70 de- 
grés. Sur la recommandation de M. Bourquelot, nous avons recher- 
ché la température à laquelle la trypsine des tubes pyloriques est 
détruite. 

Aux températures de 60 et 70 degrés, la digestion a lieu. Elle se 
poursuit à 75 degrés, mais, au delà, à 80 degrés, la fibrine n’est plus 
attaquée. 

Expérience. — Le macéré est porté à l’ébullition. Pas de digestion 
de la fibrine. A 100 degrés, au sein de l’eau, les ferments solubles 
sont tués. Mais à l’état bien sec, on peut chauffer la trypsine jusqu'à 
160 degrés sans lui enlever de son activité. 

Expérience. — Dans la préparation des macérations aqueuses, on 
a laissé la pulpe de tubes pyloriques en contact pendant vingt- 
quatre heures avec l’eau chloroformée afin de faciliter la transfor- 
mation du zymogène en trypsine. Nous avons aidé cette production 
de trypsine en ajoutant à la pulpe de tubes pyloriques de l'acide 
acétique dilué au 1/100. La masse est traitée par de la glycérine au 
1/10, et on a laissé macérer pendant quarante heures. 

Nous avons fait subir le même traitement à du tissu pancréatique 
de Scyllium canicula. Le macéré de tubes pyloriques de Merlangus 
pollachius filiré à digéré la fibrine aussi rapidement que le macéré 
de pancréas de Scyllium canicula. 

Chez Merlanqus pollachius, les tubes pyloriques sécrètent donc un 
ferment analogue à la trypsine. Dans les deux cas, on a ajouté aux 
liquides en digestion la même quantité d’une solution étendue de 
carbonate sodique (cette solution est obtenue en faisant dissoudre 
30 centigrammes de Co°Na? dans 100 grammes d’eau distillée). 

Après avoir constaté que le suc des tubes pyloriques de Mer- 


langus pollachius digère la fibrine, il était naturel d'examiner l’ac- 


LES TUBES PYLORIQUES CHEZ LES TÉLÉOSTÉENS. 439 


tion des autres parties de l'intestin moyen sur ce même aliment. 

Nous avons préparé des macérations chloroformées d’intestin 
comme dans le cas des tubes pyloriques. Ces macérations, filtrées 
et alcalinisées, n’ont pas digéré la fibrine. Les tubes pyloriques 
exceptés, l’intestin moyen ne joue aucun rôle dans la digestion de 
la fibrine. Il faut donc reconnaître là une fonction spéciale à ces 
appendices. 

Chez d’autres espèces, Krukenberg avait déjà observé que l'intestin 
était dépourvu de propriétés digestives. 

« L'intestin d’Oblata melanura, Chrysophrys aurata, Pagellus ery- 
thrynus, Sparus salpa, s’est montré sans aucun effet diastasique et 
sans action digestive sur les albuminoïdes. La pepsine comme la 
trypsine manquent dans l'intestin moyen de ÜUranoscopus scaber ‘. » 

Nous avons vu plus haut que Vogt et Yung, Wiedersheim, consi- 
dèrent les tubes pyloriques comme les organes homologues du repli 
spiral. Or, nous avons constaté chez un Sélacien, Scyllium canicula, 
que la valvule spirale n’avait aucune action digestive sur la fibrine. 
Son unique rôle physiologique consiste à favoriser l'absorption intes- 
tinale, étant donnée sa grande surface. 

Action du macéré de tubes pyloriques de Merlangus pollachius sur 
l’amidon cuit. — Nous avons préparé l’amidon cuit comme le re- 
commande M. Bourquelot*. Le produit obtenu se prête bien aux 
expériences ; il est d’un maniement très commode. 

La fécuie de pommes de terre est choisie de préférence aux autres 
amidons du commerce. On la lave à l’eau distillée jusqu’à ce que le 
liquide ne réduise plus la liqueur de Fehling. Le produit obtenu 
peut se conserver pendant cinq à six jours, sans accuser la présence 
du glucose. 

On délaye 5 grammes de fécule purifiée dans 20 centimètres cubes 
d’eau froide. On verse dans la masse, en agitant convenablement, 


1 KRUKENBERG, Zur Verdauung bei den Fischen (Untersuchungen aus dem Lhysio- 


logischen Institute in Heidelberg, t. IT, 1882, p. 391). 
2 Em. BOURQUELOT, Thèse doctorat ès sciences naturelles, p. 30. 


440 TH. BONDOUY. 


280 grammes d’eau bouillante. Le produit liquide obtenu se prend 
facilement avec une pipette. Il ne réduit pas la liqueur de Fehling. 
M. Bourquelot a reconnu au microscope « que les grains d’amidon 
sont intacts et seulement gonflés par l’absorption de l’eau ». Dans 
la préparation ordinaire de l’empois, il se fait constamment du sucre 
réducteur. 

Par précaution, il est bon de préparer l’amidon hydraté unique- 
ment au moment du besoin, car lui-même se saccharifie au bout de 
cinq à six jours. M. Duclaux recommande également de se servir 
d’amidon cuit à la plus basse température possible. 

Nous avons fait usage, à chaque expérience, d’un tube témoin 
renfermant de l’eau distillée et le même volume d’amidon hydraté 
que dans le tube contenant le macéré. A la fin de l'expérience, le 
mélange ne devra pas renfermer de sucre réducteur. 

On doit s'assurer, à chaque fois, si le macéré de tubes pyloriques 
ne réduit pas lui-même la liqueur de Fehling. 

Expérience. — Dans un tube à essais À, nous avons introduit 
10 centimètres cubes d’amidon cuit et un certain volume de macéré 
fluoré. 

Dans un autre tube B, on a placé 10 centimètres cubes d’amidon 
cuit et de l’eau distillée fluorée (1/100 de NaFl.). 

Les deux tubes sont portés à l’étuve à 40 degrés, afin d’exagérer 
la production du maltose. On sait que l’amylopsine du pancréas 
présente son maximum d'intensité vers 40 degrés et que son pou- 
voir s'arrête vers 70 degrés. La piyaline à son maximum d’action à 
A0 degrés. | 

Au boul de dix-sept heures de contact, le liquide du tube A réduit 
la liqueur de Fehling et [e sous-nitrate de bismuth en présence 
de KOÏ. Il y a donc formation de sucre réducteur. 

Dans la recherche du glucose par la liqueur cupro-potassique, il 
y a oxydation de l’aldéhyde glucose aux dépens du sel cuivrique. 

Le liquide du tube B (tube témoin) est essayé. Il n’accuse pas la 


formation de maltose. L'intervention des microorganismes sécrétant 


LES TUBES PYLORIQUES CHFZ LES TÉLÉOSTÉENS. 441 


de la diastase amylase est empêchée par la présence du fluorure de 
sodium. 

La formation dans le tube À de sucre réducteur est donc proba- 
blement due à la présence d’un ferment analogue à l’amylase. La 
trypsine n'a aucune action saccharifiante sur l’amidon. Mais nous 
devons faire une restriction, car étant donné le mode de préparation 
des solutions fermentaires, le sérum sanguin peut intervenir et 
transformer l’amidon. Il est donc indispensable d’étudier l’action du 
sérum sanguin du Poisson sur l’amidon hydraté !. 

Action du sérum sanguin de Merlangus pollachius sur l’amidon cuit. 
Préparation du sérum. — Il résulte des expériences de Delezenne ? 
que le sang des Poissons présente une résistance extrêmement mar- 
quée à la coagulation spontanée, lorsque ce sang est recueilli à 
l'abri du contact des tissus. 

Mais les tissus des Poissons, de même que ceux des Batraciens, 
Reptiles et Oiseaux, possèdent des propriétés coagulantes très éner- 
giques. J'ai observé ce fait sur le sang de ZLophius piscatorius, Seyl- 
lium canicula, Acanthias vulgaris, Mullus surmuletus, Merlangus pol- 
lachius, Gadus luscus. Dans ces conditions, lorsque le sang des 
Poissons est mis en contact avec les tissus, le caïllot se forme très 
rapidement. Le sérum exsude promptement, et 1l est facile de le sé- 
parer de la masse coagulée par décantation ou par aspiration avec 
une pipette. 

Mais, avant d'étudier l’action du sérum sur l’amidon, il faut, pour 
éviter toute cause d'erreur, s'assurer si ce sérum ne renferme pas de 
sucre réducteur. J'ai obtenu un résultat négatif avec le sérum de 
Merlangus Pollachrus. | 

Dans un tube À, nous avons placé de l’empois d’amidon préparé, 
comme précédemment, avec une certaine quantité de sérum de 


Merlangus pollachius. Gette quantité était bien supérieure à celle qui 


1 MM. Bourquelot et Gley ont constaté que le sérum sanguin a la propriété de 
saccharifier le glycogène et le maltose ; l’inuline n’est pas attaquée. 
2 DeLEZzENNE, Société de biologie, séance du 22 mai 1897, 


442 TH. BONDOUY. 


est contenue dans les tubes pyloriques, car elle a été suffisante pour 
empêcher les digestions pepsique et trypsique *. L’antisepsie du mi- 
_ lieu a été maintenue par addition de fluorure de sodium. 

Dans un tube B (tube témoin), on a placé la même quantité d’em- 
pois d’amidon qu’on a étendu d’eau fluorée. 

Les tubes A et B sont portés à l'étuve à 40 degrés. Au bout de dix- 
huit heures de contact, le tube témoin ne réduit pas le tartrate 
cupro-potassique. 

Il y a réduction dans le tube A. Cette réduction est moins abon- 
dante que dans le cas où l’on fait agir le macéré de tubes pylo- 
riques sur l’amidon hydraté. On est donc obligé d'attribuer une 
action saccharifiante au sérum en expérience ; mais cette action est 
moins énergique que celle qui est produite par le macéré de tubes 
pyloriques. Ces faits conduisent à admettre l’existence d’un ferment 
saccharifiant l’amidon dans le suc des tubes pyloriques, indépen- 
damment du sérum. 

Les tubes pyloriques de Merlangus pollachius, traités par la 
deuxième méthode, nous ont donné les mêmes résultats : la fibrine 
et l'amidon cuit ont été digérés. Mais Claude Bernard a fait remarquer 
que tous les tissus muqueux peuvent transformer l’amidon en sucre 
lorsqu'on les a fait macérer dans l’alcool. « C’est ainsi que j'ai fait 
macérer dans de l'alcool la membrane muqueuse de la bouche, de 
l'estomac, de l'intestin grêle, du gros intestin, de la vessie, de la 
trachée, etc. ; puis toutes ces membranes étant desséchées dans du 
papier brouillard et remises dans l’eau avec de l'empois ont trans- 
formé l’amidon en sucre, aussi rapidement que le tissu du pancréas 
et des glandes salivaires. Toutes ces expériences prouvent donc 


que la transformation de l’amidon en sucre n’a rien de spécial et 


1 MM. L. Camuset E. Gley ont constaté que le sérum sanguin du Chien et de la 
Vache empéchait l’action de la pepsine et de la trypsine. L'action de la présure est 
également paralysée. Ce dernier fait a été confirmé plus tard par A. Briot. Nous 
avons constaté que le sérum des Poissons avait aussi une action empêchante sur les 


digestions pepsique et trypsique. 


LES TUBES PYLORIQUES CHEZ LES TÉLÉOSTÉENS. 443 


que la diastase animale ou salivaire ne caractérise aucun tissu*. » 

Ce savant a également reconnu que «tous les tissus muqueux en 
général » avaient la propriété de donner des macérés capables d’agir 
sur l’empois d'amidon. Mais M. Bourquelot fait observer que cette 
action est lente à se produire et qu’elle peut être due à l’interven- 
tion de végétaux inférieurs *. On sait qu’un grand nombre de bacté- 
ries et de champignons inférieurs sécrètent de la diastase et les fer- 
ments des substances albuminoïdes. 

Le pouvoir saccharifiant des tubes pyloriques est partagé par le 
suc entérique des Poissons. 

Action du macéré de tubes pyloriques de Merlangus pollachius sur 
l’inuline. — L'inuline est un hydrate de carbone analogue à l’ami- 
don. Sous l'influence de l’eau bouillante ou mieux de l’acide sulfu- 
rique étendu bouillant, l’inuline donne de la lévulose. La levure et 
les diastases ne l’attaquent pas sensiblement. Le suc pancréatique 
est sans action sur elle. 

M. Bourquelot a constaté que la diastase des Céphalopodes n'avait 
aucune action saccharifiante sur l’inuline*. Mais il a découvert, dans 
Aspergillus niger, un ferment soluble, l'énulase, qui dédouble l’inu- 
line en donnant essentiellement de la lévulose. Il se forme proba- 
blement, en même temps, un peu de glucose. De son côté, M. Tanret 
a démontré que, sous l'influence de l’acide acétique aqueux, l’inu- 
line se dédoublait en douze molécules de lévulose et une molécule 
de glucose. 

MM. Bourquelot et Gley ont remarqué que le sérum sanguin est 
sans influence sur l’inuline, tandis que le glycogène etle maltose sont 
saccharifiés. | 

D’après quelques auteurs, les solutions de cet hydrate de carbone 


ne réduisent pas la liqueur de Fehling; il est facile de s’assurer 


1 CLAUDE BERNARD, Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine, 
t. II, p. 376, 1856. 

? Em. BourQuEeLoT, Thèse doclorati ès sciences naturelles, p. 20. 

3 Em. BourquEéLoT, Thèse doctorat ès sciences naturelles, p. 46. 


444 | TH. BONDOUY. 


qu'une solution d’inuline à 2 pour 100 réduit notablement le tar- 
trate cupro-potassique. | 

J'ai employé une solution à 2 pour 100 et j'ai déterminé sa ri- 
chesse en glucose. Mais j'ai préalablement titré la liqueur de Fehling 
dont je me suis servi, à l’aide du sucre interverti. On sait que ce 
réactif s’altère assez rapidement à la lumière : 10 centimètres cubes 
de liqueur correspondaient à 495 dix-milligrammes de glucose. Elle 
était presque normale. 

J'ai placé dans un tube à essais 30 centimètres cubes de la solu- 
tion d'inuline, avec un certain volume de macéré fluoré. Le mé- 
lange a été abandonné à la température du laboratoire : 14 degrés. 

D'autre part, j'ai déterminé la quantité de glucose renfermée dans 
30 centimètres cubes de solution d’inuline. Elle a été de 254 dix- 
milligrammes. 

Au bout de vingt heures de contact, je n'ai pas observé d’aug- 
mentation dans le pouvoir réducteur du mélange. L’inuline n'est 
donc pas saccharifiée par le macéré de tubes pyloriques. 

Il ne se produit pas non plus de saccharification, lorsqu’on fait 
réagir la ptyaline de la salive sur l’inuline. 

Action du macéré sur la salicine. — La salicine est un glucoside qui 
est dédoublé par un ferment soluble : l’émulsine ou synaptase, en 
glucose et saligénine (alcool salicylique). Il se produit, suivant la loi 
générale, un phénomène d’hydratation : 

CBHSOT + H°0 — C'H#0S + C'HS0? 


DE fé d 


salicine glucose  saligénine 


D’après Frerichs, la salive provoque ce phénomène de dédouble- 
ment avec la même facilité que l’émulsine ; elle dédouble également 
l’'amygdaline ‘. M. Bourquelot a constaté que la diastase des Cépha- 
lopodes est sans action sur la salicine *, ainsi que la salive des ani- 
maux supérieurs. 

Nous avons employé une solution de salicine à 1/100. On a fait 


! A. GAUTIER, Chimie biologique, t. IT. 
2 Em. BourQUELOT, Thèse doctorat ès sciences naturelles, p. 47. 


LES TUBES PYLORIQUES CHEZ LES TÉLÉOSTÉENS. 445 


agir le macéré aqueux sur 10 centimètres cubes de cette solution. 
Au bout de vingt heures de contact, à la température du laboratoire, 
la liqueur n’a pas réduit le réactif cupro-potassique. 

Le macéré de tubes pyloriques de Werlangus pollachius, qui hy- 
drate l’amidon, est donc sans action sur l’inuline et la salicine. 

Action du macéré sur le saccharose. — Leube a découvert que le 
suc intestinal dédoublait le saccharose en glucose et lévulose. Ce 
phénomène d'hydratation se produit grâce à la présence d’un fer- 
ment soluble : l’invertine ou sucrase. Claude Bernard a signalé la 
présence du ferment inversif dans l’intestin du Chien, du Lapin, des 
Oiseaux, des Grenouilles. M. Balbiani l’a découvert dans le tube di- 
gestif du BPombyx mori (Ver à soie). 

Cet enzyme est sécrété par un grand nombre d'organismes infé- 
rieurs : Aspergillus niger, Penicillium glaucum, E'urotium orizæ ; les 
levures de bière élaborent ce ferment. Il en est de même du Bacillus 
heminecrobiophilus. 

D'après O’Sullivan et Thompson, l’invertine serait formée par une 
série de combinaisons d’albumine et d’hydrate de carbone. 

Le sucre candi du commerce renferme toujours du glucose ; je l’ai 
purifié par de nombreux lavages à l'alcool à 90 degrés. Malgré cela, 
le sucre de canne réduit encore la liqueur de Fehling. J'ai fait une 
solution de ce sucre, à froid, au cinquantième : 10 centimètres cubes 
du soluté sont placés dans un tube à essai, avec du macéré fluoré 
(NaFl empêche le développement des microphytes dont un grand 
nombre sécrètent de l’invertine). Un tube renfermant 10 centimètres 
cubes de solution de saccharose et de l’eau distillée fluorée sert de 
tube témoin. Les deux tubes sont abandonnés à la température du 
laboratoire. Au bout de vingt-quatre heures de contact, le liquide du 
tube témoin réduit très légèrement le tartrate cupro-potassique; le 
tube renfermant le macéré n’accuse pas une plus grande réduction. 

J'ai répété cette expérience en portant les deux tubes à l’étuve à 
40 degrés (on facilite ainsi l’action de l’invertine). 


Le résultat est conforme au précédent. 


446 TH. BONDOUY. 


Le macéré de tubes pyloriques ne dédouble donc pas le saccha- 
rose. Il ne se comporte pas comme le suc intestinal, qui produit 

l'inversion. 
| Chez les Céphalopodes, M. Bourquelot a constaté que la diastase 
du foie et du pancréas était impuissante à amener le dédoublement 
du sucre de canne *. 

Action du macéré des tubes pyloriques sur les corps gras. — Gette 
action était importante à connaître, car elle nous a permis de diffé- 
rencier nettement, au point de vue physiologique, les tubes pylo- 
riques du pancréas. En effet, le suc pancréatique est le seul suc di- 
gestif qui dédouble les graisses. « Cette propriété d’acidifier la 
graisse est spéciale au tissu pancréatique, parmi tous les autres tissus 
glandulaires de l’économie; car les tissus des glandes salivaires, des 
reins, du foie, de la rate, du corps thyroïde, du testicule, n’ont, 
dans aucun cas, cette propriété de faire une émulsion avec la 
graisse, ni de l’acidifier, quand on les broie ensemble dans un 
mortier ?. » 

Les corps gras neutres sont émulsionnés, puis dédoublés partiel- 
lement en glycérine et en acides gras libres. Cl. Bernard et Ber- 
thelot ont remarqué que la butyrine, en particulier, est presque 
entièrement saponifiée par ce suc. De même, l'éther acétique est 
transformé en acide acétique et en alcool; le salol est dédoublé en 
acide salicylique et en phénol. 

Certains auteurs ont attribué ces phénomènes de sapomification à 
une action microbienne. Le suc pancréatique constitue en effet un 
excellent milieu de culture pour les bactéries. Mais l'addition des 
antiseptiques n'entrave pas ces dédoublements. Nencki a constaté 
la saponitication dans des liquides renfermant 5 pour 1000 d'acide 
phénique. De plus, cet auteur a démontré que la tribenzoïcine était 


saponifiée par le suc pancréatique avec formation de glycérine et 


i Em. BourqueLoT, l'hèse doctorat ès sciences naturelles, p. 82. 
? CLAUDE BERNARD, Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine, 
t. II, p. 341. 


LES TUBES PYLORIQUES CHEZ LES TÉLÉOSTÉENS. 247 


d'acide benzoïque; le succinate de phényle est décomposé en acide 
phénique et acide succinique. A. Gautier a observé une saponification 
presque immédiate des corps gras neutres avec du tissu pancréa- 
tique frais en présence d’acide cyanhydrique. D'après Wassilieff, les 
sels de mercure n’empêchent pas l’action lipasique du suc pan- 
créatique. 

Il faut donc voir dans ces phénomènes de saponification l’inter- 
vention d'un ferment. 

L’émulsion serait, suivant M. Duclaux, un phénomène purement 
physique. Pour la plupart des auteurs, il serait d'ordre chimique : une 
certaine quantité de corps gras neutre est saponifiée. L’acide gras 
mis en liberté s'empare de l’alcali du suc pancréatique : il se forme 
un savon de soude qui serait l'agent émulsionnant. 

Claude Bernard a montré que la saponification était bien due à 
l’action d’un ferment soluble : la stéapsine. M. Hanriot a trouvé un 
ferment analogue à la stéapsine dans le sang des animaux; il l’a 
appelé lipase. 

En effet, le sérum sanguin saponifie facilement et avec rapidité 
la monobutyrine. Les expériences ont été faites de façon à écarter 
Pintervention des microorganismes. M. Hanriot à constaté la non- 
identité des lipases d’origine différente . La sérolipase est différente 
de la pancréatolipase. Le sérum d’anguille est très riche en lipase ; 
son activité est cinq fois plus grande que celle du sérum du cheval. 
Ce ferment lipasique manque dans la plupart des organes ; on le 
rencontre cependant dans le foie. M. A. Charrin a remarqué que le 
bacille du pus bleu produit de la lipase ; le ferment soluble est sé- 
crété par le Penicellium glaucum cultivé sur le liquide de Raulin. 
M. Arloing a trouvé une lipase dans les produits de sécrétion du 
Bacillus heminecrobiophilus. | 

Dans un tube à essai, j'ai placé une certaine quanüté de macéré 


de tubes pyloriques et j’ai ajouté une petite quantité d'huile d'olive 


1 HanNRioT, Comples rendus de l Académie des sciences, 1897, t. CXXIV. 


JS TH. BONDOUY. 


neutre. J'ai agité vivement et à plusieurs reprises. Le mélange a été 
porté à l’étuve à 30 degrés. J’ai fait usage d’un tube témoin renfer- 
mant de l’huile d'olive et de l’eau distillée. L'huile s’est bientôt 
séparée dans les deux tubes en une couche supérieure, et le papier 
de tournesol n’a pas révélé d’acidité au bout de vingt-quatre heures. 

J'ai répété cette expérience en ajoutant quelques gouttes de tein- 
ture bleue de tournesol dans les deux tubes; le virage au rose ne 
s’est pas produit. 

La lipase pancréatique est donc absente dans le suc des tubes pylo- 
riques. Si elle existait, la viscosité du macéré due à la présence de 
la mucine devrait favoriser l’émulsion. 

J'ai examiné l’action du macéré de tubes pyloriques sur une solu- 
tion éthérée de beurre frais à laquelle j'ai ajouté quelques gouttes 
de tournesol. Dans aucun cas je n’ai constaté l’acidification du milieu. 

La solution éthérée de beurre a été employée par Cl. Bernard pour 
caractériser le tissu pancréatique chez les Mammifères, les Oiseaux, 
les Reptiles, les Poissons. Elle lui a permis de démontrer l'existence 
du suc pancréatique dans le suc intestinal de nombreux Poissons. 
On sait que, chez ces animaux, le pancréas existe souvent à l’état dif- 
fus; il est disséminé en glandules le long des veines principales. Cette 
position spéciale du tissu pancréatique coïncide peut-être avec l’exis- 
tence, dans le sang de ces animaux, d’un ferment lipasique ana- 
logue à celui de M. Hanriot. 

Action du macéré sur le salol. — On ajoute au macéré une petite 
quantité d’une solution éthérée de salol. On laisse en contact pen- 
dant vingt-quatre heures et l’on agite fréquemment le mélange. Au 
bout de ce temps, la solution de salol ne donne pas de coloration 
violette avec une solution très étendue de chlorure ferrique. Le salol 
n’est donc pas dédoublé ; on sait que le dédoublement a lieu avec le 
suc pancréatique 

2 Expériences sur Cottus bubalis. — Les mœurs de ce Poisson res- 
semblent beaucoup à celles des Cottes d'eaux douces. Le Cottus 


bubalis aime les fonds rocheux; il se cache sous les pierres d’où il 


LES TUBES PYLORIQUES CHEZ LES TÉLÉOSTÉENS. 449 


guette sa proie. Lorsque celle-ci est à sa portée, il fond sur elle avec 
une grande rapidité et l’engloutit facilement grâce à sa gueule lar- 
gement fendue. Ce Poisson est d’une extrême voracité ; il avale des 
proies énormes presque aussi grosses que lui. Lorsqu'il est attaqué, 
il gonfle ses joues de manière à présenter à l’ennemiles fortes épines 
qui garnissent ses préopercules ; en même temps il fait entendre 
un grondement. Le Cottus bubalis est carnivore. L’estomac est tou- 


OEsophage 
Cæcums 
pyloriques Estomac 
Intestin 


INR 


Cottus bubalis. 


jours rempli de petits Poissons, de Gastéropodes et surtout de 
Crabes. La présence de Crabes est presque constante dans l'estomac. 
Ce Poisson semble avoir une préférence marquée pour ces Crustacés. 
L’intestin renferme en abondance un parasite : Bothriocephalus punc- 
tatus (Gestodes). 

Les tubes pyloriques sont généralement au nombre de sept.Ils sont 
bien développés ; l’ensemble forme une frange entourant à moitié. 
le duodénum. Ils sont digités, de même couleur que l'intestin dont 
la teinte rose tranche fortement avec la teinte bleuâtre de l'estomac. 
L’extrémité inférieure de chaque tube pylorique est entourée d’une 
marge adipeuse. Chez un individu de 13 à 15 centimètres de lon- 
sueur, la longueur des tubes atteint 12 millimètres environ. Chaque 
tube débouche séparément dans l'intestin. 


ARCH. DE ZOOL, EXP, ET GEN,. == 3€ SÉRIE. = T, VII, 1899, . 29 


459 TH. BONDOUY. 


Action du macére de tubes pyloriques sur la fibrine. — Le macéré 

chloroformé a digéré la fibrine. On a constaté la présence des, pep- 

tones par la réaction du biuret. Le milieu est neutre. Dans une expé- 

| rience, au bout de quatre heures de contact, à 20 degrés, la fibrine 
a été dissoute. 

En traitant les tubes pyloriques par l'alcool fort et leur résidu 
par l’eau chloroformée, on a obtenu une liqueur qui a digéré rapi- 
dement la fibrine. 

Action sur l’amidon cuit. — Le macéré ainsi que la dissolution 
aqueuse de ferment ont saccharifié l’amidon cuit. Emploi d’un tube 
témoin qui n’a pas réduit. Essai préalable du macéré : il ne renferme 
pas de glucose. 

Action sur le saccharose. — Le macéré n’a pas hydraté la solution 
de sucre candi. Au bout de vingt-quatre heures, à la température 
du laboratoire, il n’y a pas formation de glucose. 

Action sur les corps gras. — L'huile d’olive neutre et la solution 
éthérée de beurre ne sont pas saponifiées. On n'’observe pas d’é- 
mulsion. 

3° L£'xpériences sur Mugil chelo. — Le régime de ces Poissons est 
herbivore. L'intestin est très long. 

Action du macéré de tubes pyloriques sur la fibrine. — Dans une expé- 
rience, on sacrifie quatre-vingt-deux individus. Le macéré chloro- 
formé nedigère pas la fibrine. Au bout de dix-sept heures de contact, 
à la température de 11 degrés, la fibrine n’est pas attaquée. Mais les 
Poissons ayant séjourné pendant six heures environ dans l’aquarium 
sans prendre aucune nourriture, on peut admettre que la sécrétion 
du ferment ait été suspendue. 

Dans deux autres expériences faites sur des animaux en pleine 
digestion, ia fibrine est restée intacte. 

Le macéré de tubes pyloriques est neutre au tournesol. 

L'absence de ferment protéo-hydrolytique est ici en rapport avec 
le régime de l’animal, qui est herbivore. 

Recherche de la mucine dans les tubes pyloriques. — Les tubes sont 


LES TUBES PYLORIQUES CHEZ LES TÉLÉOSTÉENS. 451 


incisés et triturés avec de l’eau de chaux qui dissout la mucine. On 
filtre. Le filtratum précipite abondamment par l'acide acétique. 

Le macéré fluoré hydrate l’amidon cuit; il est sans action sur les 
corps gras neutres. 


N 
y 


Fi: 


Tube digestif de Motella mustela. 


F', foie ; E, estomac; T, tubes pyloriques ; I, intestin; R, rectum. 


4° Expériences sur Motella mustela (Motelle à cinq barbillons). 

Dans cette espèce, les tubes pyloriques sort peu développés; ils 
sont disposés en trois petits paquets. L’intestin grêle est verdâtre et 
débouche sur le côté dans un rectum court, de diamètre quatre fois 
plus grand que celui du duodénum. 

La fibrine est digérée et l’amidon est saccharifié. 


452 TH. BONDOUY. 


Les corps gras ne sont pas attaqués. 

Le macéré est neutre au tournesol. 

Krukenberg est arrivé aux mêmes résultats en opérant sur Motella 
tricirrhata (Motelle à trois barbillons). 

5° Expériences sur Uyclopterus lumpus (Gros Mollet, Lièvre de mer, 
Gros Seigneur). 

Ce Poisson est assez rare à Roscoff. 

Dans un spécimen, j'ai compté cinquante-quatre cæcums de 
10 centimètres environ de longueur, disposés par groupes de trois, 
cinq ou huit. 

Les intervalles des tubes pyloriques sont remplis par une trame 
conJonctive et vasculaire. On enlève soigneusement ce tissu inters- 
titiel. L’estomac est rempli de Cydippe et de Beroë (Cténophores). 

Le macéré de tubes pyloriques est neutre au tournesol ; il mousse 
beaucoup par l'agitation. Il est sans action sur la solution éthérée 
de beurre. : | 

Au bout de cinq heures de contact, à 30 degrés, l’amidon cuit a 
été saccharifié. Le tube témoin n’accuse pas de réduction. 

6° £'xpériences sur Lota molva, Lingue ou Julienne (Gadidés). 

Dans cette espèce, le nombre des tubes pyloriques est très variable. 
Chez un individu, J'ai compté quarante-quatre cæcums; chez un 
autre, ce nombre a atteint seulement trente-deux. L’intervalle des 
tubes pyloriques est rempli par une trame conjonctive où courent 
de nombreux vaisseaux. Cette espèce se nourrit de Crustacés et de 
Poissons. Le macéré chloroformé n’a pas digéré la fibrine. Au bout 
de vingt-quatre heures de contact, la fibrine est restée intacte. Le 
milieu est neutre. Le macéré fluoré a saccharifié l’amidon cuit. 

Les corps gras, ainsi que le salol, n’ont pas été saponifiés. 

1° Expériences sur Gadus luscus, Gade Tacaud, appelé Moulet à 
Roscoff. Ce Poisson est très commun dans la Manche. On le pêche 
au large, à la ligne. 

Les tubes pyloriques sont détachés du duodénum et immédiate- 


ment plongés dans l'alcool à 90 degrés. La pulpe est mise en contact 


LES TUBES PYLORIQUES CHEZ LES TÉLÉOSTÉENS. 453 


avec un grand volume d'alcool; la masse est placée entre des doubles 
de papier-filtre. Lorsque l'alcool est à peu près entièrement évaporé, 
on traite par l’eau chloroformée. Cette dissolution aqueuse de fer- 
ments a digéré rapidement la fibrine en milieu neutre. Mais la diges- 
tion a été bien plus rapide après addition de quelques gouttes d’une 
solution étendue de carbonate de soude. Le ferment protéo-hydro- 
lytique est donc analogue à la trypsine. La réaction de Piotrowski à 
accusé la présence des peptones. 

Le Gade Tacaud est carnivore; l’estomac est souvent rempli de 
Lançons (Ammodytes), de Crabes. 

L'amidon a été saccharifié. 

Ici encore le nombre des tubes pyloriques est très variable. 

Chez trois individus, j'ai compté cinquante-quatre, soixante-huit, 
cinquante-cinq tubes pyloriques. Leur disposition est la même que 
chez Merlangus pollachius. 

M. Raphaël Blanchard a également constaté que le suc des tubes 
pyloriques de Gadus luscus digère l’amidon et la fibrine (fibrine géli- 
fiée par 2 ou 3 pour 100 de HCI). D’ailleurs, ce savant à reconnu 
cette double propriété dans le suc des tubes pyloriques des genres 
Alosa, Merlucius, Trigla, Trachinus, Trachurus, Zeus (Travail du 
laboratoire de physiologie maritime du Havre). 

8° Expériences sur Rhombus maximus (Turbot). 

Le Turbot est très vorace. Sa nourriture consiste surtout en petits 
Poissons et en Crustacés. Sa bouche est très dilatable, ce qui lui 
permet d’avaler de grosses proies. Son habitat est les fonds sablon- 
neux. On le pêche habituellement avec des lignes de fond. 

Les deux appendices pyloriques sont gros et très courts. 

Action du macéré chloroformé sur la fibrine. — Il y a eu digestion. 
On a constaté la formation de peptones. Le milieu était neutre au 
tournesol. 

J'ai examiné l’action du macéré d’intestin sur la fibrine. Pas de 
digestion. Ici encore les tubes pyloriques sont pourvus d’un pou- 


voir protéo-hydrolytique spécial. 


454 TH. BONDOUY, 


Les corps gras neutres n’ont pas été émulsionnés ni saponifiés. 

Nous n'avons pas essayé l’action sur l’amidon cuit, n’ayant pas 
suffisamment de macération. 

op Expériences sur Lophius piscatorius (Baudroie). 

Ce Poisson est d'une extrême voracité. Sa bouche est énorme, 
très largement fendue. L’estomac, fort développé, peut renfermer 
de grosses proies. Chez un individu, j'ai retiré de l’estomac un Mer- 
langus pollachius mesurant 35 centimètres de longueur. 

Dans l’estomac d’une autre Baudroie, j’ai constaté la présence de 
deux Octopus (Poulpe) de fortes dimensions. 

On compte deux tubes pyloriques, gros, courts, d’inégale lon- 
gueur, ayant un diamètre égal à celui de l’intestin moyen et com- 
muniquant largement avec lui. Chez un individu mesurant 12,20 de 
longueur, l’un des tubes pyloriques mesurait 7 centimètres, l’autre 
4 centimètres de longueur. La paroi externe est formée par une 
tunique épaisse, blanche, de consistance cartilagineuse. La surface 
interne est tapissée par une muqueuse rosée présentant de nom- 
breuses crêtes comme la muqueuse de l'intestin moyen. 

Ces deux appendices contiennent un liquide jaunâtre, filant, vis- 
queux, neutre au tournesol. Krukenberg avait déjà remarqué la neu- 
tralité du suc des cæcums. 

Action du macéré de tubes pyloriques sur la fibrine. — Le macéré 
chloroformé est sans action sur la fibrine. L’addition de carbonate 
de soude n’a pas favorisé cette digestion, de même que la tempéra- 
ture de l’étuve. Le macéré d’intestin nous a donné les mêmes résul- 
tats négatifs. On doit en conclure que, chez la Baudroie, la digestion 
des albuminoïdes se fait entièrement dans l’estomac. En revanche, 
l’'amidon cuit est saccharifié avec une grande rapidité. Les corps gras 
neutres ne sont pas attaqués. 

10° Expériences sur Pagellus centrodontus. 

Ce Poisson est appelé Gros Yeux sur le marché de Paris, Rousseau 
sur les côtes de la Vendée, Pilonneau à la Rochelle. Il porte unetache 


bien marquée à l’origine de la ligne latérale. Dans le courant de l'été, 


LES TUBES PYLORIQUES CHEZ LES TÉLÉOSTÉENS. 455 


lorsqu'il a acquis une longueur de 10 à 12 centimètres, ce Poisson 
apparaît en quantité même au milieu des ports. Sa nourriture con- 
siste en substances animales et herbes marines. On le capture à la 
ligne, il mord à tout appât. 

Il y a quatre cæcums, gros et courts, d’un diamètre égal à celui 
du duodénum. Dans la plupart des cas, l’estomac renfermait de nom- 
breux débris d'algues. 

Le macéré est acide au tournesol. Au bout de seize heures de con- 
tact, à 40 degrés, la fibrine est à peine attaquée. 

L’amidon cuit a été saccharifié. 

11° Zxpériences sur Serranus cabrilla (Percidés). 

Le régime est essentiellement carnivore. Cette espèce habite tout 
le bassin de la Méditerranée. On la trouve dans l'Océan; elle s’avance 
assez loin dans la Manche, et elle a été prise accidentellement à 
l'embouchure de la Somme. Assez rare à Roscoff. J’ai compté huit 
appendices pyloriques. Em. Moreau (7raité d’ichthyologie française) 
n'en cite que trois. On trouve, dans le tissu interstitiel, de nom- 
breux Nématodes. 

Le macéré chloroformé n’a pas digéré la fibrine. 

Krukenberg est arrivé au même résultat chez une espèce de la 
même famille : Perca fluviatilis. 

Pas d’émulsion ni de saponification des corps gras 

Le petit nombre d'individus que nous avons eus à notre disposition 
nous a empêché d'étudier l’action du macéré sur l’amidon hydraté. 

12° Expériences sur Trutta fario. — La Truite est d’une très grande 
voracité. Lorsqu'elle est jeune, elle fait la chasse aux Vers, aux In- 
sectes et à leurs larves. Plus âgée, elle s'attaque aux Poissons et à 
leurs œufs. La Truite se nourrit aussi d'Éphémères, de Phryganes, 
qu'elle saisit habilement lorsque ces insectes effleurent la surface de 
l’eau. J'ai assez souvent constaté la présence de tubes de Phry- 
ganes, de Planorbes, de Lymnées, de Vers, dans l’estomac. 

L'humeur de ce Poisson est farouche et sa prudence est extrême ; 


aussi sa pêche est-elle difficile. Cette pêche exige, pour être fruc- 


456 TH. BONDOUY. 


tueuse, certaines conditions climatériques. Avec le vent d'est, la 
Truite ne se prend pas facilement. Le moment le plus favorable est 
pendant et après les pluies douces, sans trop de vent. Pendant le 
jour, elle se cache sous les pierres et les rochers qui surplombent le 
long de la berge, ou dans des fosses plus ou moins profondes. Tou- 
jours aux aguets, elle veille attentivement à ce qui se passe autour 
d'elle. Lorsque ia proie est à sa portée, la Truite se précipite sur 
elle par quelques coups vigoureux de la nageoire caudale et la 
déglutit. 


PE 


Fig. 3. 


Tubes pyloriques de Trutla fario. 


D, duodénum; T, tube pylorique ; I, tissu interstitiel. 


Les tubes pyloriques sont au nombre de trente environ, disposés 
en deux séries longitudinales sur le duodénum. Cette disposition 
rappelle celle que l’on observe chez Lota molva. Les interstices des 
cæcums sont remplis par une trame conjonctive, dans laquelle Le- 
gouis a signalé du pancréas disséminé. 

Immédiatement après la pêche, les tubes pyloriques sont déta- 
chés du duodénum et plongés dans l'alcool à 95 degrés. 

À la rentrée au laboratoire, les tubes sont débarrassés de la trame 
interstitielle qui les unit et qui renferme le pancréas. Cette opéra- 
tion est nécessaire ; sinon, on introduit une cause d’erreur dans les 


expériences. Les tubes pyloriques sont ensuite réduits à l’état de 


LES TUBES PYLORIQUES CHEZ LES TÉLÉOSTÉENS. 457 


pulpe, qu’on traite par une grande quantité d'alcool à 95 degrés. 
Après un contact prolongé, la masse est placée entre des doubles de 
papier-filtre. Lorsque tout l’alcool est à peu près évaporé, on délaye 
la pulpe dans l’eau chloroformée, qui dissout les enzymes. 

Action sur la fibrine. — La dissolution aqueuse est placée dans 
trois tubes à essai A, B, C. 

Tube À. — On ajoute un fragment de fibrine de sang de porc. Le 
milieu est neutre. On porte à l’étuve à 35-40 degrés. Au bout de six 
heures, la fibrine à disparu. 

Le produit de la digestion est porté à l’ébullition après addition 
de C’HŸ,0H. Le liquide filtré ne précipite plus par l'acide nitrique à 
froid, le ferrocyanure de potassium acétique, l’acétate de cuivre ; il 
est exempt d’albumine. Cette constatation est faite à part, sur une 
partie du liquide filtré. Le liquide, exempt d’albumine, est neutralisé 
par quelques gouttes de NaOH. On y a dévoilé la présence de pep- 
tones par la réaction du biuret. 

Tube B. — On répète la même expérience en ajoutant au liquide 
quelques gouttes d’une solution étendue de carbonate de soude 
(cette solution est obtenue en étendant à 4000 centimètres, cubes 
95 centimètres cubes d'une solution saturée de carbonate alcalin). 

La digestion est plus rapide que dans le tube A. Le ferment protéo- 
hydrolytique se comporte donc comme la trypsine. D'ailleurs, le 
mode d'action est le même : la fibrine est désagrégée, réduite en 
fragments granuleux et ne se gonfle pas comme avec la pepsine. Ge 
dernier ferment n’agit pas en milieu alcalin, ni même neutre. 

Tube C. — La dissolution aqueuse est bouillie. La fibrine n’est pas 
digérée. L’enzyme a été détruit. 

Ces trois expériences démontrent la présence d’un ferment so- 
luble, analogue, sinon identique, à la trypsine dans les tubes pylo- 
riques de Trutta fario. 

Nous avons expérimenté sur le tissu interstitiel renfermant le 
pancréas. La digestion de la fibrine a été plus rapide que dans le 
cas des tubes pyloriques. 


458 TH. BONDOUY. 


Action sur l'amidon hydraté et sur les corps gras. — L’amidon est 
saccharifié ; les corps gras ne sont pas décomposés. 

Action de la tyrosinase sur les produits de la digestion trypsique chez 
Trutta fario. — MM. Em. Bourquelot et G. Bertrand ont constaté, 
chez un grand nombre de champignons, l'existence d’un ferment 
soluble oxydant : la tyrosinase. Ce ferment se rencontre encore dans 
les tubercules du dabhlia et de la pomme de terre, dans les racines de 
betterave. Parmi les basidiomycètes, le genre ARussula (R. delica) est 
surtout riche en oxydase. C’est lui qui a été utilisé par M. Bourquelot 
pour caractériser les solutions de tyrosine. Cette nouvelle réaction 
de la tyrosine a été mise à profit par M. V. Harlay, pour différencier 
les produits des digestions trypsique et pepsique ‘. 

Sous l'influence de l’oxydase, l’oxygène atmosphérique se fixe sur 
la tyrosine qui s’oxyde et prend une coloration d’abord rouge, qui 
vire ensuite au brun et au noir, au bout d’un temps plus ou moins 
long. Or, on sait que, dans l’action prolongée de la trypsine sur les 
albuminoïdes, il y a mise en liberté du noyau aromatique : éyrosine. 
Si donc, à ce moment, on ajoute du ferment oxydant (macéré glycé- 
riné de Russula delica), on doit obtenir la coloration rouge-notre. Gette 
formation de tyrosine dans la digestion trypsique est indépendante 
de toute intervention microbienne ; elle s'effectue, en effet, dans un 
milieu chloroformé. | 

La tyrosine produite est une amide acide, c'est de l'acide para- 
oxyphényl-amido-proprionique (C°H'AzO?). On la rencontre dans la 
rate, les poumons, le sang des veines sus-hépatiques, le pancréas. 
Elle existe dans la Cochenille (Coccus Cacti), dans le bouillon de 
levure de bière, dans le jus de betterave. 

[Dans ces dernières années, on a signalé l'existence d’oxydases 
chez les animaux. MM. Abelous et Biarnès ont découvert un ferment 
oxydant dans l’hémolymphe, le foie, les branchies, les muscles, les 


organes génitaux d’Astacus fluviatilis. Les mêmes auteurs ont re- 


1 V. HarLay, Journal de pharmacie et de chimie, 1° mars 1899. 


LES TUBES PYLORIQUES CHEZ LES TÉLÉOSTÉENS. 459 


trouvé cette oxydase dans la lymphe de la Langouste : Palinurus 
vulgaris *. M. Portier a observé que le sang des Mammifères renfer- 
mait une oxydase localisée dans le leucocyte ?.] 

Nous avons caractérisé la tyrosine à l’aide de l’oxydase dans les 
produits ultimes de la digestion de la fibrine par le suc des tubes 
pyloriques, chez 7rutta fario. 

Le macéré de Russula delica, que j'ai employé, m’a été fourni par 
M. le professeur Bourquelot; qu’il me permette de lui adresser ici 
tous mes remerciements. 

Lorsque, dans les expériences précédentes, la fibrine a complète- 
ment disparu et que le liquide filtré ne précipite plus à froid par 
AzOH, on ajoute au produit quelques gouttes de macéré glycériné 
de Russula delica.Le milieu est maintenu aseptique par l’addition de 
quelques gouttes de CAC. Dans tous les cas, il s’est manifesté une 
coloration rose, qui a viré au brun, puis au noir. Le ferment actif 
qui à digéré la fibrine est donc bien la trypsine. 

Mais, dans tous ces essais, il est nécessaire d'employer un tube 
témoin. | 

Tube témoin. — La dissolution aqueuse de ferment est portée à 
l’ébullition : la trypsine est détruite. On ajoute quelques gouttes de 
chloroforme. La présence de la tyrosine, dans ces conditions, ne 
peut pas être attribuée à la digestion trypsique. Si le liquide prend 
la coloration rouge-noire, la tyrosine préexiste donc dans les tubes 
pyloriques. Dans la plupart des cas, j'ai obtenu des résultats néga- 
tifs ; le tube témoin n’a pas donné la réaction colorée. 

Conclusions. — Il résulte de l’ensemble des expériences précé- 
dentes que les tubes pyloriques jouent, chez les espèces étudiées, 
un rôle actif dans les phénomènes de la digestion. Presque toujours, 
leur suc digère la fibrine, et le ferment protéo-hydrolytique se com- 
porte comme la trypsine. L’amidon est saccharifié. L’inuline et le 
saccharose ne sont pas attaqués. Ces propriétés diastasiques rap- 


1 Comptes rendus de la Société de biologie, 20 février 1897. 
2 Comptes rendus de la Société de biologie, 23 avril 1898. 


460 TH. BONDOUY. 


prochent le suc des tubes pyloriques du suc pancréatique. Mais les 
cæcums pyloriques sont dépourvus du pouvoir lipasique. Or, on sait 
que le dédoublement des corps gras est caractéristique du pancréas. 
Physiologiquement, les appendices pyloriques ne sont pas les homo- 
logues du pancréas, mais ils complètent en partie son action sur les 
aliments. Ils apportent un excédent de ferments dans le tube intes- 
tinal. Chez les Cyprinidés, qui sont dépourvus de ces formations, 
l'intestin sécrète de la trypsine sur toute sa longueur; au contraire, 
chez la plupart des espèces à tubes pyloriques que j'ai étudiées, cette 
sécrétion est localisée dans les tubes pyloriques. 

L'opinion de Vogt, Yung et Wiedersheim, ne doit pas être admise. 
Les cæcums pyloriques ne remplacent pas le repli spiral des Séla- 
ciens et des Ganoïdes dont l’unique but est d'augmenter la surface 
absorbante, et qui ne prend pas part à la sécrétion des sucs di- 
gestifs. 

Le rôle absorbant des tubes pyloriques est minime. Les aliments 
y pénètrent en très petite quantité. 

Le mucus abondant qu'ils sécrètent favorise le glissement du 


chyme dans l'intestin. 


SUR DEUX NÉOMÉNIENS NOUVEAUX 
DE LA MÉDITERRANÉE 


PAR 


G. PRUVOT 


Professeur à l’Université de Grenoble. 


Il 


STYLOMENIA SALVATORI, n.£.,n. Sp. 


Au cours d’une visite au laboratoire Arago, le 5 juin 1898, S. À. I. 
l’archiduc Louis-Salvator d'Autriche, examinant dans l’aquarium 
réservé aux recherches le contenu d’un bac où des touffes d'Hydrai- 
res et de Bryozoaires ramenées par le chalut avaient été déposées 
_pour permettre d’y rechercher à loisir les petits animaux, et en par- 
ticulier les Néoméniens, qui en font leur séjour de prédilection, 
découvrit au milieu des débris et me signala la présence de deux de 
ces derniers animaux.Capturés aussitôtet examinés après son départ, 
l’un d’eux fut reconnu pour une Rhopalomenia (anc. Proneomenia) 
aglaopheniæ Kow. et Mar., manifestement chassée d'une souche 
d’Aglaophenia myriophyllum qui se trouvait dans le voisinage par le 
commencement d’altération de l’eau qui force les animaux à se ma- 
nifester en sortant de leurs retraites; l’autre, qui fait l’objet du présent | 
travail, était un type nouveau. Je prie S. A., puisqu’Elle est le pre- 
mier savant dont cette espèce ait attiré les regards, de donner en en 
acceptant la dédicace un nouveau témoignage de l'intérêt éclairé 
qu'Elle porte à toutes les sciences, en particulier à la zoologie. 


Extérieur : paroi du corps. — Le corps du seul individu rencontré 


462 G. PRUVOT. 


jusqu'ici a 8 millimètres de long sur 1 millimètre à peine de large à 
l'état d'extension (indice de longueur! = 8). Il est légèrement fusi- 
forme avec une extrémité caudale très acuminée. Mais il est extrême- 
ment contractible et susceptible de se raccourcir de plus de moitié; 
il prend alors une forme presque globuleuse. La figure 1 le montre 
sous ses différents aspects, à un grossissement uniforme de quatre 
fois. 

C’estunanimalrelativementagile qui rampe d’un mouvement insen- 
sible sans contractions apparentes, rappelant ainsi une Planaire ou 
une Némerte, et la ressemblance est augmentée par la grande mol- 
lesse du corps qui peut se contourner et se replier de toutes façons. 
Il paraît mener une existence vagabonde, sans être lié, comme beau- 
coup d’autres espèces, à un support animal ou végétal déterminé. 

L'extrémité céphalique et l'extrémité caudale sont d’un blancpur 
accentué par les reflets argentés qui sont dus à la couche des spicules; 
mais, dans ia région moyenne, le tube digestif, quitransparaïit à tra- 
vers le tégument mince, lui communique une légère coloration jau- 
nâtre. 

La bouche est petite, à bourrelets labiaux peu épais, et surmontée 
d’un bouton tactile couvert de spicules qui ne paraissent pas diffé- . 
rer de ceux du voisinage. | 

La fossette pédieuse est grande et presque toujours dévaginée 
quand l'animal n’est pas inquiété, soit en marche (fig. 1, a), soit au 
repos (b); ses forts cils très saillants et qu’on voit battre d’avant en 
arrière doivent jouer un rôle, le principal peut-être, dans la locomo- 
tion. 

Une fossette sensitive caudale apparaît comme un petit point tout 
près de l'extrémité du corps. 

Il n’existe pas de carène dorsale, à peine une petite apparence de 
ligne au point de convergence des spicules sur la ligne médiane. 

Les spicules sont très petits dans la région de la bouche et de la 


 Simroth désigne sous ce nom (Längenindex) le rapport de la longueur totale au 
diamètre du corps dans la région moyenne, 


SUR DEUX NOUVEAUX NÉOMÉNIENS. 268 


fossette pédieuse. Tout au sommet on les voit dressés et arqués 
comme ceux que j'ai figurés à la même place chez les Paramenia et 
les Proneomenia*. Sur le reste du corps, le revêtement spiculaire est 
uniforme. Il se compose de : 

4° De chaque côté du sillon pédieux une rangée unique de spicules 
plais, aliformes, de 55 p de longueur en moyenne, épaissis à leur 
base d'insertion et se recouvrant d'avant en arrière (fig. 2 et3, a). 

9° Un revêtement continu sur tout le corps de spicules en forme 
de disque rappelant les écailles cycloïdes des poissons, un peu épaissis 
également à leur bord d'insertion et imbriqués (fig. 2 et 3, à); ils ne 
varient que dans leur taille qui est comprise entre 13 p et 25 p. 

3° Epars çà et là au milieu des précédents, un certain nombre 
de spicules (fig. 3, c) beaucoup plus grands (ayant jusqu’à près 
de 022,1 de long), en forme de palettes à manche court et arrondi. 
Ils sont couchés sur les précédents. J’ai été frappé de voir au premier 
examen que leur point d'attache semblait correspondre toujours 
exactement au centre d’un de ceux-ci, comme cela est indiqué sur 
la figure 3, en c. Le fait peut provenir dece que les grands spicules se 
dégageraient de la cuticule sous-jacente dans l’angle formé par les 
bords convexes de deux spicules discoïdes voisins, angle qui, en rai- 
son de leur imbrication à peu près régulière en quinconce, corres- 
pondrait au milieu d’un spicule de la rangée supérieure. Les spicules 
en palette seraient alors distincts des spicules discoïdes et passeraient 
en dessous d’eux. C’est l’idée la plus vraisemblable. Mais il se pour- 
rait aussi qu'ils en fissent partie intégrante, insérés au milieu de leur 
surface libre, comme les tiges recourbées des petits spicules en pelle 
de la Macellomenia pahfera. J'avais malheureusement ajourné l’exa- 
men plus attentif de leurs rapports et quand j'ai voulu y revenir le 
liquide où était conservé à cette intention un fragment de tégument 


avait dû s’altérer, et toute trace de spicules avait disparu. 


1 G. PRUVOT, Sur l’organisation de quelques Néoméniens des côtes de France 


(Archives de zoologie expérimentale et générale, 2° sér., t. 1X, 1891, pl. XXXI, fig. 82 
et 84), 


464 G. PRUVOT. 


L’épiderme, qui est assez épais et montre plusieurs couches de 
cellules dans la région supérieure du corps, devient mince, a une seule 
couche de cellules, dans la région moyenne, sans présenter jamais 
de soulèvements en papilles intracuticulaires, et la cuticule qui le 
surmonte et qui se montre après décalcification comme déchiquetée 
par des encoches correspondant à l'implantation des spicules (fig. 6, 
qg) ne dépasse guère 5 à 6 k d'épaisseur, ce qui permet les variations 
caractéristiques dans la forme et les dimensions du corps à l’état vi- 
vant. Il est doublé d’une couche musculaire circulaire à peu près 
aussi épaisse que lui-même, puis de fibres longitudinales moins déve- 
loppées, presque absentes dans la région dorsale, mais augmentant 
à mesure qu'on s'avance vers la face ventrale des deux côtés de 
laquelle elles forment, tout contre le sillon pédieux, un muscle lon- 
gitudinal ventral mal limité. 

Le soc pédieux et les glandules qui l’accompagnent présentent une 
réduction marquée. Il n’y a pas de replis épidermiques latéraux 
contre le pied. Le soc pédieux dans la région moyenne du corps 
(fig. 6, p) forme un petit bourrelet cilié, arrondi et non triangulaire, 
de 0%*,02 de hauteur seulement; on ne peut reconnaître sur les 
coupes, en dedans de lui, ni la sangle musculaire qui limite sa base 
chez d’autres espèces, ni le sinus sanguin ventral, distinct du reste 
de la cavité générale. 

Les glandules pédieuses sont représentées par des bouquets de 
petites cellules glandulaires (fig. 6, .), à peine plus volumineuses 
que les cellules épidermiques, répandues sans ordre apparent dans 
tout l'intervalle entre les deux cordons nerveux pédieux. Ces cellules 
semblent converger vers le sillon ventral, des deux côtés du pied où 
elles s'ouvrent probablement au dehors à la manière ordinaire ; mais 
je n'ai pas réussi à leur voir de prolongements pénétrant entre les 
cellules épidermiques. 

En bas, le sillon ventral s’atténue peu à peu, le soc pédieux s'étale, 
perd ses glandules et se confond avec le tégument voisin; mais avec 


un peu d attention on le reconnaît sur les coupes (fig. 21,p), jusqu’à 


SUR DEUX NOUVEAUX NÉOMÉNIENS. 465 


une faible distance du cloaque, à la petite bande de cils qui a persisté. 
Du côté de la tête, au contraire, le sillon ventral devient de mieux en 
mieux marqué, et le repli pédieux un peu plus fort se continue jus- 
qu’à l’orifice de la fossette pédieuse. 

La fossette pédieuse (fig. 4, f), volumineuse, est restée largement 
et régulièrement dilatée au moment de la mort. Quoique les coupes 
transversales ne soient pas très favorables pour son étude, on re- 
connaît aisément qu’elle présente deux régions différentes, une in- 
férieure allant de la partie la plus déclive de la fossette jusqu’à la 
limite inférieure de son orifice, et une supérieure. La région infé- 
rieure a une section en huit de chiffre, par suite de la saillie dans 
sa lumière d'un soulèvement dorsal de l’épithélium et d’un bourrelet 
ventral plus fort qui s'arrête à l’orifice. Son revêtement épithélial 
est même faiblement bilobé en bas, comme on peut le voir, sous 
forme de deux îlots cellulaires isolés au-dessus du pied, sur la coupe 
de la figure 7, qui l’a effleuré tangentiellement. Il est doublé d'une 
forte couche musculaire où dominent les fibres transversales et qui 
se continue sur les côtés avec le revêtement musculaire général du 
corps. La paroi est formée d’une couche régulière de hautes cellules 
cylindriques à noyaux allongés et portant des cilsvibratiles très longs. 
Il ne paraît pas y avoir de cellules glandulaires débouchant dans cette 
région. La région supérieure ne présente pas de doublure muscu- 
laire, mais montre à sa place les conduits nombreux des lobes de 
la glande suprapédieuse qui sont répandus dans tous les interstices 
des organes de la région céphalique. La paroi est encore constituée 
fondamentalement par les mêmes hautes cellules ciliées que précé- 
demment, mais elles sont ici comprimées et refoulées irrégulière- 
ment en tous sens par les canalicules glandulaires qui occupent la 
majeure partie de la paroi, surtout en haut et sur les côtés. 

La sécrétion de la glande suprapédieuse, au moment où l'animal 
a été tué, était modérément active. On ne trouve pas de mucus dans 
la fossette pédieuse ; tout le mucus est enfermé dans les cellules sé- 
crétantes ou dans leurs conduits ; ceux-ci sont souvent extrêmement 


ARCH. LE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3€ SÉRIE. — T. VIl. 1899. 30 


166 G. PRUVOT. 


dilatés, au point d'atteindre le diamètre des cellules elles-mêmes, 
mais ils paraissent toujours se continuer sans déchirure jusqu’à l’ex- 
térieur. [l n’y a donc pas ici rupture des élémenis et issue du mucus 
dans leurs interstices, comme je l’ai indiqué chez d’autres espèces 
dans mon premier travail‘. Wirén a trouvé, chez les types qu'il a 
examinés à ce point de vue et qui appartiennent au genre Veomema?, 
que la sécrétion est toujours endiguée et que son issue se fait tou- 
jours par les canalicules des cellules. C’est aussi le cas ici, seulement 
avec une forte dilatation des canaux que Wirén n’a pas rencontrée. 
Mais en examinant à nouveau mes anciennes préparations, je suis 
obligé de persister dans ma première opinion, que le mucus peut 
s'échapper par effraction des éléments qui lui ont donné naissance 
quand il est produit trop rapidement et en trop grande abondance. 
À moins, ce qui n’est pas impossible, qu’il n’y ait eu là rupture ac- 
cidentelle, éclatement des canalicules au moment de la fixation de 
l’animal. Je crois pourtant plus vraisemblable qu'il y a des degrés 
différents en rapport avec l’activité de la sécrétion. Au premier degré 
les canalicules suffisent à l’évacuation, même sans être dilatés sen- 
siblement. C’est ce qu’a observé Wirén et ce que je vois également 
chez l’espèce qui sera décrite à la suite de celle-ci. Au deuxième 
degré, les cellules sont plus distendues, leurs prolongements aussi, 
mais il n’y a pas encore de rupture ; les canalicules suffisent toujours 
à l'écoulement du mucus. Enfin, au troisième degré, quand ily a 
production trop abondante, les cellules distendues sont rompues, le 
mucus s’accumule au dehors en masses qui se frayent un chemin 
à travers leurs débris et vient déboucher dans la fossette aux mêmes 
endroits que précédemment, par les orifices restants des canalicules 
éclatés. Il est probable que chez certaines espèces, la production du 
mucus n’atteint jamais assez d'intensité pour arriver à ce troisième 
degré. 

1 G. Pruvor, Archives de zoologie expérimentale et générale, 2e sér., t. IX, p. 737. 


2 À. WIiREN, Studien über die Solenogastren. Il. (Kongl. Svensk. Vet.-4kad. 
‘andling., t. XXV, 1892, p. 28.) 


# 


SUR DEUX NOUVEAUX NÉOMENIENS. 467 


Tube digestif. — La fente buccale, qui va du voisinage de l’extré- 
mité supérieure du corps jusqu’à une faible distance de la fossette 
pédieuse, est limitée latéralement par deux bourrelets labiaux assez 
épais contre lesquels s'arrête, en dehors, la cuticule spiculigère. Mais 
ces deux bourrelets latéraux ne règnent pas sur toute la hauteur de 
la fente ; d’abord, unis au-dessus d’elle sur la ligne médiane, ils di- 
vergent ensuite pour l’embrasser latéralement, puis vers le milieu 
de sa hauteur, ils se portent en arrière et en dedans, se rapprochent 
l’un de l’autre et finissent par s'unir de nouveau sur la ligne médiane 
en un fort repli transversal, qui divise la cavité buccale en deux 
chambres superposées indépendantes, une chambre inférieure plus 
petite, au fond de laquelle s'ouvre le pharynx (fig. 4, ph), qui estainsi 
déterminée comme la véritable cavité buccale, et un vestibule supé- 
rieur v. La figure 5 représente une coupe transversale passant par 
la partie inférieure du vestibule ; elle montre vers son centre deux 
petits îlots cellulaires e qui appartiennent au bord supérieur du repli 
formé par l'union des deux bourrelets, celui-ci ayant été simplement 
effleuré par le rasoir. À la coupe suivante, les deux îlots e se mon- 
trent réunis entre eux, et, deux coupes plus bas, la cloison qui ré- 
sulte de leur fusion se réunit de chaque côté aux deux bourrelets 
labiaux, qui sont toujours reconnaissables à leur revêtement cilié. Les 
bourrelets labiaux sont formés dehautes cellules épithéliales à noyaux 
allongés et fortement ciliées. De la sorte, le pourtour de l'orifice atrial 
est limité partout par une large bande ininterrompue de cils vibra- 
tiles. 

À l'intérieur, la cavité du vestibule est entièrement tapissée de 
cirrhes assez longs, serrés les uns contre les autres (fig. 5, t), formés 
seulement de cellules cubiques et dépourvues de cils. | 

En dehors, contre l’épithélium, sont appliqués, en nombre assez 
considérable pour lui former une doublure presque continue, de 
petits amas cellulaires arrondis, quelque peu inégaux (fig. 5, o). Les 
cellules qui les forment, rondes, à noyaux relativement volumineux, 


n’ont aucun caractère glandulaire. Dans les plus volumineux ou dans 


168 G. PRUVOT. 


ceux qui sont intéressés par la section juste en leur milieu, elles se 
montrent groupées à la périphérie autour d’une masse centrale de 
structure fibrillaire. De beaucoup de ces amas, on voit partir de fines 
fibrilles qu'on peut suivre plus ou moins loin dans l'épaisseur des 
cirrhes. Enfin, pour un certain nombre d’entre eux, j’ai pu recon- 
naître une continuité directe avec des ramifications des nerfs issus 
du cerveau. Je ne doute guère qu'il en soit de même pour tous et 
que nous soyons là en présence d’un revêtement de petits ganglions 
nerveux qui recouvrent tout le vestibule buccal et qui doivent com- 
muniquer à ses cirrhes une grande sensibilité. J'ai signalé déjà la 
même chose chez la Paramenia impexæa* etThiele a indiqué à la même 
place chez les Proneomenia neapoltana et vagans ? de nombreux amas 
cellulaires qu’il regarde également comme étant de nature nerveuse. 

La cavité buccale proprement dite, située au-dessous, est plus 
petite et vaguement rectangulaire ; sa paroi est plissée en un certain 
nombre de plissements longitudinaux qui s’avancent presque jusqu'au 
centre. J’en constate d’abord trois appartenant à la paroi supérieure 
et dorsale, dont le médian, qui est le plus fort, se divise inférieu- 
rement en deux; puis, il sy en ajoute deux latéraux moins saillants 
et trois encore plus petits sur la face ventrale. 

La portion et l'étendue de la cavité buccale sont indiquées sur la 
figure 4; mais sa véritable forme ne peut être reconnue sur cette 
figure qui représente la cavité sectionnée en long, dans le même 
sens que les plis de la paroi. L’enfoncement en entonnoir qui semble 
continuer celui du vestibule buccal appartient au tégument général 
invaginé avec sa cuticule et ses spicules; la véritable bouche est l’o- 
rifice rétréci qui se trouve au fond, et la cavité buccale proprement 
dite s'étend de cet orifice jusqu’au petit cul-de-sac dorsal qui appar- 
tient au commencement du pharynx. La cavité buccale paraît ici 


étroite et comme tubuleuse, parce que le plan de la section passe 


1 G. Pruvor, Archives de zoologie expérimentale et générale, 1891, p. 756, fig. 66. 
? J. Tuniece, Beilräge zur vergleichenden Analomie der Amphineuren (Zeitsch. f. 
Wissensch. Zoologie, t, LVIII, 1894, p. 252 et 262, fig. 98). 


SUR DEUX NOUVEAUX NÉOMÉNIENS. 60 


par le grand pli médian dorsal de sa paroi; elle se montrerait beau- 
coup plus spacieuse si la section était supposée faite un peu à droite 
ou à gauche du plan sagittal, entre deux plis. 

L'épithélium buccal est constitué par une couche de cellules peu 
élevées, non ciliées, mais assez fortement cuticularisées. Il est doublé 
d'une mince couche musculaire, en dehors de laquelle sont de nom- 
breuses glandules, pour la plupart unicellulaires, mais quelques-unes 
formées par trois ou quatre cellules accolées. Ce sont de grandes 
cellules pyriformes, de 20 à 25 p de diamètre, renfermant un con- 
tenu granuleux et tantôt un tantôt deux noyaux volumineux sphé- 
riques et clairs à nucléole central. Leurs prolongements effilés s’in- 
sinuent entre les fibres musculaires et débouchent entre les cellules 
de l’épithélium. 

Le pharynzx, qui vient ensuite (fig. 4, ph), présente à son origine 
. un petit cul-de-sac dorsal, puis descend sous forme d’un tube à paroi 
mince, légèrement plissée, recouverte d'une très épaisse couche de 
muscles où dominent les fibres transversales, jusqu’à l’orifice étroit 
qui le fait communiquer avec l’æsophage. Quelques-unes des glan- 
dules précédentes l’accompagnent, mais ne paraissent pas s'ouvrir 
dans sa paroi. 

L'armaiure pharyngienne, qui représente morphologiquement la 
radula des autres Néoméniens, appartient à la partie inférieure du 
pharynx, ‘quoiqu'elle se prolonge en bas sur une partie qui semble- 
rait devoir appartenir à l’œsophage (fig. 4). Mais il convient de re- 
marquer que la distinclion entre le pharynx et l’œsophage, qui est 
bien marquée du côté dorsal par le gros pli transversal qui les sépare 
et par la diminution subite d'épaisseur de la couche musculaire 
{indiquée en pointillé sur la figure 4), est tout à fait indistincte du 
côté ventral auquel appartient la radula, les deux parois œæsopha- 
gienne et pharyngienne étant de ce côté la continuation directe 
l’une de l’autre et le revêtement musculaire se continuant avec la 
même épaisseur sur la plus grande partie de la région œsopha- 


gienne. 


470 G. PRUVOT. 


La radula est très petite, sa portion dentaire n’occupe en hauteur 
que six coupes de 0,01 millimètre d'épaisseur. Les coupes transver- 
sales ne suffisent pas pour se rendre compte avec une certitude ab- 
solue de son mode d’origine et de ses rapports. Quoi qu’il en soit, voici 
ce que l'examen le plus attentif permet d'y reconnaître, en suivant 
l’ordre des coupes de bas en haut. 

On voit d’abord en avant de l'æsophage un petit cul -de-sac à section 
circulaire (fig. 8, u), formé d’une couche de cellules à noyaux allon- 
gés et comprimés, suivant une direction rayonnante ; il est tapissé 
intérieurement d'une cuticule qui a tous les caractères de la cuticule 
de l’æsophage, dont elle paraît être la continuation, mince, absolu- 
ment incolore et transparente. Le cul-de-sac est oblique de bas en 
haut, se rétrécit légèrement, puis s'ouvre par un petit orifice dans la 
paroi ventrale de l'æsophage à l’extrémité inférieure d’une gouttière 
médiane qui remonte le long de la paroi de celui-ci et s’efface : 
en haut au niveau de l’orifice pharyngien. C’est au fond de cette 
gouttière que font saillie les pointes des denticules ou stylets radu- 
laires ; elle est visible sur les figures 7, 9 et 10. Maïs le cul-de-sac 
en question ne se termine pas au niveau de son orifice, il se prolonge 
en haut tout le long de la région radulaire, formant une petite poche 
sous-æsophagienne dans laquelle débouchent à son extrémité tout à 
fait supérieure les deux conduits salivaires (fig. 4 et 9, cs). C’est l’épi- 
thélium de cette poche qui donne naissance aux stylets radulaires. 

A la première coupe, la plus inférieure, qui rencontre la radula 
(fig. 10), la poche se montre divisée en deux par une rangée de cel- 
lules transversales, et la petite chambre postérieure renferme la base 
d’un stylet d, de 28 & de longueur, qui paraît formé de deux tigelles 
latérales d’abord écartées, puis convergentes et soudées en une 
pointe unique. La paroi de la poche sous-œsophagienne est appli- 
quée sur la ligne médiane contre l’épithélium de la paroi de l’æso- 
phage, et au point de contact il se forme un petit orifice fermé en 
entier par le stylet dont la pointe fait saillie dans la cavité de la 


gouttière œsophagienne ventrale. La cloison transversale est le fond 


SUR DEUX NOUVEAUX NÉOMÉNIENS. 471 


d'une petite crypte dont le plancher se raccorde au-dessous avec 
l'épithélium de la poche sous-æsophagienne et dont le plafond se 
voit à la coupe suivante sous forme de quelques cellules isolées au 
milieu de cette poche. 

La deuxième coupe ne renferme pas de siylet, et la paroi de la 
poche sous-æsophagienne y est nettement séparée de l’épithélium 
œæsophagien; quelques fibres musculaires y sont même interposées. 

La troisième coupe (fig. 9) reproduit à peu près l’aspect de la pre- 
mière : de nouveau, une cloison transversale sépare de la poche 
sous-æsophagienne une petite chambre postérieure occupée par un 
stylet semblable au premier, mais plus court, et qui comme lui tra- 
verse les deux épithéliums accolés de nouveau pour saïllir dans l’æso- 
phage. De plus, sur un plan un peu supérieur, on voit deux petites 
tigelles ou stylets accessoires complètement renfermés dans la crypte. 

À la coupe suivante, qui correspond à l’orifice des conduits sali- 
vaires dans la poche sous-æsophagienne, on ne voit que deux petites 
tigelles très fines et aiguës, qui semblent n'être que la partie infé- 
rieure détachée parle rasoir d’un troisième stylet qui occupe l’avant- 
dernière coupe. 

Ce troisième stylet que montre la cinquième coupe a la même 
forme et les mêmes rapports que les deux précédents, et fait, comme 
eux, saillie par sa pointe dans la gouttière œsophagienne, mais il est 
encore plus petit. 

Enfin, la dernière coupe, la supérieure, qui passe par le sommet 
de la poche sous-æsophagienne, montre deux très petits stylets ar- 
qués se rapprochant par leurs pointes et complètement plongés dans 
les tissus. 

L'épithélium de la poche sous-æsophagienne dans la région radu- 
laire n’a pas le même caractère sur tout son pourtour. Sur la paroi 
antérieure (en bas sur les figures 9 et 10), les cellules sont relative- 
ment hautes el pressées, à noyaux allongés et comprimés, et forte- 
ment cuticularisées ; elles passent peu à peu sur les côtés eten arrière 


à des éléments plus plats et moins serrés, dont la cuticule s’amincit 


472 . G. PRUVOT. 


peu à peu au point de devenir presque indistincte. La substance des 
stylets diffère beaucoup de cette cuticule; elle est très réfringente, 
d’un jaune de miel, et partout ses limites sont bien tranchées. Il n’y 
a guère lieu de douter que les stylets dentaires sont formés non par 
cuticularisation de leurs cellules matrices, mais par une véritable 
sécrétion de certains éléments qui représentent des odontoblastes et 
qui appartiennent à la paroi postérieure de la poche sous-œæsopha- 
gienne. | 

Il paraïtrait naturel à première vue de regarder la crypte où prend 
naissance le stylet comme une invagination de la paroi œsophagienne 
elle-même qui aurait refoulé devant elle la paroi de la poche sous- 
œsophagienne; celle-ci serait alors étrangère à la production du 
stylet. Mais alors on devrait trouver sous celui-ci les traces au moins 
des deux parois, au lieu d’une rangée absolument unique de cellules, 
comme c'est le cas (fig. 9 et 10). De plus, les cellules du fond de la 
crypte sont tout à fait différentes par leur taille, par la forme de leurs 
noyaux et par l'intensité plus grande avec laquelle ils prennent la 
matière colorante des cellules de l’épithélium œæsophagien, tandis 
qu’elles ressemblent en tout à celles de la poche sous-æsophagienne 
et qu’elles se continuent directement avec elles. Force est donc de 
reconnaître que le stylet dentaire est une production de la paroi de 
la poche sous-æsophagienne, et qu'au lieu de se développer du côté 
de sa face cuticulaire libre il suit une direction inverse et traverse 
pour se faire jour au dehors, d’abord cette paroi, puis la paroi œso- 
phagienne elle-même primitivement imperforée. Il est à remarquer 
aussi que laradula de la Stylomentia n'est pas une formation continue, 
mais une succession de dents indépendantes, naissant chacune dans 
une crypte spéciale, et que les dents les plus développées sont les plus 
inférieures, ce qui donnerait à penser que leur ordre d'apparition a 
lieuici du haut en bas, à l'inverse de ce qui existe chez les Mollusques 
et chez les autres Néoméniens. Mais cette dernière assertion aurait 
besoin d’être appuyée de preuves plus décisives. 


En somme, d’après la description qui précède, la formation radu- 


SUR DEUX NOUVEAUX NÉOMÉNIENS. 473 


laire de notre Sfylomenia consiste en une série longitudinale de trois 
stylets chitineux médians, plus deux paires de petites tigelles qui 
représentent soit l’ébauche de deux autres stylets, soit des stylets 
avortés, et qui sont placées l’une au-dessus du premier et l’autre entre 
le premier et le second. Chaque stylet naît dans une petite crypte 
qui parait formée par un dédoublement local de la paroi d’une poche 
sous-æsophagienne dans laquelle débouchent les canaux des glandes 
salivaires. La petite crypte où naît le stylet doit être d’abord close. 
Les cellules du fond et peut-être celles des côtés doivent jouer le rôle 
d'odontoblastes; elles sécrètent d'abord la pointe distale du stylet, 
puis à mesure que la sécrétion continue, la pointe refoule devantelle 
l’épithélium dé la poche sous-æsophagienne, l’applique plus étroite- 
ment contre l’épithélium de l’æsophage, et finit par perforer les deux 
pour faire saillie dans la cavité œsophagienne. Les trois grands stylets 
sont tous à cet état de développement; seulement, l’inférieur est 
plus long et plus fort que le moyen, et celui-ci que le supérieur. Si 
la paire detigelles qui est au-dessus de ce dernier représente, comme 
cela semble probable, une étape du développement, elle prouverait 
qu’un stylet est formé d'abord de deux parties latérales indépendantes 
qui se fusionnent en une pointe unique ultérieurement. 

Rien ici ne représente un cartilage radulaire, et l’on ne peutguère 
parler non plus de muscles propres de la radula. Toutefois, parmi 
les fibres de lՎpaisse couche transversale qui double la paroi Ͼso- 
phagienne du côté ventral, et dont la plupart passent comme une 
sangle au-devant de la poche sous-æsophagienne, un certain nombre 
s’attachent sur les côtés de cette poche (fig. 9, mc), et par leur con- 
traction doivent, en redressant leur courbure, faire saillir davantage 
les stylets dans l’intérieur de l'œsophage. D’un autre côté, tandis que 
presque toutes les fibres de la gaîne péri-æsophagienne sont circu- 
 laires ou transversales, on en voit, au voisinage du sommet de la 
radula, quelques-unes prendreunedirection longitudinale. Leur nom- | 
bre augmente rapidement, et elles forment bientôt deux faisceaux 


(fig. 9, ml) appliqués de partet d'autre le long de la gouttière œso- 


474 G. PRUVOT. 


phagienne et des côtés de la rangée des stylets. Ils se rejoignent en 
dessous et tendent par leur contraction à soulever les dents et à les 
rapprocher de l'entrée du pharynx. 

_ Les glandes salivaires, au nombre de deux, sont formées d'un 
grand nombre de lobules cellulaires compacts, composés chacun 
d’un assez grand nombre de cellules pyriformes, pourvues d’un gros 
noyau rond et d'un contenu granuleux. Leurs prolongements qui ser- 
vent de canalicules excréteurs se dirigent de dehors en dedanset vont 
s'ouvrir isolément entre les cellules épithéliales des deux ampoules 
salivaires. Celles-ci (fig. 8 et 10, gs) sont sphériques, ont leur paroi 
composée d’une enveloppe musculaire (fig, 10, mc) assez épaisse, dé- 
rivée de la couche à fibres circulaires de l’œsophage, qui doit parses 
contractions servir à l'expulsion du liquide accumulé dans l’ampoule, 
et d’un épithélium de petites cellules à noyaux allongés, comprimées 
entre les canalicules des grosses cellules sécrétantes et ne paraissant 
pas ciliées. Les ampoules se continuent directement avec les con- 
duits salivaires (fig. 4 et 9, cs) cylindriques et courts. Il a été dit plus 
haut que les deux conduits salivaires débouchent séparément au 
sommet de la poche sous-æsophagienne, et que celle-ci s'ouvre à 
son tour dans l’æsophage par un petit orifice percé sur la ligne mé- 
diane juste au-dessous du dernier stylet de la radula. 

L’œsophage ne présente en lui-même rien de particulier; il est 
court, presque globuleux, tapissé d’une mince cuticule hyaline, et 
débouche dans l'intestin moyen par un orifice très étroit. 

Aucune particularité saillante à signaler non plus en ce qui con- 
cerne l'intestin moyen; prolongé en un cæcum frontal modérément 
développé au-dessus de l’orifice œsophagien (fig. 4, c) il s’élargit bien- 
tôt, au point d'occuper presque toute la cavité du corps, et passe en 
bas aurectum (fig. 11,7) en se rétréciseant peu à peu et en perdant 

progressivement ses éléments glandulaires, d’abord sur lescôtés, puis 
sur la face ventrale elle-même. Quant à la face dorsale, elle est par- 
courue sur toute la longueur de l'intestin par un bourrelet étroit et 


saillant dans la lumière, non glandulaire mais richement cilié. Infé- 


SUR DEUX NOUVEAUX NEOMENIENS. 415 


rieurement, ce bourrelet s’efface, s'étale de plus en plus, et tout le 
rectum finit par être tapissé d’une couche de cellules uniformément 
ciliées. Il se continue en s’élargissant avec le cloaque qui a la même 
structure que lui, et est légèrement plissé (fig. 22, cl). Le cloaque est 
entouré, particulièrement sur les côtés et sur la face dorsale, d’un 
srand nombre de glandules cloacales dont les cellules s’insinuent par 
leurs pointes entre les éléments de son épithélium, rappelant ainsi 
à l'extrémité inférieure du corps la structure et la disposition des 
glandules de la cavité buccale. 

| Système nerveux. — Le cerveau forme une masse unique, à section 
un peu oblongue, mais sans trace d’une division primitive en deux 
ganglions cérébroïdes. Supérieurement, ses bords externes se conti- 
nuent chacun en un petit lobe d'où part un filet nerveux (nerf buc- 
cal interne) qui se perd dans les petites masses ganglionnaires du fond 
du vestibule buccal (fig. 5, o) les plusrapprochées de la ligne médiane. 

De chaque côté, le cordon nerveux pédieux et le cordon latéral 
émergent d'un même point, de l’angle inféro-dorsal du cerveau. Le 
cordon latéral forme, à une très faible distance du cerveau, un petit 
ganglion allongé d'où partent en haut, d’un point commun, deux 
filets nerveux : le plus interne des deux va se distribuer en totalité 
aux petits ganglions dorsaux des cirrhes vestibulaires, il forme le 
nerf buccal moyen ; l'externe est le nerf buccal externe, mais avant 
de se terminer contre les cirrhes les plus latéraux 1l émet vers le mi- 
lieu de son trajet un très petit filet, puis un autre un peu plus fort qui 
se portent transversalement et vont se perdre dansle tégument labial 
au pourtour de l’orifice buccal. 

Le grand tronc latéral est dès son origine recouvert de cellules ner- 
veuses; un peu variqueux au début, il descend ensuite avec un dia- 
mètre sensiblement uniforme sans présenter, jusqu’à la région infé- 
rieure du corps, de renflements ganglionnaires appréciables.Il n'en 
est pas de même du cordon pédieux. Celui-ci est, au début, étroit et 
uniquement formé de fibres nerveuses; il représente alors un vérita- 


ble connectif cérébro-pédieux qui contourne l’æœsophage et se jette au- 


416 G. PRUVOT. 


dessous de la fossetie pédieuse dans un gros ganglion pédieux supé- 
rieur (fig. S, np) uni à son congénère par une forte commissure 
transversale. Au-dessous, le cordon est, partout, recouvert de cellules 
| nerveuses; mais il se renfle, à intervalles assez réguliers, en petits 
ganglions réunis à ceux de l’autre côté par des commissures trans- 
versales; les plus gros de ces ganglions n’atteignent pasle tiers du 
diamètre du premier ganglion pédieux. 

Comme représentant le stomato-gastrique, je ne réussis à décou- 
vrir, de chaque côté, qu’un petit filet nerveux qui se détache du cer- 
veau à la base même du connectif pédieux, se porte en dedans de 
lui contre la couche musculaire de l’æsophage et paraît s’y perdre 
au niveau du sommet de la poche sous-æsophagienne ; il est certain 
du moins qu'il n’y a pas de ganglions stomato-gastriques plus bas, 
au niveau ou au-dessous de la radula. 

A l’extrémité inférieure du corps, le tronc nerveux latéral est situé 
juste en arrière de l'organe en cordon (fig. 13, nl), envoie quelques 
filets relativement volumineux au milieu de ses muscles rétracteurs, 
puis passe en dedans de la portion ascendante de l’oviducte dans 
l'angle que forme avec elle la vésicule séminale. Il se renfle alors en 
un petit ganglion qui s’unit à celui du côté opposé par une commis- 
sure post-rectale (fig. 11, cd) dépourvue de cellules nerveuses, juste 
au-dessous du point de séparation des deux oviductes. Le cordon 
nerveux se continue au-dessous ; il se renfle à nouveau pour en- 
voyer du côté dorsal un filet qui va à la rencontre d’un filet sem- 
blable du côté opposé, et tous deux s'unissent à la base de l'organe 
sensitif caudal où ils se jettent dans un petit amas cellulaire qui a 
toute l’apparence d’un petit ganglion médian sur lequel reposent les 
hautes cellules de l’organe lui-même. Au même niveau, il part du 
côté antérieur un autre filet qui contourne en dehors l’organe pré- 
cloacal et l’organe en cordon pour aboutir à un renflement du cor- 
don pédieux situé un peu plus haut. Plus bas encore, un second, 
puis un troisième connectif, parallèles au précédent, unissent à 


nouveau le cordon latéral et le cordon pédieux. Cordon latéral et 


SUR DEUX NOUVEAUX NÉOMÉNIENS. 47 


cordon pédieux paraissent se terminer en pointe un peu au delà, sur 
les côtés du cloaque. 

Appareil génital. — L'individu que j’ai eu entre les mains était, au 
commencement de Juin, sur le point de pondre. Les deux glandes 
génitales accolées, comme d'habitude, en arrière de l'intestin, ren- 
ferment des œufs et des spermatozoïdes à tous les degrés de déve- 
loppement.' Elles s'ouvrent isolément, chacune par l'intermédiaire 
d'un conduit large et très court (fig. 11, gh), dans le péricarde ou sac 
ovigére. Celui-ci est une vaste poche, presque globuleuse (fig. 41 
et 13, pe), à mince épithélium plat, nulle part cilié, et distendue par 
les œufs qui la remplissent. Par une exception unique chez les 
espèces de Néoméniens que j'ai observées, les œufs subissent la 
maturation à l’intérieur du péricarde; car, chez tous, la vésicule 
germinative, très volumineuse chez les œufs encore contenus dans 
la glande génitale, a disparu ; on trouve à sa place, mais près de la 
paroi (fig. 18), un petit fuseau de division karyokinétique, et l'œuf 
est entouré d’une membrane vitelline très nette, imperforée, ce qui 
donne à penser que la fécondation s’effectue dans le péricarde lui- 
même. | 

Le raphé cardiaque, qui règne sur toute la hauteur de la paroi 
dorsale du péricarde, est comprimé, a sa lumière très réduite et 
presque entièrement obstruée par des fibres conjonctives et mus- 
culaires. Inférieurement, le péricarde se rétrécit, ses cellules de- 
viennent plus hautes, d’abord sur la face ventrale, puis peu à peu 
sur les côtés et en arrière, et il se Continue avec un tube court qui 
bientôt se divise en les deux ovéductes, ov. Ceux-ci remontent, à la 
manière habituelle, vers le sommet des cornes de l’organe pré- 
cloacal et portent, au tiers environ de leur trajet, une petite vésicule : 
Séminale (vs). Cette vésicule n’est qu'un simple diverticule en cul- 
de-sac de l’oviducte. Elle renferme des spermatozoïdes (fig. 20, sp), 
peu nombreux dans sa partie moyenne, mais accumulés près de son 
embouchure en un gros amas qui se prolonge dans la lumière de 


l'oviducte. Celui-ci a sa paroi complètement ciliée. Au point où il 


478 G. PRUVOT. 


débouche, en haut, dans la corne de l'organe précloacal, il émet un 
nouveau diverticule (fig. 41, vs’), sorte de vésicule séminale acces- 
soire, mais ne renfermant pas ici de spermatozoïdes. Son extrémité 
est coiffée de quelques grosses cellules vacuolaires paraissant avoir 
une fonction sécrétante. | 

L’organe précloacal est constitué d’abord par deux longues cornes 
(fig. 11 et 13, op’). Leur épaisse paroi est formée en dehors (fig. 19) 
d’une couche de petites cellules à limites indistinctes et à noyaux 
ronds très colorables, puis de hautes cellules de soutien à noyaux 
très allongés, fortement colorés aussi. Ces cellules apparaissent 
comme simplement filiformes sur les coupes transversales de l’or- 
gane qui les intéressent suivant leur longueur ; mais sur les coupes 
extrêmes, tangentielles, qui les intéressent transversalement, elles 
ont un aspect étoilé, formant un réseau à petites mailles rondes, 
régulières, dans lesquelles sont placées de grandes cellules e. 
Celles-ci sont des cellules glandulaires caliciformes, avec un noyau 
rond et clair relégué dans leur portion basilaire et un contenu très 
finement granuleux qui se déverse dans la lumière de l’organe. L’as- 
pect caractéristique des cellules de soutien est dû à leur compres- 
sion par ces éléments. 

Les deux cornes, se rejoignant inférieurement, forment le corps 
de l’organe précloacal lui-même (fig. 41 et 21, op). Il a, en section, 
une forme quadrangulaire, avec un bourrelet de sa paroi dorsale 
que continue le sillon de séparation des deux cornes et deux dépres- 
sions latérales pour loger l'organe en cordon. Ces dépressions s’ac- 
centuant plus bas de plus en plus, l'organe finit par être divisé en 
une chambre médiane et deux diverticules dorso-latéraux aplatis. 
La paroi, moins épaisse que celle des cornes, est extrêmement la- 
cuneuse ; elle montre d'abord à la base une couche continue de cel- 
lules à noyaux arrondis (fig. 21 et 17), qui supporte de place en 
place de longues cellules columnaires irrégulièrement infléchies en 
sens divers (fig. 17, /). Gelles-ci semblent des cellules glandulaires 


qui ne sont pas en activité de sécrétion. Elles laissent entre elles de 


SUR DEUX NOUVEAUX NÉOMÉNIENS. 4179 


larges aréoles; mais, à leur extrémité distale, elles s’étalent et se 
rejoignent en couche continue. A la région inférieure de l'organe, 
surtout du côté dorsal, ces cellules deviennent plus serrées, plus 
larges et plus régulières, les alvéoles entre elles s’effacent et elles 
ressemblent alors tout à. fait aux cellules caliciformes de la région 
précédente. 

A cet appareil, qui présente, en somme, la même disposition gé- 
nérale que chez les autres Néoméniens, est annexée une paire d’or- 
ganes dont on ne connaît l'équivalent que dans le genre Veomenia. 
Je leur ai conservé le nom d'organes en cordon, sous lequel les 
auteurs les ont décrits chez ces dernières : car, malgré les différences, 
ils sont incontestablement homologues des cord-like organs de Tull- 
berg, des strangfôrmigen Organen de Wirén. Les deux organes en 
cordon n’ont aucune communication entre eux ni avec les voies 
génitales, sauf à leur débouché commun dans le cloaque. Les 
figures 11 et 12 en montrent la disposition générale et les rapports, 
de profil sur la figure 11, de face et ouverts sur la figure 12; les 
coupes 14 à 17 en figurent la structure intime. 

L’organe en cordon consiste essentiellement en un long tube 
étroit, terminé en cul-de-sac à son extrémité supérieure qui se 
trouve à peu près au niveau du sommet de l'organe précloacal. Il 
renferme un long stylet qui n’est libre que dans son tiers inférieur 
environ, et qui, à l’état où se présentait l'individu observé, se ter- 
mine en pointe à une assez grande distance de l’orifice inférieur du 
tube. La cavité du tube est limitée partout par une paroi parfaite- 
ment continue, mais extrêmement mince, composée de cellules 
très aplaties où les noyaux allongés dessinent de légères bosselures 
(fig. 14 à 17, s). Au sommet du tube (fig. 14), la paroi du côté externe 
est invaginée à l’intérieur de la lumière où elle forme un repli sail- 
lant s', origine du stylet interne de l'organe. De nombreuses fibres 
musculaires mr, en forme de ruban aplati, insérées d’une part sur le 
tégument général du corps à des niveaux différents, se portent en 


dessinant des inflexions variées tout autour du tube; un certain 


480 G. PRUVOT. 


nombre sont logées dans l’épaisseur du raphé, pressées les unes 
contre les autres, mr", et on voit entre elles queiïques cellules à 
noyaux arrondis, semées sans ordre apparent. Ces fibres forment le 
muscle rétracteur de l'organe. 

A mesure qu'on descend, le raphé se pédiculise de plus en plus, en 
s'étranglant à sa base (fig. 15), de manière que le tube extérieurs 
est redevenu presque circulaire, et a son intérieur occupé par un 
stylet volumineux s’ qui est attaché à la paroi par une sorte de mé- 
sentère. En même temps, les fibres du muscle rétracteur se sont 
scindées nettement en deux groupes ; celles qui étaient au pourtour 
du tube se sont réunies en un faisceau mr, placé contre l'insertion 
pariétale du mésentère, et celles, mr', qui s'étaient engagées à l'in- 
térieur du stylet ont été refoulées contre sa paroi distale. Les cellules 
qui étaient éparses au milieu d'elles s’en sont dégagées et forment | 
au-dessous d'elles une couche régulière. L'intérieur du stylet, de 
cette couche jusqu’au mésentère, est formé par une substance 
anbiste, parfaitement transparente et non colorable, qui paraît être 
un produit de sécrétion de ces cellules. 

Le muscle rétracteur intrastylaire ne se prolonge que jusque vers 
le milieu de la hauteur de l'organe ; au delà, le stylet n’est plus 
formé que par le produit de sécrétion précédent, toujours entouré 
du côté distal par les cellules qui le produisent (fig. 16, s’). Ces cel- 
lules s'étendent peu à peu sur tout le pourtour du stylet, le mésen- 
tère s’amincit et finit par disparaître; alors le stylet, qui a pris une 
forme légèrement excavée du côté correspondant au mésentère, de- 
vient libre dans la cavité du tube. La substance sécrétée interne di- 
minue peu à peu à son tour et disparaît un peu avant la pointe du 
stylet, qui n’est formée alors que par les cellules qui l’enveloppaient 
(fig. 47). 

Le muscle rétracteur externe mr a un trajet plus long que lin- 
terne. 1l s’insinue dans un dédoublement de la membrane du tube 
(fig. 16, s), puis gagne progressivement sur les côtés et finit par en 


envahir tout le pourtour, lui formant une gaine musculaire continue 


SUR DEUX NOUVEAUX NÉOMÉNIENS. 481 
(fig. 17, s), mais toujours plus épaisse du côté qui correspondait au 
mésentère. Le nombredes fibres diminue peu à peu, à mesure qu'elles 
s’attachent les unes après les autres sur la paroi, mais les dernières 
ne disparaissent que peu au-dessus de l’orifice. 

Tout l’organe subit dans son trajet un mouvement de torsion qui 
lui fait faire sur lui-même un tour presque complet de dehors en 
dedans, comme on peut s’en rendre compte par les positions suc- 
cessives que prend le mésentère sur la série des figures 14 à 17 qui 
sont toutes orientées de même, la partie correspondant à la face 
ventrale du corps étant placée en bas. 

L’organe en cordon est placé d’abord sur les côtés du corps, en 
arrière et à une certaine distance de la corne de l'organe précloacal 
(fig. 13,5). À partir du point où elle aboutit au corps de l’organe 
précloacal lui-même, le tube se trouve plus rapproché de ce dernier, 
d’abord sur sa face latérale, puis en bas sur sa face ventrale. Il a été 
mentionné déjà, et l’on peut voir sur la figure 21 que la paroi de 
l'organe précloacal s’excave en une gouttière de plus en plus pro- 
fonde où est logé l'organe en cordon. Mais les parois des deux or- 
ganes ne sont nulle part en contact. Il existe entre elles un tissu 
un peu énigmatique dans sa structure, qui doit avoir pour rôle de 
faciliter le glissement de l'organe en cordon sous l’action de ses 
muscles rétracteurs et protracteurs. A cet effet, toute la gouttière 
de l’organe précloacal est tapissée extérieurement d’une épaisse 
couche de substance hyaline, paraissant formée de lamelles con- 
centriques entre lesquelles se trouvent des cellules aplaties et al- 
longées (fig. 16, x). Ce tissu n’est pas sans ressemblance avec un car- 
tilage de soutien. Une couche de cellules étirées en longues tibres, y, 
qui ne sont peut-être que les plus externes des cellules précédentes, 
le revêt extérieurement. Toutes se dirigent transversalement vers le 
tube, et quoique, sur Îles coupes, la plupart ne paraissent pas l’at- 
teindre, il n’y a guère à douter qu'elles servent à le maintenir en 
place, tout en lui laissant une certaine liberté de mouvements. 

La partie inférieure de l’organe en cordon, dès qu'il a dépassé en 


ARCH. DE ZOOL, EXP, ET GÉN. — 8€ SÉRIE, — T, VII. ! 899, 31 


482 G. PRUVOT. 


bas la gouttière précédente, s’entoure à nouveau d’une très épaisse 
gaine musculaire (fig. 12, mp) dont les fibres, après un assez court 
trajet longitudinal, s’insèrent sur la paroi du corps au pourtour du 
cloaque. Elles forment le muscle protracteur de l'organe. 

Les deux tubes, très rapprochés l’un de l’autre à leur extrémité 
inférieure, ne s'ouvrent pas directement au dehors. Ils se divisent 
dans l’épais bourrelet qui se trouve en avant du cloaque en deux 
petits culs-de-sac dont l’un, antérieur (fig. 99, c), est à peu près sur 
le prolongement du tube lui-même; l’autre, plus volumineux et 
renflé (fig. 11, a), est postérieur. Mais, un peu au-dessus, on voit se 
détacher de chaque tube à angle droit, un petit conduit qui bientôt 
se fusionne avec celui du côté opposé en un canal impair (fig. 21, ce), 
et celui-ci va s'ouvrir dans le cloaque sur la ligne médiane, juste au- 
dessous de l’orifice de l’organe précloacal. Ces conduits ont le même 
épithélium cubique et cilié que la paroi cloacale. 

A s’en rapporter à l'examen des préparations, les stylets de l’or- 
gane ne paraissent guère capables de faire saillie au dehors, pour 
jouer un rôle dans l’accouplement. Ils paraissent notamment se ter- 
miner à l’intérieur de leurs gaines trop loin de l’orifice pour que les 
courts muscles -protracteurs suffisent à en amener la pointe au 
dehors. Mais je dois confesser qu’il n’est pas certain que j'aie eu sous 
les yeux la totalité de l'appareil. N'ayant rien montré sur le vivant 
qui pût attirer l’attention de ce côté, l'individu étudié ici a été fixé 
par le sublimé acétique et coloré par le carmin à l’alun, de telle ma- 
nière que toutes les productions calcaires ont disparu. Les stylets 
étaient-ils recouverts ou prolongés par une formation calcaire ? Y 
avait-il, en dehors du stylet lui-même, une autre pièce, comme le 
deuxième stylet en gouttière qui a été signalé chez les Neomenia ? 
Tout ce que je puis affirmer, c’est que l’examen le plus attentif ne 
m'a permis de reconnaître rien de semblable. Il paraît difficile que 
des productions de cette sorte, relativement volumineuses, quelque 
proportion de calcaire qui pût entrer dans leur composition, aient 


disparu sous l’action des acides, sans laisser la moindre trace. 


SUR DEUX NOUVEAUX NÉOMÉNIENS. 483 


Position systématique. — De la description précédente, il ressort 
que les éléments caractéristiques à retenir, pour la discussion des 
affinités, se rencontrent dans les léguments, l’armature pharyn- 
gienne et les organes annexes de l'appareil génital. Les définitions 
du genre et de l'espèce peuvent être formulées ainsi : 

STYLOMENIA, n. g. — Corpus crassiusculum, molle, branchis nullis ; 
cuticula tenuis, sine papillis, spiculis planis imbricatis obtecta ; radula 
una serie mediana denticulorum styliformium constans ; duo styli pe- 
niales longi, vaginis inclusi, prope aperturam genitalem, glandula 
propria destituti. 

STYLOMENIA SALVAIORI, n. sp. — Corpus 8 mil. (index : 8), colore 
pallido, spiculis alatis prope sulcum ventralem, cetero corpore discoideis 
et lamelliformibus ; denticuli radulæ pauci(3), apice recto acuto, bacillis 
_minimis interpositis ; styli peniales simplices, incalcarati. 

Cette espèce a le corps relativement trapu, à indice d’allongement 
inférieur à 10, comme toutes les formes connues pour mener une 
existence franchement vagabonde. C’est chez celles-ci qu’il faut évi- 
demment chercher les formes les moins évoluées, les plus voisines 
du type primitif, et parmi elles, chez les espèces à radula développée 
(puisqu'il est admis par tout le monde aujourd'hui que l’absence 
de cet organe est due à une atrophie secondaire occasionnée, selon 
toute vraisemblance, par le genre de vie soit parasitaire, soit du 
moins tout à fait sédentaire) et à cuticule tégumentaire mince avec 
spicules aplatis. On sait, en effet, que les téguments des Néoméniens 
appartiennent à deux types bien différents : l’un à cuticule mince, 
dépourvue de papilles épidermiques et recouverte d’une couche de 
spicules plats et imbriqués ; l’autre à cuticule épaisse, traversée par 
de nombreuses papilles cutanées à tête renflée et par des spicules 
allongés, aciculaires, dont la base est implantée dans la cuticule à 
des niveaux différents. Il y a entre eux une démarcation bien tran- 
chée ; à peine si la Paramenia sierra Pr. indique dans une certaine 
mesure une transition, appartenant au deuxième type par la forme 


et le mode d'implantation de ses spicules, mais ayant une cuticule 


484 .. G. PRUVOT. 


moins épaisse que d'habitude el à peu près complètement privée 
de papilles cutanées. | 

Le premier type est le type primitif, comme tendent à le prouver 
‘ses caractères eux-mêmes et aussi le fait que, chez des formes appar- 
tenant aussi manifestement au second que la Æhopalomenia aglao- 
pheniæ (Kow. et Mar.), le jeune animal, aussitôt après la métamor- 
phose larvaire, apparaît couvert de spicules en écailles imbriquées 
placées à plat sur une cuticule extrêmement réduite, qui ne feront 
place qu'ultérieurement au revêtement cuticulaire caractéristique, 
à papilles et à spicules en aiguilles. | 

Par ces caractères de premier ordre, la Stylomenia doit être 
rangée dans une section des Néoméniens qui renfermerait avec elle 
les Lepidomenia hystrix Kow. et Mar., Dondersia festiva Hub., /sme- 
nia ichthyodes Pr. et Macellomenia palifera (Pr.). Et, si l’on attribue à 
la structure du revêtement tégumentaire l'importance prédominante 
qu'il paraît mériter, il faudrait placer encore dans cette division les 
Myzomenia banyulensis (Pr.) et Nematomenia flavens (Pr.) qui seraient 
dérivées des formes précédentes et devraient à l'existence parasi- 
taire qu’elles mènent enroulées autour des rameaux d’Hydraires 
l’étirement du corps et la perte de la radula. 

En ce qui concerne la radula, cette section paraît à première vue 
très hétérogène. Simroth* distingue, en effet, deux types de radula 
chez les Néoméniens, la radula polystique, comparable à celle des 
Gastéropodes, formée de rangées transversales comprenant chacune 
un certain nombre de dents égales ou subsemblables (ex. : Proneo- 
menia Sluiteri Hub.), et la radula dstique, dont chaque rangée ne 
comprend que deux crochets arqués se regardant par leur pointe et 
indépendants l’un de l’autre, comme dans l’appareil maxillaire de 
certaines Annélides (ex. : Paramenia impexa Pr.). Les Dondersia fes- 


tva et Macellomenia palifera appartiennent à la première catégorie, 


1 G. Pruvor, Sur l’embryogénie d’une Proneomenia (Comptes rendus de l’Académie 
des sciences de Paris, t. CXIV, 18992, p. 1212). 
? H. Simrotu, Bronn's KI. u. Ordn. d. Thier-Reichs, t. III, p. 480. 


SUR DEUX NOUVEAUX NÉOMÉNIENS. 485 


Lepidomenia hystrix et Ismenta ichthyodes à la seconde. Mais pour la 
radula polystique, je crois qu’il y a lieu d’établir une distinction. 
Les recherches presque simultanées de Wirén sur la Proneomenia 
acuminata (Wir.)' et de Heuscher sur la Proneomenia Sluiteri Hub.? 
ont prouvé que, chez ces deux espèces, la radula se compose d’une 
lame basale continue sur laquelle font saillie les denticules des ran- 
gées transversales, soit qu’ils ne représentent que des épaississe- 
ments locaux de la lame basale, soit qu’ils soient produits indépen- 
damment par l’épithélium supérieur de la gaine radulaire et soudés 
secondairement à la lame basale. Cette question n'est pas encore 
parfaitement élucidée ; mais, quoi qu'il en soit, la radula est d’une 
seule pièce ; c’est une radula polystique continue. Au contraire, la 
radula de la Proneomenia vagans (Kow. et Mar.), par exemple, est, 
d’après Thiele*, dépourvue de lame basale: chaque rangée transversale 
estindépendante des autres, et même dans la gaine radulaire toutes 
les dents sont séparées, et des cellules épithéliales remplissent l'in- 
tervalle entre elles. C’est une radula polystique discontinue, et les 
formations radulaires de ce type ménagent une transition entre les 
deux types extrêmes qu'on distinguait seuls jusqu’à présent. 

Il est, je crois, possible de se rendre compte de la manière dont 
s'effectue la transition. Il paraît, en effet, y avoir une relation 
étroite entre la radula et la dernière portion des conduits salivaires. 
Ainsi, on ne connaît aucune espèce pourvue de radula et dépourvue 
de canaux salivaires; de plus, la radula est toujours située juste au 


point où les conduits salivaires débouchent dans l’æœsophage”, et 


1 À, VIRÉN, Kongl. Svenska Vet.-Akad. Handl., t. XXV, 1892, p. 76, pl. X. fig. 9. 
2? J. Heuscxer, Zur Anaiomie und Histologie der Proneomenia Sluiteri Hub. (Jen. 

Zeitsch. f. Naturw., t. XX VII, N. F. XX, 1892), p. 23, pl. XXI, fig. 13 et 44. 

3 J. THieLE, Zeitsch. f, wiss. Zool., t. L'VIII, 1894, p. 262. 

* Sauf une exception unique chez la Proneomenia (Amphimenia) neapolitana (Th.), 
où Thiele (loc. cit., p. 253 et fig. 72) indique et figure deux conduits salivaires in- 
dépendants s’ouvrant sur deux bourrelets dursaux de l’æsophage, alors que la radula 
formée d'une seule série longitudinale de petites pièces médianes est à sa place 
ordinaire sur la face ventrale. Cette anomalie s’expliquera peut-être si on peut éla- 
blir, ce que ne permettent pas d’affirmer pour le moment le texte et les figures de 


486 G. PRUVOT. 


enfin la radula, qui est toujours du type distique quand les deux 
conduits s'ouvrent isolément (Paramenia impexa et sierra, Para- 
‘rhopalia Pruvoti, Ismenia ichthyodes), devient polystique quand ils 
débouchent par un orifice commun (Proneomenia Sluiteri, acumi- 
nata, vagans et desiderata, Dondersia festiva, Macellomenia palifera). 
Comme chez les espèces à radula distique, la série longitudinale des 
crochets est située du côté interne de l’orifice salivaire, on conçoit 
que si les orifices viennent à se rapprocher, il en sera de même des 
deux rangées de crochets comprises entre eux, et quand les orifices 
se seront fusionnés en un seul, les odontoblastes refoulés en arrière 
d'eux et amenés au contact sur la ligne médiane produiront, au lieu 
de deux crochets indépendants, une bandelette transversale unique, 
mais séparée de ses voisines en dessus et en dessous (radula polys- 
tique discontinue). Puis les progrès de l’évolution pourront amener 
l'extension des plaques dentaires et leur fusion également dans le 
sens longitudinal, d’où naîtra le type polystique continu. 

On a quelques indices que les choses ont dû se passer réellement 
de la sorte. Ainsi, la Proneomenta vagans (Kow. et Mar.), qui présente, 
comme il aété indiqué plus haut, une radula polystique discontinue, 
montre chaque rangée transversale composée de quatorze dents, 
petites et semblables, mais sauf les deux les plus externes ; celles-ci 
sont en forme de crochets bidentés‘, plus hautes que les autres et 


l’auteur, que l’espace dorsal entre les deux bourrelets représente seul le véritable 
æsophage, et que l’espace ventral compris entre eux, et qui du reste se termine en 
cul-de-sac un peu plus bas, résulte de la fusion des deux conduits salivaires consi- 
dérablement développés. La radula serait alors située, avec ses rapports normaux, 
à leur point d’union sur la ligne ventrale. 

Non seulement, chez les autres espèces, il y a juxtaposition entre le pourtour de 
l’orifice salivaire et celui du diverticule où se forment les dents de la radula, mais 
encore on peut reconnaître parfois que l’épithélium de ce dernier est en rapports 
plus intimes, en continuité plus directe avec l’épithélium du conduit salivaire qu'avec 
celui de la paroi œsophagienne elle-même. C’est le cas notamment pour la Stylome- 
nia où les éléments formateurs des stylets radulaires sont différents des cellules 
épithéliales de l’æœsophage, mais identiques et en rapport manifeste avec celles de la 
petite poche sous-æsophagienne qui n’est en somme que la portion terminale com- 
mune des deux conduits salivaires. 

1 J. THieLe, Zeilsch. f. wiss. Zool., t. LNVIII, pl. XV, fig. 104. 


SUR DEUX NOUVEAUX NÉOMÉNIENS. 487 


enchâssées à leur base dans une fossette épithéliale qui leur est 
propre. Elles rappellent donc de près les deux séries de crochets 
d'une Paramenta, par exemple, et montreraient ainsi une des étapes 
de la transformation de la radula distique en radula polystique. Un 
autre exemple est fourni précisément par l'espèce qui fait l’objet du 
présent travail. La Stylomenia Salvatori a une radula qui doit être 
attribuée au type polystique, puisqu'elle est formée de pièces im- 
paires seulement et que les deux conduits salivaires débouchent par 
un orifice commun, et polystique discontinue puisque chacun des 
stylets dentaires naît dans une crypte spéciale. Mais on reconnaît 
que chacun des stylets est, en réalité, formé de deux parties arquées, 
soudées plus ou moins intimement à leur pointe; leur origine 
double est encore confirmée par les paires de petites tigelles qui sont 
interposées entre les grands siylets. Elle montre ainsi encore quel- 
ques traits de la radula distique d'où elle est très vraisemblablement 
dérivée. Parmi toutes les formes connues, celle dont elle se rap- 
proche le plus paraît être l’Zsmenia ichthyodes. Celle-ci a, en effet, 
une radula formée de deux séries de plaquettes séparées les unes 
des autres par des intervalles très réduits tant dans le sens trauns- 
versal que dans le sens longitudinal. Elles paraissent être vague- 
ment quadrangulaires, mais leur angle interne est prolongé en une 
assez forte pointe, presque droite, qui semble presque toucher sa 
congénère du côté opposé. On reconnait là quelque chose d’intermé- 
diaire entre la radula distique type, à crochets arqués et à bords 
dentelés, et les stylets de la Siylomenia. Et, d'autre part, ceux-ci 
conduiraient, sans grande modification, à la forme présentée par 
l’'Amphimenia neapolitana Th., où les petites pièces impaires qui 
constituent toute la radula sont encore bifides inférieurement. 

En ce qui concerne les organes d’accouplement, annexés aux 
voies génitales mais sans communication directe avec elles, les espèces 


du genre ÂVeomenia étaient jusqu'ici seules connues pour avoir une 


1 J. Tuieue, Zeülsch. f. wiss. Zool., t. LVIII, pl. XIV, fig. 78. 


488 G. PRUVOT. 


paire d'organes en cordon renfermant dans leur intérieur un appa- 
reil spiculaire pénial. Chacun de ceux-ci se compose d'une tige 
solide repliée en gouttière dans laquelle peut glisser une autre tige 
cylindrique. Ces pièces sont fortement incrustées de calcaire chez 
la Veomenia Dalyelli (Wir.), mais non chez les Veomenia carinata 
(Tullb.) et microsolen (Wir.). En outre, à chaque organe en cordon 
est rattachée une glande propre qui débouche dans sa lumière. 

Cet appareil existe aussi chez la Séylomenia, mais avec une 
complexité moindre; la glande propre manque entièrement, le stylet 
pénial est unique, non calcaire. Mais, d’après les figures consacrées 
par Thiele à la Veomenia grandis (Th.) ‘, de Naples, l'organe paraît 
naître comme ici au fond de sa gaine sous forme d’un bourrelet 
saillant dans la lumière et auquel s'attache le muscle rétracteur. 
Ce serait ce bourrelet qui plus bas, en se différenciant, donnerait 
par cuticularisation de son épithélium la tige centrale et la gout- 
tière qui l'entoure. Cette dernière répondrait donc à la partie dor- 
sale, opposée au mésentère, du stylet chez notre espèce (pl. XI, 
fig. 14 à 16), cuticularisée et devenue distincte de la partie centrale 
qui forme le stylet interne. Quoi qu'il en soit, cet appareil repré- 
sente chez la Stylomenia, sous une forme plus simple et moins per- 
fectionnée, celui des Veomenia. 

On peut se demander s’il n’existe réellement pas d’autres forma- 
tions homologues chez les autres espèces ?. Il est à remarquer que 


chez la Stylomenta, les deux gaines péniales aboutissent à un canal 


1 J. Tige. Zeütsch. f. wiss. Zool., t. LVIIT, pl. XIII, fig. 46 et 47. 

2 J'avais émis l'opinion (loc. cit., p. 775) que les tubes spiculaires, débouchant à 
la terminaison du sillon pédieux, qui ont été décrits d’abord par Kowalewsky et 
Marion chez la Proneomenia vagans, qui ont été retrouvés par moi chez une autre 
espèce dont Simroth a fait la Paramenia (Pararhopalia) Pruvoti et que Heuscher a 
prouvé exister également, comme je le pensais et comme Virén l’a contesté à tort, 
chez la Proneomenia Sluiteri, sont les homologues des organes en cordon des Neo- 
menia. Il faudrait renoncer à cette assimilation, puisque Virén a rencontré coexis- 
tant chez la même espèce (Neomenia Dalyelli) et les tubes spiculaires, avec un gros 
spicule calcaire unique, et les organes en cordon. Mais tous les organes et les 
glandes de la région cloacale appelleraient de nouvelles études. 


SUR DEUX NOUVEAUX NÉOMÉNIENS. 489 


commun, court, qui est plongé au milieu d'un tissu d'apparence 
glandulaire (glande préanale) en avant de l’organe précloacal et qui 
débouche dans le cloaque sur la ligne médiane. Or, plusieurs autres 
espèces, les Paramenia entre autres, présentent là un petit diverti- 
cule cloacal médian, entouré de la même masse glandulaire préa- 
nale, et chez l’/smenia ichthyodes Pr. il y a, à la même place, une 
poche volumineuse prolongée supérieurement en un tube étroit qui 
se termine en cul-de-sac. Il est possible qu’elle représente morpho- 
logiquement, sinon fonctionnellement, l’ébauche de l'appareil pénial 
de la Sfylomenia, et par là encore se justifierait le rapprochement 
entre les deux espèces. 

En somme, le genre Séfylomenia montre dans les traits principaux 
de son organisation des caractères de transition intéressants. Il 
doit faire partie, ainsiquele genre /smenia, d’un groupe assez primitif 
qui donne la main d'un côté à la tribu des Pronéoménides et de 
l’autre à celle des Néoménides. 


Il 
STROPHOMENIA LACAZEI, n. g., N. SP. 


M. de Lacaze-Duthiers m'a remis pour en faire l'étude trois beaux 
Néoméniens enroulés étroitement autour d’un rameau de Muricæa, 
qu'il a recueillis dans les engins des pêcheurs de Corail à la Calle 
(Algérie) en 1873, au cours de la mission hydrographique du Varval 
dirigée par l’amiral Mouchez. L’habitat, la taille, la forme exté- 
rieure, et aussi les premières préparations des spicules et du tégu- 
ment, m avaient fait d'abord identifier sans hésitation ces animaux 
avec l’espèce que Kowalewsky a trouvée vers la même époque dans 
la même localité de la côte algérienne et qu'il a décrite sous le nom 
de Veomenia gorgonophila!, changé plus tard en celui de Proneo- 


mena gorgonophila après la découverte d’un autre individu sur une 


‘ À. Kowazewsxky, Neomenia gorgonophila (Nouv. Soc. imp. Amat. Sc, nal., An- 
{hrop. et Ethn. Moscou, t. XXXVII, 1884, p. 181-186, pl, I-II). 


490 G. PRUVOT. 


Muricæa de Marseille ‘, et que Simroth a placé ensuite dans son 
genre /hopalomenta *. Mais un examen plus approfondi montre 
. qu'il s’agit d’une espèce toute différente et qu'il est même impos- 
sible de faire rentrer dans un des trois genres auxquels sa congénère 
a été successivement attribuée. | 

Les trois individus sont à peu près de même taille et de même 
aspect général; mais deux d’entre eux sont flasques et macérés, 
trop altérés par leur long séjour dans l’alcool pour qu’on puisse 
espérer en tirer parti au point de vue de l’organisation interne. Le 
troisième, en très bon état apparent, m'a permis d'étudier sur les 
coupes, sinon la fine structure histologique, du moins la constitu- 
tion et les rapports des principaux organes ; C'est à lui que se 
rapporte la description qui suit. 

Le corps (fig. 23) qui mesure 45 millimètres de long sur 222,3 
de large, et qui a, par conséquent, 20 comme valeur de l’indice 
d’allongement, paraît sur l'animal enroulé autour de son sup- 
port absolument cylindrique, sans carène dorsale, arrondi à ses 
deux extrémités céphalique et caudale, qui sont toutes semblables 
et de même largeur. Mais, quand on le détache, on reconnaît sur 
la face ventrale une large sole aplatie, parcourue en son milieu 
par le sillon pédieux et qui se raccorde avec la courbe des flancs 
par un angle mousse formant carène; cette carène est encore 
accentuée par la présence sur son trajet de spicules beaucoup 
plus développés que sur le reste du corps, perceptibles à l'œil 
nu et s’élevant presque normalement à la surface du tégument. IL 
résulte de là que le corps présente en apparence, dans la région 
moyenne surtout, une section transversale triangulaire, ou plus 
exactement cordiforme, à angles très émoussés. La cuticule, extrè- 
mement épaisse sur les flancs (0%%,15), l’est moins sur la face dor- 
sale où elle varie de Ow»,08 à 022,148. Mais la substance cuticulaire 


1 A. Kowazewsky et A.-F. Marion, Ann. Mus. hist. nat. Marseille, t. III, 1889, 


p-75 pl NII" 
2 H. Simrorux, Bronn’s Kl. u. Ordn. d. Thier.-Reichs, t. IIT, 1893, p. 280. 


4 


SUR DEUX NOUVEAUX NÉOMÉNIENS. A91 


fondamentale y a la moindre part, littéralement criblée qu'elle 
est par les cavités qui renferment les spicules et les papilles cu- 
tanées. 

Les spicules ressemblent, en général, par leur forme, à ceux de 
diverses Proneomenia (sensu lat.) qui ont été décrites. Sur les flancs 
et sur le dos, ce sont des spicules aciculaires (fig. 24, a), de 0,2 
à 022,25 de longueur en moyenne sur 25 u de largeur maximum, 
légèrement aplatis et courbés sur un côté, terminés en pointe fine 
à leur extrémité et implantés dans la cuticule par une base arron- 
die et mousse ; leur cavité se prolonge jusque dans cette base où 
elle se termine en pointe. Implantés très obliquement ils suivent, 
en général, deux directions principales se croisant à angle droit, de 
manière à former, quand on regarde à plat un fragment de cuticule, 
un quadrillage assez régulier tout semblable à celui qu'ont figuré 
Kowalewsky et Marion pour la Æhopalomenia aglaopheniæ'. Les 
dimensions de ces spicules varient dans une large mesure; ils sont 
d'autant plus grands, en général, qu'on se rapproche davantage de 
la face dorsale et d'autant plus petits qu’ils sont plus rapprochés 
des crêtes latérales de la face ventrale. Aussi, sur ces dernières, le 
contraste est-il très accusé entre les petits spicules du revêtement 
général et les grands spicules à, beaucoup moins nombreux, qui 
s'élèvent çà et là au-dessus de la broussaille des précédents. Ils ont 
sensiblement la même forme, mais ils sont à peu près rectilignes et 
non rétrécis à leur base d'implantation, ils atteignent jusqu’à 
022,35 de long sur 0"*,04 de large. Au delà des crêtes latérales, 
sur toute la sole ventrale, les spicules continuent à décroître et 
passent, vers le sillon pédieux, à des spicules c encore plus petits. 
(022,13 de longueur en moyenne), beaucoup plus recourbés, plus 
aplatis et dont la cavité centrale s’arrête beaucoup plus loin de la 
pointe. Geux-ci sont dirigés à peu près transversalement et presque 


parallèles, ne s’entre-croisant pas comme les précédents. On en 


1 À. KowaLEwsxy et F.-A. MaARION, Ann. Mus. Marseille, t. III, pl. V1, fig. 12. 


492 G. PRUVOT. 


trouve au milieu d'eux quelques-uns de la forme c', et enfin les 
bords mêmes du sillon pédieux sont garnis de plusieurs rangées de 
_ spicules imbriqués d, aplatis en forme de lame de couteau et extré- 
mement petits (02%,05 de long au plus). 

Les papilles cutanées montrent un développement exceptionnel 
et très caractéristique, qu'on ne trouve à un égal degré que chez la 
Proneomenia gorgonophila (Kow.). Elles sont, comme chez cette 
dernière, pressées les unes contre les autres au point de former au 
tégument un revêtement continu! et d’être rendues polyédriques 
par leur pression réciproque. Sur les coupes intéressant tangen- 
tiellement la surface (fig. 25), on les voit former comme un dallage 
à champs inégaux, légèrement bombés et séparés des voisins seu- 
lement par un mince liséré de cuticule interposée. 

Le pédicule, grêle, a une apparence purement fibrillaire et ne 
porte que très exceptionnellement un ou deux noyaux sur son 
trajet. La tête renflée, de largeur très variable, mais de hauteur à 
peu près constante (02%,06 à 0“%,07 en moyenne), parfois presque 
globuleuse, mais le plus souvent allongée et subcylindrique, n'oc- 
cupe pas entièrement la cavité creusée dans la cuticule, ce qu'il 
faut attribuer pent-être au retrait par l'alcool. Mais ce qui dis- 
tingue ces papilles de celles de l’autre espèce algérienne, c’est que 
toutes les têtes renflées sont ici manifestement pluricellulaires. 
Les limites des cellules ne sont pas distinctes, peut-être à cause de 
l’état imparfait de fixation, mais les noyaux qui se colorent d’une 


facon intense par l’hématoxyline sont parfaitement reconnaissables. 


1 SimrotTx dit (Loc. cit., p. 230, en note} que les extrémités renflées des papilles se 
touchent sous la cuticule chez la Proneomenia gorgonophila de Provence, tandis 
qu’elles sont séparées par des intervalles chez celle d'Algérie. C’est ce qui paraît 
ressortir en effet des premières figures données par Kowalewsky dans les Nouvelles 
de la Société des sciences naturelles de Moscou. Mais, en fait, cette différence n’existe 
pas ; le dessin donné par Kowaiewsky et Marion est une rectification des figures 
anciennes. Ils déclarent, en effet (loc. cit., p. 45), que l'individu qu'ils ont eu entre 
les mains à Marseille, complètement desséché, était impropre à toute étude, et que 
leurs dessins comme leur description ont tous été faits d’après des préparations exé- 
cutées sur des individus de la Calle. 


SUR DEUX NOUVEAUX NÉOMENIENS. 493 


Le plus souvent ils paraissent formés d’une sphère hyaline dont le 
centre est occupé par un corps chromatique arrondi; quelques-uns 
sont légèrement ovalaires. On en compte une dizaine et plus dans 
les grandes papilles ; leur taille est inégale ; on en trouve presque 
toujours soit un, soit deux, beaucoup plus volumineux que les 
autres, mesurant de 9 à 10 & de diamètre. Tous les noyaux sont 
réunis dans la partie proximale du renflement papillaire, et la 
moitié distale n’est occupée que par une substance non colorable, 
apparaissant d’un gris Jaunâtre sur les coupes, finement granu- 
leuse, qui s'applique exactement contre le plafond de la capsule 
papillaire en son milieu (fig. 26). 

Il à été dit déjà que les papilles sont étroitement serrées les unes 
contre les autres. La figure 25, qui représente un fragment d’une 
coupe tangentielle au sommet de l’extrémité céphalique, montre la 
: minceur extrême des cloisons qui les séparent et qui dessinent un 
réseau polygonal serré avec seulement çà et là quelques interstices 
aux angles pour les spicules peu nombreux dont la pointe dépasse 
la surface. Leur substance paraît différer de la cuticule générale 
sous-jacente par l’avidité avec laquelle elle retient l’'hématoxyline : 
elle reste aussi fortement colorée sur les préparations que le mucus 
de la glande suprapédieuse. 

Les coupes qui intéressent les papilles dans le sens longitudinal 
(fig. 26) montrent qu'elles sont complètement closes et ne s’ouvrent 
pas à l’extérieur, comme Wirén l’a signalé chez la Proneomenia 
acuminata !. Les plafonds des capsules papillaires qui forment par 
leur juxtaposition la limite externe du tégument sont constitués 
par une lame de la même substance cuticulaire, aussi régulière et 
presque aussi mince que les cloisons de séparation. Les menus 
corps étrangers qu'on trouve à la surface y sont simplement apposés 
et non englobés dans la cuticule. Cela ne parle guère en faveur d’un 


rôle glandulaire actif comme celui qu'admettent presque tous les 


1 À. WIREN, Kongl. Sv. Vel.-Akad. Handl.. t. XXV, p.71, 


494 G. PRUVOT. 


auteurs pour les formations semblables des autres Néoméniens. 
Il y a pourtant à mentionner de petits corps assez énigmatiques 
(fig.095,ux) qui se présentent en très grande abondance dans les 
“cloisons, et surtout à leurs angles, mais pas dans toutes. Ils ont 
l’aspect de très petits spicules, de 20 à 22 Len moyenne de longueur, 
incolores et réfringents, fusiformes, mais non calcaires, puisqu'ils 
ont persisté sur des pièces décalcifiées où les grands spicules cal- 
caires du tégument ont complètement disparu. Emprisonnés d’ordi- 
naire dans la substance des cloisons, mais faisant parfois saillie dans 
la cavité des capsules, ils ne se trouvent que dans la zone qui cor- 
respond aux têtes des papilles ; mais là ils sont parfois, très nom- 
breux, serrés les uns contre les autres et orientés pour la plupart 
normalement à la surface générale du corps. Ils semblent particu- 
lèrement abondants sur toute l’extrémité céphalique où ils forment 
parfois, dans certains interstices entre les papilles, de véritables 
touffes, et surtout dans l’épaisseur des bourrelets labiaux latéraux. 
La première idée qu'ils éveillent est d’y voir des corps étrangers, 
spicules d'Éponges ou Diatomées, qui auraient été emprisonnés 
entre les papilles au moment du dépôt de la substance des cloisons. 
Mais leur disposition assez régulière, l’absence d’autres corps étran- 
gers mélangés à eux, leur rareté, pour ne pas dire leur absence, à la 
surface libre du tégument, et aussi, dans une certaine mesure, leur 
ressemblance avec les très petits spicules foliacés qui entourent les 
organes sensitifs céphalique et caudal chez plusieurs formes médi- 
terranéennes, doivent faire hésiter à adopter cette interprétationg 
La fossette pédieuse est assez enfoncée, et la cuticule générale 
avec ses spicules y pénètre assez profondément (fig. 27, f). Sa cavité 
a, en section transversale, dans sa partie moyenne la forme d’une 
étoile à cinq branches (fig. 29, f). Cette forme est due à ce que sa 
paroi dorsale est soulevée sur la ligne médiane en une crête trian- 
gulaire peu saillante, et que les parois latérales s’avancent dans la 
cavité en deux bourrelets très accentués. La branche antérieure de 


l'étoile est une gouttière a comprise entre deux autres bourrelets 


SUR DEUX NOUVEAUX NÉOMÉNIENS. 495 


latéro-ventraux qui continuent à l’intérieur de l’organe les lèvres de 
son orifice. Au point de vue de la structure de sa paroi, la fossette 
pédieuse montre une division en deux régions différentes, semblable 
à celle que j'ai rencontrée chez d’autres Néoméniens, "en particulier 
chez la Paramenia impexa !, une région dorso-supérieure qui cor- 
respond au fond de l’organe et une région inférieure et ventrale qui 
en représente l’entrée et à laquelle appartient l’orifice. La paroi de 
cette dernière région est formée de hautes cellules cylindriques qui 
ne paraissent pas, d’après mes préparations, porter de cils vibratiles 
et entre lesquelles ne pénètrent que de rares prolongements de cel- 
lules glandulaires. L'autre région, qui comprend en haut toute la 
paroi du cul-de-sac supérieur de la fossette et, plus en arrière, la 
paroi dorsale et les deux bourrelets latéraux, est tapissée d’un revê- 
tement dense de longs cils vibratiles, et, entre les cellules qui portent 
les cils, on voit pénétrer les fins prolongements & des longues cel- 
lules À qui constituent la glande suprapédieuse. La masse de ceux-ci, 
colorée en noir intense par l’hématoxyline et tranchant violemment 
sur la teinte pâle des autres éléments, se laisse résoudre, sur les 
coupes suffisamment minces et suivant la façon dont ils sont 
atteints par le rasoir, soit en un fin pointillé, soit en filaments très 
déliés, de 4 pm à peine de diamètre, jamais fusionnés ensemble. Il 
n y a pas de doute que, comme l’a montré Wirén pour la VNeomenia 
Dalyelli?, les cellules glandulaires effilées et refoulées dans la cavité 
du corps, restent ici distinctes les unes des autres et déversent iso- 
lément leur produit à la surface de l’épithélium par leurs prolonge- 
ments insinués entre ses cellules. La glande suprapédieuse forme 
deux masses cellulaires s’insinuant entre tous les organes de la 
région céphalique, et l’ensemble des points où ces cellules s'ouvrent 
dans la fossette pédieuse dessine un fer à cheval à concavité infé- 
rieure dont les branches descendent et se perdent en bas le long des 


bourrelets latéraux. 


1 G. Pruvor, Archives de zoolugie expérimentale, t. IX, 1891, pl. XXXI, fig. 74. 
2 À, WIRÉN, Kongl. Su, Vet-Akad. Handl., t. XX V, p.30, pl. IV, fig. 5 et 6. 


296 G. PRUVOT. 


Le vestibule buccal, dans sa partie qui remonte en cul-de-sac au- 
dessus de l’orifice de la bouche (fig. 27,6), est aplati dorso-ventralement 
et même étranglé en son milieu, de sorte qu'il paraît sur la figure, qui 
représente une section suivant le plan sagittal, moins profond qu'il 
ne serait sur des coupes qui passeraient à droite ou à gauche de ce 
plan. Dans sa cavité font saillie de nombreux cirrhes allongés, légè- 
rement cuticularisés et non ciliés, qui naissent de la paroi du vesti- 
bule sur les côtés, mais non sur la face dorsale : celle-ci est lisse 
dans toute sa hauteur. Plus bas, au niveau de l’orifice buccal, la 
cuticule générale du corps avec ses spicules pénètre assez profon- 
dément dans l’orifice où elle s’arrête brusquement par une ligne de 
démarcation bien tranchée (fig. 27 et 30), et, juste en dehors de cette 
ligne, deux forts bourrelets labiaux, paraissant ciliés, limitent la 
véritable bouche et séparent incomplètement sur les côtés une cavité 
médiane, la cavité buccale, de deux cavités latérales (fig. 30, 6), qui 
sont la continuation du vestibule buccal et qui sont occupées 
comme lui par des cirrhes. Juste en face de l’orifice buccal se trouve 
l’orifice œsophagien étroit et percé au centre d'un diaphragme 
(fig. 27 et 30, v), qui renferme dans son épaisseur quelques fibres 
musculaires et qui est formé par la cloison de séparation de la cavité 
buccale et de l’æœsophage. 

Le reste du tube digestif présente une grande ressemblance avec 
celui de la Æhopalomenia aglaopheniæ (Kow. et Mar.). Comme chez 
cette espèce, il m'est impossible de trouver chez la Sérophomentra la 
moindre apparence de radula, et l’atrophie a même atteint ici 
encore un plus haut degré, car le petit cul-de-sac pharyngien ven- 
tral qui représente encore chez l’autre espèce la gaine radulaire a 
lui-même à peu près disparu, et même au niveau qu'il devrait occu- 
per et qui est marqué encore par une légère dépression (fig. 27, ph) 
et un changement de forme de l’épithélium œsophagien, il m'est 
impossible de trouver trace des deux ganglions nevreux stomato- 
gastriques habituels. Je réussis à suivre sur la série des coupes 


transversales les deux troncs stomato-gastriques depuis les angles 


SUR DEUX NOUVEAUX NÉOMÉNIENS. 497 
inférieurs du ganglion cérébroïde jusqu’à un point beaucoup plus 
reculé que le niveau en question. Ils courent sur les côtés latéro- 
dorsaux de l'æsophage (fig. 30, ns) en diminuant peu à peu de dia- 
mètre, et je finis par les perdre au milieu des glandules œsopha- 
giennes sans avoir pu reconnaître sur leur trajet aucun renflement 
ganglionnaire ni aucune commissure d'union. 

Le tube œsophagien, qui a une section en croissant par suite de la 
présence d’un fort bourrelet dorsal faisant saillie dans sa lumière 
(fig. 39, æ), a, en outre, son épithélium fortement plissé longitudi- 
nalement à l’intérieur de sa gaine musculaire mu. Les plis serrés, 
qui commencent sur les côtés et sur la face dorsale immédiatement 
après son origine à la suite de la cavité buccale, ne commencent 
qu'un peu au delà sur la face ventrale. Jusque-là les cellules épi- 
théliales y sont toutes semblables à celles de la cavité buccale, peu 
élevées, claires, non glandulaires, à noyaux petits. Et au milieu de 
ce petit champ préœsophagien se remarque un très petitcæcum p4, 
ou mieux une simple dépression de la paroi, tapissée du reste par le 
même épithélium indifférent que les parties voisines. C’est tout ce 
qui représente ici la poche radulaire des autres Solénogastres, et le 
petit champ à épithélium aplati où elle est située, et qui n’occupe 
en hauteur que 11 coupes de 6 p d'épaisseur, est tout ce qui repré- 
sente le pharynx proprement dit. 

L'æœsophage forme ensuite un tube extrêmement allongé (fig. 
27, @), au moins aussi long que celui que j'ai fait connaître ! chez la 
Rhopalomenia aglaopheniæ ; 1l déprime la paroi ventrale du cæcum 
intestinal frontal, décrit dans sa portion terminale, au delà du point 
où la figure 27 à éié arrêtée, deux ou trois sinuosités très accentuées 
et finit par s'ouvrir dans la lumière de l'intestin moyen à une dis- 
tance considérable, qui n'est pas moindre que 172,2, de l’orifice 
buccal. 

Il n'y a pas ici les ampoules salivaires de la Rhopalomenia aglao- 


1 G. PRUVOT, Archives de zoologie expérimentale et générale, t. 1X, p. 742, fig. 12 
et 38. 


ARCH.-DE ZOOL, EXP. ET GEN. — 3€ SÉRIE, — T,. VII. 4899, 32 


498 G. PRUVOT. 


pheniæ. Ou trouve seulement sur les coupes les sections de deux, 
puis un peu plus bas de quatre tubes étroits, assez régulièrement 
cylindriques, traversés dans toute leur longueur par un conduit qui 
est un peu excentrique. Ils sont rejetés tous du même côté de 
l’æsophage (côté droit) et à un niveau très reculé, puisque les sec- 
tions les rencontrent pour la première fois vers le milieu seulement 
de la longueur de l’œsophage, à une distance de 110 épaisseurs de 
coupes, soit 022,66 de l’orifice œsophagien. On peut recon- 
naître, ce qui a été indiqué sur la figure 27 (gs), qu’à leur extré- 
mité antérieure ils se fusionnent deux à deux et que leurs con- 
duits s’abouchent à plein canal. Nouvelle union (indiquée en poin- 
tillé sur la figure 27) un peu plus bas entre les deux tubes les plus 
internes, tandis que les deux autres continuent à descendre séparé- 
ment le long de l'intestin ; de sorte qu'on doit les regarder comme 
formant en réalité un tube unique replié sur lui-même et faisant 
une double anse au point de recourbement. Il n’existe, au moins 
chez l'individu que j’ai observé, aucune trace d’un organe semblable 
du côté gauche, et je suis obligé de laisser sans réponse la question 
de savoir s’il s'agit là de deux organes pairs et symétriques, unis à 
leur extrémité supérieure et rejetés accidentellement du même côté 
du corps, ou si nous avons sous les yeux un organe unilatéral dont 
le congénère du côté opposé aurait entièrement disparu par atro- 
phie soit accidentelle, soit évolutive. 

Ce tube a à peu près la structure ordinaire des glandes salivaires 
ventrales des Néoméniens, en particulier de la Xhopalomenia aglao- 
pheniæ, où elles sont également à peu près cylindriques et fort 
longues ; c’est à savoir, à l’intérieur d’une basale une couche 
épaisse de longues cellules piriformes, serrées les unes contre les 
autres et dont les pointes aboutissent à l’épithélium cubique qui 
tapisse le canal intérieur. Seulement, il m'est impossible de décou- 
vrir en quel point de l’æsophage le conduit devrait déboucher; Je 
puis affirmer, en tout cas, que ce n’est pas au niveau du petit cul- 


de-sac pharyngien antérieur, et comme je ne puis reconnaitre de 


SUR DEUX NOUVEAUX NÉOMÉNIENS. 499 


section de ce canal sur aucune coupe en dehors de son trajet intra- 
glandulaire, je suis obligé de croire, à moins qu'il vienne s'ouvrir 
par son extrémité inférieure dans l’intestin moyen, bien au delà de 
la terminaison de l’æsophage, au delà de la région qui a été mise en 
coupes, qu'il y a là un organe représentant les glandes salivaires 
habituelles, mais qui, par suite de l’atrophie de tous les organes 
de la région céphalique, a perdu toute connexion avec le tube 
digestif. 

L'æœsophage est, en outre, revêtu d’abord sur sa face dorsale, puis 
sur tout son pourtour, d’une couche de cellules glandulaires 
(fig. 29, 91), le plus souvent réunies au nombre d’une dizaine environ 
en petits lobes qui bossellent sa paroi. Les cellules sont volumi- 
neuses, piriformes, et insinuent leurs pointes entre les fibres mus- 
culaires mu du revêtement œsophagien où on les suit jusqu’au 
contact des cellules épithéliales. 

Les organes de l’extrémité inférieure, qui se trouvait en haut sur 
le rameau de Muricæa et qui a peut-être, pendant son long séjour 
dans l’alcool, subi quelques périodes d’émersion, sont moins bien 
conservés, mais assez cependant pour laisser reconnaître les particu- 
larités anatomiques les plus importantes. 

L'animal est en pleine maturité femelle, à la période de la ponte. 
Les œufs (fig. 31, o) remplissent et distendent la poche péricar- 
dique pe; mais, à l'inverse de ce que j'ai vu en pareil cas chez d’au- 
tres espèces, ils ne compriment pas le cœur co, qui est libre dans 
une portion distale du péricarde rétrécie et vide d'œufs. Mais le fait 
le plus important est que les deux voies évacuatrices des produits 
génitaux (Aloakengänge des auteurs allemands) restent entièrement 
séparées et s'ouvrent dans le cloaque indépendamment l’une de 
l'autre, sans se fusionner auparavant en la partie impaire et ventrale 
de l'organe précloacal que présentent les autres Néoméniens. 

Du fond du péricarde, les deux oviductes se dirigent, comme d’ha- 
bitude, en haut (fig. 28, ov); mais ils sont simplement cylindriques, 


sans dilatation d’aucune sorte, ni réceptacles séminaux sur leur 


500 G. PRUVOT. 


trajet. Arrivés au niveau de l’extrémité supérieure du péricarde, ils , 
débouchent à la pointe des deux organes précloacaux correspon- 
. dants 0p'. Au même point aboutit également à ceux-ci une touffe de 
petites masses glandulaires vs’, légèrement allongées et piriformes ; 
ou, plus exactement, ces glandes se jettent successivement les unes 
dans les autres sur un court trajet, et, la dernière qui a reçu toutes 
les autres se dilate peu à peu, acquiert une lumière centrale et se 
continue directement avec l’organe précloacal lui-même. Les deux 
organes, à parois très épaisses (fig. 31, op’), se dirigent en bas, 
toujours séparés par toute la largeur de l'intestin terminal r, aug- 
mentent d'abord, puis diminuent peu à peu de volume et s'ouvrent 
à droite et à gauche dans l'intestin terminal, un peu avant qu'il ait 
commencé à s'élargir en cloaque. On peut suivre pendant quelques 
coupes encore sur les côtés du cloaque, un épaississement qui est la 
continuation de la paroi externe de l'organe. 

Le cloaque, qui à une section triangulaire, émet sur les côtés 
quelques diverticules en doigt de gant paraissant ciliés et plongés 
au milieu d’une volumineuse glande préanale. De plus, sur la ligne 
médiane ventrale, se détache un canal (fig. 28, o’) qui aboutit, après 
un court trajet, à une petite fossette tapissée d'un haut épithélium 
cilié et plissé, placée au fond du sillon ventral, un peu en avant dela 
fente cloacale proprement dite. 

Les deux ganglions suscloacaux où se terminent les cordons ner- 
veux latéraux sont assez éloignés l’un de l’autre et réunis par une 
commissure longue et grêle, non recouverte de cellules nerveuses, 
qui passe entre la paroi dorsale du cloaque et la portion terminale 
du péricarde. Il en part, en outre, deux connectifs qui contournent 
en dehors les organes précloacaux et aboutissent chacun à un léger 
renflement, situé à un niveau un peu supérieur, du cordon pédieux 
correspondant. 

L'animal décrit ici ne laisse reconnaître aucun indice absolument 
de l'organe sensitif dorsal habituel aux Néoméniens. Toutefois, je 


n'ose être trop affirmatif au point de vue de son absence absolue 


SUR DEUX NOUVEAUX NÉOMÉNIENS. »01 


chez cette espèce, car un autre individu montre juste sur la ligne 
dorsale, tout près de l'extrémité inférieure du corps, une sorte de 
dépression dans la cuticule et queiques traces cellulaires ou fibril- 
laires paraissant disposées concentriquement. Il s’agit peut-être 
d'une simple apparence fortuite due à quelques-unes des papilles 
ordinaires du tégument, mais les éléments sont trop mal conservés 


pour ne pas laisser subsister quelque doute. £ 


Le Néoménien dont il s’agit ici aurait pu être rangé sans inconvé- 
nient dans le genre Proneomenia tant que celui-ci a été pris dans la 
large acception que lui avaient donnée les premiers auteurs. Mais 
après le démembrement dont il a été l’objet de la part de Simroth 
d’abord, puis de Thiele, démembrement qui devrait même être 
poussé plus loin encore si l’on veut faire de tous les genres de Néo- 
méniens des groupes réellement homogènes au point de vue anato- 
mique, il n'y a place pour notre espèce dans aucun des genres 
entre lesquels ont été réparties toutes les Pronéoménies connues 
jusqu'ici. 

Simroth ‘ a restreint le genre Proneomenia (si on écarte les Sole- 
nopus de Koren et Danielssen, par trop imparfaitement caractérisés) 
à la seule Proneomenia Sluiteri Hub., la P. Langi (Simr.) n'étant 
qu'une variété de celle-ci, et a créé pour toutes les autres espèces 
le genre Rhopalomentia. Ge genre qui renferme, d’après la caracté- 
ristique même de son auteur, des espèces à corps court ou allongé 
(l'indice d’allongement variant de 6 à 95), avec et sans replis bran- 
chiaux, avec et sans radula, avec et sans glandes salivaires, avec et 
sans spicules cloacaux, à ainsi hérité de l'hétérogénéité de son 
prédécesseur, et Thiele ? lui a certainement rendu service en le 
resitreignant aux seules Ahopalomenia aglaopheniæ (Kow. et Mar.) et 
R. Eisigi (Th.). Thiele restitue au genre Proneomenia presque 
toutes les espèces que Simroth en avait détachées (Proneomenia 


1 H. SimroTa, Bronn's KI. u. Ordn. d. Thier.-Reichs, t. III, p. 229. 
2 J. Tuiece, Zeitsch. f. wiss. Zool., t. LVIII, p. 272. 


502 À G. PRUVOT. 


vagans Kow. et Mar., desiderata Kow. et Mar., gorgonophila Kow., 
acuminata Wir.), à l'exception de la 2. sopita pour laquelle il établit 
le genre nouveau Pruvotia. 

Ainsi, on est maintenant en présence de trois genres qui ont pour 
caractères principaux : 

Genre Proneomenia Hub. — Radula polystique bien développée, 
accompagnée de deux longues glandes salivaires. 

Genre Æhopalomenia Simr. — Pas de radula *, mais une paire de 
glandes salivaires ; cloaque sans replis branchiaux, ni spicules 
péniaux. 

Genre Pruvotia Th.—Ni radula, ni glandes salivaires ; cloaque avec 
deux replis branchiformes et glande préanale très développée. 

C’est de ce dernier que se rapproche le plus l'espèce qui vient 
d’être décrite. Elle en a, poussés même à un plus haut degré, le 
grand développement de la cuticule et des papilles cutanées, comme 
aussi l’atrophie considérable de tous les organes de la région supé- 
rieure du tube digestif, pharynx et radula, glandes salivaires, gan- 
glions stomato-gastriques. Mais elle montre en plus un allongement 
démesuré du tube œsophagien qui ne se rencontre à un degré com- 
parable que chez la Rhopalomenia aglaopheniæ, et les organes de la 
région caudale sont complètement différents. On trouve, à la vérité, 
chez les deux formes, une glande préanale très développée ; toutes 
deux paraissent être dépourvues d’organe sensitif caudal. Mais les 
fort replis cloacaux branchiformes de la Pruvotia sopita font défaut 
ici, au lieu du grand réceptacle séminal à trajet récurrent, il existe 
une touffe de petites vésicules à parois glandulaires, et surtout les 
deux organes précloacaux s'ouvrent isolément à droite et à gauche 


dans la dernière portion du rectum. 


1 Kowalewsky et Marion ont décrit chez l’espèce qui est devenue le type de ce 
genre, Rhopalomenia aglaopheniæ, une radula polystique que je n’ai pas retrouvée 
chez les nombreux individus que j’ai pu examiner à Banyuls. Simroth a émis l’opi- 
nion qu'il s’agit peut-être d’une différence spécifique ; mais Thiele, qui a retrouvé 
cette espèce à Naples, n’a pas été plus heureux que moi et la range définitivement 
parmi les formes dépourvues de radula. 


SUR DEUX NOUVEAUX NÉOMENIENS. 503 


Cette absence d'organe précloacal impair a été signalée récem- 
ment chez une petite Néoménie d'Australie, Notomenia clavigera Th’, 
. où, d’après la brève description de l’auteur, les deux conduits s’ou- 
vrent indépendamment non dans le cloaque même, mais sur une 
saillie située ventralement par rapport à lui. Jusque-là elle n'avait 
été signalée que chez quelques formes jeunes où elle n’est certaine- 
ment que transitoire, chez Lepidomenia hystrix Kow. et Mar., chez 
Proneomenia (Amphimenia) neapolitana (Th.) et par moi-même chez 
un type que j'avais rapporté à la Pron. vagans (Kow. et Mar.), 
mais que Simroth en a détaché avec raison. Et d’ailleurs, chez 
toutes ces formes, les deux orifices étaient toujours fusionnés en un 
seul, médian et ventral, La séparation complète des deux conduits 
et des orifices génitaux est regardée, en revanche, comme caracté- 
ristique des Chétodermiens. Le fait de la retrouver à un égal degré 
chez un Néoménien parfaitement adulte et sexuellement mür, et 
qui montre, d'autre part, des caractères d’atrophie exceptionnel- 
lement accentués dans la plupart des organes, prouve que cette 
indépendance des conduits n’est pas en elle-même un caractère 
primitif, et qu’au lieu de contredire les caractères de plus haute 
différenciation présentés par les Chétodermiens, elle se joint à eux 
pour les faire regarder comme un type plus évolué, plus éloigné 
de la souche primitive, que les Néoméniens. 

Les caractères envisagés ici, portant sur les organes qui fournis- 
sent dans la section des Pronéoménides les bases des divisions 
sénériques, suffisent amplement à justifier l'établissement d’un 
genre nouveau qui peut être brièvement caractérisé ainsi : 

STROPHOMENIA, n. g. — Corpus elongatum, cylindricum, cuticula 
crassa spiculis acicularibus et papillis amplis valde confertis trajecta ; 
radula et ductus salivart, papula caudalis (?) desunt; aperturæ geni- 
tales apud cloacam duæ distinctæ. 


L'espèce, unique jusqu ici, sera définie : 


1 J. THiELe, Zwei australische Solenogaslres (Zool. Anz., t. XX, 1897, p. 399). 


304 G. PRUVOT. 


STROPHOMENIA LACAZEI, n. sp. — Corpus 45 millim. longum (ind. 
long. : 20), spiculis acicularibus curvatis, solea ventrale depressa spiculis 
majoribus rectis adjunctis ; spicula minima cultelliformia prope sulcum 
ventralem. Paras. apud Muricæam. 

Elle est probablement dérivée de la ARhopalomenia aglaopheniæ 
(Kow. et Mar.) ou d’une forme voisine. $es affinités actuelles les plus 
étroites sont avec la Pruvotia sopita (Pr.), peut-être aussi avec la 
Notomenia australienne de Thiele, et elle représente, en tout cas, 
une des formes de Néoméniens les plus modifiées dans le sens 


régressif, sous l'influence de la vie parasitaire. 


EXPLICATION DES PLANCHES. 


Lettres communes à toutes les figures. 


cd, commissure dorsale unissant, en arrière du rectum, les extrémités inférieures 
des cordons nerveux latéraux. 


cl, cloaque. op, organe préctoacal. 
co, cœur. op", ses cornes supérieures. 
cs, conduits excréteurs des glandes sali-  ov, oviducte. 
vaires. p, Soc pédieux. 
d, stylets de la radula. pe, péricarde. 
f[, fossette pédieuse. ph, pharynx. 
g, ganglion cérébroïde. g, cuticule portant les spicules. 
gh, glande génitale. r, rectum. 
gm, glande suprapédieuse. s, organe en cordon aunexé à l'appareil 
gs, glande salivaire. génital. 
i,intestin moyen. s', stylet renfermé dans son intérieur. 
i, son cæcum frontal. sd, sinus dorsal. 
m, muscle longitudinal ventral. sv, sinus ventral. 
nl, cordon nerveux latéral. vs, vésicule séminale. 
np, cordon nerveux pédieux. vs', diverticules du sommet de l’organe 
ns, tronc stomato-gastrique. précloacal. 


œæ, œsophage. 


PLANCHE XII. 


STYLOMENIA SALVATORI: 


F1G. 1. Siylomenia Salvatori, différents aspects de l’animal vivant suivant l’état de 
contraction : a, complètement allongé et rampant; 6, à demi contracté 
et faisant saillir les longs cils de la fossette pédieuse; c,entièrement con- 
tracté. Gr., 4 diam. 


SUR DEUX NOUVEAUX NÉOMÉNIENS. 505 


F16. 2. Arrangement des spicules sur la face ventrale : &, double rangée de spicules 
aliformes bordant le sillon pédieux; à, spicules discoïdes imbriqués de 
haut en bas et formant le revêtement général du corps ; €, point d’inser= 
tion des grands spicules en palette, épars au milieu des précédents. 
Gr., 310 d. 

3. Les trois formes de spicules, isolés. Mêmes lettres et même grossissement 
qu’à la figure précédente. 

par le côté droit. Cette figure, de même que les figures 41, 27 et 28, a 

été établie par la superposition d’une série de coupes transversales re- 


4. Position et rapports des organes de l’extrémité céphalique, vue de prof 


levées à la chambre claire et reportées à leur place relative dans le con- 
tour général, qui représente une section longitudinale passant par le 
plan de symétrie du corps. La région supérieure du tube digestif, de 
même que la fossette pédieuse f et le ganglion cérébroïde g, est repré- 
sentée sectionnée suivant ce plan pour montrer le vestibule buccal vw, les 
rapports de la bouche et du sac radulaire avec le pharynx et l’œsophage, 
et l’orifice de ce dernier dans l'intestin moyen. La glande salivaire 
droite gs, qui se trouve sur un plan antérieur, est sectionnée transver- 
salement, et le contour pointillé indique la place qu'occuperaient, au- 
dessus de la section, la continuation de sa cavité centrale et le conduit 
salivaire cs qui lui fait suite et qui s'ouvre dans la partie supérieure de 
la poche radulaire. Gr., 80 d. 

5. Coupe transversale suivant la ligne HH' de la figure précédente. La coupe 
effleure le plancher du vestibule buccal dont elle a détaché les points 
les plus saillants, les sommets de deux petites éminences e symétriques, 
fortement ciliées ; {, cirrhes ou tentacules non ciliés garnissant toute la 
cavité du vestibule; o, petits amas ganglionnaires en rapport avec les 
nerfs buccaux. Gr., 110 d. 

6. Coupe transversale du soc pédieux et de la région avoisinante dans la por- 
tion moyenne du corps. Les spicules ont été enlevés par les réactifs ; h, 
glandules pédieuses disséminées sans ordre contre le fond du soc pédieux 
et dans la région du sinus ventral, qui n’est pas distinct ici du reste de 
la cavité du corps. Gr., 250 d. 

7. Coupe transversale suivant la ligne MM'de la figure 4. Cette coupe passe 
un peu au-dessous de la fossette pédieuse, par le milieu de la hauteur 
de la radula. Elle montre un des stylets d de celle-ci faisant saillie par 
sa pointe dans la cavité œsophagienne, et implanté par sa base dans un 
petit cul-de-sac contre lequel est appliquée la poche sous-æsophagienne; 
au-dessous, on voit les sections des deux conduits salivaires qui débou- 
chent dans cette poche à un niveau un peu plus élevé; tous ces organes 
sont plongés dans le revêtement musculaire qui entoure le pharynx et 
l’œsophage. Les deux troncs nerveux pédieux np sont coupés oblique- 
ment; très petits, composés seulement de fibres sans cellules nerveuses, 
ils représentent, à proprement parler, dans cette région, une paire de 
connectifs cérébro-pédieux. Gr., 110 d. 

8. Coupe transversale suivant la ligne NN’ de la figure 4. Cette coupe passe 


906 


G. PRUVOT. 


un peu au-dessous de la précédente par l’orifice de l’œsophage æ dans 
l'intestin moyen, par le corps même des ampoules salivaires gs et par 
le milieu de la poche sous-æsophagienne w, au-dessous de la terminaison 
de la radula. Dessinée au même grossissement que la figure précédente 
(110 d.), elle fait ressortir l'accroissement subit de volume des troncs pé- 
dieux, ainsi que la présence d'une couche de cellules ganglionnaires qui 
en font à ce niveau de véritables ganglions pédieux, unis par une forte 
commissure transversale dont on ne voit, en raison de la légère obliquité 
de la coupe, que la portion en rapport avec le ganglion de gauche, le 
ganglion de droite ayant été atteint par le rasoir dans sa partie tout à 
fait supérieure. 


Fic. 9. Portion de la figure 7 (région radulaire), plus grossie : e, épithélium du 


pharynx formant sur la ligne ventrale un sillon dans lequel est placée la 
pointe saillante du deuxième stylet dentaire d ; dans le cul-de-sac radu- 
laire, au-dessous, sont logés, en outre, deux petits stylets accessoires, qui 
y sont complètement renfermés; u, poche sous-æsophagienne, séparée du 
cul-de-sac précédent par une cloison mince formée d’une seule couche de 
cellules ; cs, conduit salivaire gauche sur le point de s'ouvrir dans la 
poche sous-æsophagienne ; mc, couche musculaire circulaire du pha- 
rynx; M, bande de fibres musculaires longitudinales, accompagnant de 
chaque côté les plis de l’épithélium pharyngien. Gr., 330 d. 


10. Même région, deux coupes plus loin; coupe passant par le troisième et 


dernier stylet de la radula. Même disposition générale; seulement le 
stylet d, plus long et plus fort que le précédent, n’est pas accompagné de 
stylets accessoires ; gs, portion intermédiaire entre le conduit salivaire 
et le corps de l’ampoule salivaire, qui commence à se dégager de la 
couche musculaire mc. Gr., 330 d. 


PLANCHE XIII. 


STYLOMENIA SALVATORI. 


F1c. 11. Position et rapports des organes de l'extrémité caudale, vus de profil du 


côté droit, reconstitués d’après une série de coupes transversales. Le 
cloaque cl et la portion terminale du rectum r et des voies génitales op 
sont représentés sectionnés suivant le plan de symétrie du corps. Les 
parties inférieures de la poche latérale de l'organe précloacal op et de 
l’organe en cordon s, qui sont sur un plan antérieur, sont, en outre, cou- 
pées transversalement. 

Le diamètre relativement considérable de s est dû à ce que l'on a en- 
globé sous son contour non seulement le tube qui renferme le stylet et 
qui est l’organe en cordon lui-même, mais aussi les gaines musculaires 
et conjonctives qui l’entourent sur la plus grande partie de son trajet, 
qui occupent notamment toute l’étendue des dépressions latérales de 
l'organe précloacal (comp. fig. 21) et qui doivent être considérées comme 
faisant aussi partie de l’organe. 

Le contour pointillé au-dessous de la section indique la position qu’oc- 


SUR DEUX NOUVEAUX NÉOMEÉNIENS. 507 


cupaient dans la partie enlevée le tube de l’organe en cordon, le petit 
canal par lequel il s'ouvre dans la cavité cloacale et son ampoule ter- 
minale a avec son petit diverticule antérieur. Gr., 80 d. 

F1G. 42. Figure d’assemblage destinée à montrer de face les rapports du péricarde pe 
distendu par les œufs o, du rectum r et de la partie terminale de l’ap- 
pareil génital. L'origine des oviductes ov est seule représentée ; le som- 
met des cornes de l'organe précloacal op a été enlevé, et l’organe lui- 
même est figuré coupé dans toute sa longueur suivant un plan coronal; 
3, expansion latérale de l’organe précloacal, qui embrasse dans sa concavita 
l’organe en cordon. . 

L’organe en cordon s du côté droit est représenté ouvert dans toute 
sa longueur; s’,son stylet, qui n’est libre que dansson tiers inférieurenviron 
et qui au-dessus, est rattaché à la paroi de l’organe par une lame mésen. 
térique u ; mr, fibres du muscle rétracteur, qui pénètrent dans le stylet 
à son origine et contribuent à le former dans sa région supérieure ; mp, 
muscle protracteur, extérieur à l’organe et formant une gaine épaisse 
autour de sa portion terminale; /, section du canal commun débouchant 
dans le cloaque et en lequel se fusionnent les conduits des deux organes 
en cordon droit et gauche. 

13, Coupe transversale suivant la ligne XX’ de la figure 411, passant par le 
point où l’oviducte droit aborde la corne correspondante de l’organe pré- 
cloacal ; o, œufs distendant le sac péricardique. Gr., 110 d. 

14, 45, 16, 17. Quatre coupes à travers l’organe en cordon du côté droit et les 
tissus voisins. Toutes les figures sont orientées de la même manière, la 
partie correspondant à la face ventrale en bas, pour montrer la torsion 
de l’organe qui fait presque un tour d’hélice complet sur lui-même. 
Gr., 250 d. 

14. Coupe au voisinage du sommet de l'organe. Le stylet interne s’ prend 
naissance comme une invagination de la paroi de l’organe s du côté 
externe. Les fibres musculaires isolées mr, qui constituent par leur en- 
semble le muscle rétracteur, sont éparses dans le parenchyme ambiant; 
mais quelques-unes mr’ forment un faisceau longitudinal dans l’épaisseur 
du bourrelet invaginé qui deviendra le stylet interne. 

15. Coupe à l’union du quart supérieur et des trois quarts inférieurs de l’or- 
gane, Le stylet s’ s’est détaché davantage de la paroi s, à laquelle il n’est 
plus rattaché que par un pédicule étroit. Les fibres musculaires rétrac- 
trices se sont nettement séparées en deux groupes : un, mr extérieur à 
l'organe et encore diffus, et l’autre, mr’, formant la plus grande partie du 
stylet du côté opposé au pédicule. Les cellules n, qui dans la région 
précédente étaient disséminées au milieu de ces dernières, se sont or- 
données en une couche régulière au-dessous d'elles, et ce sont ces cel- 
lules qui paraissent avoir produit la substance hyaline peu colorable qui 
forme la masse du stylet dans la région voisine du pédicule d’insertion. 

16. Coupe vers le milieu de la hauteur de l’organe. Les fibres mr du muscle 
rétracteur forment maintenant un faisceau bien défini, enveloppé dans 
une tunique propre et qui embrasse la moitié interne du tube de l’or- 


908 


F1G. 17. 


18. 


19. 


20. 


21. 


29. 


F1G:193. 


G. PRUVOT. 


gane. Le faisceau mr' du stylet a disparu ; y, fibres conjonctives portant 
des noyaux allongés sur leur trajet et occupant, du côté interne, tout 
l'espace entre le tube de l'organe en cordon et la paroi de l'organe pré- 
cloacal. 

Coupe à l’union du quart inférieur et des trois quarts supérieurs de l’or- 
gane. Le stylet s’, constitué en totalité maintenant par les cellules péri- 
phériques de la région précédente, est entièrement libre dans le tubes, 
et la gaine musculaire mr s’est étendue tout autour de ce dernier; /, hautes 
cellules formant l’épithélium lacuneux de l’organe précloacal ; æ, tissu 
compact, semé de fibrilles et de noyaux allongés, doublant la concavité 
de la dépression latérale de l'organe précloacal ; y, cellules allongées en 
fibres, reposant sur le tissu précédent et occupant tout l’intervalle entre 
lui et le tube de l’organe en question. 

Portion d’un œuf contenu dans le sac péricardique. La présence d’une 
membrane vitelline et d’un fuseau de division caryokinétique montre que 
la maturation s'effectue chez cette espèce à l’intérieur du corps, dans le 
péricarde. Gr., 250 d. 

Épithélium de la corne supérieure de l’organe précloacal, portion plus 
grossie de l’organe op’, fig. 13 ; e, cellules sécrétantes ; w, cellules ciliées 
à noyau allongé, comprimées entre les précédentes. Gr., 250 d. 

Coupe transversale de la vésicule séminale, renfermant quelques sperma- 
tozoïdes sp. Gr., 250 d. 

Coupe transversale du corps suivant la ligne YY' de la figure 11. Cette 
figure, dont la figure 17 représente une portion plus grossie, montre la 
réduction du soc pédieux p et les rapports de l’organe en cordon s avec 
l'organe précloacal op. Gr., 110 d. 

Coupe transversale suivant la ligne ZZ’ de la figure 41 : c, canal de l'or- 
gane en cordon; ce, conduit commun par lequel les deux organes débou- 
chent dans le cloaque cl; t, diverticules en doigt de gant, courts et irré- 
guliers, de la paroi cloacale. Gr., 110 d. 


PLANCHE XIV. 


STROPHOMENIA LACGAZEI. 


Strophomenia Lacazei enroulée autour d’un rameau de Muricæa, grossie 
une fois et demie environ. 


. Formes principales des spicules : a, spicules du revêtement général ; b, 


grands spicules droits des flancs ; c, c', pelits spicules arqués de la face 
ventrale ; d, très petits spicules en lame de couteau bordant de chaque 
côté le sillon pédieux. Gr., 240 d. 


. Coupe tangentielle de la cuticule. La substance de la cuticule forme des 


alvéoles polyédriques à cloisons minces, dans chacune desquelles est logée 
une papille pluricellulaire pa ; æ, corpuscules naviculaires transparents, 
emprisonnés dans la cuticule. Gr., 240 d. 


. Extrémité distale d’une papille enfermée dans son alvéole cuticulaire close 


en coupe longitudinale. Même grossissement. 


SUR DEUX NOUVEAUX NÉOMÉNIENS. 909 


F1G. 27. Position et rapports des organes de la région céphalique, reconstitués 
d’après une série de coupes transversales et vus de profil du côté droit. 
L’extrémité tout à fait supérieure du corps et la région dorsale ne sont 
pas figurées. L’enveloppe cuticulaire g pénètre en s’amincissant dans les 
cavités de la bouche b et de la fossette pédieuse f, où elle se termine par 
un léger bourrelet. La cavité buccale à, garnie de papilles, est séparée 
de l’entrée de l’æsophage æ par un diaphragme v percé d’un orifice cen- 
tral. [Il n'ya pas de région pharyngienne distincte de l’æœsophage propre- 
ment dit, sauf le petit cul-de-sac inférieur ph et celui qui lui fait face 
au-dessus. L’æœsophage descend en déprimant la paroi du cul-de-sac fron- 
tal de l’intestin moyen #’, dans lequel il s’ouvrira plus bas; gs, extrémité 
supérieure du tube pelotonné, qui représente probablement une glande 
salivaire ; la double ligne pointillée représente le trajet de sa circonvolu- 
tion au-dessous de la partie sectionnée et montre que le tube est unique. 
GLS 500: 

28. Position et rapports des organes dans la région caudale ; l’extrémité infé- 
rieure du corps et la région dorsale ne sont pas figurées. Les deux organes 
précloacaux op’ sont séparés dans toute leur hauteur et s’ouvrent isolé- 
ment à la base du rectum r;0 et o', double orifice externe de la cavité 
cloacale; co, début de l’invagination cardiaque dans le péricarde ; au- 
dessous, la place et l’étendue du cœur sont marquées extérieurement par 
le pli du sac péricardique. Gr., 50 d. 

29. Coupe transversale par l’œsophage & et la région supérieure de la fossette 
pédieuse f; gl, glandules æsophagiennes ; mu, gaine musculaire de l’œso- 
phage ; d, bourrelets latéraux fortement ciliés de la fossette pédieuse, où 
aboutissent les canalicules k des cellules de la glande supra-pédieuse ; 
a, gouttière antérieure correspondant, un peu plus bas, à l’orifice de la 
fossette. Gr., 75 d. 

30. Coupe transversale suivant la ligne HH” de la figure 27 : œ, œsophage avec 
son volumineux bourrelet dorsal; v, diaphragme séparant l’æœsophage de 
la cavité buccale ; b, papilles buccales ; g’, cuticule invaginée dans le ves- 
tibule buccal. Les troncs nerveux stomato-gastriques ns et les connectifs 
cérébro-pédieux np sont noyés au milieu des lobes de la glande supra- 
pédieuse gm. Gr., 45 d. 

31, Coupe transversale suivant la ligne XX’ de la figure 98 : o, œufs disten- 
dant la portion antérieure du péricarde ; co, cœur libre dans la région 
postérieure du péricarde, qui est vide d'œufs ; op’, les deux organes pré- 
cloacaux situés sur les côtés du rectum r, qui est très réduit de ca- 
libre, et sur la face latéro-dorsale desquels remontent les oviductes ov. 
Gr, 251d- 


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SUR L’INTERPRÉTATION 


DE 


LA FÉCONDATION MÉROGONIQUE 


ET SUR 


UNE THÉORIE NOUVELLE DE LA PÉCONDATION NORMALE 


PAR 


YVES DELAGE 


Professeur à la Faculté des sciences de Paris. 


Les résultats et les conclusions des recherches publiées dans ce 
journal ‘, et dont j'ai donné un court résumé dans les Comptes 
rendus de l’Académie des sciences (séance du 23 octobre 1899), ont 
provoqué, de la part de MM. Giard * et Le Dantec *, des critiques 
auxquelles je crois devoir répondre. Ces critiques portent sur 
deux points : 4° l'intérêt et la nouveauté de mes recherches ; 2° l’in- 
terprétation de leur résultat. 

MM. Giard et Le Dantec s'accordent à présenter mes expériences 
comme une simple extension de celles des Hertwig et de Boveri. Je 
n'aurais fait que reproduire, chez les Mollusques et les Vers, des 
observations déjà faites chez les Oursins. 

_ C'est là une manière fort inexacte de présenter les choses, et il: 

1 Yves DELAGE, Études sur la mérogonie (Archives de zoologie expérimentale et 
générale, 3° sér., t. VII, p. 383 à 417, 11 figures, 1899). 

2 A. GiaRD, Sur le développement parthénogénétique de la microgamète des Méta- 


zoaires (C. R. Soc. Biol., 2e sér., vol. I, n° 32, p. 857 à 860, séance du 10 no- 
vembre 1899). 


3 Le DanrTec, L’équivalence des deux sexes dans la fécondation (Revue générale des 
sciences pures et appliquées, t. XX, n° 22, du 30 nov. 1899, p. 854-863). 


512 YVES DELAGE. 


suffit, pour s’en convaincre, de lire le bref résumé que je donne 
de l’état de la question dans ma première note aux Comptes rendus 
de l’Académie des sciences (séance du 10 octobre 1898). 

Les frères Hertwig ! ont eu les premiers, en 1887, l’idée de sou- 
mettre à la fécondation des fragments d’œufs d’Oursin. Ils consta- 
tèrent la présence, dans ces fragments, d’un pronucléus mâle et en 
conclurent qu'ils avaient été fécondés; mais ils ne purent observer 
aucun développement à la suite de cette pénétration, en sorte que 
la fécondation n’était pas démontrée. Il ne suffit pas qu'un spermato- 
zoïde entre dans un œuf pour le féconder, ni même qu'il y développe 
un aster ; il faut qu'il y accomplisse la totalité des opérations néces- 
saires pour déterminer son développement, et tant qu'on n’a pas ou 
observé la série complète de ces opérations, ou constaté au moins 
un commencement de développement, on ne peut affirmer qu'il y a 
eu fécondation. M. Le Dantec, en disant que, dans l’expérience des 
Bertwig, « un spermatozoïde, pénétrant dans un de ces ovules sans : 
noyau, déterminait sa segmentation », dit une chose inexacte, que les 
Hertwig eux-mêmes n’ont jamais prélendue, et cela est d'autant 
plus grave que c’est lui qui souligne les mots qui contiennent 
cette inexactitude. 

En 1889, Boveri ? opéra la fécondation croisée sur des fragments 
d'œufs, et déclara avoir constaté que les larves hybrides étaient de 
la race pure du père. Son mémoire produisit une très grosse sensa- 
tion parce qu'il tranchait une question importante, celle du siège 
des caractères héréditaires dans les éléments sexuels. Puisque le 
cytoplasme ovulaire, sans noyau, ne donnait aucun des caractères de 
sa race, tandis que le spermatozoïde, formé presque exclusivement 
d'un noyau, donnait tous ceux de la sienne, c’est que le substratum 
de l’hérédité était dans le noyau. 

10.et R. HERTWIG, Ueber den Befruchtungs- und Theilungsvorgang des thierischen 
Eïes unter dem Einfluss aüsserer Agentien (Jenaische Zeitschr. f. Naturw., t. XX, 
p. 120-241, 477-510, pl. 3-9, 1887). 


? Tu. Boverr, Ein geschlechtlich erzeugier Organismus ohne müllerliche Eïigen- 
Schaflen (Sits. Ber. Ges. Morph. Phys. München, vol. V, p. 73-83, 3 figures, 1889). 


SUR LA FÉCONDATION MÉROGONIQUE. 513 


Mais, pour juger une expérience, il ne faut pas la prendre en 
bloc, il faut l’analyser. Boveri, pour se procurer des fragments 
d'œufs sans noyau, opérait comme les frères Hertwig, en secouant 
longtemps et avec violence des œufs d’Oursin dans un tube de 
verre à moitié plein d'eau. Voilà ce que M. Le Dantec appelle «avoir 
réussi, par une agitation convenablement réglée, à enlever le 
noyau ». Après ce traitement aveugle et brutal, le liquide contient, 
en outre des œufs entiers, un certain nombre de fragments. Boveri 
ajoute du sperme à toute la masse, obtient des Pluteus et, observant 
ces Pluteus, constate trois choses : 4° certains d’entre eux ont une 
taille inférieure à la normale, d’où il conclut qu’ils proviennent de 
fragments d’œufs ; 2° ces mêmes Pluteus ont leurs noyaux plus 
petits, d’où il conclut que les fragments dont ils proviennent étaient 
sans noyau ; 3° enfin, ils sont de race paternelle pure, d’où il con- 
clut que le cytoplasme ovulaire ne leur a transmis aucun caractère 
de la lignée maternelle et que, par suite, les caractères héréditaires 
ont pour substratum le noyau seul. Or, ce sont là des inductions 
qui ne sont nullement certaines. Aussi ont-elles été attaquées 
vigoureusement par Werworn ‘ en 14891, par Morgan * en 1893 et 
1896 et surtout par Seeliger * en 1895. Leurs expériences et obser- 
vations comparatives précises ont établi que : 1° la taille des noyaux 
est variable et qu'elle est souvent inférieure à la normale chez les 
embryons à petites cellules provenant de fragments ovulaires nucléés, 
d’où il résulte que l'absence de noyau maternel dans les fragments 
d’origine des Pluteus de Boveri n'est rien moins que certaine ; 
2° que les Pluteus hybrides provenant de la fécondation d'œufs 


intacts sont très variables, que leurs caractères ne sont pas forcé- 


1 M. VERWORN, Die physiologische Bedeutung des Zellkerns (Pflüger’s Archiv f. ges. 
Physiol., vol. LI, 1891). 

2 T.-H. MorGan, Experimental siudies on Echinoderm eggs (Anat. Anz., vol. XI, 
p. 141-159, 4 figures, 1893) et The fertilisation of non nucleated fragments of Echino- 
derm eggs (Arch. Entw. Mech., vol. II, p. 268-281, 3 figures, 1896). 

3 O. SeeLIGER, Giebt es geschlechilich erzeugte Organismen ohne mülterliche Eigen- 
schaften ? (4rch. Entw. Mech., vol. I, p. 203-293, 3 figures, pl. VIII et IX, 1895.) 


ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GEN, — 3€ SÉRIE, — T, VII. 1899. 33 


544 _ YVES DELAGE. 


ment intermédiaires à ceux des larves des espèces parentes, qu’ils 
présentent une combinaison quelconque des caractères des deux 
races parentes et qu’il en est parmi eux dont les caractères sont 
exclusivement paternels ‘. 

De tout celarésulte que Boveri n’a démontré ni la présence exclu- 
sive du substratum des caractères héréditaires dans le noyau, ni 
même la fécondation de fragments ovulaires anucléés. En ce qui 
concerne ce dernier point, il n’est pas inutile de rappeler que Boveri, 
ayant isolé 200 fragments anucléés, n’a pas pu réussir à en fécon- 
der un seul. L'expérience de Boveri, après avoir été accueillie avec 
enthousiasme, était donc tombée dans un complet discrédit, malgré 
les efforts de son auteur * pour atténuer les arguments de ses con- 
tradicteurs. 

On voit par là s’il est juste de dire qu’en montrant cette fécon- 
dation et ce développement, chez des œufs individuellement coupés 
en fragments dans lesquels l'absence de noyau était démontrée de 
visu, je n’ai fait qu'étendre une notion déjà acquise. En outre, il 
est vraiment incompréhensible que M. Giard ait pu écrire que les 
expériences de Boveri avaient été confirmées par celles de Morgan, 
Verworn, Seeliger, quand ces auteurs ont précisément contredit et 
démoli les résultats de Boveri. 

C'est plutôt dans les recherches récentes de Morgan et surtout de 


1 Rien n’est plus imprudent que de tirer des conclusions, dans de telles expé- 
riences, des caractères extérieurs de larves obtenues ; dans les fécondations même 
normales, il y a toujours une bonne proportion d'individus nains ou monstrueux. 
À fortiori en est-il de même pour des œufs soumis à un traumatisme violent et 
élevés en espace confiné, ce qui fréquemment détermine la formation d'individus 
plus ou moins monstrueux. Dans le mémoire in extenso dont ma note à l’Académie 
n’est que le bref résumé, j’ai décrit et figuré un Pluteus mérogonique à bras rudi- 
mentaires. S'il était provenu d’une hybridation avec une race présentant ce caractère 
à l’état normal, en raisonnant comme Boveri, on aurait considéré cela comme un 
caractère paternel ; et c’eût été une grosse erreur, puisque le Pluteus en question 
était de race pure et d’une race où les bras sont très longs. 

2 Boveri, Ueber die Befruchtungs- und Entwickelungsfähigkeit kernloser Seeigel- 
eier und über die Môglichkeit ihrer Bastardirung (Arch. Entwick. Mech., vol. IT, 
p. 394-444, pl. 24 et 25, 1895). 


SUR LA FÉCONDATION MEROGONIQUE. 515 


Ziegler dont ni M. Giard, ni M. Le Dantec ne citent les travaux, 
qu’on peut chercher des antécédents à mes expériences de méro- 
gonie. En 1896, Ziegler ! avait un jour obtenu, par hasard, la section 
d’un œuf d'Oursin fécondé en deux fragments contenant l’un le 
pronucleus &, l’autre le pronucleus ©. En 1898, il arriva ? à repro- 
duire expérimentalement la même section et constata que le frag- 
ment à pronucléus &: se segmentait et donnait une blastula. Mais 
Ziegler opérait sur des œufs fécondés lorsqu'ils étaient encore in- 
tacts, et déduisait d’observations sur les figures caryocinétiques, 
l’absence de noyau femelle dans le fragment qui se développait; ce 
qui me paraît exclure la possibilité d’une fécondation normale, 
avec moins de certitude, que lorsqu'on soumet à la fécondation, 
comme je l’ai fait, des fragments détachés de l’œuf non fécondé. 

En 1896, T. H. Morgan * obtint la fécondation de fragments anu- 
cléés obtenus par secouage. Mais il ne put dépasser le stade à 16 blas- 
tomères et déclara qu'il croyait impossible que de tels fragments 


pussent donner des larves normales. 


Mais laissons ces questions de mérite relatif des observations et 
passons à celle, bien autrement importante, de l'interprétation des 


phénomènes. 


Tout d’abord, je dois relever une erreur dont je ne conçois pas 
que mes contradicteurs aient pu être victimes. M. Giard m’accuse de 
changer la définition de la fécondation normale et de nier chez 
celle-ci l'intervention du noyau femelle. M. Le Dantec insiste sur 
cette idée et écrit: « Pour M. Delage, en un mot, la fécondation 


se réduit à ceci : La femelle fournit le cytoplasme, le mâle apporte 


1 Zeczer (H. E.), Einige Beobachtungen zur Entwickelungsgeschichte der Echi- 
nodermen (Ver. Deutsch. Zool. Gesellsch., 6° Vers., p. 136-155, 5 figures, 1896). 

2 Zreccer (H.-E.), Experimentelle Studien über die Zelitheilung. I Mitth. : 1 Die 
Zerschnurung der Seeigeleier; 2 Fuchung ohne Chromosomen (Arch. Eniw. Mech., 
vol. VI, p. 249-293, 3 figures, pl. 13 et 14, 1898). 

à Loc, cit. 


516 YVES DELAGE. 


le centrosome et le noyau. Comment alors expliquer que le petit-fils 
tienne de son grand-père maternel? » Aï-je jamais dit que, dans la 
fécondation normale, il n’y a pas de noyau femelle ou que ce 
noyau n'intervient pas? Aurais-je créé le terme de fécondation 
mérogonique si cette fécondation n’eût pas été différente de la 
fécondation normale? Tout ce que Fol, Van Beneden, Hertwig, 
Guignard, Strasburger et d’autres nous ont appris sur la fécon- 
dation normale reste vrai et inattaqué. Ce n’est pas là ce qui est 
en question; ce qui est en question, c’est de savoir, et je l’ai 
exprimé avec la dernière netteté dans les phrases mêmes citées par 
M. Le Dantec, si le noyau femelle est nécessaire à l’évolution de 
l'embryon ou s’il ne lui est qu’utile en lui procurant les avantages 
de l’amphimixie nucléaire; si, en mettant à part l’amphimixie, l’apti- 
tude à la variation, la compensation et la combinaison dans le pro- 
duit des caractères héréditaires des parents, et en envisageant le 
seul point de vue de l'évolution de l’œuf en embryon et de la forma- 
tion des organes, le noyau femelle n’est pas inutile. Mes expériences 
ont répondu par l’affirmative. 

M. Giard me fait dire aussi que, dans mes expériences, le taux des 
réussites de fécondation est plus élevé pour les œufs mérogonisés 
que pour les œufs soumis à la fécondation artificielle dans des vases 
plus ou moins spacieux. Je n’ai point dit cela, et, dans ces termes, 
l'affirmation serait fausse. J'ai comparé, comme je devais le faire, 
mes œufs mérogonisés, fécondés dans une goutte d’eau en chambre 
humide, aux œufs intacts, fécondés de même dans une goutte 
d'eau en chambre humide, afin que la part d'insuccès due aux 
conditions accessoires de l’expérience, fût, autant que possible, la 
même pour les deux sortes d'œufs comparées. M. Giard se trompe 
également quand il dit que mes œufs étaient incomplètement mûrs 
et dévoraient les spermatozoïdes au lieu de se laisser féconder par 
eux, afin de se procurer le complément d’aliments nécessaire pour 
arriver à une maturation complète. Les œufs étaient entièrement 


mürs, comme le montre le fait qu'ils étaient presque tous fécondés 


SUR LA FÉCONDATION MÉROGONIQUE. 517 


si on les additionnait de sperme dans de larges cristallisoirs; en 
outre, ceux que je fécondais dans une goutte d’eau étaient, malgré 
mon attention à ne pas mettre trop de sperme, entourés d'un si 
grand nombre de spermatozoïdes, qu’il en serait resté de quoi en 
féconder des centaines après qu'ils en auraient mangé autant qu'ils 


auraient pu. 


J'arrive à l'interprétation de la fécondation mérogonique et ici je 
dois répondre séparément à M. Le Dantec et à M. Giard qui proposent 


deux interprétations différentes. 


L’explication de M. Le Dantec mérite d’être citée tout au long : 
« J'ai déjà montré plus haut que le centrosome pouvait, logique- 
ment *, être considéré comme diffus dans l’ovule et non comme 
déficient. Une remarque analogue peut se faire, au sujet de la subs- 
tance nucléaire dont une grande partie au moins, nous l'avons vu, 
pendant la caryocinèse, se trouve mélangée au cytoplasma et, dans 
l’'ovule, reste mélangée au cytoplasma. De sorte que ce qui serait 
fécondé dans les expériences de mérogonie, ce serait, non pas un 
morceau de cytoplasma pur, mais une sorte de substance moné- 
rienne contenant, intimement mélangées sans forme figurée, toutes 
les substances constitutives de la cellule, cytoplasme, centrosome, 
noyau. » 

Ainsi, la fécondation mérogonique serait l’union du spermatozoïde 
à des substances amorphes mélangées dans le cytoplasme! Et c'est à 
moi que l’on reproche de mutiler la définition consacrée de la fécon- 
dation ! ! 

Il n'est pas besoin de creuser beaucoup la question pour voir que 
la distinction que veut établir M. Le Dantec, entre le cytoplasma pur 


1 Dans l’espèce, logiquement signifie déduit par le raisonnement, en l’absence de 
toute observation infirmative ou confirmative. Or, logiquement, les choses pourraient 
se passer d’une autre façon, l’ovocentre pourrait être expulsé avec le deuxième 
globule polaire. Les auteurs qui parlent de sa disparition sont muets sur ce qui se 
passe ou parfois indiquent qu’il se désagrège. 


518 | YVES DELAGE. 


et sa substance monérienne n'est pas soutenable. Depuis qu'il existe 
des cellules nucléées, de continuels échanges osmotiques entre le 
cytoplasme et le noyau ont incorporé au premier des substances 
venues du second ; depuis qu’il y a une division indirecte, l’enchy- 
lema nucléaire s’est répandu dans le cytoplasme au moment de la 
disparition de la membrane nucléaire; en sorte qu’un cytoplasma 
pur, ne contenant rien qui vienne du noyau, n'existe pas et ne peut 
pas exister. La substance monérienne de M. Le Dantec, même y 
compris le liquide provenant de la dissolution supposée de l’ovo- 
centre, c’est le cytoplasme pur de tout le monde. Il n’y a pas lieu 


d'insister. 


Tout autre est l’interprétation de M. Giard. Pour lui, la féconda- 
tion mérogonique n’est pas une vraie fécondation *, c’est une parthé- 
nogenèse mâle. 

Passons sur l’impropriété de l'expression et discutons l’idée qu’elle 
renferme. Dans la parthénogenèse vraie, la parthénogenèse femelle, 
un œuf se développe sans rien emprunter au sexe opposé. Ici, avons- 
nous un spermatozoïde se développant sans rien emprunter au 
sexe femelle ? Nullement, puisqu'il simmerge dans une masse de 
cytoplasme ovulaire quelque 500000 fois plus volumineuse que lui. 

M. Giard ne conteste pas le fait, il lui incombe donc de démontrer 
que la présence de cette masse énorme de cytoplasme ovulaire au- 
tour du spermatozoïde n'empêche pas que le développement de l'en- 
semble soit parthénogénétique mâle. Or, il ne démontre rien de 
cela. Il semble, cependant, que la différence entre la vraie parthé- 
nogenèse femelle, où l’ovule n’emprunte rien au sexe mâle, et sa 
prétendue parthénogenèse mâle mérogonique, où le spermatozoïde 
emprunte au sexe femelle une masse de cytoplasme un demi- 


1 A l'instant même, je reçois de Marcus Hartoc, dont la compétence en ces 
matières est bien connue, une lettre datée du 3 décembre 1899, où il dit en parlant 
des fécondations mérogoniques : « Pour ma part, je les considère comme de véri- 
tables fécondations, bien qu’essentiellement différentes des fécondations ordinaires.» 


SUR LA FÉCONDATION MÉROGONIQUE. 519 


million de fois plus volumineuse que lui, que cette différence, 
dis-je, ne soit pas, a priori, insignifiante et qu'il faille autre chose 
qu'une affirmation pure et simple pour démontrer qu'elle est négli- 
geable. | 

Ce que M. Giard n’a point fait, cherchons à le faire pour lui. 

Pour que le cytoplasme ovulaire ne joue aucun rôle essentiel dans 
l’évolution mérogonique, il faudrait, ou que le cytoplasme, même 
lorsqu'il conserve sa structure typique et ses fonctions, ne fût qu'une 
substance accessoire, sans importance et sans initiative dans l’évo- 
lution qui serait dirigée par le noyau seul, ou que, dans le cas parti- 
culier de la mérogonie, le cytoplasme ovulaire perdit toute action 
sur le développement, par le fait qu'il déchoirait au rôle de sub- 
stance nutritive et céderait la place au cytoplasme spermatique, qui 
persisterait seul dansla larve, à titre d’élément structuré. Examinons 
successivement la valeur de ces deux hypothèses. 

La première repose uniquement sur la vieille notion, aujourd'hui 
battue en brèche, du rôle directeur du noyau. Gette notion est prin- 
cipalement fondée sur une interprétation abusive des remarquables 
expériences de Balbiani sur la mérotomie des Infusoires. Quand 
on sectionne un Stentor, un fragment contenant le noyau ou une 
partie du noyau peut régénérer ce qui lui manque et continuer à 
accomplir toutes les fonctions dela vie; au contraire, tout fragment 
sans noyau peut vivre quelque temps, mais est incapable de s’ac- 
croître, de régénérer ce qui lui manque et de se reproduire; d’où 
la conclusion que c’est le noyau qui gouverne les fonctions vitales. 
Le vice du raisonnement saute aux yeux. Il est vrai que le cyto- 
plasme seul ne peut accomplir toutes les fonctions vitales, mais, où 
a-t-on vu qu un noyau seul püt en accomplir même une seule ? Le 
noyau privé de cytoplasme est encore bien plus incapable de vivre 
que le cytoplasme sans noyau, et il serait tout aussi légitime de 
dire : un noyau sans cytoplasme ne peut accomplir aucune des 
fonctions vitales ; un noyau avec cytoplasme peut les accomplir 
toutes; donc, c’est le cytoplasme qui dirige ces fonctions. En réalité, 


520 YVES DELAGE. 


rien de tout cela n’est vrai : la cellule n’est pas plus un cytoplasme 
régi par un noyau qu’un noyau régi par un cytoplasme, c’est un 
organisme doué de propriétés résultant d’un consensus et des actions 
| synergiques du cytoplasme et du noyau, aussi nécessaires l’un que 
l’autre à la manifestation complète des énergies vitales de l’en- 
semble. Donc il n’est pas permis de considérer, comme ne devant 
rien au sexe femelle, un développement dans lequel intervient du 
cytoplasme ovulaire. | 

La seconde hypothèse consistant à dire que le cytoplasme ovu- 
laire serait absorbé par le cytoplasme spermatique, qui se substitue- 
rait à lui pour former le cytoplasme des cellules de l'embryon, ne 
repose sur aucun fondement. i 

Quand on avance une assertion aussi fortement paradoxale que 
celle qu’exprime cette hypothèse, il faut au moins l’appuyer de 
quelques preuves. M. Giard n’en donne pas. Cherchons donc nous- 
mêmes sur quoi on pourrait l’étayer. 

La différence essentielle entre le cytoplasme ovulaire agissant 
comme organe femelle spécifique et ce même cytoplasme utilisé à 
titre de simple substance alimentaire, ne saurait être que celle-ci : 
dans le premier cas, sa structure physique, histologique, intervient; 
dans le second, il n’est tenu compte que de la nature chimique de 
sa substance. Dès lors, si l’on détruit la structure physique en lais- 
sant intacte la substance chimique, celle-ci doit suffire au spermato- 
zoide pour se développer. Je propose donc à M. Giard l'expérience 
suivante : qu'il crève des œufs d'Oursin et les réduise en une 
bouillie amorphe et qu'il place dans cette bouillie des spermato- 
zoïdes. Si ces spermatozoïdes lui donnent des Pluteus, j’admettrai 
son interprétation de la mérogonie. 

Si M. Giard se récuse en disant que le spermatozoïde ne peut 
assimiler la nourriture ovulaire que lorsque celle-ci a sa structure 
normale, nous lui ferons remarquer qu’attribuer à la structure du 
cytoplasme un tel rôle, en lui refusant celui de servir à la consti- 


tution de l'édifice embryonnaire, c'est appuyer une hypothèse para- 


SUR: LA FÉCONDATION MÉROGONIQUE. 521 


doxale sur une hypothèse indémontrable, procédé qui n'est pas 
admis dans les sciences. 

En attendant la réussite de l'expérience proposée, examinons les 
faits qui sont à la connaissance de tous. 

Voilà notre cytoplasme ovulaire hébergeant un noyau spermatique 
avec son centrosome. Un quart d’heure après, on le voit se diviser 
identiquement de la même façon que celui d’un œuf intact, norma- 
lement fécondé. Les deux blastomères issus de cette division ont 
un cytoplasme, je pense. La substance qui entoure leur noyau 
n’est pas une bouillie alimentaire. On n’a nul droit de prétendre 
qu'il n’est pas du vrai cytoplasme cellulaire normal, quand aucune 
différence observable au microscope ou décelable par les réactifs ne 
se montre entre lui et le cytoplasme des blastomères d’un œuf 
entier normalement fécondé. Or, ce cytoplasme, d’où vient-il ? C'est 
celui même du fragment ovulaire anucléé soumis à la fécondation. 
Pour que l’hypothèse de M. Giard fût vérifiée, il faudrait montrer 
que ce cytoplasme est d’origine spermatique, qu'il provient de la 
parcelle qu'a apportée le spermatozoïde, laquelle parcelle se serait 
étendue et aurait englobé le cytoplasme ovulaire réduit à la condi- 
tion d’aliment. Or, cette parcelle de cytoplasme spermatique n’est 
pas la millième partie de la tête du spermatozoïde, laquelle n’équi- 
vaut pas à deux millionièmes de la masse du cytoplasme ovulaire,. Il 
faudrait vraiment que ce cytoplasme spermatique fût doué d’une 
prodigieuse faculté d’assimilation, pour absorber un tel volume de 
substance nutritive en un quart d'heure. Si M. Giard vient dire que 
la substitution du cytoplasme spermatique au cytoplasme ovulaire 
peut n'être que progressive, et qu'il y a, au début, dans les cellules de 
l'embryon, deux cytoplasmes distincts, l’un femelle, destiné à être 
digéré, l’autre mâle, destiné à rester seul après avoir assimilé le pre- 
mier, je lui demanderai de nous montrer ces deux cytoplasmes, de 
nous donner des preuves de cette digestion, de cette substitution de 
l’un à l’autre; et comme il ne le fera pas, je lui répéterai encore qu’il 


n’est pas scientifique de se retrancher derrière des hypothèses 


+ 


522 YVES DELAGE, 


invérifiables pour éviter la démonstration d’hypothèses paradoxales. 

N'’est-il pas abusif de supposer une évolution aussi extraordinaire, 
quand aucun phénomène observable ne nous en montre la moindre 
trace ? Et, n'est-il pas plus simple de tirer de l'expérience sa con- 
clusion naturelle, savoir, que les blastomères se composent d’un 
noyau de provenance exclusivement mâle, logé dans un cytoplasme 
de provenance exclusivement femelle (sauf la fusion dans la masse 
de la minime parcelle de cytoplasme spermatique), sans nier d’ail- 
leurs les modifications de l’un par l’autre par les échanges osmo- 
tiques qui s’opèrent entre eux; et que ce cytoplasme ovulaire, dans 
l'embryon mérogonique, a conservéses qualités d'organe spécifique, 
basées sur sa structure physique et sa constitution chimique, 
puisque aucun indice ne nous montre qu'il ait, à aucun moment, 
déchu au rôle de simple substance alimentaire? 

ÏIl y à, cependant, encore une troisième manière de voir, qui con- 
sisterait à déclarer parthénogénétique tout développement non pré- 
cédé de la fusion de deux noyaux de sexe opposé, et je ne serais pas 
étonné que ce fût là, au fond, l’idée de M. Giard. Dans ce cas, il n’y 
a pas de doute, la mérogonie est une parthénogenèse, mais cela ne 
donne pas raison à mon contradicteur. 

D'abord, je ne vois pas pourquoi cette parthénogenèse serait plutôt 
mâle que femelle, puisque les deux sexes fournissent, l’un et l’autre, 
une partie de substance et que la subordination fonctionnelle du 
cytoplasme au noyau n’est pas démontrée. 

Mais, passons sur ce point. 

Si l’on accepte la définition de M. Giard, il se trouvera qu’il y a deux 
sortes de parthénogenèse : une parthénogenèse vraie, où le produit 
sexuel, mâle ou femelle, se développera sans rien emprunter au sexe 
opposé, et une parthénogenèse mâle particulière (dans le cas de la 
mérogonie), où le produit sexuel mâle emprunte au sexe femelle le 
cytoplasme de l’ovule. On aura donc réuni, sous le même vocable, 
deux choses fondamentalement différentes, ce qui n’a que des incon- 
vénients. Quel intérêt y aurait-il, en effet, à définir la mérogonie une 


SUR LA FÉCONDATION MÉROGONIQUE. 223 


parthénogenèse ? Un intérêt très grand, celui de faire entrer un fait 
nouveau, inconnu, dans une catégorie ancienne et connue. Mais, 
pour que l’avantage soit réel, la condition essentielle est que les faits 
que l’on rapproche soient réellement semblables ; dans ce cas parti- 
culier, il faudrait que la mérogonie soit semblable à ia parthéno- 
genèse vraie, non par le nom seulement, mais par l’essence du phé- 
nomène. Or, nous avons démontré qu’elle en est profondément 
différente. Dès lors, il n’y a qu’à rejeter l’assimilation proposée par 
M. Giard ; elle n’explique rien et apporte de la confusion en réunis- 
sant des choses différentes sous une étiquette commune. 


Ainsi, la conclusion de mes expériences reste inébranlée. La fécon- 
dation normale est bien l’union d’un noyau mâle à un noyau femelle 
dans le cytoplasme ovulaire, mais, ce qui est essentiel dans le phé- 
nomène, c’est la réunion du noyau spermatique au cytoplasme ovulaire. 
La participation du noyau femelle peut procurer au produit des avan- 
tages importants au point de vue de la multiplicité, de la combinai- 
son, de la compensation des tendances évolutives, au point de vue de 
l'aptitude à une variation modérée et de la modération des ten- 
dances à une variation exagérée, au point de vue, en un mot, des 
relations de l'individu avec ses semblables et avec le milieu ; mais 
elle n’est pas nécessaire, ni même sans doute utile, à l’évolution de 
l'embryon et à la formation de ses organes. Ge qui est essentiel, à 
ce point de vue, c'est la substitution d'un noyau mâle * au noyau 


femelle dans le cytoplasme ovulaire. 


Mais quelle est l’utilité de cette substitution ? Pourquoi un cyto- 
plasme ovulaire, contenant un noyau mâle, se développe-t-il, tandis 
que ce même cytoplasme, contenant un noyau femelle, ne se déve- 
loppe pas, bien que ce noyau femelle soit morphologiquement équi- 
valent au noyau mâle ? 


C’est ce que nous allons, maintenant, chercher à éclaircir. 


1 Une fois pour toutes, disons que, par noyau, nous entendons dans cet article 
l’ensemble inséparable formé par le noyau et le spermocentre. 


924 YVES DELAGE. 


L’éminent professeur de Chicago, Jacques Lœb!, vient de publier 
de très intéressantes expériences sur le déterminisme de la parthé- 
nogenèse (il s’agit ici de la parthénogenèse vraie) chez l'Oursin. Des 
expériences antérieures, exécutées par lui et par d’autres, avaient 
montré que les métaux qui favorisent la coagulation, en particulier 
Ca, sontinhibiteurs : ils arrêtent les contractions musculaires et re- 
tardent le développement des œufs fécondés. Ceux, au contraire, 
qui s'opposent à la coagulation, À, Va et surtout Mo, sont excitants : 
ils provoquent des contractions musculaires en l’absence de toute 
autre excitation et favorisent le développement des œufs fécondés. 
Si l’on soumet à leur influence des œufs non fécondés, on voit le 
noyau se diviser plusieurs fois successivement dans le cytoplasme 
indivis ; et si l’on transporte alors ces œufs dans l’eau de mer nor- 
male, le cytoplasme se divise à son tour. 

Mais, dans ces expériences antérieures, on n’était parvenu à ob- 
tenir que des embryons informes. Dans ses nouvelles expériences, 
Lœb est arrivé à un résultat bien plus remarquable. En plaçant, pen- 
dant deux heures, des œufs d’Oursin non fécondés, dans une solu- 
tion exactement titrée d’eau de mer additionnée de chlorure de 
magnésium ?, et les reportant ensuite dans l’eau de mer naturelle, 
il a réussi à les faire développer parthénogénétiquement et à obtenir 
des blastulas et des Pluteus normaux. Dans des solutions plus faibles, 
on n'obtient qu'un développement incomplet et des embryons in- 
formes. C’est là un résultat tout à fait remarquable et qui fait le 
plus grand honneur à son auteur. 

Lœb en tire cette conclusion, que, dans la fécondation normale, 


le spermatozoïde apporte à l’œuf, non pas peut-être spécialement du 


1 J. LæB, On the Naiure of the process of fertilisation and the artificial production 
of normal larvæ (Plutei) from the unfertilised eggs of the sea Urchin (Amer. Journ. 
of physiol., vol. III, p. 135-138, 1899). 


ne ; : î LRO) : s 
? Parties égales d’eau de mer et d’une solution de MgCl? à Si n. On sait que n in- 


dique la solution dite normale, contenant autant de grammes par litre que le poids 
atomique du sel contient d’unités. 


SUR LA FÉCONDATION MÉROGONIQUE. 329 


MgCP, mais des atomes métalliques qui lui manquent pour se déve- 
lopper parthénogénétiquement. 

Cette conclusion, à notre avis, dépasse la portée de l’expé- 
rience. 

En 1886, Tichomirov ! a montré que des œufs non fécondés de 
Bombyx (Sericaria mori) se développaient jusqu’au stade de la forma- 
tion des membranes embryonnaires, après une courte immersion 
dans l’acide sulfurique concentré ou après brossage. Morgan a 
constaté que l’eau de mer concentrée produit le même résultat chez 
l’Oursin. D’autre part, J. Dewitz? a établi que des œufs non fécondés 
de Grenouille et de Rainette, traités par le sublimé, et Koulagine ?, 
que des œufs de Poissons et d’Amphibiens, traités par du sérum 
antidiphtéritique, entrent en développement. 

Dira-t-on que le spermatozoïde de l’Oursin apporte à l’œuf de la 
femelle l’ensemble des sels de la mer sous un état de concentration 
plus grande, ou celui du Sericaria de l'acide sulfurique, ou celui 
des Amphibiens et des Poissons, du bichlorure de mercure, ou du 
sérum antidiphtéritique ? 

Ces cas sont absolument comparables à celui de J. Læb, et ce 
n'est pas le fait que le développement se poursuit plus loin et plus 
normalement dans l'expérience de Lœb qui établit entre eux une 
différence qualitative. C'est partout le même phénomène, au fond, 
et il n'est pas logique d’attribuer aux uns une explication fonda- 
mentalement différente de celle qui est valable pour les autres, 
Dans toutes ces expériences précédentes, on a interprété avec raison 
l’action du réactif, acide sulfurique, sublimé, toxines, eau de mer 
concentrée, brossage, comme une excitation de l’œuf vierge, qui le 


rend susceptible de se développer sans fécondation, sans en dé- 


1 TicHomrrov (A.), Sullo svilupro delle uova del bombice del gelso sotto l'influenza 
dell" eccilazione meccanica e chimica (Boll. Mens. Bachicolt, Padova, 1886, 7 pages). 

2 J. Dewrrz, Kurze Noliz über die Furchung von Froscheiern in sublimatlüsung 
Biol. Centraibl., vol. VII, p. 93 et 94, 1887). 

3 KouLAGINE, Ueber die Frage der geschlechtiichen Vermerung bei den Thieren (Zool. 
Anz., vol. XXI, p. 653 à 657, 1898). 


526 YVES DELAGE. 


duire que l’acte de la fécondation agit par une excitation de même 
nature que celle des agents en question. 

Des expériences anciennes et de celles plus récentes de Lœæb, 1l 
_ convient donc de conclure uniquement ceci : que l’œuf vierge, bien 
qu'il contienne tout ce qui est morphologiquement nécessaire au 
développement, est trop peu excitable pour entrer spontanément en 
développement ; mais qu'en l’excitant plus énergiquement, soit par 
des actions mécaniques ou chimiques brutales, soit plutôt en le pla- 
çant dans un milieu spécial particulièrement excitant, on peut le 
faire développer sans le secours de la fécondation. 

D'autre part, mes expériences de mérogonie ont fait voir que, en 
substituant dans le cytoplasme ovulaire au noyau femelle un noyau 
mâle, on obtient un développement spontané dans le milieu naturel, 
Elles démontrent par là : À° que ce qui était insuffisamment exci- 
table dans l'œuf vierge, c'était le noyau; 2° que le noyau du sperma- 
tozoïde au contraire est, par lui-même, assez excitable pour se 
développer lorsqu'il est mis dans le cytoplasme ovulaire à la place 
du noyau femelle. 

Cela nous éclaire sur la nature de la fécondation. 

L’œuf ne se développe pas sans fécondation, paree qu’une de ses 
parties, le noyau, est formée d’une substance trop inerte pour déter- 
miner le développement. Le spermatozoïde isolé ne se développe 
pas, bien que son noyau soit suffisamment excitable, parce qu’il lui 
manque des substances nécessaires au développement, le cytoplasme, 
dont il n’a qu’une parcelle insignifiante, et les réserves nutritives, 
dont il est absolument privé. La fécondation a pour but de réunir 
un cytoplasme suffisamment abondant et suffisamment pourvu de 
réserves, donc tel qu’il est dans l’ovule, à un noyau suffisamment 
excitable, comme est celui du spermatozoïde. Rigoureusement, elle 
peut être définie : la substitution, dans le cytoplasme ovulaire, d'un 
noyau mâle suffisamment excitable au noyau femelle inerte. 

Dans la mérogonie, elle est réduite à cela strictement. Dans la 


fécondation normale, il n’y a pas substitution du noyau mâle au 


SUR LA FÉCONDATION MÉROGONIQUE. 591 
noyau femelle, mais addition et fusion des deux noyaux. Mes expé- 
riences de mérogonie montrent que cela ne constitue pas une né- 
cessité, ni même, sans doute, un avantage au point de vue de l’évo- 
lution de l'embryon et de la formation de ses organes ; mais elles 
n’excluent pas la possibilité d’un avantage indirect, relativement 
aux rapports de l'individu avec la nature, avec ses congénères, avec 
ses ennemis et ses proies, avec les conditions ambiantes de toute 
sorte, par le moyen de son aptitude à la variation, et des avantages 
divers qu'il peut tirer du fait qu’il a deux parents complets au lieu 
d’un seul. 

Bien que la cause de cette différence d’excitabilité soit encore à 
déterminer, c’est un résultat de haute importance que de pouvoir 
réduire à une différence d’excitabilité, la différence entre les pro- 
duits germinaux des deux sexes. Cela nous donne une nouvelle et 
. bien suggestive explication des globules polaires. On conçoit, en 
effet, que le noyau mixte de l’œuf fécondé pourrait n'être pas assez 
excitable pour se développer dans son milieu naturel, si la partie 
excitable provenant du mâle était diluée dans une trop grande 
quantité de substance nucléaire femelle inerte. Cela nous permet 
enfin d'expliquer le résultat le plus paradoxal de mes expériences de 
mérogonie. J'ai montré que le cytoplasme ovulaire privé de noyau 
femelle est plus facilement fécondé que l’œuf normal. C’est qu’en 
effet, dans ce cas, aucune parcelle de substance nucléaire femelle 
inerte ne peut affaiblir la haute excitabilité du noyau mâle et con- 
trarier un développement qui a déjà assez à faire de lutter contre 
les difficultés provenant du traumatisme opératoire et des condi- 
tions fâcheuses où l’on est obligé de le mettre pour le maintenir 


en observation. 


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LES CARYOPHYLLIES DE PORT-VENDRES 


PAR 


H. DE LACAZE-DUTHIERS 
Membre de l’Institut. 


Ï 
Il y a déjà longtemps qu’en faisant des recherches à Port-Vendres, 


dont le bassin offre une faune d’une richesse remarquable, j'avais 
trouvé à son entrée, au niveau de la surface de l’eau, des échantil- 
lons de Sympodium coralloïdes. 

Comme j'avais pêché et eu cet Alcyonaire à 30, 40 et le plus sou- 
vent à 200 mètres de profondeur, sa présence au niveau de l’eau 
m'avait naturellement intrigué. Mais, sans l’oublier, j'avais laissé 
de côté cette observation, lorsque, ayant’eu besoin de comparer le 
Sympodium avec un autre Alcyonaire jusqu'ici indéterminé, que je 
nommerai la ÆRolandia, j'ai très naturellement songé à mon an- 
cienne observation et j'ai cherché de nouveau à avoir des échan- 
tillons de l'entrée du port de Port-Vendres; cette recherche m’a 
fourni une autre observation non moins intéressante, dont il va être 


spécialement question dans le présent mémoire. 


Il importe d'indiquer d'abord dans quelles conditions biologiques 
vivent les animaux dont nous allons nous occuper. 

L'entrée du port de Port-Vendres était autrefois largement ouverte, 
dans une grande étendue, du côté de la pleine mer ; aussi la houle, 
souvent extrêmement forte pendant les mauvais temps, pénétrait- 
elle dans le port et y produisait-elle un ressac très fâcheux pour les 
bâtiments au mouillage. 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3€ SÉRIE. — T, VII. 1899. 34 


930 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


Pour éviter cet inconvénient, les ponts et chaussées jetèrent une 
digue, formée de blocs cubiques de maçonnerie amoncelés les uns 
sur les autres dans la partie située au pied du fort du cap Bear. 
L'entrée fut ainsi rendue moins large et moins accessible à la houle. 
Alors, à l’abri et en dedans de cette sorte de muraille cyclopéenne, 
un quai fut construit longeant une partie peu profonde du port où 
les recherches zoologiques sont faciles et toujours très fructueuses. 

La mer continue à battre cette jetée de blocs du côté du large et 
elle l'aurait détruite quand elle est furieuse, si de temps en temps 
on ne lui donnait en pâture de nouveaux blocs jetés sur les restes 
de ceux qui sont en partie usés. 

Il résulte de ces amoncellements, constamment entretenus du 
côté du large, un grand nombre de cavités, sortes de petites grottes 
formées par les espaces que laissent entre eux les blocs de bétonnage 
superposés. 

L'eau très pure du large remplit et baigne toujours ces cavités et 
beaucoup d'animaux y trouvent dés conditions excellentes pour leur 
vie et leur développement. Ils y sont, en effet, à l’abri d'une lumière 
trop vive, trop directe ; on sait que beaucoup d'êtres marins infé- 
rieurs aiment à vivre garantis contre les rayons du soleil ou même 
contre la lumière trop vive du jour. 

Dans les anfractuosités de ces blocs, les meilleures conditions se 
rencontrent, les rayons directs du soleil n’y pénétrant jamais; par 
contre, l’eau y est constamment agitée et s’y trouve parfaitement 
aérée. Lors des grands coups de mer, la lame se brise sur les 
blocs émergeants, et si les mouvements de l’eau sont alors plus 
grands, cependant ils n’y sont pas tels, qu’ils puissent enlever les 
animaux quis’y sont fixés et y ont acquis droit de domicile. 

C’est en me glissant entre ces blocs amoncelés, en râclant leur 
surface immergée, que j'avais trouvé le Sympodium en 1879. 

Cet Alcyonaire est un habitant des eaux assez profondes ; à la Calle, 
les corailleurs m'en ont apporté de magnifiques échantillons, et j'en 


ai pêché moi-même venant de plus de 200 mètres de profondeur. On 


LES CARYOPHYLLIES DE PORT-VENDRES. 991 


le trouve à peu près constamment dans les zones coralligènes ; 
cependant il remonte, comme le Corail, plus haut que cela ; nous 
le pêchons dans le golfe du Lion à moins de 40 et de 50 mètres. 

A la Calle, pas plus que sur les roches des environs du laboratoire 
Arago, je n'ai pas trouvé le Sympodium à fleur d'eau. 

A la Calle, sous les rochers du port, j’ai cependant rencontré beau- 
coup d’Alcyons, mais pas de Sympodium. 

Il est bien évident que, parmi les très nombreuses larves qui sor- 
tent des zoanthodèmes du Sympodium, lors de la reproduction, 
quelques-unes ont pu être apportées par les courants et les lames de 
fond, et qu’'arrivées dans les anfractuosités de la jetée de Port- 
Vendres, elles se sont fixées, y trouvant les conditions favorables qui 
viennent d’être indiquées. 

Même chose a dû arriver pour un autre Coralliaire bien différent, 
appartenant au groupe des Zoanthaires, qu’à première vue on recon- 
naît être une Caryophyllie. 

Les individus de cette espèce ne sont pas rares; ainsi, dans une 
seule séance de grattage au-dessous des blocs, à l’aide d’une petite 
drague formée d’une poche de filet et armée d’une lame de fer, il 
m'a été possible de faire recueillir plusieurs centaines de cette Caryo- 
phyllie. 

Au moment où je m'occupais de cette trouvaille, je fus averti, 
ayant donné l’ordre de nettoyer les citernes d'alimentation de l’aqua- 
rium, que sur leurs parois se. trouvaient aussi des Polypiers, quel- 
ques-uns de belle taille. 

Comment ces Coralliaires étaient-ils arrivés là ? La réponse est la 
même que celle qu'il y à à faire pour une série d'animaux qui vivent 
dans les bacs de l'aquarium du laboratoire Arago et qu’on n’y a pas 
mis. Ils y arrivent à l’état de larves portées par l’eau de la pompe. 

Or, ces Polypiers ont trouvé, dans les cavités obscures des 
citernes, la tranquillité de l’eau et les conditions favorables à leur 
développement. Nous aurons à les comparer avec ceux de l'entrée 


du port de Port-Vendres. 


332 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


Dans nos régions du Roussillon, nous n’avions jusqu'ici trouvé, à 
la hauteur du niveau supérieur de l’eau, que deux espèces du genre 
Balanophytlia : l’'Italica et la Regia. L'examen le plus superficiel ne 
permet en aucune façon de confondre notre Polypier avec les 
Balanophyllies. 

Des eaux profondes, les bateaux chaluteurs faisant la pêche de 
Poissons rapportent fréquemment la Caryophyllia clavus, qui n'est 
pas rare dans le golfe. Ainsi on en voit souvent dans l’aquarium des 
centaines bien vivantes. Jusqu'ici, on n’avait pas trouvé cette espèce 
sur les côtes à de très faibles profondeurs. 

On doit comprendre qu'il était utile de rechercher si dans quel- 
ques autres points de la côte, nonloin du laboratoire, on trouverait la 
même Caryophyllie qu’à l’entrée de Port-Vendres. 

J'ai exploré bien des fois, depuisla fondation du laboratoire Arago, 
toutes les anfractuosités des roches très scarieuses de l’île Grosse, 
ses trottoirs, au niveau des plus basses mers, formés par des algues 
calcaires, je n’ai jamais rencontré que la Palanophylha regia et 
l'/talica, encore fort rarement celle-ci. La grotte peu profonde du 
Troque, un peu au sud du laboratoire, n’a pas présenté d'individus 
de Caryophyllies. 

En face du laboratoire, au nord-est, sous le village, on voit, au 
cap Doune, une faille assez profonde dans laquelle l’eau pénètre 
surtout lors des coups de mer d'est. Il n’y a point de Caryophyllies ; 
le patron de mes embarcations, habile chercheur, a fini par en dé- 
couvrir dans une grotte peu profonde, mais où l’eau est dans de 
bonnes conditions, sous le cap Béar. 

Les échantillons de cette dernière localité qui m'ont été procurés 
par mon patron sont tous d’une taille bien inférieure à ceux pris à 
l'entrée de Port-Vendres. Ils sont tous simples et ne forment pas de 
bouquets. 

Il ressort de cette observation que les larves apportées par les 
lames venant des contrées où abondent les adultes, ne se sont fixées 


que dans les points où elles ont rencontré une tranquillité relative. 


LES CARYOPHYLLIES DE PORT-VENDRES. 533 


Il existe encore deux espèces dans la Méditerranée : 

La Caryophyllia cyathus, qui, à la Calle, n’est pas rare, et qui est 
si caractérisée par ses formes et par la rareté dans le golfe du Lion, 
si même elle y existe, qu’il est peu nécessaire de rechercher si notre 
espèce de l'entrée du port se rapporte à elle. 

La troisième Caryophylha, l'arcuata, est relativement rare sur les 
côtes du Roussillon; elle ne se rencontre pas dans les fonds de 
200 mètres ; il faut, pour la trouver, descendre jusqu'aux grandes 
profondeurs bien au-dessous de 200 mètres, appelées dans le pays 
retch (abîmes), et dont M. Pruvot a si bien établi la situation et la 
topographie dans ses belles cartes du golfe en fixant aussi la station 
des Amphihelia et Lophohelia, sur lesquels on la trouve habituel- 
lement. 

Par tous ses caractères, il ne me semble pas possible de confondre 
la Caryophyllia arcuata avec celle qui a été trouvée à l’entrée du 
port et dans la citerne. D'ailleurs, l’abime se trouve à une telle dis- 
tance au large, qu’il serait bien difficile d'admettre le transport de 
ses larves jusqu’à nos côtes roussillonnaises. 

Nous arrivons donc par voie d'exclusion à ne pouvoir admettre 
que des rapports entre les échantillons vivant au niveau supérieur 
du port et la Caryophyllia clavus. 

Ici se présente une condition bien différente pour les individus de 
l'entrée du port et pour ceux dragués au large. Ceux-là sont fixés 
sur des corps stables, parois des citernes et surfaces des blocs ; 
ceux-ci sont toujours attachés sur des débris de coquilles essen- 
tiellement mobiles. 

Je prie le lecteur de se reporter au volume V de la troisième série 
des Archives, à l’histoire des Coralliaires de la faune du golfe du Lion 
(Caryophyllia clavus, p. 37, et plus loin à la discussion des carac- 
tères comparés de la Caryophyllia Smithü). 

Il y trouvera l'opinion de Duncan discutée et l'espèce de Caryo- 
phyllia dite Smith conservée. 


Il est nécessaire ici de rappeler l’opinion du naturaliste anglais, 


934 H. DE LACAZE-DUTHIERS, 


puisque toutes les considérations qui vont suivre se rapportent à la 
critique de cette opinion. 

Duncan admet de très nombreuses variétés de la Caryophylla 
clavus et signale la C. Smithii comme l’une d’elles. . 

Il explique la différence des caractères qu'il ne peut méconnaître 
entre les deux par la différence des stations. Si la Caryophyllia 
clavus présente cette forme conique, cette base de fixation pointue 
qui lui a valu son nom spécifique, c’est parce qu’elle est fixée dans 
la Méditerranée surtout et presque toujours sur des corps mobiles 
tels que des coquilles, des débris quelconques que les mouvements 
de la mer déplacent incessamment. 

Au contraire, la Caryophyllia Smithiü se fixe sur des rochers, et de 
fait à Roscoff, comme sur les côtes anglaises, on ne la trouve qu'aux 
très grandes marées, suspendue à la face inférieure des blocs de 
granit s’avançant en saillie libre, au-dessus des fonds vaseux ou 
sablonneux formant comme des voûtes. 

C’est ainsi qu’à Roscoff nous allons la chercher dans cette dépres- 
sion qu’on nomme le Trou d’argent, qui ne délasse qu'aux grandes 
marées et qui, en face de la ville, au milieu des cailloux, forment la 
barrière sud du canal entre l’île de Batz et le continent. A Trécastel 
de même, aux grandes marées, on la trouve fixée à ces blocs 
énormes de granit amoncelés sur la côte. 

Dans ces conditions, la Caryophyllie fixée sur un Dentale, ou un 
petit caillou, ne peut, bien évidemment, étendre sa base, tandis que 
sur le rocher elle a toute facilité pour conserver son rand-plate, sur 
toute la hauteur de sa muraille et l’étaler autour de son pied (voir 
et comparer la figure des deux espèces, pl. I et pl. IIT du volume V, 
3° série des Archives). 

Chose curieuse, jamais les dragues ou les engins des corailleurs 
que nous employons et trainons aux fonds habités par la Caryophyl- 
lia clavus n’ont rapporté de parties de rochers sur lesquelles fus- 
sent fixés des Polypiers. Il eût été fort intéressant de voir dans une 


même localité, sur le même fond, les deux espèces considérées 


LES CARYOPHYLLIES DE PORT-VENDRES. 935 


comme variétés pour Duncan, offrir les caractères des individus 
fixés d’une part sur des corps mobiles, d’autre part sur des corps 
stables étendus en surface. 

La découverte d’une Caryophyllie vivant au niveau supérieur de la 
mer et fixée sur des corps immobiles à large surface méritait une 
attention toute particulière, car elle fournissait l’occasion de recher- 
cher et de montrer quelle influence Ia station et les conditions qui 
lui sont inhérentes avaient sur les caractères acquis par le Polypier. 

Nous avons donc à rechercher quels sont les caractères tirés de 
l'étendue du pied ou de la base de fixation, pour résumer par un 
seul mot ce qu'est dans l’exemple {a forme Clavus ; 

Ce que sont la grandeur et la forme du calyce, des cloisons, des 
palis et de la columelle. 

Un caractère qui frappe tout d’abord par l'examen, même super- 
ficiel, des échantillons, c'est que les individus sont souvent rappro- 
chés et soudés les uns aux autres de façon à former des bouquets 
de calyces qu’au premier abord on pourrait croire dus à la blastoge- 
nèse ou à la fissiparité. Or le fait du bourgeonnement serait absolu- 
ment anormal pour une vraie Caryophyllie, type toujours simple. 

Étudions successivement la forme et les variétés que présentent 
toutes les parties d’un polypier de la Caryophyllia de Port-Vendres, 
en établissant la comparaison avec les mêmes parties de la C’. clavus 


. pêchée au large. 


Il 


DU PIED ET DE LA FORME CZAVUS. 


C’est un fait facile à constater que le plus grand nombre des indi- 
vidus recueillis présente franchement la forme clavus ; c’est-à-dire 
que le polypier était conique et fixé par le sommet du cône (pl. XV, 
fig. 4, 2, 3.et À). 

Mais il faut remarquer qu'il est souvent nécessaire pour recon- 


naître la forme réelle de débarrasser la muraille en la grattant pour 


536 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


faire disparaître les concrélions de nature diverse qui se sont dépo- 
sées ou fixées à sa surface. 

En discutant la question de la blastogenèse, on verra que, sur les 
| bouquets formés par le rapprochement et la soudure des différents 
individus qui les forment, on finit par arriver à trouver non seule- 
ment le sommet conique de chacun des polypiers, mais encore à 
fixer la limite de la surface de la muraille sur laquelle la iarve peut 
s'attacher tout comme celle sur laquelle elle ne peut pas se fixer. 

Sur plusieurs centaines d'échantillons, je n’en trouve pas plus 
d’une trentaine dont le pied soit à peu près aussi large (fig. 6 et 8) 
que le calyce et encore ne sont-ils pas des plus développés; ils sont 
ordinairement de faible taille. Nous verrons que, dans ce cas, le 
pourtour du calyce et la columelle présentent quelques légères 
modifications de caractère. Les palis eux-mêmes offrent quelques 
différences. 

Ce qui pourrait conduire à l'erreur, si l’on ne faisait qu’une 
observation rapide et non suivie du grattage des échantillons, c’est 
que, chose aussi rare qu'inattendue, la Caryophyllia de l'entrée du 
port de Port-Vendres forme très souvent des groupes de trois, 
quatre, six, dix, quinze individus (pl. XV, fig. 10 et 41), ce qui m'a 
d’abord fort étonné, car l’un des caractères les plus marqués de ce 
genre, c’est l'isolement des individus — pour employer l'expression 
technique — Ia simplicité du polypier. 

Souvent sur une même coquille on trouve bien deux ou trois 
Caryophyllies venant du fond du large, mais toujours isolées. 

J'ai cité l’exemple remarquable d’une famille formée d’une tren- 
taine de jeunes Caryophyllia Smithä groupées dans l’intérieur d’une 
coquille de Cardium ne se touchant pas. 

Ici, probablement, c'est la condition que présentent les mouve- 
ments de l’eau, sous ces sortes de grottes, qui doit tenir rapprochées 
les larves naissant successivement, et l’'empilement des unes sur les 
autres sont les faits qui frappent tout d’abord, comme je le disais 


plus haut. C’est donc au milieu des groupes qu'il faut rechercher 


LES CARYOPHYLLIES DE PORT-VENDRES. D31 


le sommet conique du calyce, et pour peu qu'on y porte attention, 
on retrouve bien aisément le caractère clavus (plid re) 
ment plus accusé que sur les Polypiers pêchés au large et fixés sur 
toute espèce de débris de fonds de mer, coquillages, petits cailloux, 
épines d’Oursins, etc., etc., et il faut remarquer encore que tous les 
échantillons des musées ayant servi à l'établissement de l'espèce 
sont fixés sur des coquilles ou sur leurs débris. 

La figure 4 de la planche XV peut donner une idée exacte de la 
position des sommets des cônes placés dans l'intervalle des diffé- 
rents individus. Pour avoir une préparation semblable à celle que 
représente cette figure, il faut toujours, après examen d'un petit 
bouquet, faire sauter comme un éclat l’un des Polypiers et, en des- 
sous de lui, on voit alors les différentes pointes des conules encore 
fixées sur la muraille des polypiers plus anciens qu'eux, 


Cette figure 1 est très instructive et très démonstrative. 


IT 


DE LA FORME DU CALYCE ET DE SA COULEUR. 


Dans les échantillons de Caryophyllia clavus pêchés à la traîne et 
fixés sur des corps de faible taille tels que les Dentales, Scalaires, ou 
autres corps allongés, les piquants d’Oursins, l'ouverture du calyce 
ou la base du cône est généralement ovale et régulière. La cavité 
est assez profonde ; toutefois, la columelle et surtout les palis remon- 
tent assez haut, et apparaissent très évidents ‘. 

Ici l’ovale, pris dans son ensemble, est certainement moins allongé. 
La taille du grand diamètre, opposée à celle du petit, est, dans le cas 
qui nous occupe, un peu moins différenciée. 

Cela se voit surtout bien évidemment sur les échantillons à base 
élargie, à ce point de vue, légèrement éloignés de la forme clavus. 

Cependant je dois dire que, dans les plus grands échantillons trouvés 


1 Voir la planche et les figures du mémoire les Coralliaires du golfe du Lion, vol. V, 
pl: I et TE. 


938 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


dans la citerne alimentant l'aquarium, l'ovale est d'une régularité 
parfaite (pl. XV, fig. 9); il ressemble absolument à celui des échan- 
tillons les plus caractérisés des individus pêchés au large, et dont la 
base, quoique élargie, est loin d'atteindre le plus grand diamètre du 
calyce. 

Mais une cause de déformation se présente, un peu trompeuse, 
qui pourrait en imposer. 

Lorsque les embryons à terme, rejetés par leurs parents, tombent 
autour de la base du point de fixation de ceux-ci, deviennent adhé- 
rents et grandissent, en élevant chacun la base du cône qu'ils 
représentent, ils finissent par arriver à se toucher. En étudiant la 
question : y a-t-il blastogenèse et fissiparité ? il sera répondu par 
des faits certains, incontestables, montrant la cause de l’erreur dans 
laquelle ont pu tomber quelques naturalistes fort experts, mais 
n'ayant observé que superficiellement. 

Lorsque les bords des deux calyces voisins sont devenus tangents 
et se compriment par leur rand-plate, il s'établit une soudure entre 
la partie charnue des deux rand-plates des individus contigus. Et, 
dans ce cas, le polypier qui est sécrété au-dessous des parties molles 
unies participe à la soudure. Bien plus, il se forme comme un fossé 
au-dessus du point où les parties (fig. 12) molles se sont fusionnées, 
et, lorsque l’on prépare le polypier en le débarrassant de la matière 
animale, on a sous les yeux l’apparence très exacte de ces corolles 
ou péristomes de polypiers qui, ainsi qu'on l’observe dans les acti- 
nies ou autres espèces, semblent allongées et pincées vers le milieu 
de la longueur de leur plus grand diamètre. 

Cette cause de déformation est très fréquente, on en rencontre 
des exemples dans presque tous les bouquets ou groupes un peu 
nombreux (fig. 11). 

La profondeur du calyce est d'autant plus grande que le polypier 
est plus anciennement développé. 

Dans ces conditions, le pius souvent les individus présentent une 


coloration particulière, brunâtre. 


LES CARYOPHYLLIES DE PORT-VENDRES. 939 


Très fréquemment aussi, dans ces mêmes conditions, la colu- 
melle et les palis sont légèrement modifiés; nous allons voir 
cominent. 

La couleur des calyces est ainsi différente avec la taille et l’an- 
cienneté. | 

Elle est en rapport avec la couleur des Polypes. 

Cette teinte du Polype est difficile à définir et à comparer avec 
précision à une autre couleur, d’une manière bien nette ; elle est 
grisâtre, cendrée, brunâtre, mêlée avec un peu, très peu, de terre 
de Sienne non brûlée. Le polypier est terne, et par cela même obscur 
dans son fond. Alors on distingue peu ses éléments profonds. Il faut 
Pincliner pour bien voir dans la profondeur en y faisant pénétrer la 
* lumière, sans cela on ne reconnaît aucun des détails. 

Il faut du reste observer que les Polypes offrent des couleurs 
analogues à celles des calyces du Polypier. J'ai eu tous ces ani- 
maux vivants et bien gonflés, plus ou moins épanouis et étalés, mais 
suffisamment pour avoir pu contrôler leur ressemblance avec les 
polypes de la Caryophyllia clavus du fond du golfe (fig. 4) *. 

Or, si l’on suit la description de la livrée de ces Polypes, que l’on 
trouvera dans le volume V de la 3e série des Archives, on y verra 
que des teintes plus ou moins chaudes et vives de brun de Van Dick, 
de terre de Sienne, se trouvaient représentées par toutes les gammes 
des tons de ces couleurs sur le péristome des animaux qui ont 
vécu plusieurs années dans les bacs de l’aquarium du laboratoire 
Arago. Ici les couleurs se sont trouvées semblables, mais avec une 
distinction que je n’avais pas observée sur les animaux du golfe. 
Les échantillons dont les Polypes ont une couleur brune donnent 
un polypier brunâtre, ceux qui sont incolores ou blancs ont un po- 
lypier qui, dépouillé de la matière animale, est d’une blancheur 
parfaite. 


1 La figure 4 représente un polype gonflé, les tentacules rentrés, on distingue par 
transparence à l’intérieur le pourtour du calyce et au-dessous l'épaisseur et l’inser- 
tion du rand-plate. 


940 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


Il ne peut être question des polypiers à teinte brun-verdâtre qui 
sont colorés évidemment par une algue parasite. 

On sait sans doute que le meilleur moyen de débarrasser les poly- 
piers de la matière animale qui les a produits est de les faire macérer 
dans une lessive assez forte de potasse caustique. Habituellement 
une dizaine de pastilles de potasse caustique, dissoutes dans un demi- 
verre d’eau, détruisent tout le Polype dans moins de douze heures. 
L'expérience n’a rien d’important quant aux proportions, aussi n’ont- 
elles pas été calculées et dosées avec une précision extrême; mais ce 
qui pourrait en faire craindre les conséquences, ce serait l’altération 
du tissu calcaire du polypier; or, je ne l’ai jamais remarquée. 


La couleur brune, légèrement brune, n’est pas modifiée par la 


potasse; la biancheur des calyces incolores est acceniuée par la : 


séparation de toutes les particules organiques. 


IV 


DE LA COLUMELLE,. 
(Fig. 9 et 14.) 


Cet élément du polypier est très remarquable dans les échantil- 
lons du golfe. 

Il est constitué par des lamelles étroites contournées en spirale et 
s’'élevant du fond du calyce. Ordinairement les lamelles sont placées 
en ligne dans le plan du grand diamètre de l’ovale. 

La columelle la plus simple, la plus régulière n’est formée que 
d’une rangée de lamelles, mais sur les plus gros échantüllons, on 
trouve, à droite et à gauche de la rangée centrale, quelques la- 
melles qui portent, mais irrégulièrement, le nombre des rangées à 
trois. (Voir les planches de l'espèce, vol. V, 3° série.) 

Ce qui est fort évident sur les Caryophyllies bien normales, c’est 
la torsion et la forme lamellaire des éléments de la columelle, cela 
se voit dans la Caryophyllie de la citerne (pl. XV, fig. 9). 


Il importe d’ajouter que l’on rencontre des échantillons n'offrant 


à cut du IDE el NU. VTT 74 


LES CARYOPHYLLIES DE PORT-VENDRES. 941 


pas la régularité qui se voit dans la figure photographique (pl. I, 
fig. 4, vol. V, 3° série). 

Dans la figure 2, qui est la photographie d’un individu plus déve- 
loppé, l’on voit la columelle avec des éléments moins caractéris- 
tiques que dans la figure 1. 

Ici surtout, dans les individus de la plus grande taille, au milieu 
des bouquets ou groupes de calyces, c’est la petitesse des lamelles 
qui rend obscure leur torsion en spirale et leur nombre qui est plus 
grand ; aussi trouve-t-on des exemples où la caractéristique de la 
columelle devrait être : columelle papillaire (fig. 14), elle est ovale, 
et ses éléments sont rapprochés et serrés. 

Dans les individus blancs et qui semblent moins anciens, on re- 
trouve les caractères rappelés plus haut, c’est-à-dire la forme lamel- 
laire et la torsion spiralée. Mais jamais je n'ai trouvé dans les Carÿo- 
phyllies de Port-Vendres les éléments aussi grands et aussi lisibles 
que dans les échantillons venant du fond du golfe. Toutefois, il ne 
paraïl pas, en y regardant de très près, que cette différence puisse 
éloigner la Caryophyllie de Port-Vendres de la Caryophyllie du golfe. 

On a vu que le calyce de la première paraît plus profond que celui 
de la seconde; pour juger de la valeur des caractères en plus et 
moins, il faut avoir des échantillons nombreux sous les yeux; mais 
on peut, dans tous les cas, admettre que la plus grande profondeur, 
qu'il est bien difficile de fixer par des mesures et des chiffres, est 
due à ce que la columelle semble s’élever un peu moins rapidement 
que la muraille formant les bords du calyce. 

C’est donc dans ces calyces blancs, c’est-à-dire dans les moins 
àgés, qu il sera mieux de rechercher les caractères non modifiés de 
la columelle. 

Toutes les modifications de forme produisent de nombreuses dif- 
férences qu'il est sinon impossible du moins très difficile de rendre 
par le dessin, à moins d’en grandir beaucoup les figures et d’en 
multiplier le nombre. On n'en peut bien juger qu’en ayant les 
échantillons sous les yeux. 


542 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


y 


DES PALIS. 


On sait combien il est parfois difficile de pouvoir distinguer les 
éléments columellaires des palis, et combien ceux-ci sont intime- 
ment unis à la columelle. 

C'est surtout le cas dans le genre Paracyathus. On est souvent 
embarrassé pour distinguer, pour la spécification, les palis de second 
ordre des premiers éléments columellaires. 

Cette question se présente tout naturellement quand il s’agit ici 
du cas où la columelle semble revêtir le caractère papillaire. Les 
palis se ressentent du voisinage de la columelle formée d'éléments 
petits et peu tordus. Il n’est, dans ce cas, pas rare d’être obligé de 
chercher avec quelques soins les palis, qui semblent plus petits ou 
du moins peu élevés. 

Mais, dans le plus grand nombre des cas et en général, les palis 
sont bien évidemment lamellaires, toutefois un peu moins larges 
relativement que sur les échantillons du golfe (par largeur, il faut 
entendre l'étendue qui existe entre le bord columellaire et le bord 
thecal) et en même temps, ils semblent plus épais par cela même 
qu'ils sont moins larges tout en conservant la même épaisseur 
(ig. 9). | 

En général, pour faire les descriptions, on recherche et l’on prend 
avec raison plus volontiers les beaux échantillons, ceux chezlesquels 
les parties fournissant les caractères sont les plus normalement et 
particulièrement développées; les cas exceptionnels offrant des çon- 
ditions opposées sont signalés secondairement, aussi est-on quel- 
quefois fort embarrassé lorsque, ayant ces derniers cas sous les 
yeux, on lit les descriptions se rapportant aux premiers. 

Cette observation s’appliquerait très justement à l'exemple 
actuel. 


Dans un bouquet où l'identité de l'espèce est certaine pour tous 


LES CARYOPHYLLIES DE PORT-VENDRES. 943 


les individus qui le composent, on peut rencontrer des exemples où 
les palis semblent ne pas exister ; mais qu’on observe avec la loupe 
attentivement le pourtour de la columelle et l’on verra les limites 
s’avancer, en formant angle, vers les cloisons columellaires, ce qui 
indique que la soudure (qui est du reste normale), entre la base des 
palis et les parties de la columelle placées en face d'eux, s’est plus 
développée chez certains individus que chez d’autres. 

Dans ce cas, les palis sont masqués, voilés, par leurs soudures et 
leur peu de développement, mais ils existent quand même quoique 
peu évidents. 

Comme on vient de le voir,il n'y a pas deux espèces dans -un 
groupe, ou bouquet, et cependant il y a de légères différences entre 
les individus ainsi rapprochés. 

Ces différences sont-elles dues au changement des conditions 
biologiques rencontrées dans la nouvelle station ? 

Il est bien évident que tous ceux qui attribuent une influence 
extrême aux conditions dépendant du milieu seront partisans de 
rapporter à la position des Caryophyllies de Port-Vendres les 
légères modifications dont il vient d’être question. 

Mais s’il est bien vrai que ce soit la position sur un corps immo- 
bile, stable qui la cause, on est en droit de se demander comment, 
dans un même groupe, formé d’une vingtaine d'individus, ayant joui 
pendant tout leur développement de conditions absolument identi- 
ques, comment les uns offrent des caractères que les autres n’ont pas. 

Il faut même remarquer que les individus pris dans la grotte du 
cap Bear semblent fort en retard pour la production des palis. 

Cela s’observe aussi pour bon nombre d'individus de l'entrée de 
Port-Vendres, si bien que, dans des essais de groupement des échan- 
tllons, j'avais toute une série avec cette étiquette : Pas de palis. 

Il y a là des différences qui se trouvent sur des échantillons ayant 
une même station et qu’on ne peut raisonnablement pas attribuer à 
l’immobilité de la base de fixation ou à l’action du milieu. 


N'y aurait-il pas encore à se demander si, en comparant un très 


D44 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


grand nombre d’échantllons, venus du fond du golfe, on ne ren- 
contrerait pas des différences semblables dues à des modifications | 
passées inaperçues. 

Dans tous les cas, si la cause de la variabilité était admise, il 
resterait à trouver le pourquoi et le comment de l’action qui a pro- 
duit les modifications. 


VI 


LA F'ISSIPARITÉ EXISTE-T-ELLE 


CHEZ LA CARYOPHYLLIE DE PORT-VENDRES ? 


On sait que Milne Edwards et Jules Haime ont attaché une 
grande importance au caractère tiré du mode de multiplication des 
Polypes, qu'ils ont constamment placé en tête des groupes naturels 
les types qu’on ne rencontre jamais que simples. 

Telles sont les Acfinies, placées au premier rang des Zoanthaires 
malacodermés ; 

Les Caryophyllies placées en tête des Sclérodermés compactes ; 

Les PBalanophyllies, qui représentent la première division des 
Sclérodermés poreux. 

Je sais très bien aussi que tous les zoologistes n’acceptent pas 
cette classification, surtout ceux qui, dans la confection de leurs 
traités, manœuvrent spécialement à l’aide de ciseaux pour les consti- 
tuer de pièces et de morceaux empruntés aux uns et aux autres, 
chose forcée, car ils n’ont pas observé par eux-mêmes. 

La conséquence de ce mode de classification de Milne Edwards 
et Jules Haime fait rejeter en même temps que la fissiparité, la 
blastogenèse chez les Caryophyllies. 

Or, quand on prend l’un des bouquets formés par la Caryophyllie 
de Port-Vendres, la première idée qui se présente à l’esprit c’est 
qu'il est le résultat d’une active blastogenèse (pl. fig. 10 et 11), tout 
comme lorsque l’on rencontre un calyce, très oblong, resserré et 


pincé dans le milieu de sa largeur et présentant comme une fosse, 


LES CARYOPHYLLIES DE PORT-VENDRES. D49 


une dépression faisant communiquer les deux cavités calycinales, 
on ne peut s'empêcher de croire à une fissiparité qui, par un étran- 
glement au milieu du plus grand axe de l’ovale calycinal, a partagé 
le Polype en deux êtres distincts (fig. 12). 

La solution de ces questions, au point de vue de la systématique, 
est utile à trouver, car elle intéresse la connaissance des rapports 
des êtres, ajoutons qu'elle est extrêèmementprécise etne peut laisser 
le moindre doute. 

Les préparations sont indispensables, voici les points qu'il faut 
avant tout reconnaître et préciser. 

Prenons d’abord le cas où l’on pourrait admettre la fissiparité 
quand le calÿce, pincé dans son milieu, présente une gouttière fai- 
sant communiquer et unissant les deux cavités calycinales (fig. 12). 

Il est incontestable qu'à ne voir que l’état des calyces, on est 
conduit à admettre le partage d’un polypier en deux; mais à quel 
moment de la vie s’est produit le partage? 

Il est bien évident qu’au-dessous des deux calyces et avant que le 
pincement conduisant à la fissiparité ne fût produit, il ne devait 
exister qu'un calyce et, par cela même, il ne devait y avoir qu'une 
seule base d’adhérence, en un mot que la Caryophyllie devait être 
simple, et cela qu’elle présentât la forme c/avus ou qu’elle eût 
une large base d'adhérence. 

Or, dans tous les cas offrant l’apparence de la fissiparité en cher- 
chant dans la base du bouquet on trouve, sans le moindre doute, 
deux sommets de cône (pl. XV, fig. 2, 5, 13), preuve évidente de 
l’existence de deux individus ayant été primitivement simples, et 
ayant existé séparément avant la production de l’apparence trom- 
peuse du parlage en deux. 

Cette preuve me semble irréfutable et ne peut laisser aucune 
place au doute. 

Mais, dira-t-on, comment peut être produit cet étranglement ? 

Pour répondre, il suffit d’avoir eu sous les yeux un grand nombre 
d'échantillons, ce qui a été le cas. 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3€ SÉRIE. — T. Vil. 1809. 


(CU 
OC 


516 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


On trouve tous les passages entre un simple rapprochement du 
bord du limbe de deux calyces distincts, la soudure de ces bords, 
l'élévation du pourtour de la muraille dans les points éloignés des 
| parties en contact, sans abaissement au point de contact. Il faut, 
d’ailleurs, observer les bouquets en plein épanouissement, quand les 
animaux sont bien vivants. 

Les rand-plates des deux individus se touchent, se compriment 
peu à peu à mesure que la croissance augmente ; la pression réci- 
proque conduit à une soudure et dès lors la sécrétion du polypier 
qui dépend du feuillet interne du rand-plate est modifiée. Les parois 
des deux rand-plates en contact sont résorbées et, si l’on a bien 
présente à la pensée la structure des Polypes, on comprend que, les 
parois n'existant plus, elles ont fait place à un prolongement de la 
cavité de chacun des Polypes et que l'absence d’une paroi productrice 
de la muraille ait pour conséquence la non-production de la partie des 
deux polypiers qui, dans ce point, sont remplacés par un vide, une 
dépression, qui ressemble tout à fait à ce que produit la fissiparité. 

Ainsi s’explique avec la plus grande facilité et la plus grande pré- 
cision la fausse apparence d’un calyce se partageant en deux. 

Je le répète, on trouve facilement tous les passages et à toutes les 
tailles de cette soudure des rand-plates de deux Polypes voisins et 
de la fusion des parties molles précédant la sécrétion caractéristique 
du squelette. 

Donc la Caryophyllie de l'entrée du port de Port-Vendres ne se 
fissipare pas; elle est simple comme les autres Caryophyllies. 

Dans la planche, il a été présenté quelques figures devant servir 
à expliquer ces soudures pouvant faire croire à la fissiparité ou à la 
blastogenèse. 

Par exemple, la figure 5, qui représente une préparation, montre, à 
n’en pas douter, dans le bas, les deux têtes primitives des deux indi- 
vidus soudés, dont le calyce, grossi, est vu figure 12. 

La figure 2 montre deux Polypiers qui, soudés dans le haut, ont 


leurs extrémités, ou sommet du cône, éloignées. 


LES CARYOPHYLLIES DE PORT-VENDRES. D47 


Dans le dessin figure 7, l’un des deux, le plus jeune, est collé au 
plus âgé et plus grand dans toute sa longueur ; mais, après avoir 
enlevé les produits sous-marins fixés sur eux, on voit bien le point 
de départ du plus jeune. 

Dans le cas de la figure 6, la soudure des tissus mous a été telle, 
et la production du tissu calcaire si régulière, qu'à ne voir que ce 
dessin, le polypier du calyce de droite ressemble absolument à un 
bourgeon. Or, les changements de formes de la partie de droite sont 
dus exclusivement à la rapidité de la sécrétion du sclérenchyme qui 


a uni les deux individus, nés distincts et séparés. 


VIII 
Y A-T-IL BLASTOGENÈSE ? 


(Fig. 10 et 11.) 


Ici l'apparence est encore plus trompeuse, et l’on ne peut guère 
invoquer que des faits d’une observation très délicate, remontant à 
la connaissance de l’évolution et surtout de l’organisation. 

On sait ce que les Anglais ont nommé rand-plate. Il faut le rap- 
peler sans revenir sur les différentes opinions relatives aux théories 
de la production, de l’origine du polypier, surtout de la muraille”. 

Il est facile de démontrer que le Polype né de la transformation, 
de l'embryon vérmiforme et fixé par son extrémité aborale, s'étale 
d'abord en un disque charnu occupé dans son milieu par la cavité 
agrandie de sa gastrula primitive. 

La base du disque, étalée sur le corps solide de support, sécrète, 
sous forme de granules microscopiques, la lame adhérente du fond 
du calyce, ce sera cette partie lamellaire qui sera le pied du polypier. 
Au-dessus de cette lame mince et tout le tour s’élèveront les pre- 
miers rudiments de la muraille des septa ou cloisons du polypier, 
les tubercules qui se transformeront en palis, enfin la columelle 


apparaîtra au centre. 


1 Voir le mémoire sur les Coralliaires du golfe du Lion, année 1897, 3e sér., vol, V, 
le passage où sont discutées les théories à ce sujet. 


948 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


A la circonférence, la muraille se bâtira en cercle régulier, pro- 
duite qu'elle est par la paroi même du polype. 

Laissons ici de côté les théories diverses sur la place qu’occupe 
l’origine de la muraille. 

Mais ce Polype s'élève et, entre son pied en bas, ou disque adhérent 
au Corps de soutien, et son péristome en haut, qui s’est garni de 
tentacules dans son pourtour, une partie forme comme une colonne; 
c’est le corps proprement dit du Polype. 

Que l’on suppose, ce qui est vrai d’ailleurs, la colonne et la mu- 
raille s’élevant de plus en plus en s’évasant et l’on arrivera à la forme 
conique de la Caryophylha elavus. 

Alors se pose cette question : la muraille, qui, dès l’origine, était 
couverte par la paroi du corps du Polype, reste-t-elle toujours entiè- 
rement couverte par la colonne ou partie charnue ? 

Pour beaucoup de Caryophyllies, à mesure que le calyce élève le 
limbe de son pourtour, les parties molles abandounent la partie 
inférieure voisine du point d'attache, du point fixe, du point d'ori- 
gine, De telle sorte qu’une Caryophyllia clavus, dont le Poiype est 
parfaitement vivant, est remplie dans sa cavité intérieure par les 
tissus mous, les viscères, tandis qu’à l’extérieur le squelette, ou la 
muraille, dans plus de sa moitié inférieure, est à nu, et, pour em- 
ployer une expression vraie qui traduit bien ce qui existe, est morte 
extérieurement. Cette partie inférieure n’est plus soumise à l’ac- 
tion des tissus vivant de l'extérieur — ils l’ont abandonnée — c’est 
peut-être exagérer un peu que de la dire morte. A l'intérieur, elle 
est tapissée par les organes mous et vivants; elle renferme les vis- 
cères ; elle est en rapport avec des tissus vivants. 

Nous arrivons facilement après ces explications à la définition du 
rand-plate *. C’est la partie de la colonne, de la paroi du corps charnu 


1 Dans ia planche, on peut voir sur presque toutes les figures une bande plus claire 
et plus lisse entourant la première partie du polypier, immédiatement au-dessous du 
bord libre du calyce, c’est la partie que recouvrait le rand-plate quand le polype était 
vivant. 


LES CARYOPHYLLIES DE PORT-VENDRES. 949 


du Polype qui, remontée dans le haut du polypier, le recouvre comme 
d’une bande circulaire. Cette bande commence immédiatement au- 
dessous du péristome dont elle n’est séparée que par les cercles que 
forment les bases des tentacules. 

Son étendue est éminemment variable chez les différents individus. 
Le plus souvent elle s'arrête au niveau supérieur de la moitié de la 
hauteur de la muraille. 

Fréquemment elle n'a guère qu’un ou deux millimètres de hau- 
teur ; mais aussi elle peut descendre jusque sur la base adhérente 
du polypier et dans ce cas, sur lequel j'ai insisté dans l’histoire de la 
Caryophyllia Smithu, c'est à cette étendue qu'est due la large sou- 
dure du sommet du cône avec le corps de soutien. 

Les cavités périæsophagiennes de l’intérieur du corps, comme je 
l'ai démontré, communiquent avec les espaces laissés libres entre 
les deux lames du rand-plate ; aussi cette partie extérieure du corps 
se tuméfie-t-elle quand les animaux vivants se gonflent. On le com- 
prend quand on connaît quelles communications existent et qui 
viennent d’être rappelées. 

Sur l’animal vivant, il est toujours possible et même facile de 
reconnaître le rand-plate (fig. 4) ; le tissu mou, blanc ou incolore, 
ou brunâtre, contractile sous les excitations, aide bien à sa recon- 
naissance. Mais sur le polypier, dépouillé de toute matière animale, 
est-il aussi facile de reconnaître l’espace qu'avait occupé le rand- 
plate la vie durant? Cette distinction, absolument indispensable pour 
résoudre la question qui nous occupe, ne peut jamais être embarras- 
sante. C’est là un fait heureux. 

Plus bas que le rand-plate, le polypier, c’est-à-dire la matière 
calcaire dépouillée des tissus vivants, est facile à reconnaître parce 
que les innombrables corps vivants qui grouillent dans la mer vien- 
nent se fixer sur elle et y laissent le plus souvent les traces de leur 
passage. Tels sont, pour ne citer que les plus caractérisés : les 
Spirrobes, les Serpules, les Tubulaires, les Diatomés, les jeunes 


Balanes, etc., etc. 


550 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


Au contraire, sous le rand-plate et à l’abri qu'il lui offre tout en 
la produisant, la muraille reste lisse ou présente ces fines, très fines 
granulations si caractéristiques des tissus du polypier restés intacts 
sous la protection des tissus vivants. À l’aide de la loupe, on ne peut 
manquer de reconnaître la ligne, toujours très nette, qui sépare les 
deux parties qu’on distinguera en recherchant les caractères qui 
viennent d’être indiqués. 

Voici pourquoi il importe d'établir cette distinction : 


Les embryons des Caryophyllies se fixent sur n'importe quel corps 


solide, inerte, qui se trouve sur leur passage quand, pour eux, va finir 


la période d'activité. 

Sur un nombre considérable de polypiers que n’a fourni le raclage 
du dessous des blocs de l’entrée du port de Port-Vendres, j'ai, dans 
le mois de Juin 1899, trouvé de très nombreux jeunes polypiers, fort 
petits, n'ayant que six ou douze cloisons naïissantes, toujours, sans 
une seule exception, je les ai vus fixés au-dessous de la limite inférieure 
de l’espace qu'avait recouvert le rand-plate (fig. 8, il existe quatre 
jeunes polypiers ; fig. 4, il en existe deux. Voir aussi dans les bou- 
quets). 

Il est impossible que les larves se fixent sur les tissus mous et mo- 
biles du rand-plate, tandis qu'elles trouvent une base résistante et 
bien appropriée dans la partie dénudée et inférieure de la muraille. 

Or, on vient de le voir, dans cette partie inférieure de la muraille, 
le mouvement vital est tout intérieur. La blastogenèse ne se produit 
dans les Polypes qu'aux dépens des tissus mous, et ce sont ces tissus 
qui, sécrétant le polypier ou ses premières ébauches, nous font 
connaître par leurs produits le point où avait eu lieu le bourgeon- 
nement. | 

On n’a donc, si l’on s’en rapporte à ces considérations, qu’à cons- 
tater en quel point de la surface de la muraille se trouvent fixés 
les différents polypiers formant les bouquets : c’est toujours au- 
dessous de la ligne très nette qui sépare la surface nue de la mu- 


raille de la surface recouverte par le rand-plate. 


f 


AE 2e 


LES CARYOPHYLLIES DE .PORT-VENDRES. J)1 


En résumé, les embryons se fixent et peuvent se fixer au-dessous 
du rand-plate, et ne se fixent jamais, parce qu'ils ne le peuvent, 
dans la zone couverte par cette lamelle vivante, molle et très mobile 
en raison de sa contractilité. 

Rien ne ressemble à un bourgeon comme une jeune Caryophyllie 
fixée sur le côté d’un individu plus âgé, et, comme quelquefois le 
rand-plate s’est retiré très haut, tout près du bord du limbe du 
calyce, à première vue, on pourrait croire, quand on n'a sous les 
yeux qu'un individu, que la blastogenèse existe et a produit le jeune 
polypier. 

Il est des formes où la structure des polypiers permet de retrou- 
ver les communications entre le bourgeon et le Polype producteur; 
mais il en est d’autres où toute communication est interceptée. Pour 
ne citer que deux exemples dont les lecteurs des Archives peuvent 
prendre connaissance dans le travail sur les Coralliaires du golfe du 
Lion (vol. V), le premier cas est présenté par le Zophohælia prolifera ; 
le second, par l’Amphælia oculata. 

S'il y avait blastogenèse on ne pourrait manquer, sur les très 
jeunes individus, de trouver la première ébauche du calyce blasto- 
génétique. Or on ne trouve rien de semblable et, quand le polypier a 
acquis la forme clavus bien caractérisée, il est facile de le décoller de 
son support et alors on peut constater que la surface dans le point 
d'attache du porteur et du porté est lisse, qu'il n’y a Jamais eu de 
trace de bourgeonnement, que deux polypiers étaient simplement 
adhérents l’un à l’autre par la simple superposition, surface contre 
surface. 

Mais à quoiest dû ce groupement formant des bouquets dont le 
nombre des calyces peut s'élever à une trentaine, et dont la vue rap- 
pelle tout d’abord un polypier composé? 

L’explication semble facile : On sait que les larves des Caryophyl- 
lies, comme celles des autres Coralliaires, sortent par la bouche de 
leurs parents et se meuvent plus ou moins longtemps en tourbil- 


lonnant à l’aide de leurs cils vibratiles. 


292 H. DE LACAZE-DUTHIERS, 


J'ai pu observer que les embryons de la Caryophyllia Smithii n’ont 
pas une vie vagabonde de très longue durée; qu'ils tourbillonnaient 
un Certain temps autour de leurs parents, et surtout que la durée 
du temps de la période entre leur naissance et leur fixation était fort 
variable, ce qui tenait — comment s’exprimer?— à ce que la naissance 
se passait quelquefois avant que l’embryon fût à terme. Dans ce cas, 
la durée de la période active était beaucoup plus longue. 

Il paraît donc raisonnable d'admettre que les embryons nés très 
avancés dans leur développement et n’ayant que peu de temps à 


passer en liberté se fixent dès qu'ils rencontrent la muraille dénu- 


dée, avant même d'arriver à la surface des blocs de bétonnage. Cette : 


fixation des larves sorties des vieux parents et tombées dans les an- 
fractuosités qu'ils laissent entre eux doit se passer pendant les 
beaux jours, pendant les périodes de calme. 

Si des embryons sortent pendant des périodes de forte mer, ils 
doivent être entraînés au loin, et probablement se perdre. On ne 
peut se refuser à admettre que les conditions du mouvement de 
l’eau sont pour beaucoup dans la dissémination des larves ou dans 
leur fixation dans le voisinage des parents, ce qui explique la for- 
mation de ces bouquets de Caryophyllies. 

Remarquons que sice mode de groupements des Caryophyllies est 
exceptionnel et tient certainement aux conditions du milieu, il ne 
paraît nullement caractéristique de l’espèce. 

En résumé, ni la fissiparité, ni la blastogenèse n'existent chez la 
Caryophyllie de Port-Vendres. Il n'est pas un cas où, grattant, pré- 
parant, dénudant les échantillons dont on veut reconnaître la nature, 
on n’arrive à reconnaître toujours les dispositions caractéristiques 
ne laissant place à aucun doute sur la simplicité des individus. 

Mais il est un fait sur lequel il faut revenir, il éclaire la question. 
Lorsque deux Polypes voisins se développent en s’inclinant l'un vers 
l’autre, ils se rencontrent et leurs rand-plates arrivant au contact se 
soudent. Comme ce sont les tissus mous qui sécrètent les granules 


calcaires, formateurs du polypier, il en résulte que les deux char- 


De» “atfilte" "#4 


LES CARYOPHYLLIES DE PORT-VENDRES. 353 


pentes solides, produites par des parties unies, se soudent égale- 
ment, ce qui fait que les bases des cônes arrivées au contact parais- 
sent soudées, alors que leurs sommets sont éloignés. C’est dans ce 
cas que se produit l'apparence de la fissiparité et si l’on ne prépare 
les pointes, si on ne les dégage pas, on peut être induit en erreur. 
Lorsque la base de fixation ou mieux le point d'attache du som- 
met qui ordinairement produit la pointe, caractérisant la forme 
clavus, S'élargit beaucoup, le corps du polypier ou sa muraille prend 
des contours rappelant un cylindre, el comme aussi, dans ce cas, la 
colonne molle du Polype a généralement une tendance à rester 
étalée très bas, souvent à la surface du corps solide servant de base, 
alors, si deux Polypes rapprochés viennent en contact, on voit les 
deux colonnes soudées et paraissant n’en former qu’une. 
Les variétés de ces soudures sont sans nombre, 
_ J'en trouve une qui ne fait que commencer. Les péristomes de 

deux Polypes sont à des hauteurs différentes, celui qui est placé le plus 
bas appuie sa circonférence de cylindre contre la colonne du plus 
élevé, et dans ce point, alors que les deux parties adhérentes sont 
écartées (fig. 2), une lame calcaire se trouve unissant le bord du 
péristome à la surface de la colonne. 

Souvent on trouve deux colonnes couvertes d’une couche de 
tissu calcaire ininterrompu, alors on peut penser qu’il y a eu blas- 
togenèse (fig. 6) ; la fusion des deux colonnes semble absolue. Cela 
tient à ce que les parties molles s'étaient intimement soudées dans 
les parties venues au contact. La sécrétion du calcaire ou squelette 
a été uniforme et n'a pas été interrompue, la ligne de soudure a 
disparu sous la régularité de la sécrétion. 

Cette particularité se rencontre surtout dans le cas où le rand- 
plate descend jusqu’au corps de soutien et où la forme clavus dis- 
paraît par l’accroissement considérable du pourtour du polypier dans 
sa base adhérente. 

Dans la planche qui accompagne ce mémoire, on peut voir plu- 


sieurs exemples de soudures et de pseudo-fissiparité. 


94 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


Deux Polypes, éloignés à leur origine, se sont inclinés l’un vers 
l’autre en grandissant et arrivant au contact se sont soudés. 

Dans la figure 5, on peut constater l'indépendance des deux som- 
mets du cône formant le calyce unique dont la figure grossie 6 fois 
a été dessinée d’après une photographie. 

Dans les bouquets de polypiers, on trouve rarement des individus 
complètement libres; le plus souvent, la colonne qui est arrivée au 


contact d’un polypier voisin lui est soudée. 


Quant à la blastogenèse, il suffit de trouver et d'observer avec 
soin de très Jeunes calyces sécrétés par des larves fixées depuis 
peu pour reconnaitre qu'ils ne sont pas dus au bourgeonnement 
(fig. 3 et 4). 

Lorsque la blastogenèse se produit soit à la base, soit sur le milieu 
de la hauteur, soit sur le pourtour du péristome, le travail producteur 
d'un nouveau Polype s'accompagne d’une déformation locale dans 
le point où se forme ce bourgeon, et ce n’est pas seulement dans la 
partie charnue, mais aussi dans le dépôt des particules calcaires. 

Or, quand on prépare un bouquet de Caryophyllies, soit à l’aide de 
la potasse, soit par l’action de la putréfaction, on dénude, sans les 
altérer aucunement, tous les polypiers quelle qu’en soit la taille, et il 
est facile d'observer que les plus jeunes parmi ces nombreux indi- 
vidus sont absolument identiques à ceux que l’on obtient directe- 
ment par l'élevage des embryons. 

La muraille de ce très jeune calyce est extrêmement mince; les 
cloisons, au nombre de six, sont très délicates ; la couche de granule 
déposée sous le pied ou base adhérente de la larve vermiforme qui 
s’est fixée est d’une transparence telle, qu’on peut, sous la loupe, 
reconnaître le caractère de la surface du soutien. 

Il n’est pas possible de ne pas reconnaître dans les nombreux 
échantillons que l’on trouve fixés tous les caractères des embryons 
des polypiers nés des larves vagabondes, puis fixées par leur pôle 


aboral. 


LES CARYOPHYLLIES DE PORT-VENDRES. 209 


Entre un bourgeon destiné à devenir un Polype et un embryon, 
ayant la même destinée mais une évolution très différente, la diffé- 
rence est telle, que toute méprise est impossible. 

C’est au mois de mai de l’année 1899 que la récolte des nombreux 
polypiers qui m'ont servi à faire les présentes observations a été 
faite; à ce moment, les naissances des jeunes devaient être fré- 
quentes,; aussi il n’est pas de bouquets de polypiers sur lesquels on 
ne rencontre, avec une loupe, de nombreuses cupules, depuis les 
plus jeunes jusqu’à celles qui permettent de voir déjà les caractères 
génériques et spécifiques de la Caryophyllia clavus. 

Or, pour quiconque à vü un bourgeon d’une espèce à croissance 
blastogénétique et suivi l’évolution d’une larve de Caryophyllie, 
l’observation ne peut laisser le moindre doute sur la différence. 

Pour toutes ces raisons, je rejette absolument la fissiparité et 
la blastogenèse de la Caryophyllie de l'entrée du port de Port- 
Vendres. Malgré les cas où l'apparence est trompeuse, dans la 
règle générale, il faut établir que ce groupe est à son origine, et 
reste pendant toute sa vie formé de Polypes secrétant un polypier 


simple. 


VII 


DU POLYPE. 


(Fig. 4.) 


Il y a peu de chose à dire de l’animal. 

Nous avons déjà parlé du rand-plate. Le péristome offre des 
modes de coloration très variés : les reflets d’un vert métallique se 
présentent chez quelques individus; la teinte bistre est, on Pa vu 
assez fréquente, et correspond le plus souvent avec la même teinte 
des Polypiers avec la taille plus développée de l'individu. 

On a vu que le calyce paraissait profond et que son comblement 
par des dépôts calcaires ne semble pas être aussi marqué que 


dans la Caryophylha clavus du large. La muraille est mince et 


96 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


transparente très bas, et les viscères, de teinte légèrement orangée, 
descendent également dans le fond entre les palis, les bases des 
cloisons et la columelle. 

Les Polypes du port de Port-Vendres m'ont paru moins prompts 


à S épanouir que ceux du large. 


IX à 


CONCLUSIONS. 


Il importe de répondre aux questions suivantes en terminant 
cette histoire. 

1° Les Caryophyllies de Port-Vendres sont-elles dans une station 
naturelle ? 

2° Diffèrent-elles de la Caryophyllia clavus rapportée par les dra- 
gages ? 

3° La fixation sur des corps immobiles et offrant de larges sur- 
faces les a-t-elle fait ressembler en tous points aux Caryophylha 
Smith ? 

4 Faut-il en faire une simple variété de la Caryophyllia clavus, ou 
bien faut-il les rapprocher de la C. Smith et trouver dans leur étude 


un argument en faveur de l’opinion de Duncan ? 


1° L'entrée du port de Port-Vendres est-elle la station naturelle 
des Caryophyllies qui viennent d’être étudiées ? 

La Caryophyllia Smithui peut vivre profondément; mais, sûrement, 
je l’ai pêchée à Roscoff, au Trou-d'Argent, à l'époque des grandes 
marées d'équinoxes, ainsi qu'au milieu des gros blocs granitiques 
empilés d’une façon si pittoresque sur les rivages du canal qui 
sépare Trécastel des Sept-Iles. | | 

Lors d’une excursion, les individus recueillis, à marée basse, 
avaient rejeté leurs embryons dans la nuit qui suivit leurs re- 
cherches; le lendemain, les larves étaient fixées. 


Bien que les Caryophyllies habitent le plus souvent de grands 


fc met a bé EUR SEE 


LES CARYOPHYLLIES DE PORT-VENDRES. 257 


fonds, on trouve ici un exemple que cette espèce aussi habite les 
couches supérieures de la mer. 

Mais jusqu'ici, je n’en ai pas de preuves contraires, la Caryophyl- 
lia clavus n’était obtenue que par des dragages ordinairement à 
plus de 100 mètres. 

Nous verrons que la Caryophyllia de Port-Vendres paraît être la 
C. clavus, dépaysée et un peu modifiée par le changement de sta- 
tion. Si l’on admet cette opinion, sur laquelle nous allons revenir ; 
si, de plus, on reconnait, ce qui paraïtcertain, que la station normale 
de la Caryophyllia clavus est le fond du large, on ne peut s'expliquer 
la présence de cette espèce sous les blocs de Port-Vendres que par 
le transport de quelques-unes de ses larves enlevées des grands 
fonds par la houle ; et rejetées entre les blocs, où elles se fixent et se 
multiplient d'autant plus aisément, que leur acclimatation est très 
facile. Dans les bacs de l'aquarium Arago, il y a de très nombreux 
individus qui y vivent depuis bientôl deux ans. 

On est bien obligé d'admettre un transport par la lame de l’espèce 
commune dans la Méditerranée pour expliquer ia présence de 
polypiers très bien conformés dans la citerne qui alimente l’aqua- 
rium. 

Ces transports sont journaliers à la station maritime de Banyuls. 
L'un des bacs renferma une soixantaine de Bonellies, et cependant 
On n'y en à mis aucune. Il en est de même pour des Actinies et des 


Ascidies, pour des Loxosomes et une foule d'autres Invertébrés. 


2° Les Caryophylilies de Port-Vendres font-elles partie de l’espèce 
clavus ? 

On a vu quelles légères différences elles présentent avec l'espèce 
des grands fonds. 

1 Au commencement de septembre, j'ai dû aller à Banyuls pour recevoir au labo- 
ratoire l’excursion Nature, et j'ai retrouvé bon nombre des Caryophyllies de Port- 
Vendres que j'avais laissées dans des bacs de travail, parfaitement vivantes ; de 


plus, à côté de quelques-unes d’entre elles, on voyait fixées des jeunes dont le 
polypier n’avait que six cloisons. 


08 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


La muraille est mince et transparente dans les deux ; la forme 
clavus est infiniment plus fréquente que la forme à base large, et 
celle-ci n’a jamais un diamètre aussi grand que le petit diamètre de 
son ovale. Si l’on recherche la vraie forme en énucléantles pieds des 
individus groupés en bouquet, on trouve souvent la forme clavus 
bien plus accentuée que chez les individus venant des grands fonds 
(ex. : pl. XV, fig. 3 et 4). 

Les calyces circulaires et non ovales sont plutôt exceptionnels et 
ne se voient que chez les jeunes. 

Où quelques différences se font remarquer, c’est dans la profon- 
deur du calyce ; l'étendue des palis et l’aspect de la columelle, dans 
quelques individus, ne sont pas aussi généralement réguliers que 
chez les individus venant du golfe. 

Dans la Caryophylhia Smithii, le calyce est moins profond que 
dans la €. clavus, ce qui éloigne les deux types, et souvent, dans la 
C. Smithir, lorsque le calyce est circulaire, et non ovale, ce qui m’a 
paru être le cas le plus fréquent, il est irrégulier. Ici, les calyces 
sont régulièrement ovales, et les palis sont plus petits que dans les 
deux espèces avec qui il est fait comparaison. 

La columelle paraît papilleuse, surtout dans les exemples dont la 
taille et la couleur brunâtre indiquent un âge plus avancé. Mais dans 
l'espèce clavus, sur les individus très gros et âgés, la Columelle ne 
présente pas toujours les lamelles tordues en spirales qui la com- 
posent, elles sont, toutes proportions gardées, moins larges que 
dans les jeunes individus normalement développés. 

On a vu que les palis semblent quelquefois faire défaut; quand 
on y regarde de près, c'est leur soudure avec la columelle qui les 
fait disparaître, leur taille étant plus réduite. 

Ces caractères sont, sans aucun doute, ceux qui sont les plus dif- 
férenciés. À quelle cause faut-il les rapporter ? Il est certain qu'une 
columelle à apparence papilleuse opposée à l’une de ces columelles 
décrites et photographiées, lamellaire et spirale, offrent une diffé- 


rence notable. Mais il faut remarquer aussi qu’à côté de ces cas peu 


LES CARYOPHYLLIES DE PORT-VENDRES. 299 


nombreux on retrouve la columelle lamellaire quand elle est prise 
dans son ensemble. 

Quand on oppose à la fois la Caryophyllia de Port-Vendres aux 
C. clavus et C. Smithü, c’est auprès de la clavus qu'on est conduit à 
la ranger, car la somme des caractères semblables est en faveur de 
ce rapprochement. 

Il serait bien difficile, je crois, d’en faire une espèce ; tout au plus 
faut-il la regarder comme étant une variété causée par l'influence 
d’une station certainement fort différente de celle qu’occupe habi- 


tuellement l’espèce, dans les fonds de 200 mètres. 


3° La fixation sur un corps immobile et une surface plane n’a 
évidemment pas l’action que lui attribue Duncan, puisque la forme 
clavus est la plus fréquente, et que même elle paraît, sur certains 
sujets, comme exagérée. D'ailleurs, l’un des échantillons trouvés 
dans la cuve du laboratoire (pl. XV, fig. 9) offre un ovale parfait, 
une taille égale à celle des clavus de moyenne grandeur, une colu- 
melle lamellaire, spirale, des palis peut-être un peu moins grands 
que dans les beaux échantillons de clavus, maïs d'une grande régula- 
rité, et la base n’est pas celle d’une clavus ; toutefois, elle est moins 
large que le petit diamètre, il ne nous paraît pas plus, dans le cas 
actuel qu'après la comparaison des Caryophyllia Smithii et C. clavus 
(voir vol. V des Archives, 3° série), qu'il faille rapporter à la surface 


d’appui la cause de la transformation de l’espèce. 


Il ne nous reste plus qu’à conclure que la Caryophylha de Port- 
Vendres est une €. clavus dépaysée, dont les embryons ont été 
apportés par les courants ou les mouvements de la lame et qui, 
placée dans une station spéciale, s’y est multipliée en formant des 
bouquets par la superposition et la fixation des individus, qui ne 


présente ni fissiparité ni blastogenèse, 


260 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE XV. 


Observation générale. — Dans les ligures des calyces des polypiers, tous les dé- 
tails du nombre, de la grandeur, des rapporis du septa n’ont pas été rigoureusement 
représentés pour éviter la confusion qui se présente facilement sous le crayon 
quand les figures ne sont pas très grossies. 

Mais il n'y à quà se reporter à deux ou trois figures pour compléter les 
autres. — L'origine des septa et leur multiplication suivent les mêmes règles que 
celles qui ont été longuement développées dans le mémoire sur les polypiers du 
golfe du Lion (vol. V, 3° sér.e). 

Ce qui a été recherché ici, c'est l'indication générale de la physionomie du 
polypier; aussi le lecteur, après cet avertissement, pourra, en revenant à l’histoire 
détaillée de la Caryophyllia clavus, compléter les détails qui manquent et qui, 
volontairement, ont été omis. 

Pour ne citer qu'un fait, la multiplication des septa se fait surtout à l’extré- 
mité du grand axe de l’ovale et le passage d’une cloison paliale premier ordre, se 
produit exactement ici comme il a été indiqué dans le mémoire rappelé. 

On en trouvera la preuve dans la figure 9, à gauche de la planche, le calyce 
de cette Caryophyllie, trouvée dans la citerne qui alimente l’aquarium, est d’une 
régularité parfaite et rappelle l’une des Caryophyllia clavus des mieux constituées 
du fond du golfe. f 


FiG. 4. Un groupe de six polypiers, grandeur naturelle, vu de profil pour montrer 
l'indépendance des individus composant le groupe. 

2. Deux Caryophyllia offrant le caractère clavus de la façon la plus nette; 
les deux calyces ont été d’abord libres et éloignés, puis se sont rencon- 
trés et sont devenus adhérents. Peut-être, s'ils eussent vécu plus long- 
temps, les deux cavités contiguës se seraient-elles unies comme dans la 
figure 12. 

3. Un calyce offrant le caractère clavus irès prononcé et portant au-dessous 
de l’insertion du rand-plate des embryons fixés et ayant déjà sécrété un 
jeune polypier. 

4. Une Caryophyllie avec son Polype contracté vers son péristome, mais 
gouflée dans une partie de la colonne. Au travers des parois transver- 
sales on aperçoit le calyce du polypier et la ligne qui limite le rand- 
plate. 

À droite, juste au-dessous du Polype, et par conséquent sur la partie 
extérieure du polypier non revêtue par les tissus mous, un très jeune 
polypier s'est fixé sur la ligne la plus supérieure de la surface non cou- 
verte de tissus mous. 

5. Profil des deux corps du polypier, vus, fig. 12, normalement par la partie 
supérieure des calyces. 

On voit sur cet exemple que les sommets (s,s") des deux polypiers 
sont absolument distincts. Ils ne sont soudés que vers le péristome. 


LES CARYOPHYLLIES DE PORT-VENDRES. 961 


F1ic. 6. Deux polypiers, dont la forme n’est pas strictement clavus. Cet exemple 
montre le polypier greffé à droite de la figure si intimement uni au 
plus grand des deux que l’on serait porté à croire qu’il y a eu blasto- 
genèse, et que la Caryophyllie n’est pas simple. 

L’empâtement est dû à une active sécrétion de la couche calcaire qui 
a fait disparaître en les égalisant le support et le sommet conique du 
plus petit des polypiers. 

. Un exemple avec large base de fixation. Un jeune polypier fixé à droite 
est resté conique. Que l’on suppose sous sa partie inférieure adhérente 
un dépôt très épais d’une couche de calcaire et l’on aura l’exemple que 
donne la figure 6. 

8. Un polypier trouvé dans la cuve d’alimentation de l'aquarium. Grossi un 
peu plus de deux fois, la base du point d’attache non seulement n’a pas 
la forme clavus, mais elle s’étale en lamelles sur le revêtement en ciment 
du réservoir. 


En | 


Vu ainsi de profil on dirait une Caryophyllia Smithii, mais dans 
l’intérieur du calyce comme dans la figure suivante, on retrouve la régu- 
larité des clavus du fond du golfe. 

9. Le calyce, vu normalement, du plus grand des échantillons trouvés dans 
la cuve. Le dessin a été calqué surune p hotographie quatre fois grossie. 

D'abord une première observation sur ce dessin : les ombres n’ont 
pas été indiquées, les sommets des septa, des palis, des éléments de la 
columelle ont été dessinés comme s’ils étaient tous dans le même plan, 
ce qui n’est pas exact. Il y a ici comme un schéma relativement à la 
grandeur et à la situation des parties. 

La columelle est formée d’une seule série de rubans tordus; elle est 
aussi régulière que chez un exemple du golfe (à comparer avec la colu- 
melle figurée vol. V, pl. II, fig. 1). 

Les palis sont plus courts et un peu plus épais. 

Les cloisons primaires alternent régulièrement avec des groupes de 
trois cloisons, la cloison paliale occupe le centre du groupe. 

À gauche, en À, l’on voit le passage d'une cloison paliale à l’état de 
cloison primaire ; un nouveau groupe de trois septa s’est formé et le 
septa médian contracte des rapports avec le palis qui s'accroît. 

Cet exemple présente un ovale absolument régulier et les éléments 
occupent des positions normales. 

10. Un bouquet de vingt polypiers vu normalement. 

Ici encore, bien que le dessin soit calqué sur une photographie 
(grossissement deux fois et demi), tous les calyces ne sont pas dans un 
même plan. 

Dans un bouquet semblable, quelques-uns des polypiers les plus gros 
présentent la teinte grise, et alors, presque toujours, leur columelle 
paraît papilleuse. Les rubans qui la forment sont petits et nombreux. 

11. Encore un bouquet, photographié au même grossissement. 


Les trois calyces les plus grands du milieu sont gris et le plus cen- 
tral comprimé sur ce côté. 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3€ SÉRIE. — T. Ii. 1899. 36 


962 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


Dans ces groupes, qu’on pourrait ramener à leur taille réelle en les 
comparant au groupe ou bouquet fig. "1, ce qu’il faut remarquer, c’est 
qu’ils sont semés de très jeunes polypiers qui auraient augmenté l'éten- 
due et déterminé des compressions. 

F1c. 12. Deux calyces communiquant ensemble par un canal, dans le fond duquel 
on voit, imitant une columelle, les deux cloisons primaires soudées des 
deux polypes primitifs. 

Les palis en sont petits, les cloisons paliales et primaires moins régu- 
lièrement disposées que dans la figure 9. 

Les deux columelles sont moins régulières que dans le polypier de la 
figure 9. 

13. Quatre calyces qui se sont soudés et entre lesquels se sont creusés des 
sillons établissant la communication entre eux comme dans le cas de la 
figure 12. 

Comment expliquerait-on ici la fissiparité ? 

La préparation à montré au-dessous des calyces les quatre sommets 
des quatre polypiers primitivement distincts. 

14. Un calyce de l’un des groupes ou bouquets destiné à montrer la surface 
supérieure de la columelle et offrant la forme papillaire. 


é 


LA MUE ET L'ENKYSTEMENT 


CHEZ LES NÉMATODES 


PAR 


E. MAUPAS 


Conservateur de la Bibliothèque nationale d’Alger. 


La mue d'évolution ou changement de peau, que nous nous propo- 
sons d'étudier ici, est un phénomène biologique propre et spécial 
aux Arthropodes et aux Nématodes (Chitinophores de M. Perrier). 
Son caractère particulier et distinctif réside avant tout dans le fait 
qu’elle appartient à la période évolutive de ces êtres et qu’elle con- 
stitue un de leurs procédés d’accroissement. 

Elle se produit toujours à des stades de développement précis et 
bien définis. Elle peut servir à délimiter et, si l’on veut, à numéroter 
les étapes successives que les Arthropodes et les Nématodes traver- 
sent dans leur évolution larvaire. Chez tous les individus, chacune 
de ces étapes se répète constamment avec le même degré de déve- 
loppement et se termine toujours par une exuviation. Celle-ci est 
donc la terminaison fatale et nécessaire de chaque période d’accrois- 
sement, et l'être ne peut entrer dans un nouveau stade de dévelop- 
pement qu'après s'être dépouillé du tégument à l’abri duquel il avait 
parcouru le stade antérieur. Ainsi comprise, je le répète, la mue 
d'évolution appartient exclusivement aux processus évolutifs des 
Chitinophores. 

On peut et l’on doit la distinguer des mues et desquamations saison- 
nières, qui président au renouvellement périodique des poils, des 


plumes et du revêtement épidermique chez les Mammifères, les 


64 E. MAUPAS. 


Oiseaux et les Reptiles. Cette seconde catégorie de mues se produit 
sous l'influence des agents extérieurs et plus particulièrement de la 
marche des saisons et des changements de température ; l’usure par 
frottements et la dessiccation y interviennent également. Les appen- 
dices et les couches superficielles de l’épiderme, usés et détériorés 
par leur contact et leurs relations avec le monde extérieur, se déta- 
chent et tombent. Ces mues sont donc de véritables dégénérescences, 
déterminées par des causes externes. 

La mue d'évolution, au contraire, partie nécessaire des processus 
de développement et d’accroissement de l'individu, est sous la dé- 
pendance de causes internes. C’est en cela surtout que son carac- 
tère biologique propre se précise nettement. 

Mais il nous faut ajouter que, si la mue d’évolution et les mues 
saisonnières se distinguent aisément les unes des autres au point de 
vue biologique, il n’en est plus de même quand on les envisage au 
point de vue histologique. Ici elles se confondent en un phénomène 
identique. Les unes et les autres sont la résultante de la propriété 
générale, propre aux tissus épithéliaux, de s’exfolier indéfiniment par 
leur couche superficielle, en se renouvelant par leurs couches pro- 
fondes. Chez les unes comme chez les autres, les procédés en action 
et les éléments en jeu sont identiques. Les deux sortes de mues re- 
présentent donc deux adaptations biologiques distinctes d’une pro- 
priété et d’un élément histologique uniques ; adaptations ayant pour 
but, l’une de concourir à l’accroissement de l'individu, l’autre de 
rajeunir et de renouveler l’épiderme et ses dépendances. 

Notre but, ici, n'étant pas d'étudier les processus histologiques de 
la mue d’évolution, nous n’insisterons pas plus longuement sur ce 
côté du problème. Nous nous proposons seulement de la faire con- 
naître dans le nombre et la succession de ses manifestations, ainsi 
que dans ses rapports avec les stades d’accroissement des individus. 
Nous sommes arrivé à la conviction que ce nombre et cette succes- 
sion, au moins chez les Nématodes, obéissent à des lois fixes et in- 


variables. La recherche et la connaissance exacte de ces lois nous à 


LA MUE ET L'ENKYSTEMENT CHEZ LES NÉMATODES. D6D 


paru mériter notre attention. Nous croyons que, bien connues, 
elles jetteront quelques lumières sur les affinités et la parenté des 
Chitinophores. 

Envisagée ainsi, la mue d'évolution a été fort négligée Jusqu'ici. 
Déjà, en 1841, I. Geoffroy Saint-Hilaire ! se plaignaiït que les obser- 
vateurs eussent dédaigné l'étude attentive et approfondie de la mue 
en général. Cette remarque est encore juste aujourd'hui. Les obser- 
vations exactes et complètes de mues sont peu nombreuses. Non 
pas que leur étude présente des difficultés bien grandes. Elle exige 
seulement quélques qualités de patience et une attention soutenue. 
Ce n’est, en effet, que par la méthode des cultures et des élevages 
méthodiques, poursuivis pendant la durée entière de l’existence in- 
dividuelle, qu'on peut espérer y réussir. En outre, ces élevages de- 
mandent une surveillance continue. Car, chez beaucoup d’espèces, 
les dépouilles exuviales très délicates disparaissent aisément. Chez 
d'autres espèces, elles sont dévorées par les animaux eux-mêmes, 
immédiatement après s’en être débarrassés. 

Actuellement, c'est dans le groupe des Lépidoptères que nous 
sommes le mieux renseignés sur les mues évolutives. L'élevage pra- 
tique des vers à soie et des chenilles, par les collectionneurs de pa- 
pillons, a donné lieu à des observations exactes et complètes. Chez 
les Crustacés également, nous possédons quelques données qui pa- 
raissent dignes de confiance. 

Mais lorsqu'on passe en revue les traités généraux et les mémoires 
particuliers, on est surpris des profondes discordances qui existent 
entre les auteurs sur le nombre et la succession des mues. Chez les 
Crustacés, par exemple, où elles sont en général assez nombreuses, 
nous trouvons les chiffres les plus divers. Les auteurs, le plus sou- 
vent, parlent de plusieurs ou de nombreuses mues, sans nous en 
faire connaître le chiffre exact. Quand ils donnent ces chiffres, alors 


on voit apparaître la plus grande diversité, même à propos d'espèces 


! Essais de zoologie générale, Paris, 1841, p. 484. 


266 E. MAUPAS. 


appartenant à des genres peu éloignés dans les classifications. C’est 
ainsi que, parmi les Décapodes, on signale neuf mues chez les Lu- 
cifer, huit chez les Penæus, quatorze à quinze chez l’Ecrevisse. 
L'£uphausia, chez les Schisepodes, a onze mues, tandis que la Mysis 
ne mue que trois à quatre fois. Les Ostracodes d’eau douce auraient 
huit mues, la Sacculine sept, et Jurine a enregistré onze mues chez 
les Daphnies. Nous-même nous avons constaté, avec une rigueur 
absolue, onze mues chez les Copépodes libres (Canthocamptus et 
Viguterella)", chiffre auquel l'avenir donnera peut-être une cer- 
taine généralité. 

Ces discordances, attribuables dans quelques cas à l'insuffisance : 
des observations, proviennent encore bien plus du manque presque 
absolu de concordance dans les stades de la période larvaire. L’éclo- 
sion des jeunes Crustacés peut se produire à des périodes très diverses 
du développement du corps. Enire cette éclosion et l’âge adulte, le 
nombre des stades larvaires, et par conséquent des mues, varie donc 
considérablement. En outre, certaines espèces, même après l’état 
adulte atteint, continuent à muer, soit après chaque ponte (Daph- 
nies), soit périodiquement avec le retour des saisons (Ecrevisse). 
Dans ces conditions, le nombre des mues et les stades qui leur cor- 
respondent n’offrent qu’un degré limité de généralité et sont suscep- 
tibles de nombreuses variations. 

Chez les insectes, le cadre d’exuviation de quatre mues larvaires, 


plus les deux mues de la métamorphose finale, parait avoir une gé- 


1 Lorsque je fis connaître (Comptes rendus de l’Académie des sciences, 11 juillet 1891) 
cet intéressant et nouveau Copépode d’eau douce, je l’avais baptisé du nom de Beli- 
sarius Viguieri. Mais j’appris presque immédiatement que M. E. Simon avait déjà 
employé le nom de Belisarius, comme lerme générique, pour un Scorpion aveugle. 
Afin de remédier à ce double emploi, je changeai, sur les tirages à pari de ma note, 
Belisarius Viguieri en Viguierella cœca, dénomination sous laquelle ce Copépode est 
cilé à plusieurs reprises par M. Perrier dans son grand Traité de zoologie. Très 
peu de temps après moi, Mrazek, qui avait rencontré la même espèce en Bohême, 
la publiait (Zoologischen Jahrbüchern. Abtheilung für Systematik, etc., t. VII, p. 97, 
pl. IV, fig. 1-16) sous le nom de Phyllognatopus paludosus. Sa synonymie ainsi bien 
établie, c’est sous le nom de Viguierella cœca qu'elle devra dorénavant être citée. 


LA MUE ET L’'ENKYSTEMENT CHEZ LES NÉMATODES. 567 


néralité assez étendue. Cependant, les exceptions ne manquent pas 
chez les Lépidoptères eux-mêmes, où ce type a été le mieux reconnu. 
Certains Lépidoptères, en effet, n'ont que cinq mues, tandis que 
d’autres en comptent jusqu'à sept à dix. Enfin, chez les Ephémé- 
rides, on aurait constaté plus de vingt mues. 

Si nous passons aux autres groupes d'Arthropodes, nous y trou- 
vons peu d'observations complètes et exactes sur les mues. On aurait 
cependant constaté dix mues chez les Argiopé (Arachnide) et huit 
à dix chez les Myriapodes. 

En somme, actuellement, il est impossible de trouver une loi un 
peu générale dans la succession et le nombre des mues chez les Ar- 
thropodes. Par suite des embryogénies diversement abrégées et des 
adaptations particulières des larves, le nombre des stades de déve- 
loppement et des mues peut varier considérablement, même chez 
des espèces assez voisines. Il nous à paru qu'il n’en était pas de 
même chez les Nématodes, et c’est après avoir acquis cette convic- 
tion, que nous nous sommes décidé à faire l'étude de ce phénomène. 

La mue chez les Nématodes n'est, en effet, guère mieux connue 
que chez les Arthropodes. Son existence à été constatée à peu près 
par tous les observateurs; mais sa succession et son nombre exact 
n’ont pas encore été déterminés avec précision. 

Les meilleures observations que nous possédions actuellement à 
cet égard se trouvent dispersées dans le second volume de parasito- 
logie de Leuckart”', publié en fascicules successifs de 1866 à 1876. 
D'après l’illustre professeur, le Cucullanus elegans (p. 110-112) aurait 
trois mues, l’Ascaris obtusa (p. 114-115) deux mues, l’Ascaris mys- 
tax (p. 277, 282, 283) trois mues, l’Oxyuris obvelata (p. 340) une mue, 
le Dochmius trigonocephalus (p. 436-440) quatre à cinq mues, la 1e 
china spiralis (p. 550) pas de mue, la Filaria medinensis (p. 706) une 
mue. On voit de suite quelle discordance existe entre ces chiffres. 


La meilleure de ces observations est celle du ochmius trigonoce- 


1 LEUCKART, Die menschlichen Parasiten, Leipzig, 1866-1876. 


D68 E. MAUPAS. 


phalus, et cependant elle est décrite de telle façon qu’il est difficile 
de savoir si l’auteur a voulu parler de quatre ou de cinq mues. 

Schneider * divisait la vie des Nématodes en trois stades : embryon, 
larve, adulte, séparés entre eux par deux mues. Chaque exuviation 
serait suivie d’une métamorphose. Il avoue cependant que cette di- 
vision est peut-être défectueuse, des mues ayant pu lui échapper. 
Nous verrons, en effet, qu’il n’en connaissait que la moitié. 

Charlton Bastian? a constaté l'existence d’une mue dans plusieurs 
genres, sans autres détails. D’après lui, Ehrenberg, Dujardin et Die- 
sing, avant lui, auraient fait la même constatation chez trois espèces 
différentes. 

Perez, dans son travail sur l’Anguillule terrestre, a consacré un 
court chapitre à la mue de l'animal étudié par lui. Il n’a observé 
qu'une seule mue et il affirme qu'elle est toujours unique. Je suis 
d’ailleurs persuadé qu'il n’a pas eu sous les yeux une mue régulière 
d'individus se développant normalement. Sa description et ses des- 
sins rappellent bien plutôt des larves enkystées à la fin de leur se- 
cond stade. Le Rhabditis teres s’enkyste très aisément à la fin de ce 


stade, dès que la nourriture ne lui convient plus. Sous cette forme 


1 SCHNEIDER, Monographie der Nematoden, Berlin, 1866, p. 292. 

2 On the Anatomy and Physiology of the Nematoids, etc. (Philosophical transac- 
tions, 1866, p. 539). 

8 Pgrez, Recherches anatomiques et physiologiques sur lAnguillule terrestre (Annales 
des sciences naturelles, Zoologie, 1868, t. VI, p. 174). — Perez s’est trompé dans la 
détermination de l’espèce étudiée par lui. Il avait cru retrouver le Rhabditis terri- 
cola &e Dujardin ; mais il était dans une complète erreur. Le véritable Rhabditis 
terricola ne paraît encore avoir été revu par personne. Perez a confondu en une 
seule trois espèces distinctes : 

1° Une espèce hermaphrodite, sur la conformation de laquelle il ne nous donne 
aucun renseignement. 

90 Une espèce dioïque, dont il représente la queue mâle, figure 31, et très proba- 
blemeni la femelle, figure 23. Elle doit se classer dans le groupe des Leptodera. 

3° Une seconde espèce dioique, représentée par ses figures 25, 26, 29, 30, 32, 33 
et 34. Cette espèce appartient au groupe des Pelodera et correspond au Khabditis 
teres de Schneider et de Bütschli. 

11 est possible et même probable que les larves sur lesquelles Perez a observé une 
mue fussent des larves du Rhabditis teres. 


LA MUE ET L'ENKYSTEMENT CHEZ LES NÉMATODES. 969 


enkystée, il est très agile et peut exécuter de longues migralions à 
la recherche de milieux mieux pourvus. Il n’est pas surprenant que 
Perez ait souvent eu l’occasion de le rencontrer en cet état dans ses 
cultures. 

OErley, dans sa monographie des Rhabditides!, a des notions assez 
confuses sur la mue et les stades de développement de ces Néma- 
todes. Dans un premier passage (p. 53), il ne leur connaît qu’une 
seule mue et deux stades. Plus loin, s'inspirant sans doute des tra- 
vaux de Schneider (p.59), il divise leur existence en trois stades : 
embryon, larve, adulte, et admet, par conséquent, deux mues. 

Nous ayons encore à citer un excellent travail de Looss ? sur l’An- 
chylostoma duodenale, qui eût permis à son auteur de formuler la loi 
générale de développement des Nématodes, s'il eût porté son atten- 
tion sur ce point. Par la culture artificielle des larves et leur inocu- 
lation ensuite à des chiens, Looss a très exactement constaté l’exis- 
tence de quatre mues et, par conséquent, de cinq stades chez ce 
parasite. Les larves effectuent les deux premières mues pendant leur 
période d'existence libre ; la seconde mue prenant la forme d’enkys- 
tement, que nous étudierons plus loin. Les troisième et quatrième 
mues s'effectuent seulement dans l'hôte où le parasite achève son 
évolution. 

Dans un travail antérieur, sur le Tylenchus devastatrix*, nous avons 
nous-même étudié la mue de ce parasite. Nous avons essayé de dé- 
montrer que la vie de ce Nématode se divise en cinq stades, dont les 
quatre premiers sont larvaires et le dernier correspond à l’état 
sexué adulte. Ces cinq stades sont séparés les uns des autres par 
quatre mues. Dès ce moment, nous avons affirmé que ce cadre d’exu- 


viations était général chez les Nématodes, et qu'il répondait à une 


1 L. OErzey, Die Rhabditiden und ihre medicinische Bedeutung, Berlin, Friedländer, 
1886. 

2 C'entraiblait fur Bakteriologie, Parasitenkunde, etc., t. XX, 1896, p. 865-870, et 
t. XXI, 1897, p. 913-926 et 10 figures. 

3 F, DeBray et E. Maupas, le Tylenchus devastatrix, Kühn et la Maladie vermi- 
culaire des fèves en Algérie, Alger, 1896, p. 40. 


970 E. MAUPAS. 


loi de développement de ces êtres. C’est à bien établir et à préciser 
cette loi que devront servir les observations que nous allons décrire. 

Ces observations sont de valeurs différentes et peuvent se répartir 
en deux groupes distincts. Dans le premier, nous réunissons quel- 
ques faits isolés et détachés, recueillis accidentellement au cours 
d’autres recherches. C’est ainsi que chez le Rhabditis monohistera, 
chez un autre Rhabditis, chez deux Cephalobus et un Tylenchus, tous 
trois inédits, nous avons observé, à plusieurs reprises, la dernière 
mue, de laquelle les animaux sortent avec leurs organes génitaux 
complets. Cette mue est la plus facile à constater : c’est elle qui a été 
le plus souvent vue par les observateurs antérieurs. Nous avons 
également rencontré plusieurs individus de l’Aphelenchus agricola 
effectuant leurs dernière et avant-dernière mues. Ces observations 
nous apprennent peu de nouveau et nous les mentionnons, ici seu- 
lement, afin de bien établir la généralité du phénomène. 

La seconde série, au contraire, comprend des observations recueil- 
lies au cours de recherches instituées méthodiquement, en vue d’une 
étude suivie et complète de la mue. Ces recherches ont porté sur 
sept espèces : deux Rhabditis et deux Cephalobus inédits, le Cepha- 
lobus ciliatus, le Leptodera appendiculata et l’Angiostoma limacis, ces 
deux derniers parasites des limaces. Chez chacune de ces espèces, 
des individus ont été mis en culture isolée depuis leur éclosion et 
suivis jour par jour. Nous allons décrire successivement les résultats 
de ces cultures, en commençant par celle du Cephalobus ciliatus. 

Cet élégant Nématode, découvert en 1877 par Von Linstow et dé- 
crit exactement pour la première fois, en 1884, par de Man, est 
très commun dans les sables sahariens, dont nous aurons à nous 
occuper plus longuement dans un prochain travail sur la dessicca- 
tion et la reviviscence. Les individus, sur lesquels nous avons étudié 
la mue, tiraient leur origine de cette provenance. 

Le Cephalobus ciliatus a un développement très lent; aussi se 


1 J. G. De Max, Die... Nematoden der niederländischen Fauna, in-folio, 1884, 
p. 100. 


LA MUE ET L'ENKYSTEMENT CHEZ LES NÉMATODES. 971 


prête-t-il admirablement à la constatation et à l'étude des mues. 
Leur longue durée permet aisément de les saisir et d’en suivre tous 
les détails évolutifs. Pour y parvenir, au mois de juillet 4895, J'isolai, 
dans une goutte d’eau, des œufs, à la ponte desquels j'avais assisté. 
Ces œufs vinrent à éclosion après cinq jours à cinq jours et demi, la 
température étant de 26 degrés centigrades. Une nourriture abon- 
dante fut donnée aux jeunes aussitôt à la sortie de l'œuf, et cette 
nourriture changée et renouvelée tous les jours. Les animaux pas- 
sèrent à l'examen microscopique plusieurs fois par jour. Pendant 
toute la durée de ces observations, la température de mon cabinet 
de travail se maintint à un niveau constant de 26 degrés centigrades. 

Les mues constatées sur chacun de ces individus furent au 
nombre de quatre. La première commença quatre jours après l’éclo- 
sion ; la deuxième, huit jours plus tard que la première ; la éroisième, 
neuf jours plus tard que la deuxième ; la quatrième, dix à onze jours 
plus tard que la troisième. 

A des signes, que nous décrirons plus bas, on peut reconnaitre le 
début et la fin de chaque mue et par conséquent en établir la durée. 
La première et la deuxième durèrent un Jouret demi; la troisième, 
deux jours et demi; la quatrième, trois à quatre Jours. 

La taille, pour les individus d'une même mue, peut varier dans de 
certaines limites. Nous nous en sommes assuré en mesurant à cha- 
cune des exuviations une dizaine d'individus au début et à la fin de 
la mue. Les mesures de la fin ont toujours été prises sur des indi- 
vidus tenus dans de l’eau pure pendant la durée entière de la mue, 
et par conséquent empêchés d’absorber aucune nourriture.En outre, 
afin d’avoir des chiffres rigoureusement exacts, ces mesures de la fin 
furent prises sur des individus tués et immobilisés par douce cha- 
leur. Au début, les animaux sont immobiles et rigides d'eux-mêmes. 

Dans le tableau suivant, nous donnons les mesures extrêmes re- 
eueillies sur une dizaine d'individus pour chacune des mues au début 
et à la fin : 


972 E. MAUPAS. 


Début. Fin. Accroissement. 
265 p ; 
TE Te eo de 330 p 65 L 
330 450 120 
DEMUEL Serre 
360 4180 120 
410 546 130 
3° mue : 
490 610 120 
Ç 545 620 GIE 
G' : 
( 560 686 196 
RONTES Ho à é 
| O 560 720 160 
630 790 160 


Il résulte des chiffres de ce tableau, qu’en achevant chacune de 
leurs mues et sans prendre aucune nourriture, les animaux s’acerois- 
sent rapidement d’un quart à un tiers de la longueur qu'ils avaient 
auparavant. 

Les mêmes chiffres nous apprennent également que ce Nématode 
s'accroît fort peu dans l'intervalle qui sépare la fin d’une mue du 
commencement de la suivante. Le principal de son accroissement 
s'effectue pendant la période terminale de l’exuviation. Ce n’est qu’a- 
près la quatrième et dernière mue qu'un accroissement notable a 
lieu en dehors de ces phénomènes. En effet, finalement les mâles 
doivent atteindre une taille de 800 1, et les femelles de 900 p, c’est- 
à-dire 120 à 140 p. de plus qu'au sortir de la quatrième mue. Cet 
accroissement final lui-même est relativement très faible, puisqu'il 
ne représente guère qu’un sixième de la totalité de la longueur. 
Comme nous le verrons plus loin, le même accroissement final 
atteint et dépasse même de beaucoup la moitié de la longueur maxi- 
mum des individus chez les Rhabditis. Nous verrons également que, 
chez ces Rhabditis, le principal de l'accroissement, pendant la durée 
totale de la vie, se produit dans les intervalles entre les mues; au 
contraire de ce que nous venons de constater chez le C'ephalobus 
ciliatus. 

Pour le moment, nous n'insisterons pas plus longuement sur cette 
profonde différence de se comporter chez ces espèces distinctes. 


Mais nous y reviendrons dans un prochain travail sur la reviviscence, 


LA MUE ET L’'ENKYSITEMENT CHEZ LES NEMATODES. 973 
phénomène sur lequel elle nous paraît jeter quelque lumière. 
Dans les cultures méthodiques on reconnaît de suite les animaux 
qui commencent une mue. En effet, en temps ordinaire ces Néma- 
todes sont en agitation perpétuelle, à la recherche des aliments, se 
contournant et se repliant de façons les plus diverses. Les individus 
se préparant à muer, au contraire, deviennent immobiles et rigides 
comme des cadavres. Ils prennent d’ailleurs l’aspect et l'attitude d’in- 
dividus morts, qu'on aurait tués par une douce chaleur. Ils sont 
allongés et décrivent une légère courbe en croissant (fig. 4, 2). Pen- 
dant les premières heures, cette rigidité n’est pas encore absolue, et 
on peut voir ces individus exécuter de temps à autre quelques con- 
tractions, mais pour reprendre desuite leurattitude allongée. Environ 
une douzaine d'heures après le début, la rigidité devient parfaite et 
les animaux tombent dans un élat de léthargie absolue. Incapables 
d'exécuter la moindre contraction, on peut les agiter et les déplacer 
sans les voir sortir de leur attitude de bâtonnets rigides. 

Cet état léthargique dure pendant quelques heures, sans change- 
ment apparent d'aucune sorte. Puis, à l'extrémité antérieure, appa- 
raît un vide entre le revêtement cuticulaire et l'extrémité céphalique 
du corps. Celui-ci subit un retrait qui le détache lentement de la cu- 
ticule et se raccourcit. Ce retrait ne tarde pas à se manifester égale- 
ment dans la région caudale, où le corps se détache aussi de la cuti- 
cule et se raccourcit. Le raccourcissement devient de plus en plus 
sensible par les deux extrémités, où l’étui cuticulaire apparaît (fig.3) 
complètement vide. Le corps arrive ainsi à perdre environ un sep- 
tième de sa longueur primitive. Pendant cette période de retrait, qui 
dure plusieurs heures, le corps demeure toujours inerte et rigide. 

Plus tard, on le voit de temps à autre exécuter de légères contrac- 
tions et ondulations à l’intérieur de l’étui cuticulaire, dont il s’est 
complètement détaché dans toute sa longueur (fig. 3). 

Jusqu'ici l’étui cuticulaire à conservé sa forme et ses dimensions 
primitives, comme s'il servait encore de revêtement à l’ancien corps. 


Il représente un long tube hyalin, dans la région antérieure de la- 


bd 


574 E. MAUPAS. 


quelle on aperçoit, suspendu dans l’axe et attaché à l’orifice buccal, | 
un mince bâtonnet (fig. 3, 4), débris ratatiné du revêtement cuticu- 
laire de l’ancienne cavité buccale ou pharynx. En arrière, dans la 
- région caudale, un autre mince bâtonnet chitineux inséré oblique- 
ment, représente le revêtement chitineux de la partie rectale de l’in- 
testin attachée à l’anus, Les piquants et appendices fourchus du 
pourtour de la bouche sont demeurés intacts et en place comme 
auparavant. 

Les mouvements et les contractions de l’animal devenu libre à 
l’intérieur de cette longue et étroite prison se montrent de plus en 
plus fréquents et prennent une amplitude de plus en plus grande. 
Bientôt ces contractions finissent par entraîner dans leur mouve- 
ment l’ancien étui cuticulaire qui leur obéit et plie avec le corps. 
Celui-ci, en même temps, se rallonge lentement et finit par remplir 
de nouveau toute la cavité du tube cuticulaire. Cette distension se 
continuant et les contractions devenant de plus en plus énergiques 
et continues, l’étui cuticulaire cède et se distend à son tour en s’a- 
mincissant. L'animal récupère peu à peu son ancienne puissance 
contractile et dès lors s’agite sans repos, en se tordant et se contour- 
nant dans tous les sens.Il continue à s’allonger et reste encore revêtu 
de l’ancienne cuticule qui l'enveloppe de toutes parts sous la forme 
d'une mince pellicule, visible seulement par ses plissements dans la 
concavité des sinuosités du corps. On la reconnaît encore, à l’extré- 
mité antérieure, parles anciens appendices péribuccaux qui forment 
comme une coiffe hérissée sur les nouveaux. L’élongation du corps 
se continuant, la vieille cuticule finit par céder et se déchirer en lam- 
beaux, que l’animal traîne encore quelquefois assez longtemps après 
lui. Ces lambeaux cuticulaires, la plupart du temps, surtout dans les 
trois premières mues, disparaissent rapidement sans laisser de trace. 

À chaque mue, l'animal renouvelle donc entièrementle revêtement 
chitineux du corps, des appendices péribuccaux, de la cavité buccale 
et du rectum, démonstration de l’origine exodermique commune 
de ses parties. 


LA MUE ET L'ENKYSTEMENT CHEZ LES NÉMATODES. 315 


La conformation du nouveau revêtement chitineux est, sauf les 
dimensions, absolument identique au précédent jusque dans ses 
moindres détails. Il n’y a de différence qu’à la première mue et seu- 
lement dans les trois appendices péribuccaux. Ceux-ci, en effet, chez 
le jeune, avant cette première mue, ont la forme d’un bâtonnet 
simple avec deux épines de chaque côté (fig. 4). Après la mue, les 
nouveaux appendices revêtent la forme fourchue avec plusieurs 
épines latérales, caractéristique de l’espèce. Il y a donc là une méta- 
morphose progressive. 

La grande élongation que le corps de l’animal effectue pendant la 
phase active de la mue se fait aux dépens des matériaux de réserve 
accumulés dans les cellules de l'intestin. Celles-ci, en effet, au début 
de la mue, sont toujours littéralement bourrées de granulations 
albumino-graisseuses. Il en résulte que le tractus intestinal appa- 
rait alors comme un gros cordon noirâtre et opaque. En même 
temps, sa lumière étant vidée de tout contenu étranger, ses parois 
internes sont affaissées sur elles-mêmes. L'intestin, dans toute sa 
longueur, forme donc une masse compacte, dans laquelle on dis- 
tingue à grand'peine les limites des cellules. Lorsque l’animal entre 
dans la phase active de la mue, les granulations albumino-grais- 
seuses fondent peu à peu, résorbées et assimilées par le travail 
d'échanges et de reconstitution qui s'effectue dans toute la longueur 
du corps. En même temps, l’animal recommençant à prendre de la 
nourriture, la lumière de l'intestin se reconstitue. A la fin de la mue, 
le tractus intestinal, dans toute sa longueur, est devenu aussi clair et 
transparent qu'il était opaque au début. 

En résumé, nous avons constaté, avec toute la certitude désirable, 
l’existence de quatre mues successives chez notre Cephalobus. Ces 
quatre mues divisent sa vie en cinq stades nettement séparés. Pen- 
dant les trois premiers stades, les animaux, sauf la longueur, ne dif- 
fèrent en rien extérieurement les uns des autres. Les différences in- 
ternes sont également à peu près nulles. 


A l’éclosion, au sortir de l’œuf, l'animal vient au monde avec tous 


D76 E. MAUPAS. 


ses organes complets, sauf les organes génitaux. Ceux-ci sont, en 
effet, dans un état très rudimentaire, et, sur le vivant, apparaissent 
(fig. 2, g) sous la forme d'une petite tache claire, ovale, se détachant 
vers le milieu de l'intestin et sur son côté ventral. Examiné à l’aide 
des réactifs et avec de bons objectifs, ce rudiment se montre com- 
posé (fig. 16) de deux gros noyaux germinatifs nucléolés, flanqués do 
deux petits noyaux somatiques; le tout enveloppé d'une fine mem- 
brane. Cette apparence et cette structure rudimentaires se main- 
tiennent sans changement pendant toute la durée du premier et du 
second stade et jusqu’à l'entrée du troisième, au sortir de la seconde 
mue. Pendant toute cette période, aucun indice, aucune structure 
particulière ne permet de distinguer les futurs mâles et les futures 
femelles. Il n’existe encore aucune différenciation sexuelle appa- 
rente. 

c’est à la fin du troisième stade et surtout pendant la longue 
durée de la troisième mue que le développement des organes géni- 
taux prend un essor rapide. À ce moment, chez les femelles, les 
deux gros noyaux germinatifs se doublent (fig. 22) et sont au nombre 
de quatre. Ils sontréunis etenveloppés en unesérie rectiligne dans un 
mince tube, développement de la membrane enveloppante du ru- 
diment primitif. Un petit noyau terminal remplit l'extrémité posté- 
rieure ; d’autres noyaux plus petits se voient sur les côtés. Tous ces 
petitsnoyauxdériventdes deux noyaux somatiques primitifs. En avant, 
le tube membraneux se continue en un cordon plein composé de 
deux rangées de petites cellules de forme cubique. Ge cordon fait brus- 
quement un coude enarrière et vient se terminer dans un amas plus 
épais de petites cellules, situé à la face ventrale, immédiatement au- 
dessous du tégument. Dans cet amas, on distingue une fente trans- 
versale pénétrant de la surface vers le centre. Cette fente représente 
le futur orifice génital et le cordon cellulaire répond à l’oviducte et 
à l’utérus encore à l’état rudimentaire. 

Pendant le quatrième stade, le développement des organes géni- 


taux se continue activement et on peut dès lors distinguer les mâles 


LA MUE ET L'ENKYSTEMENT CHEZ LES NÉMATODES. EYE 
des femelles, même sur le vivant. Chez les femelles, la tache claire 
génitale s’est très allongée et apparaît sur le côté ventral et sur le 
côté dorsal (fig. 1). La tache ventrale est coupée en deux par une 
fente transversale, rudiment du vagin. Mais la distinction des deux 
sexes est peut-être encore plus nette dans la région caudale. La 
queue des femelles est plus mince et plus effilée que celle des mâles 
(fig. 7, a, b). Chez les premières, l'extrémité de l’intestin occupe 
toute la lumière de la cavité générale; tandis que chez les seconds 
cette extrémité est refoulée vers le dos par le testicule, qui apparait 
sous l’aspect d’une bande ventrale claire et transparente. En outre, 
chez la femelle, la région rectale est rendue plus ou moins opaque 
par de nombreuses granulations albumino-graisseuses. Chez le mâle, 
au contraire, cette région, plus massive et plus épaissie, est claire et 
transparente. Cette transparence et cet épaississement sont déter- 
minés par la présence d’un tissu embryonnaire, dans lequel vont se 
former les spicules et leurs dépendances. Toutes ces différences 
sexuelles sont nettement apparentes sur le vivant. 

Au sortir de la quatrième mue, début du cinquième stade, les or- 
ganes génitaux, non encore mûrs pour la génération, possèdent ce- 
pendant toutes leurs parties essentielles. C'est, en effet, pendant la 
longue durée de cette dernière mue que se font les progrès les plus 
importants dans l’évolution de ces organes. Chez les mâles, les spi- 
cules et la pièce accessoire ou gorgeret apparaissent peu à peu etse 
forment au cours de cette mue. 

Chez les femelles (fig. 15), la fente vulvo-vaginale fermée du stade 
antérieur se transforme en une vulve et un vagin ouverts au dehors. 
L’utérus et l’oviducte embryonnaires sont devenus des tubes large- 
ment ouverts et à parois minces. Quant à l'ovaire proprement dit, 
on y compte de quatorze à vingt gros noyaux germinatifs, disposés 
sur un seul rang. Les plus en avant commencent même à s’entourer 
de vitellus. 

Au début du cinquième stade, les animaux possèdent donc tous 
leurs organes. Il faudra encore trois à quatre jours pour que les or- 


ARCH. DE ZOOL. EXP ET GEN. — 3° SÉRIE — %T. VII. 1899, 37 


978 E. MAUPAS. 


ganes génitaux arrivent à maturité complète, que les mâles s’accou- 
plent et que les femelles pondent leurs premiers œufs. C’est pen- 
dant ces derniers jours que s'achève l’accroissement final du C'epha- 
lobus ciliatus, l’amenant à sa taille définitive ; accroissement qui, 
nous l’avons vu plus haut, représente un sixième de la longueur 


totale. 


Nous allons passer maintenant à la description de la mue chez le 
Rhabditis Caussaneli", espèce sur laquelle nous aurons plus d’une 
fois à revenir dans notre étude sur la sexualité chez les Nématodes. 

La mue, chez ce Rhabditis, est plus difficile à constater que chez 
le Cephalobus ciliatus. Les animaux, en train de muer, ne s’immobi- 
lisent pas aussi longuement et aussi complètement, en prenant l’as- 
pect de bâtonnets rigides. Si, à l’approche de la mue, on réussit à 
les voir droits et raides, ce n’est que pour un temps court et ils 
reprennent bientôt leur mobilité. On ne les distingue donc que dif- 
ficilement des autres. En outre, surtout pour les deux premières 
nues, les dépouilles cuticulaires sont si fines et délicates, qu'elles 
échappent très aisément à la vue, masquées par les matières granu- 
leuses en décomposition avec lesquelles on nourrit ces animaux. 
Ajoutons, en dernier lieu, que le phénomène a une évolution courte 
et rapide. Toutes les phases se succèdent si vivement, que, du mo- 


ment où dans une culture on a découvert des individus rectlignes 


1 Cette espèce étant inédite, nous en donnons une description abrégée provisoire : 
cuticule lisse ; bouche à trois lèvres avec chacune deux papilles ; cavité buccale 
courte; œsophage avec deux bulbes; clapets du bulbe postérieur très peu dévelop- 
pés ; queue de la © conique, terminée par une pointe deux fois aussi longue que le 
cône et avec deux papilles situées au point de jonction du cône et de la pointe; 
utérus très développés pouvant contenir chacun de 50 à 60 œufs ; ovo-vivipare, mais 
surtout ovipare; bursa pelodérienne, large, avec 9 papilles, distribuées en 3 groupes 
de trois, celles du groupe antérieur plus espacées entre elles ; spicules non soudés, 
forts, teintés en brun foncé, ainsi que le gorgeret; le corps des © mesure de 
2350 à 3070 p., celui des jf de 1360 à 1970  ; la longueur de l’æsophage varie 
entre 230 et 340 &, la queue de la © entre 105 et 130 p ; la cavité buccale mesure 
de 18 à 20 p, les spicules des cf de 70 à 80 p.. Cette espèce est dioïco-hermaphro- 
dite : on trouve 2 ' contre 1 000 Q. Dédiée à la mémoire du regretté docteur Caus- 


sanel, professeur à l’école de médecine d'Alger. 


LA MUE ET L'ENKYSTEMENT CHEZ LES NÉMATODES. 919 
etimmobiles, on peut être certain qu’on netardera pas à en voir trai- 
nant derrière eux une dépouille cuticulaire de mue. La phase, si ca- 
ractéristique chez le Cephalobus ciliatus, de retrait du corps à l’inté- 
rieur de l’étui cuticulaire, est ici fort peu apparente. 

Désirant cependant faire une étude méthodique de la mue et de 
l'accroissement chez cette espèce, j'ai procédé de la façon suivante : 
plusieurs femelles adultes furent placées dans une goutte d’eau 
pure, où je les laissai pondre environ deux cent cinquante œufs et 
les supprimai. J’attendis ensuite l’éclosion des œufs et n’ajoutai une 
bonne nourriture bien appropriée que lorsque tous les œufs sans 
exception furent éclos. De cette façon, tous les individus de la cul- 
ture se trouvèrent à un degré de développement semblable. 

Cette culture fut surveillée jour et nuit. Dès que les premiers signes 
d’une mue apparurent, dix individus portant les indices du début de 
la mue furent extraits, tués et mesurés; dix autres individus mon- 
trant les indices de la fin de la mue, c’est-à-dire déjà à moitié sortis 
de leur dépouille cuticulaire et la traînant derrière eux, furent trai- 
tés de la même façon. Je pris tout d’abord la mesure de dix larves 
immédiatement au sortir de l'œuf. Dix autres larves furent mesurées 
vers le milieu de l'intervalle entre chaque mue. Enfin des séries de 
dix individus furent encore traitées de la même façon: 1°au moment 
de l'apparition du premier œut dans l'utérus; 2° au moment de la 
ponte du premier œuf; 3° enfin toutes les vingt-quatre heures ensuite 
pendant sept jours, jusqu'à épuisement de la culture. Pendant Îles 
trois à quatre derniers jours, les animaux avaient complètement 
épuisé leur stock de sperme et cessé de pondre. Gomme cette espèce 
hermaphrodite ne vit que cinq à six Jours au plus après ce moment, 
on peut dire que les animaux de la dernière série avaient atteint le 
degré extrême de leur développement. 

Il serait fastidieux et inutile de reproduire ici tous les chiffres 
de mesures ainsi obtenus; nous nous contenterons de donner les 
moyennes des séries de dix. 


Cette culture fut commencée le 1° février et achevée le 13. Voici 


380 E. MAUPAS. 


les chiffres moyens, avec la date, l'heure de chaque observation 


et la température ambiante, dans laquelle vivaient les animaux : 


1 NN ES AS OPA VeSVenANntAMÉCIOnE PRES TETE EEE 335 
2, 7 h. s. 15 Entre l’éclosion et la première mue ..... 461 
3, 40h.m- 15e Débutdeliipremièrenmue EAN APM) 
— DH OMFinidetapremieremue cer RE EE CPE TEE 576 
— 8h. s. 15 Entre la première et la deuxième mue... 730 
48 h°m..1# Début delatdeuxièmemue nee Per S24 
— 14 Fin de la deuxième mue............... 862 
— 5 h. s. 13 Entre la deuxième et la troisième mue... 937 
5 nm MM Débutidetaitroisième MUR PEN INNTEE 1045 
— 1 inmidelartroisièmenmuEe terre 1109 
— 12h. m. 15 Entre la troisième et la quatrième mue.. 1212 
ÉNO nes  SDébutidelaquatrièmMemues cree 1444 
— 1904 Finidelatquatrièeme mue. trees 1521 
FANS M2 MMUNpremeneutdansTUTÉLUS EE EEE 1686 
86m M2 NP One dUNpreMIeRCEUEEE RER MOSS 2157 
9m rl — SR LCR EUR NET PSE 2409 
10, — 12 — DES OO EN D A DIU D à vba 2602 
IE 12 — _ ME RER ERAENENR 2799 
1 RE 13 LE SSL RES ASE TE RENTE 2865 
ES RE 2 _ La SOS LEE TE ASIE 2888 
DE QUE _ _ Re UD PR D PEE 2893 
NE 16 _ _ HO PRNNE AADET END CS 


Nous voyons par ce tableau que : 


Le 1er stade dure 39 heures avec une température de 15v 


LE 2e = 22 = — 15 
Le 3: = 20 — — 14 
Le 4e — 34 — _— 13 
en — 9 à 10 jours _ 14 


On peut disposer les chiffres de ce tableau de la façon suivante : 


4. DE Ge 4. 
ÉCLOSION EEE 335 
{ -540 | F8 240 Aerstade. 
LESMUES CEE ECC _. De LAS 
D 
824 } : 284 9e stade. 
2ÉRMUE CEE ATEN . | QT 
js lis 
+ ie 1ou5 4" 9 À 247 3e stade. 
1109 LEA 
Re TAC DL a Lo EAN ) A l i 11 4 stade. 
l 452 He 
Fin de l’accroissement. 2952 | Fe De) po 5e stade. 
l'otaux: res O0 PO OR GTR 


8 0/0 92 °/0 


LA MUE ET L’ENKYSTEMENT CHEZ LES NÉMATODES. o81 


Ce second tableau, comme on le voit, est divisé en quatre colonnes 
de chiffres. Dans la première est donnée en la longueur du Né- 
matode : 4° au moment de l’éclosion; 2° immédiatement avant et 
après chaque mue; 3° à ia fin de son accroissement. Les chiffres de 
la seconde colonne expriment la différence de longueur entre le 
commencement et la fin de chaque mue. La troisième colonne donne 
la longueur d’accroissement de la fin d’une mue au commencement 
de la suivante. Avec la quatrième colonne, enfin, nous avonsles lon- 
gueurs totales d'accroissement pendant chacun des stades. 

Nous voyons par les totaux que l'accroissement, au moment même 
de la mue, n’a été que de 8 pour 100 de l'accroissement total. Encore 
suis-je persuadé que ce chiffre est un peu exagéré ; à cause de la dif- 
ficulté, ou même de l'impossibilité de saisir le moment exact où 
commencent et finissent les mues. Les sujets sur lesquels ont été 
prises ces mesures ont pu être souvent ou bien trop jeunes pour la 
mesure du début, ou trop âgés pour celle dela fin, les animaux étant 
en voie d’accroissement indiscontinu. Il en résulte probablement une 
majoration du total. 

Quoi qu'il en soit, un résultat ressort très nettement de ces chiffres 
ainsi présentés : l’accroissement chez ce Nématode est d’une conti- 
nuité uniforme. Il n’y a pas de périodes d'arrêt, suivies d’une exten- 
sion brusque au moment de chaque mue, comme on l’a constaté 
dans la mue des Crustacés et des Insectes et comme nous l'avons 
reconnu, à un moindre degré il est vrai, chez le Cephalobus ciliatus. 
Autrement dit, chez ce #habditis, la mue et l’accroissementne sont 
pas en corrélation directe et nécessaire. Les deux phénomènes sont 
indépendants l’un de l’autre. | 

Cette indépendance et cette continuité de l’accroissement sont 
encore bien démontrées par les chiffres suivants empruntés au même 
tableau : 

335, 461, 576, 130, 862, 937, 1109, 1912, 1521, 1886, 2157, 2409, 2609, 
27199, 2865, 2888, 2893, 2952 ; 


dans lesquels les nombres soulignés nous donnent les longueurs au 


582 E. MAUPAS. 


moment de l’écliosion et à la fin de chaque mue, tandis que les non 
soulignés expriment les longueurs d'animaux mesurés au milieu de 
chacun des quatre premiers stades et de vingt-quatre en vingt- 
quatre heures pendant toute la durée du cinquième stade. On y voit 
que l’accroissement se continue graduellement et sans arrêt pendant 
toute la durée des stades. Enfin nous devons remarquer tout par- 
ticulièrement l'énorme accroissement du cinquième stade, conti- 
nué pendant neuf jours en dehors de toute mue et représentant 
49 pour 4100 de l’accroissement total. | 

Nous avons encore vérifié cette indépendance par l’expérience sui- 
vante : dix larves effectuant leur deuxième mue et encore envelop- 
pées dans leur ancienne dépouille et dix larves effectuant leur troi- 
sième mue dans le même état ont été isolées dans deux gouttes 
d’eau pure, chaque série à part. Ces larves, bien que complètement 
dépourvues de nourriture, ont continué à évoluer et ont effectué les 
premières leur troisième, les secondes leur quatrième mue. La durée 
de temps employée à parcourir cette évolution a été simplement de 
quatre à cinq heures plus longue que chez les larves sœurs bien 
nourries. 

Au sortir de ces dernières mues, ces larves étaient fortement éma- 
ciées et, chiffre moyen, mesuraient, celles de la troisième mue, 882 y, 
celles de la quatrième, 1175 p. Les larves bien nourries pendant les 
mêmes stades sortent de ces mues respectivement avec des longueurs 
de 4109 et 1521 p; ce qui correspond à un accroissement respectif de 
247 et 412 p; tandis que les larvesémaciées ne se sont accruesque de 
20 et 65 p.; c’est-à-dire avec des différences en moins de 227 et 341 pi. 

Ainsi donc, ces larves mal nourries ne se sont accrues respective- 
ment que d’un douzième et d’un sixième de l'accroissement normal 
etont, malgré cela, effectué régulièrement leur mue avec un simple 
retard de quatre à cinq heures. Cette observation, nous semble-t-il, 
est encore plus concluante que les précédentes et démontre d’une 
facon péremptoire l'indépendance de la mue et de l'accroissement 


chez notre Rhabditas. 


LA MUE ET L'ENKYSIEMENT CHEZ LES NEMATODES. DB 

Je me suis étendu un peu longuement sur cette particularité de la 
mue chez les Rhabditis, à cause de la façon différente dont les Ce- 
phalobus se comportent dans les mêmes circonstances. Chez ces der- 
niers, en effet, l'accroissement et la mue sont en corrélation directe. 
Nous avons déjà signalé cette différence plus haut. Elle résulte évi- 
demment d’une adaptation particulière et spéciale du tégument dans 
chacun de ces deux genres. 

Lorsque de jeunes Rhabditis ont parcouru un de leurs stades pri- 
maires en l'absence complète de nourriture, comme nous l’avons 
décrit plus haut, ces individus ne récupèrent plus ultérieurement 
le déficit d’accroissement causé par cette période de disette. Je m'en 
suis assuré, en plaçant dans une goutte d’eau pure dix larves choisies 
au moment où elles effectuaient leur troisième mue et étaient encore 
enveloppées dansleur ançienne dépouille cuticulaire. Je les surveillai 
et dès qu’elles eurent mué pour la quatrième fois, je leur redonnai 
une abondante nourriture. Je les conservai ainsi bien nourries jus- 
qu’à ce qu'elles eussent fini de pondre et eussent atteint à leur plus 
grand développement. Mesurées alors, elles accusèrent une taille 
moyenne de 2380 uv. Dix de leurs sœurs, qui avaient été abondam- 
ment nourries pendant toute la durée de leur vie, atteignirent à une 
taille moyenne de 2729 à; c’est-à-dire 349 u de plus, chiffre qui, 
à 2 près, concorde avec celui que nous avions obtenu plus haut, en 
mesurant les individus émaciés immédiatement au sortir de la qua- 
trième mue. 

On peut donc, en supprimant la nourriture aux larves pendant 
le quatrième stade, réduire d’un huitième la taille des individus 
ainsi traités, si abondante que soit leur nourriture pendant le reste 
de leur vie. 

En outre de la taille, qui d’ailleurs n’est pas toujours un signe 
absolument sûr, le quatrième stade larvaire peut encore se recon- 
naître à un caractère facile à distinguer, même avec un faible gros- 
sissement. Pendant les trois premiers stades, le rudiment génital 


apparaît sous l’aspect d’une petite tache claire oblongue et homogène 


584 | PF. MAUPAS, 


se détachant latéralement sur le fond noir opaque de l'intestin 
(fig. 8). Après la troisième mue ef pendant toute la durée du qua- 
trième stade, cette tache claire, déjà notablement accrue, est en 
outre coupée transversalement en deux par uñe fente étroite (fig. 9), 
représentant le vagin et la vulve rudimentaires, non encore ouverts 
au dehors. Cette fente vulvo-vaginale apparaît claire et hyaline dans 
la masse génitale légèrement opaque et blanchâtre. Ce n’est qu’à la 
fin de la quatrième et dernière mue, que l’orifice génital se complète 
et s'ouvre au dehors. 


{ 


Pendant le premier stade, le rudiment génital (fig. 17) conserve sa 
forme la plus simple. Il est composé de deux gros noyaux germina- 
tifs nucléolés et de deux petites cellules somatiques, le tout enveloppé 
d’une fine membrane. Cette structure est identique à celle que nous 
avons constatée chez le Cephalobus ciliatus. Au second stade (fig. 20), 

un développement sensible s’est déjà produit. Les noyaux germina- 
tifs se sont transformés en cellules et multipliés au nombre de quatre. 
Ils sont enveloppés dans une fine membrane, aux parois de laquelle 
on distingue six à sept petits noyaux, dérivés des deux cellules soma- 
tiques primitives. Le développementse continue pendant le troisième 
stade et nous trouvons alors le rudiment génital sous l'aspect (fig. 21) 
d’un corps étroit, de forme allongée cylindrique. Au centre existe un 
amas de petites cellules somatiques qui, dans le prochain stade, don- 
neront naissance à l'utérus et à l’oviducte. De chaque côté de cet 
amas, on voit six à sept cellules germinalives représentant les futurs 
ovaires, à l'extrémité de chacun desquels se trouve une petite cellule 
terminale somatique. Au stade quatre (fig, 14), l'organe génital est 
constitué dans presque toutes ses parties essentielles. Le rudiment 
de l’utérus s’est allongé en un cordon composé de petites cellules 
cubiques. Au centre, il s’est soudé avec le rudiment vulvo-vaginal 
dérivé de cellules ectodermiques et dans lequel la fente vaginale est 
déjà nettement creusée. Aux extrémités, les deux ovaires se sont 
fortement accrus par la multiplication des cellules germinatives et 


sont déjà recourbés en crosse: Toutes ces parties, déjà nettement 


LA MUE ET L’'ENKYSTEMENT CHEZ LES NÉMATODES. 589 
dessinées, vont s'achever et se compléter après la quatrième mue, 
début du cinquième stade. 

Nous avons donc retrouvé chez le Ahabditis Caussaneli les quatre 
mues et les cinq stades constatés chez le Cephalobus ciliatus. Cette 
identité d'évolution est remarquable, étant donné l’énorme diffé- 
rence dans la durée de l'existence chez les deux espèces. Le Rhabdi- 
tis,en effet, la parcourt et l’achève en quatorze à quinze jours, tandis 
que le C'ephalobus peut vivre de onze à douze mois. Chez le premier, 
la période d’accroissement dure de quatre à cinq jours, chez le 
second, de quarante à quarante-cinq jours. Malgré cela, le parallé- 
lisme le plus parfait se retrouve dans les phases de l’évolution, 


courtes et rapides chez l’un, allongées et lentes chez le second. 


Sans en avoir fait une étude aussi complète que chez les deux 
espèces précédentes, j'ai cependant suivi méthodiquement l’accrois- 
sement et les mues chez le Rhabditis pellio Schneider ‘. J'ai procédé, 
comme pour le précédent, par des pontes et des éclosions obtenues 
dans une goutte d’eau pure, puis par la culture, avec nourriture 
abondante, des jeunes issus de ces éclosions. Celte culture, com- 
mencée le 6 mars, se fit par une température courante de 17 degrés 
centigrades. Cinq individus furent tués et mesurés au moment de 
chaque mue, puis, après la dernière mue, toutes les vingt-quatre 
heures, jusqu’à extinction par sénilité des derniers individus. Dansle 
tableau suivant, je résume cette culture en donnant la date, l'heure 
du jour et le chiffre moyen en & de la longueur des individus sacri- 
fiés et mesurés à chaque observation. 


1 Sous ce nom de Rhabditis pellio, on confond deux espèces distinctes: 10 le type 
décrit par Schneider (Monographie der Nematoden, p. 154); 20 celui décrit par 
Bütschli (Beiträge zur kenniniss der freilebenden Nematoden, p. 112). La première 
espèce est une forme pélodérienne, la seconde une forme leptodérienne et, malgré 
l’opinion contraire de Bütschli, je me suis convaincu que cette absence ou cette 
existence d’un prolongement caudal mâle constitue bien un excellent caractère dis- 
tinctif. J'ai eu occasion d'observer des milliers d'individus des deux types, oblenus 
dans des cultures isolées, et jamais je n’ai vu ce caractère faire défaut. Les deux 
formes se distinguent encore d’ailleurs l’une de l’autre par quelques autres diffé- 
rences moins apparentes. 


286 E. MAUPAS. 


6, 1 h. s. Larves venant d’éclore .. . RAA See 310 
1,040 8 ME TeMIÈReMMUER TS APR EN APP NE 0 TT) 
SSI M DEUTEMEMUERTEE EEE NT EE Ch d 670 
99h me TE OISÈMEMNUC ETAPE ENEENRPPE RU 
lg 890 

10414 m.NOuatrième mue EPP AA PARA CU 
Œœ 1330 

10, 8 h. s. Premiers œufs dans l'utérus... ........... 2160 
11 8h. 1m. _ AE PR RU 2402 
TUE _ REC AA TONER DRE AE 2888 
RE ee à se ee 
cd 2230 

14 — — ro 0 3330 
les 2 DÉATE CAR METRE, RS E 3400 
10; ne — Sr OS NP RSA 3417 
AS Le | PAR eee 3439 
AR UE 2° RER LE 3481 
190 2 Le ANA RES SN | 
g 2180 


Toutes ces mesures, sauf quatre, ont été prises sur des femelles. 

Le premier stade a duré vingt-huit heures ; le deuxième, quinze; 
le troisième, dix-huit; le quatrième, vingt-trois; le cinquième, enfin, 
neuf à dix Jours. . 

L’accroissement est de 430 p pendant le premier stade, de 200 & 
pendant le deuxième, de 330 4 pendant le troisième, de 510 & pen- 
dant le quatrième, et de 2020 y pendant le cinquième. C’est donc à 
l’époque où l'animal à cessé de muer que se fait le plus fort de son 
accroissement : résultat parfaitement d'accord avec ce que nous 


avons constaté chez l'espèce précédente. 


Le Leptodera appendiculata Schneider est, comme les deux Rhab- 
ditis précédents, une espèce à évolution courte et rapide. Nous avons 
cependant réussi à en suivre et constater les quatre mues en pro- 
cédant par une culture organisée de la même façon que celles des 
deux Rhabditis. Cette culture fut faite au mois de mars par une tem- 
pérature courante de 16 degrés centigrades. Inutile de dire que ce 
fut seulement la forme libre de ce Nématode qui fut mise en expé- 


rience. 


LA MUE ET L’'ENKYSTEMENT CHEZ LES NÉMATODES. 087 

Dans le tableau ci-dessous nous résumons cette culture, en don- 
nant la date, l'heure et le chiffre moyen en p de la longueur desindi- 
vidus mesurés à chaque observation. Pour être bien certain des indi- 
vidus mesurés, il furent toujours choisis traînant encore après eux 
leur dépouille exuviale. Au quatrième et au cinquième stade, nous 
avons pris les mesures sur des femelles. Un accident nous a empêché 


de prolonger cette culture plus de trois jours après l’âge adulte 


atteint. 
GARhem Jeunes Venantid'éclore. #0..." 271 p 
PARLES TePrennière mue Pr AAMNNE DSane 371 
CRAN Deuxiemenmues Em. CELL ERA 497 
Om Eroisièmenmiue. 220.0 670 
0h Ouairièmetmue -. 22: MAN ae 989 
ERP Eremiere ponte seen ee NT LE 1280 
12,  — IAE Et OI OU RES DEEE . 1343 
13, — CO LIT LE RE OC EE TEN  Rr SECES 1358 


Nous voyons, d’après ce tableau, que le premier stade a duré vingt- 
huit heures; le deuxième, 17; le troisième, 20; le quatrième, 21 ; 
le cinquième, quatre à cinq jours; les femelles adultes ayant tou- 
jours une existence assez courte, soit qu’elles meurent naturelle- 
ment, soit qu elles succombent à la suite d’éclosions intra-utérines. 

L'accroissement pendant le premier stade a été de 100 p, de 126 p 
pendant le deuxième, de 173 p pendant le troisième, de 319 x pen- 


dant le quatrième et, enfin, de 369 p pendant le cinquième. 


Le Cephalobus concavus, dont nous allons nous occuper mainte- 
nant, est une espèce inédite, d'origine saharienne. Nous aurons à 
y revenir de nouveau dans un prochain travail sur les espèces revi- 
viscentes du Sahara, et alors nous en donnerons une description 
complète. 

Cette espèce est à évolution lente comme le Cephalobus ciliatus, 
cependant moins lente que chez ce dernier. Les mues sont annon- 
cées par un état léthargique rigide, qui permet de reconnaître aisé- 


ment les individus en voie d’exuviation. D'un autre côté, les dépouilles 


988 E MAUPAS. 


cuticulaires, plus fines et plus fragiles, échappent facilement à l’ob- 
servation. 

Quoi qu'il en soit, je me suis assuré avec la certitude la plus com- 
plète de l’existence des mues au nombre de quatre. Pour y arriver, 
j'ai isolé ensemble un certain nombre d’œufs pondus le même jour. 
Puis, lorsqu'ils ont été éclos, j'ai donné une bonne nourriture aux 
jeunes et suivi leur accroissement et leur évolution jour par jour. 
Cette culture fut instituée au mois de novembre par une température 
de 21 degrés centigrades. 

Le tableau suivant la résume en donnant les dates et les longueurs 


moyennes des individus observés : 


novembre: MÉCIOSIOnEr CNE 370 fe 

6 — Première mue Mere O0 

9 — Deuxième mue RATER 610 
13 — roisièemenmue ere rer 850 
17 — Quatrième mue ....,...... JEU 
— — Paule maximum PA tee 1770 


Les mues se sont succédé assez régulièrement à des intervalles 
de quatre jours. Le deuxième stade seul paraît avoir été un peu plus 
court. 

L'accroissement a été de 80 y. pendant le premier stade, de 160 & 
pendant le deuxième, de 240 & pendant le troisième, de 300 u pen- 


dant le quatrième et de 620 p pendant le cinquième. 


Le Cephalobus truncatus est également une espèce inédite d'origine 
saharienne et dont nous donnerons ailleurs une description com- 
plète. Au mois de novembre, par une température moyenne de 
21 degrés centigrades, nous avons étudié l’évolution et la succession 
des mues dans une culture méthodique, organisée comme pour l’es- 
pèce précédente. Ici les phénomènes se succèdent beaucoup plus 
rapidement. Malgré cela nous avons pu constater avec toute la cer- 
titude possible les quatre mues reconnues chez les précédentes es- 
pèces. Nous résumons cette culture dans le tableau suivant, en don- 


nant les dates et la longueur moyenne des individus observés : 


LA MUE ET L’ENKYSTEMENT CHEZ LES NÉMATODES. 289 


10 novembre, 3 h. m...... CIO ON AMEN AE 9217 p 
11 —— SUD A Sy. ARE Première mue. .... 290 
16 — HORREEME Ne Deuxième mue..... 420 
14 — TINNES SE. 0 Troisième mue... 590 
16 — ONUSS ES LE . Quatrième mue..... 820 
18 — 1 h. m. Ponte des premiers œufs. 
RaillemaximUume CE rene 4500 


Le premier stade a duré quarante et une heures : le deuxième, 
trente-huit heures ; le troisième, trente-sept heures; le quatrième, 
trente-neuf heures; quant au cinquième, n'ayant pas suivi d'animaux 
jusqu’à leur extrême vieillesse, nous ignorons sa durée. 

L’accroissement pendant le premier stade est de 73 & ; de 130 pu 
pendant le deuxième ; de 170 p pendant le troisième ; de 330 4 pen- 


dant le quatrième, et de 680 y pendant le cinquième. 


Après avoir étudié la mue chez des espèces vivant entièrement à 
l’état libre, il était intéressant de la suivre chez une espèce à exis- 
tence en partie libre, en partie parasitaire. C’est, en effet, une 
espèce de cette nature, le Dochmius trigonocephalus, dont s’est servi 
Leuckart! pour nous donner les observations de mues les plus 
complètes que nous possédions actuellement. Malheureusement, les 
renseignements que nous fournit l’illustre savant allemand ne sont 
pas d’une clarté parfaite. À la page 438 de son texte, il semble bien 
qu'il n’admet l'existence que de quatre mues, et c’est ainsi, d’ail- 
leurs, que l’ont compris les auteurs qui se servent de ses observa- 
tions. Mais lorsqu'on poursuit avec attention la lecture de ce texte 
jusqu'à la page 440, on y trouve la mention d’une nouvelle mue, 
qui en élève le chiffre total au nombre de cinq. Toutes nos observa- 
tions nous permettent d'affirmer que cette cinquième mue n'existe : 
pas. Le Dochmius trigonocephalus, dans son évolution, parcourt cinq 
stades, dont deux à l’état libre et les trois derniers à l'état de para- 
site. Ces cinq stades sont séparés les uns des autres par quatre mues. 


Cette évolution est celle que nous avons constatée chez l’Angios- 


1 R. LeuckaRT, Die menschlichen parasilen, elc., t. 11, 1876, p, 133 et 436-440. 


990 E MAUPAS. 


toma limacis de Dujardin; espèce que nous avons choisie pour sujet 
de nos observations. Ce Nématode est assez commun dans l'intestin 
des diverses Limaces qui vivent aux environs d'Alger. 

Afin de suivre exactement ses mues, nous avons éventré deux 
femelles adultes et placé, dans une goutte d’eau pure, les œufs 
sortis de leurs utérus. Les jeunes éclos de ces œufs mesuraient de 
400 à 430 p.. Lorsque tous ont été éclos, nous leur avons donné en 
nourriture de la Limace pourrie. Cet aliment a été absorbé avide- 
ment. Les larves se sont accrues pendant trois jours et demi, au 
bout desquels elles atteignirent une longueur de 650 à 700 p et effec- 
tuèrent alors leur première mue. Elles continuèrent ensuite de 
prendre de la nourriture et de s’accroître, et, après quatre jours, 
arrivèrent à mesurer de 950 à 1000 s.. À ce moment, elles cessèrent 
de se nourrir et de croître, bien qu’elles fussent constamment pour- 
vues d’une nourriture fraiche et abondante. Deux à trois jours plus 
tard, jeles trouvai enkysiées. Parvenues à la fin de leur deuxième 
stade de développement, elles étaient devenues inaptes à continuer 
une existence libre, en perdant la faculté de s’y nourrir. Au lieu 
d'effectuer une simple mue, elles sécrétèrent une épaisse enveloppe 
kystique, afin de pouvoir attendre, sous son abri, l’occasion favo- 
rable de passer dans l'hôte, qui leur fournira le milieu spécial et 
indispensable à la continuation de leur développement. Cette enve- 
loppe kystique n’est nullement une production particulière et nou- 
velle. Nous le démontrerons amplement plus loin ; elle n’est, chez 
ces Nématodes, qu'une modification et une adaptation de la seconde 
mue, et doit être comptée comme telle dans la série des exuviations. 
Les larves, d'ailleurs, se dépouillent de cette enveloppe kystique, 
aussitôt qu'elles rencontrent des Limaces, à l’intérieur desquelles 
elles continuent et achèvent leur développement. 

Nous conservâmes ces larves enkystées cinq à six Jours, sans leur 
voir prendre le moindre aliment et sans apercevoir le moindre chan- 
gement dans leur état. 


Nous déposâmes alors une centaine de ces larves sur le dos de 


LA MUE ET L'ENKYSTEMENT CHEZ LES NÉMATODES. 91 
deux Limaces nourries en captivité avec de la salade depuis douze 
jours. Six jours après cetle inoculation, une des Limaces fut sacri- 
fiée. Nous trouvâmes, dans l'intestin de cette Limace, sept Angios- 
tomes adulles et neuf encore à l’état de larves, mesurant de 1 400 à 
1 600 p.. Les sept adultes avaient évidemment une origine bien anté- 
rieure à notre inoculation ; les neuf larves, au contraire, dérivaient 
bien certainement de cette inoculation. Elles s'étaient dépouillées 
de leur enveloppe kystique, correspondant à Ja deuxième mue et 
s'étaient accrues de 300 à 600 | 

Nous les plaçâmes dans une goutte d’eau pure et, le lendemain, er 
les examinant de nouveau, nous les trouvâmes toutes en voie de 
muer. Cette mue, ainsi que nous le démontra l’examen des organes 
génitaux, correspondait à la troisième mue. Nous constalâmes, en 
effet, dans ces organes, des différenciations el des dispositions iden- 
tiques à celles que nous avons décrites plus haut chez le Cephalobus 
cihatus et chez le Æhabditis Caussaneli, au sortir de leur troisième 
mue. 

Chez l’Angiostome, comme chez ces deux Rhabditides, la distinc- 
tion des deux sexes était devenue nettement apparente, à l'issue de 
cette mue. Sur les femelles, cette distinction se manifestait surtout 
dans le rudiment vulvo-vaginal, formant, vers ia région médiane du 
corps, une tache blanchâtre, coupée en deux par une fente claire, 
hyaline (fig. 12 A). Les ovaires, déjà nettement différenciés, avaient 
la forme d’un boyau étroit, à cheval sur la fente vulvo-vaginale et 
renflé en massue à ses deux extrémités. Ces renflements renfermaient 
huit à dix gros noyaux germinatifs. Le rudiment génital mâle se pré- 
sentait sous un aspect différent (fig. 12 B). Il se composait également 
d’un boyau aminci en un mince cordon dans sa portion moyenne et 
fortement épaissi dans les deux tiers formant ses extrémités. L’extré- 
mité antérieure était déjà repliée en arrière. Gette extrémité consti- 
tuait le rudiment du testicule proprement dit; les autres parties 
représentaient le rudiment du réservoir séminal et du canal déférent. 


La distinction des deux sexes était encore nettement visible dans 


592 E. MAUPAS. 


la région caudale de ces larves. Chez les femelles (fig. 11 A), la queue 
était plus mince et plus effilée que chez les mâles (fig. 41 B). En 
outre, chez ces derniers, le rectum est enveloppé par un amas de 
. tissu embryonnaire, dans lequel les spicules et leurs dépendances 
se formeront à la fin du quatrième stade. C’est à la présence de cette 
masse embryonnaire que la queue des larves mâles doit d’être plus 
épaisse que celle des larves femelles. 

Au cours de cette mue, la bouche subit une profonde modification 
que nous n’avons pas à décrire ici et qui est un acheminement vers 
la bouche adulte ; sorte de transition entre la cavité buccale étroite, 
rhabditiforme, des trois premiers stades et la capsule buccale, large 


et trapue, de l’Angiostome, au cinquième et dernier stade. 


Les faits et les structures que nous venons de décrire chez ces 


larves, à l'issue de la mue qu'elles ont effectuée sous nos yeux, sont 
si semblables et si concordants avec ceux que nous connaissons 
chez les Cephalobus et les Rhabditis, au même degré de développe- 
ment, qu'il nous est permis d'affirmer, en toute sécurité, que cette 
mue correspondait à la troisième de ces autres Nématodes. 

La deuxième Limace inoculée fut sacrifiée onze jours après l’ino- 
culalion. Nous trouvâmes dans son intestin huit larves d'Angios- 
tomes, dont les tailles variaient depuis 1700 y jusqu’à 2 600 p. Il y 
avait quatre mâles et quatre femelles. Les organes génitaux in- 
ternes élaient un peu plus développés que chez les précédentes ; 
mais onne voyait pas encore trace des organes externes. L'orifice 
vulvo-vaginal était toujours fermé chez les femelles ; la bursa, ses 
papilles et les spicules étaient encore totalement absents chez les 
mâles. Ces larves se trouvaient donc indiscutablement dans leur 
quatrième stade de développement, un peu plus avancées seulement 
que celles de la première Limace. 

Une troisième Limace, inoculée avec une centaine de larves en- 
kystées, fut immolée quinze jours après inoculation. Son intestin 
contenait dix larves d’Angiostomes mesurant depuis 2100 jus- 


qu'à 3 000 {1. Il y avait cinq larves mâles et cinq larves femelles, 


LA MUE ET L'ENKYSTEMENT CHEZ LES NÉMATODES. 093 
toutes encore dans leur quatrième stade de développement. Mais 
trois d’entre elles, un mâle mesurant 2 700 x et deux femelles me- 
surant 3 0U0 |, étaient en voie d’effectuer leur quatrième et dernière 
mue. Chez le mâle, la bursa avec toutes ses papilles se voyait nette- 
ment apparente, ses spicules en voie de formation. Chez les deux 
femelles, l’ancienne cuticule était déjà décollée dans la région cau- 
dale, les bouches définitives presque entièrement achevées. Ces faits 
sont toujours parfaitement concordants avec ceux que nous con- 
naissons chez les Cephalobus et les Æhabditis, au moment de la qua- 
trième mue. | 

Tous ces Nématodes sortent de cette dernière mue avec leur or- 
ganisme au complet, les orifices génitaux ouverts au dehors et les 
organes externes accessoires entièrement développés. Entrés dans 
leur cinquième et dernier stade, 1ls n’ont plus qu’à s’accroître pour 
atteindre leur maturité sexuelle. Cet accroissement final, non ac- 
compagné de mues, peut, comme nous l'avons vu chez les Rhabdilis, 
être aussi et même plus considérable que celui des stades à mues. 
Chez l’Angiostome, dont j'ai mesuré des mâles de 5 200 p et des 
femelles de 7 300 p, il dépasse également l’accroissement des pre- 
miers stades, puisque les mâles effectuent leur quatrième mue avec 


une longueur de 2 700 & et les femelles avec une longueur de 3 000 . 


En résumé, nos observations expérimentales ont porté sur les 
sept espèces suivantes : C'ephalobus ciliatus, C. concavus et C. trun- 
catus, Rhabditis pellio et R. Caussaneli, Leptodera appendiculata et 
Angiostoma limacis, avec des résultats parfaitement concordants. 
Nous pouvons y ajouter une huitième, le 7ylenchus devastatrix, à 
propos de laquelle, ainsi que nous l’avons dit plus haut, nous étions 
déjà arrivé à des résultats semblables dans un travail antérieur. Ces 
huit espèces appartiennent à cinq genres différents et vivent dans 
des conditions d’existence bien diverses; les unes complètement 
libres, les autres en partie libres et en partie parasites, une enfin 
complètement parasite. 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3€ SÉRIE. — T. VII. 1899. 33 


994 E. MAUPAS. 


Chez toutes, nous avons trouvé l’existence divisée en cinq stades, 
séparés les uns des autres par quatre mues. Les quatre premiers 
stades sont larvaires, le cinquième et dernier appartient à 
‘adulte de l'animal. 

Chacune des mues représente un renouvellement total du tégu- 
ment avec rejet de l’ancien. Au moment où ces exuviations se pro- 
duisent, les animaux tombent dans un état de léthargie, dont la 
durée varie considérablement d’une espèce à l’autre. Cette durée, en 
effet, est en relation avec la rapidité d'évolution biologique des 
espèces. Ainsi, chez les-Rhabditis étudiés, dont la période de vie lar- 
vaire oscille entre deux à quatre jours, suivant les températures, 
l’état léthargique ne dépasse pas deux à trois heures ; tandis que chez 
le Cephalobus ciliatus, il se prolonge pendant deux à trois jours, la 
vie larvaire de ce Nématode durant de trente-cinq à quarante jours 
et plus. 

Les mues correspondent toujours à des états de développement 
parfaitement identiques pour chacune d’elles. De l’examen des or- 
ganes et plus particulièrement des organes génitaux, on peut con- 
clure avec sûreté du stade dans lequel se trouve l’animal étudié, et, 
par conséquent, du nombre de mues effectuées et de celles à venir. 
Au premier stade, le rudiment génital a, en effet, la forme d’un ha- 
ricot, avec au centre un ou deux gros noyaux germinatifs, flanqués 
à chaque extrémité d’un petit noyau somatique, le tout renfermé 
dans une mince membrane anhyste. Pendant le second stade, l’or- 
gane s’allonge un peu, les noyaux germinatifs se multiplient au 
nombre de trois ou quatre et quelquefois commencent à s entourer 
d’une couche de vitelius. Les petits noyaux somatiques se sont éga- 
lement multipliés, en se répartissant sur les côtés et président 
ainsi au développement de la membrane enveloppante générale. 
Deux d’entre eux demeurent toujours, un à chaque extrémité. Au 
troisième stade, le rudiment génital s’allonge en forme de boyau cy- 
lindrique. 11 secompose alors au moins d’une dizaine de gros noyaux 


serminatifs et d’un amas de petites cellules somatiques, situées à 


ne GA SE SE Sr S- 


à l'âge 


LA MUE ET L’ENKYSTEMENT CHEZ LES NÉMATODES. 995 


son centre ou à son extrémité postérieure, suivant qu’il doit devenir 
double ou simple. Enfin, pendant le quatrième stade, l’ébauche gé- 
nitale prend un développement suffisant pour qu’il soit possible de 
distinguer, sur le vivant, les mâles des femelles. Chez celles-ci, une 
fente vulvo-vaginale rudimentaire, fermée au dehors, est nettement 
apparente ; les ovaires et l’utérus se sont différenciés. Chez le mâle, 
le testicule s’est allongé en arrière el son canal déférent, en voie de 
formation, va bientôt rejoindre le rectum et s’y souder. C’est seule- 
ment pendant la quatrième et dernière mue, et, par conséquent, au 
début du cinquième stade, que tous ces organes complètent leur dé- 
veloppement. Chez les femelles, l’orifice vulvo-vaginal s'ouvre au 
dehors, l’utérus et les ovaires prennent leur conformation définitive. 
Chez les mâles, la bursa, les papilles et les spicules apparaissent et 
se forment de toute pièce : le Lesticule et ses dépendances achèvent 
leur développement. 

Ainsi que nous l'avons dit dans la partie historique, Schneider, 
qui ne connaissait que deux mues, divisait l'existence des Nématodes 
en trois stades et prétendait que chaque mue était accompagnée 
d’une métamorphose. Pour lui, lesanimaux du premier stade étaient 
des embryons ; ceux du second, des larves, et ceux du troisième, 
des adultes. 

L’inexactitude de cette nomenclature ressort déjà du fait que 
deux mues avaient échappé au savant allemand. En outre, nous 
ne comprenons pas que les animaux du premier stade puissent 
être considérés comme des embryons. Ce sont des larves au même 
titre que ceux des deuxième, troisième et quatrième stades. Comme 
eux, ils vivent librement, empruntant leurs aliments au milieu exté- 
rieur, se mouvant et se déplaçant suivant les nécessités de cette 
existence libre. Les véritables embryons sont dans l’œuf avant l’éclo- 
sion, après laquelle nous n’avons plus que des larves, à des degrés 


divers de développement, suivant le stade auquel elles sont arri- 


1 Monographie der Nematoden, 1866, p. 292. 


396 E. MAUPAS. 


vées. Il n'y a donc dans la vie libre des Nématodes, que deux états 
distincts, l’état larvaire subdivisé en quatre stades et l’état adulte 
avec un seul stade. 

Quant à la métamorphose, que Schneider affirme exister après 
chaque mue, il y à encore là, nous semble-t:il, une erreur de mots. 
L'évolution des Nématodes se fait par un développement continu, 
ralenti seulement pendant quelque temps au moment des mues. 
Les organes, d’abord rudimentaires et incomplets, s’accroissent gra- 
duellement et régulièrement d'un stade à l’autre, sans qu'aucune 
transformation, aucune métamorphose se produise. La mue elle- 
même est un simple changement de peau, n’affectant en rien d’es- 
sentiel les organes de l’animal. Il n’y a donc là rien de ce qui carac- 
térise une métamorphose. 

On pourrait cependant objecter que, chez les Nématodes à exis- 
tence mi-partie libre et mi-partie parasite, les deux dernières mues 
sont accompagnées de transformations dans la bouche, qui, de rhab- 
ditiforme, passe à la forme typique de l’espèce.On pourrait être tenté 
d'interpréter ces transformations comme une métamorphose. Nous 
pensons que ce serait en exagérer l'importance, et que cette modi- 
fication des parties buccales n’a pas de valeur morphologique plus 
grande que la succession d’une première et d’une seconde dentition 
chez certains Mammifères. Chez ces Nématodes, elle est le résultat 
d’une adaptation biologique spéciale à des milieux d'existence diffé- 
rents. Chez les Nématodes libres, qui sont aussi sinon plus nom- 
breux que les parasites, il ne se produit pas de transformations sem- 
blables. 

Dans les pages consacrées au Ahabditis Caussaneli, nous avons in- 
sisté tout particulièrement afin de bien démontrer que, chez cette 
espèce, l'accroissement et la mue élaient deux phénomènes indépen- 
dants l’un de l’autre. Cette indépendance est manifeste pendant toute 
la durée des stades larvaires ; mais elle est encore mieux démontrée 
par l’énorme accroissement du cinquième stade. Ce dernier accrois- 


sement, qui, suivant les espèces, peut atteindre au double et même 


CR RTE + 


LA MUE ET L’ENKYSTEMENT CHEZ LES NÉMATODES. 097 


au triple’ de la longueur larvaire, s'effectue sans aucune mue. 
Schneider, dans sa monographie ? si riche en excellentes observa- 
bions, avait déjà signalé ce dernier fait. Il en concluait, avec juste 
raison, que la cuticule des Nématodes, bien que de nature chiti- 
neuse, n'était pas une sécrétion morte et complètement séparée dela 
couche sous-cuticulaire, comme le sont les productions chitineuses 
des Arthropodes. Bien au contraire, elle demeure constamment 
molle, élastique et vivante. Pendant toute la vié, elle reste en rap- 
ports intimes avec les tissus sous-jacents se modelant sur eux et 
s’accroissant avec eux. Elle représente donc toujours également un 
tissu vivant capable d'échanges nutritifs, comme les autres appareils 
et les autres tissus du corps. 

Elle ne doit d’ailleurs être qu’à demi chitinisée, ainsi que le dé- 
montre son peu de résistance à la macération. En effet, lorsqu'on 
conserve dans une goutte d'eau des dépouilles exuviales, elles s’y 
dissolvent et disparaissent totalementen moinsde vingt-quatre heures. 
Mais, dans certain cas, que nous étudierons dans le chapitre suivant, 
elle peut acquérir toutesles qualités de résistance et de conservation 
des véritables substances chitineuses. Ce cas est celui de l’enkyste- 
ment, dont l'enveloppe kystique n’est qu’une dépouille exuviale mo- 
difiée et si fortement chitinisée, qu’elle peut séjourner dans l’eau 
pendant des mois sans s’altérer. 

Le type d'existence, divisé en cinq stades par quatre mues, tel que 
nous l’avons caractérisé el décrit dans les pages précédentes, est-il 
absolument universel chez les Nématodes ? Si nous nous en rappor- 
tions aux lois de l’analogie, nous pourrions répondre affirmative- 


ment. Mais, en biologie, l’analogie est un guide souvent trompeur. 


1 Looss a vu l’Anchylostomum duodenale effectuer sa quatrième et dernière mue avec 
des longueurs de 15,9 (mâle) à 2 millimètres (femelle) et cependant ce Nématode, 
arrivé à sa grandeur définitive, mesure 10 millimètres (g') et 13 millimètres (Q). 
Il y a donc là un dernier accroissement sans mues qui dépasse de quatre à cinq fois 
celui de la période à exuviations (Centraib'ait für Bakteriologie, t. XXI, 1897, 
D925): 

2 Loc. cil., p. 215, 


598 | E. MAUPAS. 


Les processus vitaux, résultant d’adaptations multiples et variables 
aux lois physico-mécaniques générales qui dominent la matière vi- 
vante, sont sujets à de nombreuses exceptions. En ce domaine, l’ex- 
périence et l’observation seules permettent de généraliser avec 
sûreté. 

Toutefois, les faits connus actuellement nous autorisent à affirmer 
une généralité assez étendue. En effet, en outre de ceux que nous 
avons fait connaître, on peut encore s'appuyer sur quelques-unes 
des observations de Leuckart, qui a constaté trois mues chez l’Asca- 
ris mystax, quatre à cinq chez le Dochmius trigonocephalus, trois chez 
le C'ucullanus elegans et plusieurs chez lAscaris nigrovenosa. Il est 
permis de considérer ces observations comme incomplètes et, en 
les interprétant, de les rattacher aux nôtres. Elles tendent sans dif- 
ficulté à démontrer la grande extension que notre cadre de stades 
et de mues paraît avoir dans la classe des Nématodes. Les observa- 
tions de Looss sur l’Anchylostomum duodenale, dont les quatre mues, 
ainsi que nous l'avons dit dans la partie historique, ont été très exac- 
tement constatées, sont encore plus concluantes. 

Ces mues d’évolution, telles que nous les avons définies par oppo- 
sition aux mues saisonnières, appartiennent bien exclusivement aux 
Arthropodes et aux Némathelminthes qui, groupés ensemble, consti- 
tuent la série des Chitinophores de M. Perrier ‘. C’est un caractère 
important à ajouter à ceux dont le savant professeur du Muséum 
s’est servi pour rapprocher et réunir ensemble ces groupes zoolo- 
giques que la plupart des auteurs classent, au contraire, fort loin 
les uns des autres. Bütschli, dès 14876 *, s'était déjà servi de ce carac- 
tère pour rapprocher entre eux les Arthropodes et les Nématodes. 

Maintenant que nous connaissons exactement la succession et le 
nombre des mues des Nématodes, un autre rapprochement vient 
encore s'offrir à l'esprit. On sait, en effet, que la plupart des Lépi- 


dopières hélérocères muent également quatre fois pendant leur 


1 ED. PERRIER, Traité de zoologie, 1897, p. 1345. 
2 Zeitschrift für wissenschaftliche Zoologie, t. XX VI, 1876, p. 407-411. 


LA MUE ET L’ENKYSITEMENT CHEZ LES NI MATODES. 299 
accroissement. Ces quatre mues, il est vrai, sont suivies de deux 
autres mues finales, qui accompagnent la transformation de l’animal 
en nymphe et en Insecte parfait. Chez ces Insectes, le nombre des 
mues est donc de six. Mais ces deux dernières mues sont des mues 
de métamorphoses et n’ont plus aucun rapport avec l'accroissement. 
Nous ne voudrions pas exagérer l'importance de ce rapprochement 
et y voir l'indice d'une parenté entre les Lépidoptères et les Néma- 
todes. Mais il n’en est pas moins curieux de constater une similitude 
si parfaite dans ces phénomènes de morphogenèse. Lorsque la mue 
sera mieux connue chez tous les Arthropodes, elle permettra peut- 
être d’entrevoir des affinités moins douteuses et plus précises. 

On a prétendu que des mues semblables se retrouvaient chez les 
Hirudinées et les Rotifères. Je ne possède aucun renseignement 
personnel sur les Hirudinées ; mais, par contre, je puis affirmer que 
les Rotifères ne muent jamais. Il y a quelques années, j'ai eu l’oc- 
casion de faire de nombreuses et longues cultures de l'Aydatina 
senta, d'Adineta vaga, de Taphrocampa Saundersiæ, de Cycloglena 
lupus et d’un VNotommata indéterminé. C’est par centaines que j'ai 
suivi jour par Jour des individus de ces espèces, depuis leur sortie 
de l’œuf jusqu à leur mort naturelle. Jamais je n'en ai vu un effec- 


tuer une mue. 


ENKYSTEMENT. 


Sous les termes de Æyste et d’enkystement, on confond, dans la 
biologie des Mématodes, deux productions et deux phénomènes très 
différents. 

D'une part, nous avons les capsules dans lesquelles certaines 
espèces parasites (Ollulanus, Spiroptera, Sclerostomum, Trichina, ete.) 
s’enferment en s'enroulant en spirale, pour y attendre, dans une 
vie latente, un changement äe milieu et d'hôte, qui leur permettra 
de continuer et d'achever leur évolution. Ces capsules sont des pro- 
ductions anormales, dérivant le plus souvent, sinon toujours, du tissu 


conjoncüf de l'hôte, qui sert momentanément d'habitat au parasite. 


600 E, MAUPAS, 


Elles sont le résultat de l’irritation causée dans le tissu par la pré- 
sence de ce dernier. L'organisme envahi se protège et se défend 
contre l’envahisseur, en l’enveloppant d’une coque résistante et so- 
lide, destinée à l’immobiliser et lui servir de prison. Gette coque est 
donc par sa nature et son origine absolument étrangère au Néma- 
tode parasite, exactement comme la galle végétale l’est au Cynips. 
À ces productions et à ces phénomènes, d'ordre pour ainsi dire pa- 
thologique, nous proposerions de réserver les dénominatiôns de 
capsule et d’encapsulement, qui sont souvent employés comme syno- 
nymes de kyste et d’enkystement. 

D'un autre côté, on a plusieurs fois signalé, sans cependant en 
faire une étude complète, de véritables phénomènes d’enkystement 
chez certains Nématodes libres et, plus particulièrement, chez les 
Rhabditis. Ges kystes, comme les capsules kystoïdes, sont également 
destinés à permettre aux animaux, qui les produisent, de vivre à 
leur abri d’une vie latente prolongée. Mais ils diffèrent essentielle- 
ment des capsules par leur nature el par leur origine. Ils sont, en 
effet, des produits propres et directs de l’activité biologique des êtres 
qui s’enferment sous leur abri. Comme les kystes des Infusoires, ils 
sont essentiellement composés d’enveloppes chitineuses, sécrétées 
par la surface du corps. Il nous a donc semblé logique de leur ré- 
server spécialement la dénomination de kystes. C'est à décrire leur 
structure et les conditions de leur production, que nous allons con- 
sacrer les pages suivantes, 

L'enkystement des Nématodes, tel que nous venons de le définir, 
a été, ainsi que nous l'avons déjà dit, observé plusieurs fois, mais 


d'une façon insuflisante et avec des interprétations inexactes. 


Perez ! a dessiné très exactement les larves enkystées de son An- 


guillule terrestre (/habditis teres). Voyant ces larves se mouvoir 
librement à l'intérieur de leur enveloppe kystique, puis s’en débar- 


rasser et l’abandonner lorsqu'elles étaient placées dans de nouvelles 


D 


l Annales des sciences naturelles : Zoologie, t. VI, 1866, p. 174, pl. N, fig. 8, 4, 5. 


LA MUE ET L'ENKYSTEMENT CHEZ LES NÉMATODES. 601 


conditions d’existence, il a cru avoir observé une simple mue et, 
comme il n’en connaissait pas d’autres, il en a conclu que ces ani- 
maux ne muaient qu'une fois. Que Perez a bien eu sous les yeux des 
larves enkystées et non des mues, cela ne fait pas de doute, quand 
on lit sa description. L'épaisseur de la dépouille, la durée du phé- 
nomène, les mouvements de va-et-vient des larves à l’intérieur du 
tube kystique, la résistance de ce dernier à la décomposition, la 
taille toujours identique des larves, tous ces faits appartiennent à 
l’enkystement et non aux mues simples et normales. 

Schneider, également, a constaté l’enkystement des Ahabditis et, 
dans son grand ouvrage !, il revient à plusieurs reprises sur ce phé- 
nomène. Plus heureux que Perez dans ses interprétations, il ne se 
méprend pas sur la véritable nature de ces productions kystiques 
et sur leur rôle dans la biologie de ces Nématodes. Il ne lui a 
manqué que la connaissance plus complète de la série des mues et 
de la place de l’enkystement dans ce cadre d'évolution, pour tracer 
un tableau parfait de ce phénomène. 

Le savant allemand avait également bien entrevu les conditions 
déterminantes de l’enkystement. Il considérait ce dernier comme 
une simple modification de la première des deux mues normales 
qu’il connaissait. Ceci nous permet de conclure que, des deux mues 
de Schneider, la première correspond à la deuxième, la seconde à 
la quatrième de notre cadre d’exuviation : la première et la troi- 
sième lui avaient échappé. 

Claus ? a décrit et figuré très exactement les larves enkystées du 
Leptodera appendiculata. Ces larves, que nous avons également obser- 
vées, sont minces, filiformes et doivent être distinguées des grosses 
larves à longs appendices caudaux, que l’on trouve dans les Limaces. 
D'après le savant allemand, les larves enkystées ne sont plus aptes 


à vivre en liberté, et, pour continuer leur évolution, il leur faut pé- 


1 Monographie der Nematoden, 1866, p. 150, 293 et 302. 
? Beobachtungen ueber die Organisation und Forilpflanzung von Leptodera appen- 
diculata, 1869, p. 18, 19. 


602 E. MAUPAS. 


nétrer dans le corps des Limaces, où elles se transforment dans les 
grosses larves dont nous venons de parler. 

Oerley ‘, à son tour, signale l'enkystement des ARhabditis. A 
l'instar de Schneider, dont il a, d’ailleurs, adopté le cadre d’exuvia- 
tion, il le considère comme une substitution à la première mue. Il 
ajoute peu de chose à ce que nous en a fait connaître le savant 
allemand. 

Nous pourrions encore ajouter ici quelques enkystements obser- 
vés chez certaines espèces parasiles. Mais nous y reviendrons plus 
tard, lorsque, après avoir bien étudié le phénomène, nous essaye- 
rons de faire voir.son extension dans la classe des Nématodes. Nous 
allons donc procéder à l’exposé de nos observations personnelles. 

Lorsque, avec un faible grossissement, on examine des Æhabditis 
pris en bloc, sans choix d'âge, dans une culture et placés dans une 
goulte d’eau découverte, on distingue sans peine les larves enkys- 
tées à leur aspect particulier et à leur manière de se comporter. Au 
lieu de circuler et de s’agiter vivement dans tous les sens et dans un 
fourmillement confus comme le font les autres individus, celles-ci, 
au contraire, tendent constamment vers le bord de la goutte d’eau 
et, quand elles l’ont atteint, ne s’en écartent plus. Là, on les voit 
tantôt immobiles, tantôt, au contraire, s’agiter vivement et faire des 
efforts pour franchir le bord de la goutte, en sortir et s'éloigner. 
Lorsqu'’elles sont peu nombreuses et isolées, l'attraction moléculaire 
de l’eau offre un obstacle insurmontable à leurs efforts et elles ne 
réussissent pas à forcer la paroi de leur prison liquide. Mais lors- 
qu’elles sont en nombre suffisant et massées en groupes compacts, 
leur effort commun portant sur un même point, elles parviennent à 
sortir des limites de la goutte d’eau et se mettent en marche, en 
serpentant sur le porte-objet, tassées et accolées les unes contre les 
autres. Cette tendance à s’écarter et à s'éloigner est le résultat de 
l'instinct migrateur qui leur est particulier, et sur lequel nous au- 


rons à revenir. 


1 Die Rhabditiden, etc., 1886, p. 53 et 59. 


LA MUE ET L'ENKYSTEMENT CHEZ LES NÉMATODES. 603 

Quant à leur aspect, il est, proportionnellement à leur taille, beau- 
coup plus grêle et plus effilé que celui des autres individus. Elles 
ressemblent ainsi à de véritables Filaires. En outre, toute la région 
intestinale de leur corps est d’une opacilé si compacte, qu’elles 
apparaissent, à la lumière transmise, absolument noirâtres, et, lors- 
qu’on en à un peu l'habitude, c'est surtout par cette opacité qu’on 
les démêle au milieu des autres. Nous verrons plus loin à quoi est 
due cette opacité. 

On peut encore les reconnaitre à un autre indice moins apparent, 
mais tout aussi caractéristique. En effet, lorsque, dans leur repta- 
tion, elles ondulent en serpentant, on aperçoit dans le creux des 
courbures une membrane mince, détachée du corps, qui se plisse et 
borde la courbure en festons élégants. Ces festons représentent le 
profil des plissements que subit la membrane élastique du kyste 
sous l'influence des courbures du corps. 

Les auteurs (Perez, Schneider, Oerley) ont décrit et figuré les larves 
enkystées, comme rétractées de toutes parts, aussi bien en épaisseur 
qu'en longueur, à l’intérieur de leurs kystes. Ces larves auraient 
ainsi une certaine latitude de déplacement latéral et longitudinal en 
dedans de leur prison kystique. Cette description est exacte, mais, 
comme nous le verrons plus loin, elle ne représente qu'un état mo- 
mentané et transitoire de l’enkystement et ne répond nullement à 
son état définitif. 

À l’aide des caractères que nous venons d'énumérer, il sera tou- 
jours facile de distinguer les larves enkystées d’une culture, même 
lorsqu'elles y sont en petit nombre. Il n’est guère, d’ailleurs, de cul- 
ture de Rhabditis, si bien organisée soit-elle, dans laquelle on ne ren- 
contre quelques-unes de ces larves plus ou moins isolées et rares. 
La pénurie et l'épuisement des aliments étant la cause déterminante 
de l’enkystement, il faut admettre que, même dans les cultures abon- 
damment pourvues, il se trouve presque toujours des individus 
placés défavorablement et qui ont été entraînés à l’enkystement. 


Mais dans une culture nombreuse en individus, si l’on désire un 


604 E. MAUPAS. 


enkystement en masse, il suffit de supprimer les aliments et d’af- 
famer les animaux pour voir s’enkyster tous ceux d’entre eux qui se 
trouvent à un certain stade de développement que nous préciserons 
plus loin. 

Avec la plupart des Æ#habditis, on peut même obtenir des cultures 
de larves enkystées absolument pures, en utilisant une singulière 
particularité de la biologie de ces Nématodes. Tous ces Æhabditis 
sont ovipares. Ils possèdent des utérus assez grands, dans lesquels les 
œufs séjournent quelque temps avant d’être pondus et s'emmaga- 
sinent souvent au nombre de quarante à soixante. Ces œufs, arrivant 
successivement dans l'utérus, y continuent leur évolution embryo- 
génique, et par conséquent sont pondus à un degré de dévelop- 
pement déjà avancé. Telle est la marche des choses dans les condi- 
tions normales, avec des animaux bien nourris. Mais si l’on prend ces 
femelles aux utérus bourrés d'œufs, qu’on les isole dans une goutte 
d'eau pure en les privant ainsi de nourriture, on assistera à un spec- 
tacle tout autre. Les femelles continuent tout d’abord à pondre leurs 
œufs comme avant. Mais, bientôt affaiblies par le jeûne, elles n'ont 
plus la force de les expulser au dehors. Ces œufs poursuivent donc 
et achèvent leur évolution dans l’utérus, où ils finissent par éclore. 
Les jeunes larves, issues de ces éclosions intra-utérines, circulent et 
s’agitent dans leur prison maternelle. Elles finissent par perforer les 
parois peu résistantes de l'utérus et se répandent dans la cavité géné- 
rale du corps. Là, par leur agitation et aussi très probablement par 
la succion de leur appareil buccal, elles attaquent et désorganisent 
les tissus délicats des viscères de leur mère. Elles se nourrissent avi- 
dement de ces tissus désorganisés. Tout y passe, l’intestin, l’ovaire, 
l'utérus, les tissus conJonctifs et l'appareil musculaire. Seule la cuti- 
cule résiste à leur voracité. Complètement vidée de son contenu 
vivant, elle persiste sous la forme d’un long boyau transparent, à 
l’intérieur duquel les larves parricides et cannibales demeurent em- 
prisonnées. Elles s’agitent vivement dans leur prison,’s’efforçant d'y 


trouver une issue ou d’en perforer la paroi. Mais la cuticule résiste 


LA MUE ET L'ENKYSTEMENT CHEZ LES NÉMATODES. 605 
assez longtemps à leurs efforts el ne cède que lorsque, sous l’action 
de la macération, elle commence à se désorganiser. C’est alors seu- 
lement que les larves peuvent s'échapper el se répandre dans le mi- 
lieu ambiant, | 

Ces larves, après une période d’abondance aux dépens des viscères 
maternels, sont donc tombées dans une disette absolue. À maintes 
reprises, nous avons constaté que, presque toujours, cette disette 
surprenait les larves dans le stade de leur développement où elles 
sont aptes à l’enkystement, et que, par conséquent, les éclosions 
intra-utérines obtenues en affamant les mères, aboutissaient néces- 
sairement à la production de larves enkystées. Autrement dit, les 
larves écloses dans l'utérus ne trouvent pas dans les viscères de leur 
mère une quantité d'aliments suffisants pour leur permettre de dé- 
passer le stade d’enkystement. Cette constatation permet donc de se 
procurer des larves enkystées à coup sûr et en aussi grand nombre 
qu’on le désirera. 

D'ailleurs, cette tendance à la production d’éclosions intra-uté- 
rines et par suite de larves enkystées, est très développée chez tous 
les Ahabdihis à pontes rapides et nombreuses. En effet, même dans 
les cultures les plus soignées et les mieux pourvues, il est souvent 
assez difficile de conduire ces Nématodes jusqu'à la vieillesse et de 
les voir s’éteindre de mort naturelle par épuisement sénile. Presque 
toujours, après avoir pondu des œufs pendant plusieurs jours, ces 
pontes normales sont arrêtées par des éclosions intra-utérines et les 
mères finissent leur existence dévorées par leurs filles. 

Il est assez probable qu’à l’état libre dans la nature, c’est surtout 
par ce procédé que se développent les larves enkystées qui perpé- 
tuent et disséminent ces espèces. Quand la nourriture vient à man- 
quer à une colonie, toutes les larves très jeunes et tous les individus 
développés au delà du stade susceptible d’enkystement périssent. 
Les jeunes éclos dans l’utérus des mères affaiblies s'enkystent et peu- 
vent ainsi attendre, pendant de longs mois, le retour des circonstances 


favorables à leur développement, 


606 E. MAUPAS. 

Nous ne voulons pas dire pour cela qu’il ne se formera pas de 
larves enkystées parmi les jeunes éclos librement au dehors. Bien 
loin de là, puisque, dans nos expériences personnelles, nous en avons 
. souvent obtenu ainsi. Nous prétendons simplement que les jeunes 
éclos au dehors doivent plus rarement se rencontrer dans les condi- 
tions propres à déterminer et à assurer leur enkystement. Il y faut, en 
effet, un concours de circonstances (âge déterminé, manque absolu 
de nourriture) qui ne se réalisera qu’assez rarement, tandis que, 
pour les éclos intra-utérins, ces circonstances arrivent pour ainsi 
dire nécessairement. 

En résumé, la cause déterminante de ’enkystement, la seule réelle, 
est la disette d'aliments. Schneider! affirme qu'une lente dessiccation 
peut également produire un effet semblable sur les Nématodes. Nous 
ne sommes pas de cet avis. L’enkystement, comme nous le verrons 
plus loin, exige un temps assez long pours’effectuer. La dessiccation, 
si lente qu’elle soit, venant à saisir les larves au moment où elles 
y sont aptes, ne pourra que leur donner la mort. D'ailleurs, les 
larves enkystées elles-mêmes sont loin de toujours bien supporter la 
dessiccation, et quand elles y résistent, elles le font sous l'influence 
de conditions que nous ignorons totalement. C’est un point sur lequel 
nous reviendrons plus tard. 

Comme nous l'avons dit à plusieurs reprises, les Nématodes ne 
sont aptes à l’enkystement que pendant une période fixe et limitée 
de leur existence. Nous allons faire connaître les expériences et les 
observations qui nous ont conduit à cette conclusion. 

Le 14 janvier une culture de Æhabditis Caussaneli fut organisée 
avec de jeunes larves mises à éclore dans une goutte d’eau pure, afin 
qu'elles soient toutes à un même degré de développement. La nour- 
riture, déposée dans cette goutte d’eau, fut proportionnée de façon à 
ce que la préparation reste bien claire et qu’on y puisse suivre sans 


difficulté tout ce qui s’y passerait. Le 16, au matin, toutes les larves 


1 Monographie, etc., p. 294. 


LA MUE ET L’ENKYSTEMENT CHEZ LES NÉMATODES. 607 


effectuèrent leur première mue. Le 17, dans la matinée, on ne re- 
marqua rien de nouveau, si ce n’est que la nourriture commençait 
à se faire rare. Le soir, elle était complètement épuisée. Les animaux 
s'agitaient vivement, circulant dans tous les sens à la recherche 
d'aliments. Ils mesuraient de 800 à 850 p., avec un diamètre de 32 
à 34 pe, et paraissaient plus minces et plus effilés que les larves de 
même âge bien nourries et en voie d’accroissement. Le tractus intes- 
tinal avait un aspect noirâtre opaque, et l’on n’y distinguait plus de 
cavité interne, comme si les parois s'étaient rapprochées et affaissées 
sur elles-mêmes. Tout l'intestin était évidemment dans un état de 
vacuité complète. Aucune autre modification notable ne se laissait 
apercevoir dans tout l’organisme. 

Le 18 et le 19, aucun changement appréciable ne fut constaté. Les 
larves conservèrent le même aspect que la veille; mais elles devin- 
rent très paresseuses, ne se remuant plus qu’en ondulations lentes 
et changeantes, sans se déplacer et circuler. Sans doute, pendant 
ces deux journées, aucun instinct ne les poussait plus à se démener 
à la recherche d'aliments. Cet instinct devait être aboli à la suite des 
modifications intimes, préparaloires de l’enkystement. Jusqu'ici 
aucun indice ne dénota l'existence d’une enveloppe particulière dé- 
tachée du reste du corps. 

Le 20, de bon matin, on commença à rencontrer quelques larves 
fortement rétractées dans un étui kystique. Cette rétraction se pro- 
duit graduellement et se manifeste tout d'abord par de petits vides, 
qui se montrent aux extrémités buccales et caudales entre le corps 
et la paroi interne du kyste. Ces vides s’accroissent assez rapidement 
et, la rétraction se faisant sentir aussi bien dans le sens latéral que 
dans le sens longitudinal, le corps de la larve se trouve complète- 
ment libre et détaché du kyste dans toute son étendue {fig. 17 et 18). 
On peut dès lors voir l’animal s’agiter dans cette prison, s’avançant 
tantôt vers l'extrémité antérieure, tantôt reculant en arrière et exé- 
cutant ces mouvements de va-et-vient au moyen d’ondulations assez 


accusées. Ainsi que nous l'avons dit plus haut, cet état a été observé 


608 E. MAUPAS. 


et figuré par nos prédécesseurs, qui le considéraient comme repré- 
sentant l’état final et définitif de l’enkystement. Mais il n’en est 
qu’une phase momentanée et transitoire. 

Nous nous en sommes assuré, en isolant quelques-unes de ces 
larves rétractées et nous pûmes constater que cette contraction, qui 
a pour but de bien détacher le corps de l’animal de la paroi du 
kyste, dure seulement de deux à trois heures. Ensuite, les larves se 
distendent à nouveau et réoccupent toute la cavité de l’étui kys- 
tique. Mais on reconnaît désormais aisément qu'elles ont traversé 
cet élat de contraction et que l’enveloppe kystique ne constitue plus 
qu'un étui libre, non adhérent au corps. En effet, à chaque ondula- 
tion de ce dernier, cette enveloppe se plisse et se détache du corps 
en festons bordant les concavités des ondulations (fig. 27). 

Pendant la journée du 20, toutes les larves de la culture passèrent 
successivement par cet état de rétraclion, pour se redistendre en- 
suite à pleine cavité kystique. Le 21, nous n’en trouvâmes plus une 
seule rétractée. L’enkystement était complètement achevé sur cette 
culture. 

Pendant toute sa durée, cette culture, qui contenait de deux cents 
à trois cents larves, fut surveillée avec le plus grand soin. Ainsi que 
nous l’avons dit plus haut, la première mue fut constatée. Entre elle 
et l’enkystement, on ne vit plus de nouvelle exuviation. Nous en 
conclûmes que l’enkystement correspondait à la seconde mue et la 
remplaçait. D'ailleurs, la taille des larves enkystées nous conduisait 
déjà à la même conclusion. Non content de ces preuves, nous mimes 
en expérience des larves enkystées, que nous plaçèämes au mi- 
lieu d’une abondante nourriture, afin de les faire sortir de leurs 
kystes. Quand elles furent désenkysiées, nous les vimes se nourrir 
avidement, s’accroître, puis, au bout d’un certain temps, effectuer 
une mue. 

En examinant, au microscope, ces larves, au sortir de cette mue, 
nous constatâämes que le rudiment génital se présentait avec l'aspect 

1 


qui lui est particulier à l'entrée du quatrième stade larvaire ; c'est- 


Pr 


LA MUE ET L'ENKYSTEMENT CHEZ LES NÉMATODES. 609 
à-dire avec la forme d’une tache blanchâtre oblongue, coupée en 
deux par une fente claire, représentant le rudiment vulvo-vaginal. 
La mue qui avait conduit à cet état correspondait donc indubitable- 
ment à la troisième mue de notre cadre d’exuviation. Afin de nous 
en assurer d’une façon plus complète, nous continuâmes l'élevage 
de ces larves désenkystées et nous les vimes effectuer leur quatrième 
et dernière mue, dont elles sortirent avec leurs organes génitaux 
complètement achevés. 

Après ces constatations, aucun doute n’était plus possible : l’enkys- 
tement se place entre la première et la troisième mueet se substitue 
à la deuxième. Le kyste est donc incontestablement l’homologue de 
la deuxième dépouille exuviale. Nous retrouverons d’ailleurs en- 
core des preuves de cette homologie, en étudiant la structure du 
kyste. 

1] résulte de tous ces faits que l’enkystement n’est pas un phéno- 
mène particulier, sui generis; mais qu'il doit être considéré comme 
une simple modification et adaptation de ia mue. 

Cette adaptation est spéciale et propre à la deuxième mue. Maintes 
fois, nous ayons observé des larves des premier, troisième et qua- 
trième stades, placées dans les meilleures conditions pour déter- 
miner l’enkystement, sans jamais leur voir revêtir la livrée kystique. 
Comme la principale et même l'unique condition consiste dans un 
grand appauvrissement de la nourriture, les larves de ces stades qui 
y sont soumises s’amaigrissent fortement, deviennent transparentes 
et finissent par périr d’inanition. Les larves du deuxième stade, au 
contraire, placées dans les mêmes conditions de disette, évoluent 
immédiatement dans ie sens de l’enkystement et échappent ainsi à 
la mort. Seules, elles jouissent de la faculté de s’enkyster. | 

Chez le Rhabditis Caussaneli, la taille des larves enkystées peut 
osciller entre 600 et 1000 p.. Cette grande variation de longueur des 
kystes correspond à l'amplitude extrême des différences de longueur 
par lesquelles ces larves passent pendant le deuxième stade de leur 
développement. L’enkystement peut donc les saisir à un point quel- 


:RCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. — 3€ SÉRIE. -— T. vil. 18(9. 39 


610 E. MAUPAS. 


conque de ce deuxième stade, soit tout au début, soit au milieu, 
soit tout à la fin. 

Chez les toutes petites larves enkystées, ce deuxième stade est 
presque totalement supprimé au point de vue de l’accroissement dé- 
finitif de l'animal. Nous nous en sommes assuré par l’expérience 
suivante. Nous avons fait désenkyster, en leur donnant une abon- 
dante nourriture, quatre larves, dont deux grandes, mesurant 
940 et 970 1, et deux petites mesurant 580 et 600 y. Les deux grandes 
larves, devenues adultes et pondant depuis vingt-quatre heures, 
atteignirent à une taille de 2800 uw. Les deux petites, avec le même 
âge, ne mesuraient que 2 460 et 2545 n. L'enkystement ayant, chez 
ces petites larves, arrêté et supprimé l'accroissement du second 
stade, cette suppression s’est répercutée et maintenue dans le déve- 
loppement ultérieur de ces individus et s’est traduit par un déficit 
équivalent dans leur taille finale. Rappelons que nous avons fait une 
expérience avec résultat identique (p. 583) sur des larves du qua- 
trième stade privées de nourriture pendant tout ce stade. Nous avons 
là un nouveau rapprochement entre l’enkystement et la mue à 
Joindre à ceux mentionnés plus haut. 

Lorsqu'on veut faire désenkyster des larves, il suffit de les sortir 
de la goutte d’eau pure, dans laquelle on les conserve vivantes et de 
les transférer dans une autre goutte d’eau mélangée avec de la chair 
pourrie. Le désenkystement s'effectue plus ou moins rapidement. 
Par une température de 17 degrés centigrades, nous en avons vu 
sortir de leur étui après quinze à vingt heures seulement; d’autres, 
placées sur la même préparation, ne se désenkyster qu'après cin- 
quante et même soixante heures. La taille ne joue aucun rôle dans 
ces retards plus ou moins longs ; Car tantôt ce sont les petites larves 
qui se désenkystent les premières, tantôt les plus grandes. Nous 
n'avons pas réussi à nous rendre compie du procédé par lequel les 
larves perforent le kyste et s'ouvrent une issue pour en sortir. Ba 
seule chose que nous sachions, c’est que celte issue se produit tou- 


jours à l'extrémité antérieure et qu'après la sortie de la larve, l’étui 


LA MUE ET L'ENKYSTEMENT CHEZ LES NÉMATODES. 611 
kystique reste largement béant (fig. 25) à cette extrémité. Presque 
toujours, on remarque à cet orifice une courte invagination de la 
membrane kystique (fig. 6). 

Pour bien étudier la structure du kyste, il faut l’examiner sur une 
larve pendant la période de rétraction du corps. Avec un fort gros- 
sissement, on reconnaît alors qu'il est composé de deux couches 
(fig. 5), l’une, extérieure, épaisse de deux p, compacte, homogène; 
la seconde interne, très mince et très nettement striée transversale- 
ment. Au stade indiqué, on distingue très aisément cette double 
structure, aussi bien dans la région antérieure que dans la région 
caudale de l’étui kystique, régions qui, à ce moment, sont vides par 
suite de la rétraction du corps. 

Cette observation démontre clairement que, dans la formation 
du kyste, la couche extérieure seule de la cuticule s'est épaissie. 
Elle démontre également que la striation transversale de la cuticule 
appartient uniquement à la couche interne, constatalion que nous 
avions déjà entrevue chez d’autres Nématodes, sans cependant être 
arrivé à une certitude parfaite. 

Sur ces larves rétractées, on constate encore, à la surface du 
kyste, l’existence de membranes latérales ayant l’aspect (fig. 23 
et 10) d’une bandelette très peu saillante. La bouche et l’anus sont 
marqués par des mamelons chitineux plus ou moins informes, re- 
présentant les restes déformés du revêtement chitineux de la cavité 
buccale et du rectum (fig. 10 et 24). Ces structures sont encore une 
preuve de l’homologie entre le kyste et la seconde dépouille exuviale. 

Les kystes isolés se distinguent aisément des dépouilles cuticu- 
laires de la mue. Celles-ci sont très minces, flasques et, après la 
sortie de la larve, restent toutes fripées et ratatinées. Il faut avoir 
assisté directement à une mue, pour savoir reconnaitre ensuite la 
véritable origine de ces dépouilles informes. Le kyste, au contraire, 
est rigide et élastique. L’épaisseur de sa paroi le rend très apparent 
et, dans toute son étendue, il conserve la forme cylindrique du corps 


(fig. 25 et 13). Tronqué à bords nets en avant, il y est largement 


619 E. MAUPAS. 


béant et, comme nous l’avons déjà signalé, montre presque toujours, 
à cette ouverture, une zone invaginée comme un doigt de gant. Il a 
une coloration légèrement brunätre. Chez l'Angiostoma limacis, on 
le trouve souvent ondulé, ou même enroulé en spirale {fig. 13 et 29). 
Chose à noter, chez cette espèce, il est toujours largement ouvert à 
son extrémité antérieure, même lorsqu'il est encore occupé par les 
larves (fig. 29). On voit celles-ci, dans des mouvements de va-et- 
vient, sortir en partie du kyste, puis s’y renfoncer entièrement, en 
reculant vers l'extrémité caudale, comme des Mollusques dans leur 
coquille. 

Le kyste se distingue encore des dépouilles de mue par sa résis- 
tance à la macération. Pour s’en assurer, on isola, dans une goutte 
d’eau pure, dix kystes et dix dépouilles cuticulaires de la quatrième 
mue. Ces dernières, après trente-six heures de séjour dans l'eau, se 
désorganisèrent et se décomposèrent sans laisser la moindre trace. 
Les kystes, au contraire, observés et conservés pendant deux mois 
entiers, étaient à la fin aussi intacts qu'au début. 

Le kyste ne se montre pas chez toutes les espèces d'une façon 
aussi apparente que nous l’avons décrit jusqu'ici. Nous avons, en 
effet, observé les larves enkystées du Rhabditis elegans, sp. n., chez 
lesquelles, même avec les plus forts grossissements, il était impos- 
sible de reconnaître l'existence d’une enveloppe kystique. Que ces 
larves étaient bien enkystées, cela se voyait de suite à leur aspect 
svelte et effilé, ainsi qu'à l’opacité de leur corps, causée par la va- 
cuité de l'intestin. Ces larves, bien que très agiles, demeuraient, 
quand on ne les inquiétait pas, immobiles et rigides comme des 
bâtonnets, avec l’extrémité postérieure plus ou moins recourbée. 

Sur une préparation, on réunit un certain nombre de ces larves 
avec d’autres individus de tout âge de la même espèce. Ces animaux 
furent tués par une chaleur convenable, traités par l'acide acétique 
à 2 pour 100, puis plongés dans du picro-carmin. Dès le lendemain, 
les individus ordinaires étaient vivement colorés ; les larves enkys- 


iées, au contraire, absolument incolores. Ils furent laissés ainsi pen- 


LA MUE ET L’ENKYSTEMENT CHEZ LES NÉMATODES. 613 


dant cinq jours dans le picro-carmin. Les premiers devinrent abso- 
lument opaques par excès de coloration. Les larves enkystées, 
légèrement teintées en jaune, ne laissaient pas même voir un noyau 
coloré en rose. Ce fait démontre évidemment l’existence d’une mem- 
brane kystique impénétrable au carmin. Mais cette membrane est 
si fine et si intimement apphquée à la surface du corps (fig.18 et 19) 
qu'on ne peut la distinguer dans les conditions ordinaires. Elle ne 
forme jamais ni replis, ni fesions, comme chez les autres espèces. 

Les larves du #Rhabditis Schneider: nous ont paru également s’en- 
fermer dans des kystes fort peu apparents extérieurement. Sur les 
croquis que nous en avons faits, nous ne voyons aucune indication 
de plissements et de festons. En outre, dans des notes d’expérience 
de désenkystement, nous aïffirmons ne pas avoir retrouvé d'’étuis 
kystiques vides sur les préparations. Il est probable qu’il y a ià une 
erreur et que les kystes très minces ont échappé à notre attention. 
Malheureusement, à l’époque où nous fîimes ces expériences, nous 
n’avions pas encore l'esprit éveillé sur ces détails. Nous avons ce- 
pendant tenu à consigner ici ces observations incomplètes, parce 
qu'elles pourront être utiles pour interpréter et comprendre des cas 
douteux d’enkystement. 

Les larves, dans les kystes, frappent l'attention surtout par leur 
aspect tassé et compact. Elles sont notablement plus grêles et plus 
filiformes que leurs sœurs de même âge. L'intestin, à l’état de va- 
cuité complète, s’est tassé sur lui-même et ne représente plus qu'un 
cordon cylindrique compact, sans vide et sans lumière centrale. En 
même temps, ses cellules, bourrées de nombreuses granulations 
albumino-graisseuses et de corpuscules biréfringents, le rendent 
tellement opaque, que toute la région intestinale du corps en appa- 
rait profondément noirâtre à la lumière transmise. Ces granulations, 
chez certaines espèces, existent également jusque dans le tissu con- 
jonctif qui enveloppe l’œsophage et remplit la cavité de la queue et, 
alors, ces régions deviennent également assez opaques. 


On a affirmé que les parois chitineuses de la cavité buccale et les 


614 E. MAUPAS. 


dents en forme de clapets du gros bulbe œsophagien s’atro phiaient 
et disparaissaient dans l’enkystement. C’est une erreur. Ces organes 
existent toujours (fig. 19 et 26); mais beaucoup plus tassés qu’en 
temps ordinaire et, masqués par les granulations du tissu conjonctif, 
ils sont simplement un peu plus difficiles à démêler. Les larves en- 
kystées, en résumé, possèdent tous les organes des larves de la fin 
du second stade et du début du troisième. L’enkystement ne déter- 
mine aucune dissolution et destruction d’organe ; maïs tasse si bien 
ceux qui existent, qu'ils en deviennent assez difficiles à reconnaitre. 

Les larves enkystées sont douées d'une grande résistance vitale, 
qui leur permet de supporter de longs jeûnes. Remarquons tout 
d’abord qu'il s’agit ici uniquement de leur résistance vitale à l’état 
actif, et nullement de celle qu’elles peuvent posséder à l’état de 
sommeil léthargique, ou de vie latente, lorsqu'elles sont desséchées. 
Nous nous occuperons plus loin de ce cas particulier. 

A l’état de vie active, les larves enkystées peuvent vivre de longs 
mois sans prendre aucune nourriture; mais cette faculté n’est pas 
la même chez toutes les espèces. Nous l’avons étudiée chez cinq à 
six espèces différentes. C’est avec un ÆRhabditis inédit, très voisin 
du Æ#habditis aspera de Bütschli, que nous avons obtenu les résultats 
les plus nets et les plus complets. 

Le 4° juin, une culture nombreuse de larves venant de s’enkyster 
fut isolée sur lamelle creuse dans une goutte d’eau pure et placée 
en chambre humide. Pendant les mois de juin, juillet et août, toutes 
ces larves se conservèrent vigoureuses et bien vivantes. Au 1° sep- 
tembre, en ayant apercu quelques-unes de mortes, un lot pris au 
hasard fut extrait de la préparation et placé dans une goutte d’eau 
mélangée de chair pourrie ; 92 pour 100 de ces larves se désenkys- 
tèrent, se nourrirent de la chair pourrie et devinrent adultes. Les 
autres, épuisées par leur long jeûne, n’eurent pas la force de se dé- 
barrasser de leurs kystes et périrent. 

Le 1° octobre, un nouveau lot fut extrait et mis à désenkyster de: 


la même facon ; 76 pour 100 réussirent à évoluer. Les autres, ou 


! k 


LA MUE ET L'ENKYSTEMENT CHEZ:LES NÉMATODES. 615 


bien étaient déjà mortes, ou bien manquèrent de l'énergie néces- 
saire pour sortir de leurs kystes, 

Le i°’ novembre, dans un troisième lot traité de la même façon, 
32 pour 100 seulement parvinrent à se désenkyster et à évoluer. 
L'affaiblissement et la mortalité s'étaient très accrus pendant ce 
mois. 

Dans un quatrième lot sorti le 1° décembre, 30 pour 100 réussi- 
rent encore à se désenkyster et à se développer. Toutes ces larves, 
pendant ces deux derniers mois, avaient un aspect très émacié et 
étaient devenues presque transparentes. 

Au 1° janvier restait un dernier lot composé de 85 individus, 
arrivés à un degré extrême d’émaciation. Une bonne nourriture de 
chair pourrie leur fut donnée ; 7 pour 400 seulement se désenkys- 
tèrent, s’accrurent et atteignirent l’âge adulte. Les autres périrent 
dans leurs kystes. Il est évident que les larves de ce dernier lot 
étaient arrivées à l'extrême limite de leur résistance vitale. La grosse 
majorité était tellement épuisée, qu’elles ne réussirent pas à sortir 
de leurs kystes. Celles qui y parvinrent étaient elles-mêmes si affai- 
blies, que les plus vives mirent six jours, les autres, jusqu à dix et 
douze jours, pour se désenkyster ; tandis que les larves des premiers 
lots le faisaient en un Jour ou deux. 

En résumé, la résistance vitale des larves n’est pas la même pour 
toutes et la différence peut aller plus que du simple au double. Toutes 
ces larves étaient nées ensemble et avaient été réunies côte à côte 
dans une même goutte d’eau, et cependant, dès la fin du troisième 
mois, quelques-unes, fort peu nombreuses il est vrai, ont commencé 
à périr d'inanition. Puis, ensuite, la mortalité s’est accrue progres- 
sivement de mois en mois, pour, aux cinquième et sixième, atteindre 
le chiffre de 70 pour 100 et, au septième, celui de 93 pour 400. Il est 
fort probable que ces différences tiennent aux quantités différentes 
de substances de réserve emmagasinées dans leur corps par chacune 
des larves avant l’enkystement. Quoi qu'il en soit, cette expérience 


démontre que certaines de ces larves peuvent vivre sept mois pleins 


F7 LS * 
> 


616 . E. MAUPAS, 


dans l’eau sans aucune nourriture, et cependant conserver une 
vitalité suffisante pour leur permettre de reprendre ensuite le cours 
régulier de leur développement, si les circonstances favorables vien- 
nent à se réaliser. 

Nous avons recueilli des observations analogues, mais moins dé- 
taillées, sur les larves enkystées d’un autre Rhabditrs inédit, voisin 
par sa forme du Æ#habditis strongyloides de Schneider. Au 1° août, 
de nombreuses larves récemment enkystées furent isolées dans une 
goutte d’eau pure. D’un premier lot, sorti le 1° novembre et mis à 
désenkyster, 60 pour 100 des larves réussirent à se développer. Dans 
un second lot mis en expérience le 1°" décembre, 44 pour 100 seule- 
ment se déseukystèrent et atteignirent l’âge adulte. Sur la prépara- 
tion mère, d'ailleurs, on voyait déjà un certain nombre de larves 
mortes, se désorganisant à l’intérieur de leurs kystes. Le 1‘ janvier, 
un troisième lot de larves fut placé dans les conditions favorables au 
désenkystement ; 19 pour 1300 seulement y réussirent, mais ces 
larves désenkystées, après avoir commencé à se développer, s’arrè- 
tèrent dans leur accroissement et périrent avant d’avoir atteint leur 
état adulte. Enfin restait un dernier lot, qui fut mis en expérience 
le 4° février ; 2 pour 100 seulement des larves se désenkystèrent et, 
comme celles du lot précédent, ne parvinrent pas à l’âge adulte. Chez 
cette espèce, la résistance vitale des larves est moindre que chez la 
précédente. Il semble bien qu'après quatre à cinq mois de jeûne, 
toutes les larves sans exception avaient perdu tout pouvoir de re- 
prendre le cours de leur développement. 

Des larves enkystées du Æhabditis C'aussaneh furent également 
placées dans de l’eau pure. Après six mois de ce jeûne, les quatre 
cinquièmes élaient mortes ; mais, sur 18 de celles que l’on voyait 
encore s’agiter et qui furent mises à désenkyster, 12 réussirent à 
évoluer et à achever leur développement. A la fin du septième mois, 
toutes étaient mortes ou si affaiblies qu'aucune ne fut plus capable 
de se désenkyster. 


Nous avons conservé également vivantes dans l'eau pure des 


PULLS 


LA MUE ET L'ENKYSTEMENT CHEZ LES NÉMATODES. 61% 
larves enkystées des Rhabditis pellio et À. Schneideri, les premières 
pendant quatre mois et demi, les secondes pendant deux mois. Mais 
nous ignorions la date d’origine de ces larves. 

Des larves enkystées du Zeptodera appendiculata, mises en obser- 
vation dans l’eau pure le 25 décembre, commencèrent à dépérir dans 
les premiers jours de mars. La mortalité s’accrut ensuite de jour en 
jour et, au 1* mai, sur un total de 400 à 500 larves, une douzaine 
seulement avait encore conservé un peu de vitalité. Chez cette 
espèce, la résistance vitale des larves enkystées parait être totale- 
ment épuisée par un jeûne de quatre mois. 

Un lot de larves enkystées de l’Angiostoma limacrs, placé dans de 
l’eau pure, éprouva une très forte mortalité au bout de trois mois. 
Quinze jours plus tard, toutes étaient mortes. Gette espèce ne peut 
donc résister à plus de trois mois à trois mois et demi de jeûne. 
Cette faible résistance vitale de l’Angiostome s'explique peut-être 
par le fait, signalé plus haut, de l'ouverture permanente de son 
kyste à son extrémité antérieure. 

En résumé, nous avons constaté des résistances vitales variant 
entre trois et sept mois. Pour bien faire voir la différence qui existe, 
à ce point de vue, entre les larves enkystées et les larves ordinaires, 
nous avons pris des lots de ces dernières provenant des Æhabdites 
Caussaneli, R. pellio et du Rhabditis inédit voisin de À. aspera cité 
plus haut, et les avons placées à leur tour dans des gouttes d’eau 
pure, sans aucune nourriture. Elles se trouvaient dans leur premier 
ou leur troisième stade. Toutes ces larves ont commencé par se for- 
tement émacier et sont mortes après vingt-cinq à trente Jours de 
jeûne. Les jeunes, isolées immédiatement après leur éclosion, ne 
résistent pas à plus de dix à douze jours de disette. | 

À plusieurs reprises, nous avons parlé de larves émaciées. Cette 
émaciation leur donne un aspect tout particulier (fig. 27). Le corps, 
d’opaque qu'il était, est devenu très transparent. Cette transparence 
a pour cause la disparition presque complète des granulations albu- 


mino-graisseuses qui, au début, encombraient le tissu conjonctif et 


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618 E. MAUPAS. 


surtout les cellules de l'intestin. Ces granulations ont évidemment 
été consommées, pour satisfaire aux lents échanges nutritifs qui, 
inévitablement, persistent eucore dans la vie enkystée. Celles de ces 
granulations, qui survivent dans la paroi intestinale, y sont disposées 
en traînées étroites, dessinant des rectangles et donnant à l’ensemble 
du tractus intestinal un aspect quadrillé, fin et élégant. On pourrait 
tout d’abord être tenté de croire que ces rectangles correspondent 
aux cellules intestinales. Mais ils sont bien trop petits, et leur nombre 
dépasse de beaucoup celui des noyaux représentant le centre de 
chaque unité cellulaire. Il est assez difficile de se rendre compte du 
pourquoi de cette disposition en réseau quadrillé. Dès que ces larves 
sont désenkystées et recommencent à prendre de la nourriture, le 
quadrillé ne tarde guère à disparaître. 

On sait que certains Nématodes, appartenant plus spécialement aux 
genres Plectus, Cephalobus, Tylenchus et Aphelenchus, peuvent subir 
une dessiccation complète et prolongée, qui les fait tomber dans 
une sorte de vie latente, où ils demeurent absolument inertes pen- 
dant des mois et des années, sans cependant perdre la vie. Il suffit, 
en effet, de rehumecter ces animaux desséchés, pour les voir se ra- 
nimer en peu de temps. Cette faculté de reviviscence se retrouve- 
t-elle chez ies Æhabditis ? Les avis des auteurs sont très partagés. 

Schneider ‘affirme la reviviscence des Æhabditis à l'état de larves 
enkystées. Il prétend même que, dans les cas de disette, l’asséche- 
ment est une cause de salut pour ces animaux, en déterminant les 
larves à s’enkyster. Elles échappent ainsi à la mort et, à l'abri de 
leur kyste, peuvent attendre des temps meilleurs. Malheureusement 
Schneider ne cite aucune expérience à l’appui de ses assertions et, 
de plus, nous avons vu plus haut que la dessiccation n’était nulle- 
ment une cause déterminante de l’enkystement. 


Leuckart * également, sans entrer dans aucun détail, prétend que 
D } ] 


1 Monographie der Nematoden, 1866, p. 150 et 302. 
? Die Parasiten des Menschen, 2e édit., 1879, p. 195. 


LA MUE ET L’ENKYSTEMENT CHEZ LES NEMATODES. 619 


es larves enkystées supportent des dessiccations de longue durée, 
sans perdre la vie. 

Perez ‘, s'appuyant sur de nombreuses observations et expériences, 
refuse toute capacité de reviviscence à l’Anguillule terrestre (Ahab- 
ditis leres). 

Bastian ? à également expérimenté avec les Rhabditis et les a tou- 
jours vus succomber après une dessiccation prolongée au delà de 
quinze minutes. 

Oerley *, enfin, a institué des expériences variées pour vérifier la 
capacité de résistance à la sécheresse de ces Nématodes. Il ne s’est 
pas contenté de les assécher dans des gouttes d’eau pure; il les a 
placés dans de la terre stérilisée, en ayant soin de choisir des ani- 
maux appartenant à tous les stades de développement, y compris 
des larves enkystées. Jamais il n'en a vu se ranimer après une des- 
siccation complète. 

Ainsi donc tous les auteurs, qui jusqu'ici ont étudié méthodique- 
ment et expérimentalement la reviviscence chez les Rhabditis, sont 
arrivés à des résultats négatifs et ont conclu à l'absence complète de 
cette faculté chez ces Nématodes. Nous-même, après d'assez nom- 
breuses observations et expériences, avions été conduit à la même 
conclusion. 

Nous avions opéré sur les larves enkystées des Rhabditis teres, 
R. Schneideri, R. pellio et du Ahabditis inédit voisin de ZX. aspera. 
A maintes reprises, nous avions fait dessécher lentement, sur des la- 
melles creuses, des lots nombreux de ces larves. Des milliers d’in- 
dividus furent ainsi soumis à la dessiccation. Tantôt l’asséchement 
s'était fait en eau pure, tantôt au milieu des débris plus ou moins 
épais de leurs aliments. Jamais, après une heure de dessiccation, 


nous ne vimes une seule larve se ranimer. 


1 Annales des sciences naturelles : Zoologie, t. VI, 1866, p. 170. 

2? Onthe Anatomy and Physiology of the Nematoids, parasitic and free. Phil. trans., 
1866, p. 619. 

3 Die Rhabditiden, etc., 1886, p. 56. 


V { “4 Pa 


620 E. MAUPAS. 


Nous en étions là, lorsque des faits nouveaux vinrent complète- 
ment modifier nos idées. Nous avions recu de l’oasis de Bousaada 
un échantillon d’une terre grise, réduite en poussière fine. Elle était 
déjà très sèche lorsqu'elle nous arriva et, quelques semaines plus 
tard, lorsque nous l’utilisâmes, elle était complètement desséchée. 
Nous la rehumectâmes et en fimes un terrarium, en plaçant dessus 
comme appâts de petits morceaux de chair à moitié pourrie. Quatre 
jours plus tard, nous trouvâmes, sur ces morceaux de chair, plu- 
sieurs adultes et de nombreux jeunes du Rhabditis dolichura. Après 
un mois d'entretien, nous laissâmes redessécher cette terre et la con- 
servàämes à l’état sec pendant huit mois. Nous la rehumectâmes alors 
dansles mêmes conditions que la première fois et, deuxjours plustard, 
nous pûmes capturer de nombreux Æhabditis dolichura adultes. En- 
fin, dans un autre terrarium ,contenant une terre des environs d’Al- 
ger el laissé à un état de dessiccation complète pendant vingt mois, 
nous avons vu ce même ÆXhabditis reparaître peu de jours après 
avoir rehumecté ce terrarium. Dans ces trois cas, nous ne nous 
sommes pas assuré de la forme sous laquelle le Æhabditis dolichura 
se maintenait dans la terre sèche; mais tout nous fait croire que ce 
devait être à l’état de larve enkystée. Quelle que soit d’ailleurs cette 
forme, ces observations démontrent incontestablement que cette 
espèce peut supporter impunément de longues dessiccations. | 

Nous avons également vu apparaître le Æhabditis oxyuris et le 
R. monohystera dans des terrarium constitués avec des terres qui 
avaient été conservées desséchées, pour le premier, pendant quinze 
mois, et pour le second, pendant un peu plus de deux ans. Il est fort 
probable que c’est encore à l’état de larves enkystées que ces espèces 
s'étaient conservées vivantes dans ces terres sèches. 

Pendant que nous avions ces trois espèces en cultures abondantes, 
il ne nous est malheureusement pas venu à l’idée d’expérimenter 
sur elles, comme nous l’avions fait avec les quatre espèces qui nous 
avaient donné des résultats négatifs. 


Mais c’est surtout avecle Æhabditis teres que nous avons obtenu les 


VU D TUE Joe AL NE 


LA MUE ET L’ENKYSTEMENT CHEZ LES NÉMATODES. 621 
résultats positifs les plus complets. Nous avions reçu de Boghari un 
échantillon d'humus gras, contenant cette espèce. Nous le disposèmes 
en terrarium, en déposant dessus une abondante nourriture. Quel- 
ques jours plus tard, le Æhabditis teres fourmillail par milliers dans 
cette culture. Puis, lorsque la nourriture fut épuisée, des bandes no- 
mades se mirent en marche, rampant en masses compactes le long 
des parois du vase contenant le terrarium. Ces bandes, formées de 
milliers d'individus, étaient composées uniquement de larves enkys- 
tées très alertes. Comme elles étaient dans un état de purelé el de 
propreté parfaites, nous en profitâämes pour faire des expériences de 
dessiccation. 

Un premier lot,composé de plusieurs centaines de larves, fut placé, 
le 16 mars, dans une goutte d’eau pure, qu’on laissa dessécher immé- 
diatement. Des rehumectations suivies de dessiccations, aussitôt la 
reviviscence constatée, furent effectuées les 17, 18, 22 mars, 2 avril, 
4 mai, 3 juin, 2 Juillet et 8 août. Aux quatre premières rehumecta- 
tions, toutes les larves se ranimèrent après un séjour d’une heure 
dans l’eau. A la cinquième, la moitié seulement revint à la vie ; à la 
sixième, un tiers; à la septième, un quart; à la huitième et dernière, 
une larve seule. La faculté de reviviscence de ces larves est très 
nette ; mais elle s’affaiblit et se perd rapidement après quelques re- 
humectations. 

À la même date, une dizaine d’autres lots de ces larves migratrices 
furent encore placés dans des gouttes d’eau pure, puis asséchés à 
l’air libre sur des lamelles creuses et, finalement, conservés au sec 
pendant six à sept mois. Mais lorsqu'on les rehumecta après ce 
délai, on ne vit pas une seule larve revenir à la vie. 

Un dernier lot de larves desséchées fut formé le 1°* mai, avec des 
raclures recueillies sur les bords du vase du terrarium. Les bandes 
migratrices avaient, en effet, fini par s'y dessécher ei y former des 
croûtes étendues. Ces raclures, conservées dans un tube de verre, 
contenaient des milliers de Nématodes. Le 22 octobre, c’est-à-dire 


cinq mois après leur dessiccation, elles furent rehumectées dans une 


622 E. MAUPAS. 


goutte d’eau pure. Après une heure de séjour, elles se ranimèrent à 
peu près toutes. 

Ces larves furent alors distribuées sur six lamelles creuses, et 
desséchées immédiatement à l'air libre. Sur une de ces préparations, 
rehumectée cinq mois plus tard, on ne vit que quelques larves re- 
prendre vie. L’immense majorité était définitivement morte. Sur les 
cinq autres, conservées au sec pendant deux ans et deux mois, il ne 
se produisit aucune reviviscence, lorsqu on les humeeëta. 

Nous avons donc pu constater une capacité de résistance à la des- 
siccation très développée chez les larves enkystées du Rhabdihs 
teres de cette culture. Mais nous avons dû constater également que, 
dans certaines conditions, cette capacité s’affaiblissait et se perdait 
aisément. En outre, d’autres expériences plus nombreuses, faites 
par nous et par nos prédécesseurs, avaient toutes abouti à des ré- 
sultats négatifs. Comment expliquer ces contradictions ? Faudrait-il 
y voir simplement une connaissance insuffisante des conditions 
expérimentales ? Cela nous semble un peu douteux, étant donné le 
nombre des expériences et des expérimentateurs. 

Ne serait-il pas plus juste d’en chercher l'explication dans la va- 
riabilité de cette faculté, suivant l’origine des individus ? Nous savons 
de science certaine que la reviviscence est une propriété en somme 
peu répandue dans la classe des Nématodes. Les espèces qui la 
possèdent d’une façon pour ainsi dire normale en jouissent dans 
des conditions et à des degrés divers. Ne peut-il en être de même 
avec d’autres espèces, chez lesquelles certaines races locales se- 
raient douées de cette faculté, tandis que d’autres races en seraient 
_ privées ? En résumé, la reviviscence n’est qu’une adaptation spéciale 
à des conditions particulières de l'existence, el, comme toutes les 
adaptations, doit être sujette à variation. 

Les ÆRhabditis, vivant à peu près exclusivement de substances 
organiques en décomposition, sont, dans les milienx humides où on 
les rencontre, constamment à la recherche de ces substances. 


Lorsque, dans leurs courses vagabondes, ils viennent à rencontrer 


LA MUE ET L'ENKYSTEMENT CHEZ LES NÉMATODES. 623 


un amas un peu riche d'aliments, ils s'y arrêtent et s’y mulliplient. 
Cette multiplication est très rapide, de sorte qu’en peu de jours, ils 
fourmillent par milliers sur leur proie. Tant que celle-ci leur fournit 
une abondante alimentation, ils ne s’en écartent pas. Mais lorsqu'elle 
vient à s’épuiser, 1ls se dispersent dans tous les sens, en marche à 
la recherche d’un autre dépôt de nourriture. 

C’est ici que la signification et le rôle biologique des larves enkys- 
tées se dessine nettement. Par suite de la pénurie d’aliments, elles 
apparaissent bientôt en grand nombre. Très vives et très alertes, 
elles ont l'instinct migrateur très développé. Elles se mettent donc 
en marche avec les autres individus, adultes et larves non enkys- 
tables. Mais tous ces derniers, pour peu que la disette dure plusieurs 


, 


jours, ne tardent pas à s’épuiser et finissent par mourir d’inanition. 
Les larves enkystées, au contraire, avec leur puissante résistance 
vitale, peuvent poursuivre, pendant des semaines et des mois, leur 
voyage d'exploration et se disperser ainsi dans toutes les directions. 
Cette dispersion sera, d’ailleurs, encore aidée par les agents phy- 
siques. Dans les époques pluvieuses, elles seront entrainées, sans 
dommage pour elles, par les eaux qui suintent et roulent à la sur- 
face du sol. Dans les époques de sécheresse, celles d’entre elles qui 
supportent la dessiccation poufront être enlevées par les courants 
d’air et transportées au loin. 

Quelques-unes de ces larves enkystées ont trouvé un moyen de 
transport plus original. Elles pénètrent à l’intérieur du corps d’au- 
tres animaux, dont elles deviennent les locataires inoffensifs, sans 
rien leur emprunter. Elles peuvent séjourner ainsi longtemps dans 
leur hôte, sans éprouver ancun changement, l’utilisant seulement 
comme véhicule de leur dissémination. Mais lorsque cet hôte vient à 
mourir, par un accident quelconque, elles se désenkystent, se nour- 
rissent aux dépens de son cadavre en décomposition et se multi- 
plient. C’est ainsi que le Ahabditis pellio est à peu près introuvable à 
l’état libre. Dans nos longues recherches, nous ne l’avons rencontré 


libre qu'une seule fois; tandis qu'il suffit d'ouvrir et de dilacérer 


624 E. MAUPAS. 


quelques Vers de terre pour y trouver ses larves enkystées en plus 
ou moins grand nombre. Elles pullulent également à peu près dans 
toutes les Limaces des environs d'Alger. Schneider a trouvé celles 
_ du Æhabditis papillosa sur le Limax ater, qui héberge aussi les larves 
du Zeptodera appendiculata. C’est également à l’état de larves enkys- 
tées vivant dans l'intestin d’un Ayrion empiricorum var. ater, que 
nous avons découvert en Normandie notre Æhabditis Caussanel. 

Les Coléoptères coprophages (Ateuchus, Scarabeus, (reotrupes, 
Aphodius, Tomicus, etc.) ont été signalés à plusieurs reprises par 
Leuckart, Linstow, Moniez et d’autres auteurs, comme servant d’abri 
et de supports à de jeunes Nématodes non adultes. Les larves se 
logeraient soit dans la cavité générale, soit sous les élytres de leurs 
hôtes. Ces Insectes sont, en effet, une véritable mine inépuisable de 
Rhabditides à l’état de larves enkystées. Souvent, c’est par centaines 
qu'on les y trouve. Nous l’avons vérifié à maintes reprises et y avons 
déjà découvert plusieurs espèces inédites de Rhabditis et de Diplo- 
gaster, que nous n’avons pas encore rencontrées ailleurs. Ces Néma- 
todes se font ainsi convoyer par les Coléoptères, qui, dans leur vol, 
les transportent et les disséminent sur de vastes étendues. 

Le Rhabditis Janeti, à l’état de larve enkystée, a choisi un hôte et 
un lieu d’hospitalisation plus singuliers. Il s’est logé dans les acini 
des glandes pharyngiennes des Fourmis. Bien que nous n’ayons pas 
eu l’occasion de l’étudier par nous-même, c’est ainsi que nous inter- 
prétons l’intéressante découverte de Janet ‘. Pour nous, toutes ces 
larves, arrivées et arrêlées à une même taille et à un même degré 
de développement, ne peuvent être que des larves enkystées. La 
description anatomique plus détaillée que nous en a donnée de Man ? 
me confirme encore dans celte interprétation. Les différences que 
le savant hollandais signale entre ces larves et celles qu'il a vu éclore 
s'expliquent tout naturellement par l’état enkysté des premières : 
enkystement fort bien représenté d’ailleurs dans ses figures 1,2 


! Mémoires de la Société zoologique de France, 1. VII, 1894, p. 45-62. 
2 Ibid., p. 363-374, IN 


LA MUE ET L'ENKYSTEMENT CHEZ LES NÉMATODES. 625 


et 3, surtout la figure 2, où l’absence d’orifice buccal est évidente. 
Il n’y à donc là rien qui nous donne le droit de conclure que, «dans 
le développement du Æhabditis Janeti, des générations d’organisa- 
tion différente se succèdent alternativement ». 

Ce sont évidemment encore des larves enkystées de Æhabdilis que 
Moniez : et Leuckart? ont décrites, s’attachant au corps et aux 
membres de Coléoptères et d’Acariens coprophages, pour se faire 
ainsi transporter d’un lieu en un autre par ces animaux, qui jouis- 
sent d’une mobilité beaucoup plus grande que la leur. 

Le rôle de ces larves se résume donc nettement dans ces deux 
points : conservation de l’espèce dans les moments de famine ; dis- 
sémination dans tousles sens et sur de grandes étendues. Peut-être 
est-ce en grande partie à cette dernière faculté que les Æhabditis 
doivent l’ubiquité de leurs formes spécifiques. Nous avons, en effet, 
retrouvé dans le nord de l'Afrique à peu près toutes les espèces dé- 
crites jusqu’à ce jour en Europe. 

Jusqu'ici, l’enkystement n’a été constaté que chez un petit nombre 
de Nématodes. Schneider, bien qu’il en généralise l’existence chez 
les Æhabdilis, n’en cite nominativement qu'une seule espèce, le 
R. papillosa. Oerley le mentionne chez quatre espèces de Rhabditis : 
R. pellio, R. teres, R. aspera, R. elongata, ainsi que chez le Diplo- 
gaster caudata. Nous-même, nous l’avons observé chez neuf Rhabdi- 
tis, dont deux de ceux d'Oerley; en outre, chez quatre iplogaster 
inédits, chez le Leptodera appendiculata et chez l’Angiostoma limacis. 
Nous pouvons encore ajouter ici quelques observations faites sur 
des espèces parasites et démontrant, chez ces espèces, l’existence 
d'un enkyslement. Tels sont les faits constatés par Baillet chez le 
Sclerostomum equinum, par Perroncito chez l'Ankylostoma duodena- 
his et par Grassi chez le Stérongyloides intestinalis ?. Les observations 

1 Revue biologique du nord de la France. 1889-1890, p. 9-10. 

? Verhandlungen der deutschen zoologische gesellschaft, 1891, p. 54-86. 

3 N'ayant pas à notre disposition les travaux originaux de ces observateurs, nous 


les citons ici d’après le résumé qui en a été donné par Railliet dans son excellent 
Traité de zoologie médicale et agricole, 2e édit., 1895, p. 457, 467 et 559. 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GENe — 8€ SÉRIE. — %. VII, 1899, 40 


626 E. MAUPAS. 


de Perroncito ont été très nettement corroborées par celles de 
Looss, qui a fort bien décrit l’enkystement de l’Ankylostome, mais 
n’a voulu y voir qu'une simple mue. Les larves enkystées de Looss 
ont pu vivre jusqu'à trois mois dans de l’eau pure. Ces enkyste- 
ments nous ont paru avoir une valeur morphologique et biologique 
identique à celle des kystes des Rhabditis. 

Ces faits bien constatés pourraient faire croire à une extension 
générale de l’enkystement chez les Nématodes. Mais une pareille gé- 
néralisation serait prématurée et même erronée. Nos observations 
personnelles nous permettent d'affirmer que l’enkystement n’existe 
pas dans le genre Cephalobus, si voisin cependant des Rhabditis, et 
doué au suprême degré de la faculté de reviviscence. Nous avons 
même étudié un ARhabditis inédit, à ovaire unique comme chez le 
BR. monohystera, et que nous n'avons jamais pu faire enkyster, bien 
que nous l’ayons placé dans les conditions les plus favorables. L’en- 
kystement, comme tous les phénomènes biologiques, n'est qu'une 
adaptation et, par conséquent, sujette à de nombreuses variations 
et exceptions. L'observation répétée sur chaque espèce permettra 
seule d’en déterminer l’extension. 

L’enkystement des Nématodes n’est pas un phénomène isolé dans 
le monde des animaux. On connaît, en effet, depuis longtemps les 
kystes, que certains Protozoaires, et plus particulièrement les Infu- 
soires ciliés, sécrètent pour échapper à la famine. Les larves de Tré- 
matodes, en pénétrant dans les tissus de leurs hôtes transitoires, s’y 
enferment dans des coques chitineuses, où, sans prendre aucune 
nourriture, elles peuvent attendre, même des années, l'hôte défimitif 
à l'intérieur duquel elles achèveront leur développement. Megnin 
a décrit, chez certains Acariens, un enkystement, qui permet à ces 
êtres de demeurer inertes pendant des mois et des années. Citons 
encore lPenkystement del la pseudo-chrysalide des Cantharidiens, 


>. 


dans lequel ces Insectes vésicants, tombés à l’état de vie latente, 


1 Centralblatt für Bakteriologie, etc., t. XX, 1896, p. 869, el t. XXI, 1897, p. 914, 
nole. 


LA MUE ET L'ENKYSTEMENT CHEZ LES NÉMATODES. 627 


s’abritent quelquefois jusqu’à deux et trois ans‘. Ce dernier cas est 
d'autant plus intéressant pour nous, que l’enkystement des Cantha- 
ridiens, comme celui des Nématodes, se produit à la fin du second 
stade de développement. Sans vouloir rechercher une homologie 
dans cette coïncidence, il y a là cependant un rapprochement assez 
curieux entre ces êtres. 

Tous ces kystes se ressemblent par leur origine et par leur signi- 
fication. Tous sont, en effet, des produits de l’activité propre des 
organismes auxquels ils servent d’abri et tous ont également pour 
rôle de permettre à ces organismes de traverser impunément de lon- 
gues périodes de temps dans un sommeil léthargique de vie latente. 
Ils sont donc tous le résultat d’une adaptation commune de ces êtres 


pour échapper et survivre à des conditions d’existence défavorables. 


EXPLICATION DES PLANCHES. 


PLANCHE XVI. 


Fr. 4. Larve de Cephalobus ciliatus devenue rigide et immobile au début de la 

quatrième mue. gg, rudiment génital. Gross. 150. 

2. Larve de Cephalobus ciliatus devenue rigide et immobile au début de la 
première mue. g, rudimentigénital. Gross. 335. 

3. Larve de Cephalobus ciliatus effectuant sa première mue et rétractée à l'in. 
térieur de sa vieille cuticule. Gross. 335. 

4. Extrémité antérieure de la même, afin de montrer la métamorphose des 
appendices péribuccaux. Gross. 1510. 

5. Paroi du kyste de Rhabditis. Caussaneli. a, membrane externe ; b, mem- 
brane interne. Gross. 1460. 

6. Extrémité antérieure invaginée du kyste vide de Rhabditis pellio. Gr. 335. 

1, a, b. Queues d’un mâle et d’une femelle de Cephalobus ciliatus, observées 
sur le vivant pendant le quatrième stade. Gross. 335. 

8. Rudiment génital d’une larve de Rhabdilis Caussaneli au début du troisième. 
stade, observé sur le vivant. g, rudiment génital; #, intestin. Gross. 335. 

9. Rudiment génital d’une larve de Rhabdilis Caussaneli au début du qua- 
trième stade, observé sur le vivant. g, fente vulvo-vaginale ; à, intestin. 


Gross. 335. 
19. Extrémité antérieure du kyste de Rhabditis Caussaneli. m, membrane laté- 
rale. Gross. 1280. ki “0% 


1 Kunckez D'HercuLais, Comptes rendus de l’Académie des sciences, t. CXVIII, 
1894, p. 360. 


va Ps baies he 


628 


HIGaie 


12. 


13. 
14. 


15. 


16. 


FrIGM22: 


E. MAUPAS. 


PLANCHE XVII. 


A, B. Queues mâle et femelle d’Angiostoma limacis au début du quatrième 
stade. Gross. 335. 

À, B. Organes génitaux mâle et femelle d’Angiostoma limacis au début du 
quatrième stade. Gross. 335. 

Kyste vide d’Angiostoma limacis. Gross. 150. 

Organe génital d’une larve de Rhabditis Caussaneli pendant le quatrième 
stade. Gross..335. 

Organe génital d'une femelle de Cephalobus ciliatus immédiatement au 
sortir de la quatrième mue. Gross. 535. 


Rudiment génital d’une larve de Cephalobus ciliatus au premier stade. 
Gross. 1510. 


. Rudiment génital d’une larve de Rhabditis Caussancli venant d’éclore. 


Gross. 1510. 


. Larve enkystée, sans kyste apparent, du Rhabdilis elegans. Gross. 150. 


Extrémité antérieure de la même. Gross. 1510. 


. Rudiment génital d’une larve de Rhabditis Caussaneli pendant le deuxième 


stade. Gross. 1460. 


. Organe génital d’une larve de Rhabditis Caussaneli pendant le troisième 


stade. Gross. 705. 


. Organe génital d’une larve de Cephalobus ciliatus tout au début du qua- 


trième stade. 0, ovaire rudimentaire ; w, ébauche de l’utérus ; v, ébau- 
che de la vulve et du vagin. Gross. 705. 


PLANCHE XVIII. 


Larve enkystée de Rhabditis Caussaneli pendant la phase de rétraction. 
Gross. 210. 


. Exirémité caudale du kyste de Rhabditis Caussaneli. a, anus et débris du 


rectum. Gross. 705. 


. Kyste vide du Rhabditis Caussaneli. Gross. 150. 
. Larve enkystée du Rhabditis Marionis pendant la phase de rétraction, mon- 


trant la persistance de la cavité buccale et des dents du bulbe œsopha- : 
gien. Gross. 335. 


. Larve de Rhabditis Caussaneli complètement enkystée, Gross, 210. 
. Larve enkystée de Rhabditis Caussaneli fortement émaciée. Gross. 210. 
29. Larve enkystée d'Angiostoma limacis avec son extrémité buccale saillante 


hors du kyste. Gross. 150. 


TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 


3e SÉRIE. TOME VII 


Ancylus fluviatilis (voir H. de Lacaze- 
Duthiers, p. 33). 

Annélides (voir À. Malaquin), N. etR., 
DAT. 

Asymétrie des Mollusques Gastéropodes 
(La cause principale de l’] [voir L. Bou- 
tan, p. 203]. 

Blatte (Prétendus organes phagocytaires 
de la) [voir L. Cuénot, N.etR., p. 1. 

Bondouy (Th.). Du rôle des tubes pylo- 
riques dans la digestion chez les Té- 
léostéens, p. 419. 

Boutan (L.). La cause principale de l’a- 
symétrie des Mollusques Gastéropo- 
des, p. 203. 

Caryophyllies de Port-Vendres (voir H. 
de Lacaze-Duthiers, p. 529). 

Compte rendu bibliographique, N.etR., 
DIET XXx: 

Convoluta roscoffensis Graff (Étude sur 
le développement de la) voir J. Georr-- 
gévitch, p. 343] 

Cristalloïdes intranucléaires (voir L. Lé- 
ger et O. Dubosca), N. et R., p. xxxv. 

Cuénot (L.). Les prétendus organes pha- 
gocytaires décrits par Koulvetch chez 
MBlatte, Net.) pur 

— La fonction excrétrice du foie des 
Gastéropodes pulmonés, N. et R., 
DAxXXV. 

Delage (Y.). Études sur la mérogonie, 
p. 383. 

— Sur l'interprétation de la fécondation 
mérogonique et sur une théorie nou- 
velle de la fécondation normale,p. 511, 


Digestion des Poissons (Recherches sur 


la) [voir E. Yung, p. 121]. f 


2" 


Duboscq (0.) [voir L. Léger], N. et R., 


D xxV. ea. 
És 
f 


Fécondation mérogonique (Interpréta- 
tion de la) [voir Y. Delage, p. 511]. 
Florentin (R.). La couleur dans la na- 
ture (d'après miss M. Newbigin), N. et 

RD VTT 

Gastéropodes (La cause principale de 
l’asymétrie des)[voir L. Boutan,p.203]. 

Georgévitch (J.). Étude sur le dévelop- 
pement de la Convoluta roscoffensis 
Graïï, p.343. 

Grillons (voir L. Léger et O. Dubosca), 
NA R D xxx v. 

Hecht(Æ.). Notes biologiques et histolo- 
giques sur la larve d’un Diptère (Mi- 
crodon mutabilis L.), p. 363. 

Index des travaux de zoologie parus 
dans les principaux recueils périodi- 
ques en 1899, p. xIv, xxx1I1 et XLI. 

Labbé (4.). L'ovogenèse dans les genres 
Myriothela et Tubularia, p. 1. 

Lacaze-Duthiers (H. de). Des organes de 
lareproduction del’Ancylus fluviatilis, 
p. 33. 

— Les Caryophyllies de Port-Vendres, 
p. 529. 

Léger (L.)et Duboscg (0.). Notes biologi- 
ques sur les Grillons, N.ctR.,p.xxxv. 

Malaquin (A.). Contribution à la mor- 
phologie générale des Annélides. Les 
appendices sétigères céphaliques des 
Tomoptérides, N. et R., p. r1. 

Maupas (C.). La mue et l’enkystement 
chez les Nématodes, p. 563... 

Mérogonie | (voir y. Delage. p. 383). 

Microdon mutabilis L. (Notes biologi- 
que histologiques sur la larve du) 
[voir E. Hecht, p. 363]. 

Muscides (Sur les glandes salivaires des) 
[voir L. Vallé],N. et R., p. v. 


630 


Myriothela (voir À. Labbé, p. 1). 
Nématodes (La mue et l’enkystement 
chez les) [voir C. Maupas], p. 563. 
Néoméniens nouveaux de la Méditer- 
‘ranée (voir G. Pruvot, p. 461). 

Newbigin (Miss M.) [voir R. Florentin], 
NEA D Avr 

Ovogenèse (voir À. Labbé, p.1). 

Ovulase (voir J.-B. Piéri), N. 
DRE 

Piéri (J.-B.). Un nouveau ferment solu- 
ble, l’ovulase, N. et R., p. xx1x. 

Piophilides (Sur les glandes salivaires 
des) [voir L. Vallé], N.et R., p. v. 

Pruvot (G.). Sur deux Néoméniens nou- 
veaux de la Méditerranée, p. 461. 

Pulmonés (Fonction excrétrice du foie 
des Gastéropodes) [voir L. Cuénot], 
INTER ID XXe 

Strophomenia Lacazei (voir G. Pruvot, 
p. 489). 

Stylomenia Salvatori (voir G. Pruvot, 
p.461). 


et R., 


TABLE DES PLANCHES, 


Téléostéens (Rôle des tubes pyloriques 
dans la digestion des) [voir Th. Bon- 
douy, p. 4191. 

Théorie nouvelle de la fécondation nor- 
male (voir Y. Delage, p. 511). 

Théorie vésiculaire de la sécrétion (voir 
P. Vignon), N. et R., p. xvul. 

Tomoptérides (Appendices sétigères cé- 
phaliques des) [voir À. Malaquin, p.21]. 

Tubes pyloriques des Téléostéens (voir 
Th. Bondouy, p. 419). 

Tubularia (voir À. Labbé, p. 1). 

Vallé (L.). Sur les glandes salivaires des 
Muscides et des Piophilides, N. etR., 
De 

Vignon (P.). Critique de la théorie vési- 
culaire de la sécrétion, N. et R,., 
DVI 

Yung (E.). Dénombrement des nids de 
la Fourmi fauve (Formica fulva L.), 
NEED Ce 

— Recherches sur la digestion des Pois- 
sons, p. 121. 


TABLE DES PLANCHES 


3C SÉRIE. TOME VII 


PI. J et Il. — Hydraires (Ovogenèse). 


III. — Ancyle (Accouplement). 

IV. — —. (Organes génitaux). 

Ve. — —  (OEuf et spermatozoïde). 

VI. —  —  (Ovo-spermiducte). 

VIL  —  —  (Verge, flagellum). 

VIII. —  —  (Glandes annexes). 

IX. — Épithélium intestinal du Scyllium catula. 
X. — Développement de la Convoluta. 

XI.  — Larve de Microdon mutabilis. 

Se — Néoméniens (S{ylomenia Salvatori). 

XIV. — -— (Sirophomenia Lacazei). 

XV. — Caryophyliies PT cp 

XVI. — Nématodes (Cephalobus et Rhabditis). 
XVII — — (Angiostoma, Rhabditis et Cephalobus). 
XVIII. — —- 


(Larves enkystées). 


MÉMOIRE 


Fig. 


1. 


22. 
23. 


28. 
29. 


TABLE DES PLANCHES. 631 


FIGURES DANS LE TEXTE. 


DE M. L. BOUTAN SUR L'ASYMÉTRIE DES MOLLU£QUES GASTÉROPODES. 


Figure théorique pour faire comprendre le rôle du foie dans la défor- 
mation des Gastéropodes, p. 244. 

Schéma destiné à représenter : 10 la flexion ano-pédieuse ; 20 la torsion 
larvaire ; 30 la déviation larvaire; 4° l’enroulement, p. 249. 

Le Præ-rhipidoglosse, d’après Plate, vu de profil et vu de dos, p.251. 

Forme extérieure des principaux types de Mollusques au stade lar- 
vaire symétrique, p. 255. 

Jeunes larves d'Acmœa virginea, p. 259. 

Même larve d’Acmœæa virginea au stade de la flexion ano-pédieuse 
maximum, p. 262. 

Même larve d’Acmæa virginea immédiatement après la torsion lar- 
vaire, p. 263. 

Figure théorique pour faire comprendre la torsion larvaire et son 
résultat chez les Chiastoneures, p. 264. 

Larves âgées d’Acmæa virginea au moment de la résorption du voile, 
p. 267. 

Larves très âgées d’Acmœæa virginea au moment de la formation 
de la coquille adulte et de la disparition de la coquille larvaire, 
p. 269. 

Trois larves d’Haliotis tuberculata, p. 271. 

Larves d'Aaliotis au moment de la résorption du voile, p. 272. 

Larve âgée d’Haliolis après la chute du voile et le commencement de 
formation de la coquille de l'adulte, p. 274. | 

Jeune Haliotide de 122,5 de longueur, vue par la face dorsale et par 
la face ventrale, p. 275. 

Principaux stades larvaires de la Fissurelle correspondant à la flexion 
ano-pédieuse et à la torsion larvaire, p. 278. 

Phases de développement du ‘Troque correspondant au stade de la 
torsion larvaire, p. 279. 

Stades larvaires de Paludina vivipara, p. 281. 

Schéma indiquant la différence entre la torsion larvaire et la déviation 
larvaire, p. 283. 

Quelques stades du développement de Planorbis, p. 285. 

Trois stades du développement de la Limace, p. 287. 

Trois stades du développement de l’Helix, p. 289. 

Quatre stades du développement de l’'Oncidiella, p. 291. 


Principaux stades du développement d'Eolis papillosa, p. 296. 


Interprétation du développement de Tergipes Edwards, p. 297. 

Trois stades du développement de Cavolinia dentala, p. 298. 

Schéma indiquant comment se produit l’asymétrie dans les Gastéro- 
podes, p. 303. 

Une larve monstrueuse d’Acmæa et, 
cement du stade véligère, p. 314 

Trois stades larvaires du Dentale, p.813. 

Schéma pour montrer comment s’allongent les ganglions pédieux et 
palléaux dans les Gastéropodes où le pied se développe de bonne 
heure, p. 323, ! \ 


e larve d’Acéphale au commen- 


632 TABLE DES PLANCHES. 


FiG. 30. — Gastéropodes vus de profil, p. 326. 
31. — Stomatia phymotis vue de dos et de profil, p. 328. 


32. — Représentation théorique de l’enroulement chez les Gastéropodes, 
p. 329. 
33. — Schéma pour montrer que l’atrophie des branches de la commissure 


viscérale ne peut pas suffire à transformer un système nerveux 
chiastoneure en orthoneure, p. 333. 


MÉMOIRE DE M. Y. DELAGE SUR LA MÉROGONIE. 


Fig. 1. — OEuf coupé de Lanice conchylega, p. 386. 


2. — Dentalium entale; deux fragments hémigoniques jumeaux, p. 388. 
3. — Lanice conchylega; segmentation d’un fragment hémigonique, p.389. 
4. — Echinus sp.; larve hémigonique au stade blastula, p. 390. 

5. — — la larve précédente plus avancée (4° jour), p. 390. 

6. — — plutéus hémigonique provenant de la blastula précé- 

dente (5e jour), p. 390. 

7. — Dentalium entale; embryon et larve hémigoniques, p. 391. 

8. — Embryon et larve hémigoniques, p. 392. 

9. — Lanice conchylega; les deux parties d’un œuf très inégalement cou- 

DÉS MD: 08: 

10. — Echinus sp.; trois embryons tritogoniques, p. 394. 
11. — _ segmentation des deux morceaux d'un œuf coupé très 


inégalement, p. 395. 


MÉMOIRE DE M. TH. BONDOUY SUR LES TUBES PYLORIQUES DES TÉLÉOSTÉENS. 


Fig. 1. — Région pylorique de Cottus bubalis, p. 449. 
2. — Tube digestif de Motella mustela, p. 451. 
3. — Tubes pyloriques de Trutta fario, p. 156. 


MÉMOIRE DE M. P. VIGNON SUR LA CRITIQUE DE LA THÉORIE VÉSICULAIRE 
DE LA SÉCRÉTION. 


Fig. 41. — A-D, cellules glandulaires mérocrines, d’après les auteurs; E, cellules 
épithéliales de l'intestin moyen dans la larve de Chironomus plu- 
mosus, N.et R., p. xx. 
2. — Schéma du tube digestif de la larve de Chironomus plumosus, N.et R., 
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MÉMOIRE DE MM. L. LÉGER ET O. DUBOSCQ SUR LES GRILLONS. 


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. — Tube digestif de Gryllus domesticus, N. et R., p. xxxvi. 

. -- Cellules de l'intestin moyen de Gryllomorpha dalmatina et de Gryllus 
domesticus, N. et R., p. xxvII. 

. — Céphalin de Gregarina Davini fixé à l’épithélium intestinal de Gryl- 
lomorpha, N. et R., p. xxxix. 


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